« Par tous les dragons » marmonna Thébée.
Au dessus des habitants de la ville de Myl, capitale de Dris, le monde semblait s'effondrer. Une immense fissure déchirait le ciel. Plus vaste que les pires cauchemars de l'humanité, elle était apparue sans crier gare. Sous son influence, Anir, incarnation de la voûte céleste, avait perdu ses belles couleurs bleutées pour endosser un manteau grisâtre.
Les arbres, eux-aussi, n'avaient pas perdu de temps pour se transformer. Ils s'étaient asséchés. Les feuilles jonchaient les sols. Les branches s'étaient recourbées sur elles-mêmes. Le monde n'était plus que l'ombre de ce qu'il avait été.
Et tout ça, en une nuit seulement.
Sur la grande place, à quelques pas de Thébée, l'affolement était à son paroxysme. Les enfants pleuraient dans les jupons de leurs mères : les pères, eux, regardaient le ciel avec appréhension.
Bien évidemment, aucune boutique ou restaurant n'avait ouvert ses portes. Qui prendrait le risque de le faire face à cette catastrophe ?
« Thébée ... appela une voix faiblarde derrière elle, Thébée, rentrons, s'il te plait »
La jeune femme baissa les yeux pour voir son petit frère, fermement accroché à sa tunique. Ses petites mains tremblaient sous l'effroi. Des larmes menaçaient de s'échapper de ses beaux yeux chocolats.
Thébée enlaça lentement ses doigts. Ils étaient glacés.
« Énoé ... » souffla-t-elle faiblement.
Elle baissa les yeux vers le petit garçon. Il était apeuré : c'était évident. Un nœud invisible se resserra dans sa gorge.
« D'accord. Rentrons » décida finalement la jeune fille.
Elle tenta un sourire, mais ne réussit qu'à grimacer. Ses lèvres tremblaient sans qu'elle puisse y faire quoi que ce soit.
D'un geste doux, elle tira son frère contre elle et l'éloigna de la grande place.
Les bâtiments de Myl, autrefois éclatantes de vie et de lumière, semblaient ternes sous le ciel mourant. Même la grande tour des Archivistes, qui dominait la ville avec ses vitraux colorés, ne paraissait plus être qu'un bête ensemble de pierre.
Arrivée devant leur maison, Thébée sentit Énoé tirer sur sa tunique.
« Dis ... Il se passe quoi ? » demanda-t-il à voix basse, les yeux rivés sur le sol.
La jeune fille se mordit la lèvre. Sa main se posa sur la poignée, hésitante. Que devait-elle répondre à ça ?
« Je ne sais pas Énoé. Je ne sais pas »
Sans un mot de plus, elle passa la porte. Son regard n'osa pas se poser sur son frère.
À l'intérieur, l'obscurité les enveloppa aussitôt. Les volets étaient tous fermés, ne laissant passer aucune trace de lumière. Un silence régnait en maitre dans la maison. L'atmosphère était presque plus pesante que sur la grande place.
Thébée referma la porte derrière eux et un clic sec se fit entendre. Combien d'autres personnes s'étaient-elles aussi enfermées chez elles ? Par peur d'affronter la réalité sûrement. Comme elle.
Elle resta un instant immobile, le dos plaqué contre le bois froid. Ses doigts étaient toujours crispés sur la poignée avec nervosité. Dehors, le silence semblait être encore plus présent qu'à l'intérieur. Dedans, même le souffle rapide d'Énoé se faisait de plus en plus absent.
Le jeune garçon glissa hors de l'emprise de sa soeur. Ses pas étaient tremblotants, peu assurés. Comme son état d'esprit sûrement. Il se cala dans un coin du canapé et replia ses jambes sur sa poitrine.
Son estomac se tordit. Les larmes avaient envahi ses yeux depuis bien longtemps. Mais, il ne devait pas pleurer. Pour sa soeur.
Thébée se laissa tomber sur le sol froid. Une perle d'eau salée perla sur sa joue. Qu'était-il en train de se passer ? Le monde était-il en train de mourir peu à peu ?
Elle passa une main sur sa bouche, l'autre toujours accrochée à la poignée. Elle ne devait pas fondre en larme. Pas maintenant. Pas devant Énoé. Pas ...
« Thébée ... , fit l'enfant, Dis-moi, si on meurt ... est-ce qu'on retrouvera maman et papa ? »
Un super prologue :)
Fluide en allant droit au but, vraiment sympa.
Intriguant par la fin, Thébée qui ne doit ou ne veut pas pleurer. On dirait qu'ils sentent quelque chose arriver mais quoi ? Aha
A voir la suite :)
Juste une erreur d'orthographe à signaler :
" demanda-t-il à vox basse" -- manque juste le "i" à voix
Merci vraiment ! Je corrige ça