Au fond d'une crevasse gisait une forme inerte, brisée par les coups et vêtue de haillon. Elle fixait le firmament. Elle n'était qu'homme, et le monde au-dessus de lui, lui semblait si vaste. Seulement, il ne pourra jamais l'explorer. Une larme salée roula le long de sa joue.
Une vie de regrets, une vie d'amertume, ce fut là tout ce qu'il emportait avec lui, ne laissant rien sur ce sol rugueux qu'un instant de son existence.
« Qu'est-ce que le temps ? » Chuchota une voix.
L'homme clôt ses yeux douloureux. Il ne voyait déjà quasiment plus rien. Il attendait patiemment qu'on vienne le délivrer du fils ténu qu'était la vie.
Une légère brise vint rafraichir sa peau moite. La froideur de l'inexistence arrivait-elle enfin pour couvrir son hôte de son voile ?
« Non, Homme. Ton heure n'est pas encore venue. Du moins pas pour l'instant. »
Cette voix... Toujours ce murmure aiguë. Il souffla et de la buée s'échappa d'entre ses lèvres sèches. Il ouvrit les yeux mais ne discerna rien dans la nuit.
« Qui...Qui es-tu ? Articula faiblement l'homme. »
Il sentit comme des mains chaudes lui toucher les joues. Des mains d'où la vie coulait à flot. Cette chaleur apaisait son âme torturée. Pourtant, il continuait d'appeler avec désespoir la mort qui se refusait d'apparaître prenant un malin plaisir à le torturer.
« Je ne suis pas ce que tu crois. Je suis ce qui régit toute chose en ce monde, murmura la voix. »
Il pouvait sentir son souffle contre son oreille.
« La mort, quant à elle, est tout autant mon ennemie que mon alliée. Mais ce soir, elle ne viendra pas. Non, ce soir, c'est moi qui viens à toi. Désires-tu parier homme ? Désires-tu parier avec le temps ? »
L'homme inspira et expira lentement. Son esprit était embrouillé. Il ne voyait rien et la lassitude épousait ses sens.
« Paries avec moi, Homme. »
L'homme acquiesça. Peu lui importait ce qu'il lui en coûterait. Que ce soit un songe ou une réalité, quel que soit le jeu vers lequel cette voix l'incitait à participer, rien ne pourrait être pire que sa vie de mortel.
« Qu'est-ce que le temps ? »
La chaleur quitta ses joues laissant le vide le pénétrer. Il se sentit sombrer dans le néant.
N'avait-il jamais eu le choix de son existence ?
Un cri strident vrilla ses tympans tandis qu'un froid glacial pénétra son corps. Son cœur ralentit la cadence ; ses membres se crispèrent au moment même où le gel vint enlacer son être. Sa peau devint plus blanche prenant une teinte bleutée alors que ses lèvres tremblantes virèrent au pourpre.
Des picotements remontèrent du bout de ses doigts de pieds jusqu'au sommet de son crâne alanguissant son corps quasi mort.
Il sentit ses cordes vocales vibrer et un cri rauque traversa ses lèvres pour se perdre dans la nuit. Il avait mal. Il sentait la douleur non seulement physique mais également psychique. Quelque chose se modifiait. Son être profond, ce qu'il était, était radicalement changé. Le vent tournait. Mais il ignorait dans quelle direction.
Soudainement, l'un de ses yeux s'agrandit. Il sentit sa peau se tendre douloureusement. Mais de cet œil, il ne voyait rien. Sa peau se craquela se tordant formant un cercle parfait. Il ouvrit malgré lui son deuxième œil. Une lumière éblouissante vint l'aveugler. Là, au milieu de ce flot d'éclats, il discerna une silhouette sombre. Elle s'éloignait ne formant bientôt qu'un petit point sombre, une tâche dans le blanc et le jaune qui recouvrait sa vue. Puis sans crier gare, ses yeux se fermèrent à nouveau.
« Je ne peux te rendre ce que tu as déjà perdu, murmura la voix. »
Il entendit son cœur cesser de battre. Dans un dernier élan, en plein vol, il s'arrêta. Et pourtant, il existait toujours.
« Ainsi, reprit solennellement la voix, ton temps s'est figé. Libéré de toute sensation humaine, et de tout vieillissement, tu n'es plus homme. »
La sensation de froid le quitta ne laissant qu'un profond vide. Il ne ressentait ni chaleur ni froid. Il ne ressentait plus rien. Ses lèvres remuèrent et dans un effort douloureux, il articula : « Que suis-je alors ? »
Il entrevit un sourire. Un mystère. Mais n'entendit aucune réponse. Il sentit un souffle sur son corps, l'engloutissant dans les ténèbres.
« Qui sait, chuchota la voix. »
Ton titre m'a intriguée et me voici donc ! J'ai hâte de voir ce que tu nous réserves.
J'ai pris quelques notes en lisant, il y a deux trois coquilles :
"L'homme clôt ses yeux douloureux." => clore ne se conjugue pas au passé simple, de fait son utilisation ici rompt la concordance des temps, le récit alternant passé simple/imparfait il vaut mieux préférer un verbe comme "ferma" pour garder la concordance
"Il attendait patiemment qu'on vienne le délivrer du fils ténu qu'était la vie." => fil
"Toujours ce murmure aiguë." => aigu
Sinon pour parler davantage du contenu, c'est, comment dire, étrange ? L'atmosphère est vraiment particulière. On a l'impression d'un vide, d'un temps suspendu dans le vide. C'est particulier et je trouve que ça colle du coup très bien avec ce qu'il s'y passe.
J'ai aussi trouvé plutôt réussie la description des différents états par lesquels passe ton personnage. Il y a quelques répétitions par-ci par-là mais rien de dramatique. Le mystère demeure à la fin. On ne sait pas trop qui est cet homme, ce qui le pousse au début à vouloir mourir, la raison pour laquelle cette silhouette lui propose un pari et surtout qu'elle direction prendra la suite... Que de questions !
Bon courage pour la suite !
A la revoyure !
Il est toujours appréciable de lire des écrits se penchant sur des principes métaphysique et je salut l'effort.
Bien que curieux de lire la suite je me permet de te mettre en garde. Il est malheureusement facile de tomber dans la branlette intellectuelle, ce n'est pas encore chose faite, mais dés lors que l'on touche à ce genre de sujet c'est un risque récurrent.
Je t'encourage pour la suite. Bonne continuation :)
Un titre très prometteur, un premier chapitre très intrigant...
On comprend peu de chose, mis le peu qu'on comprend nous donne envie de lire la suite. J'ai hâte !
Merci pour ton commentaire :)
Le titre de ton histoire m'a tout de suite accroché.
Voici un prologue plein de mystères. Le fait qu'aucun nom ne soit fourni (on parle de "l'homme") y est pour beaucoup. On est plongé dans l'action mais à la fin du chapitre, on se pose des questions.
L'histoire va-telle raconter les évènements précédant ou suivant l'action? "L'homme" sera-t-il le héros ou un antagoniste? ...
Je le saurait bientôt en lisant la suite.
Merci beaucoup pour ton commentaire !
J'espère que la suite te plaira :)