Tout était noir. Trop noir. Ce n'était pas l'obscurité familière de ma chambre à Silvera. Non, ici, il n'y avait ni murs, ni plafond, juste un vide oppressant, comme si j'avais été engloutie par les ténèbres elles-mêmes. L’obscurité était si dense qu’elle semblait m’envelopper comme une chape de plomb.
Je baissai les yeux et vis que je portais toujours ma robe de cérémonie, alourdie de boue et d'herbe, dégoulinante d'eau. Chaque goutte, froide et visqueuse, glissait le long de mes jambes, provoquant un frisson à chaque contact. Le tissu, collé à ma peau, rendait chacun de mes mouvements plus ardu.
Ploc ploc. Ploc ploc. Chaque goutte qui tombait résonnait dans le silence, comme un écho persistant qui semblait rythmer mon propre souffle, comme un battement de cœur étranger.
Je frissonnai. Je fis un pas en avant, et quelque chose attira mon regard. Une auréole d’eau s’était formée autour de mon pied et se répandait doucement, troublant la surface. De l’eau ! Je marchais sur de l’eau. Soit je devenais folle, soit je rêvais.
Je fis quelques pas de plus, observant les ondulations qui se propageaient à chacun de mes mouvements. Un sourire étira mes lèvres. Si c’est un rêve, je ne veux plus jamais me réveiller. Et si je suis folle… tant pis pour eux.
Mon sourire ne me quittait pas alors que je continuais de marcher, encore et encore, plongeant mes yeux dans cette eau noire, fascinée par le spectacle. Mais un bruit soudain m’interrompit. Un crépitement. Je tournai la tête et me dirigeai vers la source.
Après plusieurs minutes de marche, je fronçai les sourcils. Le bruit semblait proche, mais je ne voyais rien. Je relevai la tête et me mis à courir, l’eau éclaboussant derrière moi.
Essoufflée, je m’arrêtai, plaçant mes mains sur mes genoux pour reprendre mon souffle. Je pris une grande inspiration et criai, espérant une réponse. Seul l’écho de ma propre voix me revint. Une chaleur intense s’empara de moi, comme si un feu prenait naissance dans mon estomac. Je grognais, frustrée, et donnai un coup de pied dans l’eau. Mes poumons brûlaient, mon cœur s'emballait. Je me laissai tomber à genoux, le tissu de ma robe se noyant dans l’eau, offrant un semblant de répit à mon corps en feu. Je baissai la tête, fixant la surface mouvante en dessous de moi.
Des pas s'approchèrent, brisant le silence, mais je n’osai pas lever les yeux. Une ombre se dessina devant moi, imposante et familière.
— Ma chère… je t’avais prévenue de faire attention, mais tu n’en as fais qu’à ta tête, sa voix douce et menaçante à la fois, résonnaint comme un murmure de vent.
Mon cœur se serra. C’était lui.
— Le feu est incontrôlable. Très dangereux. Mais je comprends que la tentation ait été trop forte pour toi, dit-il en s'agenouillant devant moi.
Je voulus relever la tête, mais il m’en empêcha d’un geste. Mes mains agrippèrent ma robe avec une force désespérée, mes phalanges blanchissant sous la pression.
— Mais ne t’en fais pas, murmura-t-il en saisissant mon menton pour me forcer à le regarder. Je vais t’aider.
Je levai enfin les yeux, cherchant à percer les mystères de ce visage masqué. Ses yeux brillaient dans l'obscurité, deux éclats lumineux dans la nuit profonde. Il m’observait en silence, sa prise se resserrant sur mon menton.
— Tes yeux émeraudes ont pris la couleur du coucher de soleil.
Il glissa sa main jusqu’à une mèche de mes cheveux, la faisant passer entre ses doigts tout en maintenant mon regard. Les coins de ses yeux se plissèrent, un sourire dissimulé derrière le masque.
— Je vais te laisser te calmer, dit-il en relâchant doucement ma mèche. Le feu en toi demande à sortir. Il ordonne à ton corps de céder.
Il laissa retomber son bras sur son genou, son regard toujours fixé sur moi.
— Ne le laisse pas sortir. Tu serais consumée par sa puissance.