Célia et Théo font du tri dans le garage de leurs grands-parents. Ils ont entendu leur grand-mère se plaindre du bazar à maintes reprises. Alors, pour rendre service, ils se sont portés volontaires pour trier ce qui doit être gardé, jeté ou éventuellement vendu.
Dans plusieurs cartons, ils ont mis la main sur des albums de famille. Les deux adolescents se disent qu’ils peuvent faire plaisir à leur grand-père, malade d’Alzheimer. En ce moment, Gilles sourit avec beaucoup d’émotion quand un souvenir, aussi anecdotique soit-il, lui revient en mémoire. Parce que chaque réminiscence est une victoire contre la maladie.
Ils ont retrouvé d’anciennes broderies de leur grand-mère et de vieux livres de recettes de cuisine. Leur grand-mère faisait toujours un peu de broderie lorsqu’elle les gardait le mercredi. Et que dire de sa recette de purée de vieux légumes ! Ces derniers jours, ils n’ont pas eu l’occasion de la voir réaliser cette recette. C’est qu’elle est plutôt éteinte, Lydie. Elle broie du noir. Et, si un garage nettoyé peut l’aider à regagner un peu le moral, ses petits-enfants n’hésitent pas à se retrousser les manches.
Dans un recoin bien dissimulé du garage, Célia tombe sur une vieille machine à écrire. Elle ignore qui a bien pu s’en servir. Ce qu’elle sait, c’est qu’elle a toujours rêvé écrire là-dessus. Maladroite comme elle est, elle écrira sans doute « hachoir » au lieu du mot « histoire » mais elle a envie d’essayer. Elle met de côté la machine, dans l’intention de demander la permission à ses propriétaires de l’emprunter.
Théo fait une découverte qui l’étonne aussi. Un vélo.
— C’est un Grand-Bi, lui apprend sa sœur derrière son épaule.
L’adolescent de seize ans se retourne vers sa petite sœur, interloqué :
— Pourquoi tu me parles de géants bisexuels tout à coup ? Tu as trouvé un sachet d’herbe dans un des cartons, c’est ça ? s’amuse Théo.
Célia fait semblant de s’esclaffer. Cela fait des années que son frère mérite la palme de la blague nulle.
— C’est une bicyclette qui a vu le jour vers les années 1870, il me semble.
— Merci, Wikicélia ! ironise son frère
Il fait de l’humour mais ce vélo a réveillé en lui bien des souvenirs. Principalement, son grand-père qui lui apprend à faire du vélo. Les courses de bicyclettes avec Anton, son père. Sa mère, Prune, qui les filme parfois. Sa grand-mère qui prépare le goûter. De bons souvenirs.
Et, c’est peut-être à cause des hormones de l’adolescence mais il a une pensée pour Danaëlle. La fille de sa classe qu’il rêve d’impressionner.
— Il y a moyen de faire quelque chose avec ce vélo, réfléchit-il à voix haute.
Sa sœur a entendu. Elle jette à nouveau un œil au Grand-Bi. Il est rouillé de partout. Tous les morceaux de l’engin menacent de s’écrouler au moindre mouvement. Clairement, il n’est pas du tout en état de marche.
— Tu veux faire quoi avec ça ? s’inquiète Célia.
— Je pourrais proposer une petite balade à Danaëlle. Je sais qu’elle aime les vélos. Elle va forcément aimer celui-là.
Tous les jours, Célia entend parler de cette fille. Elle a vite compris que son frère en est amoureux. Elle ne supporte plus qu’il n’ait que son prénom à la bouche. Toutes ses discussions tournent autour d’elle. C’est épuisant…
— Ce n’est pas parce qu’elle vient au lycée en vélo qu’elle est passionnée de la bicyclette, tu sais.
Théo fait mine d’être vexé, tirant la langue face à sa sœur.
— Au pire, je vais rouler en… Grand-Bi… sur un fil, suspendu au-dessus du vide. Ça va vachement l’impressionner, ça.
— Quand tu vas tomber et finir aplati comme une crêpe bouillie, elle va être aux anges. Elle va même en redemander. Vraiment. Tu devrais foncer…
Célia n’a pas l’impression que son grand frère ait saisi son ton très sarcastique.
— Philippe Petit a fait ça, lui. Avec un fil reliant les deux tours du World Trade Center, fanfaronne le fils de Prune et d’Anton.
— Sauf que tu oublies une chose…
— Quoi ?
— Tu n’es pas Philippe Petit.
Théo n’est pas dupe. Son idée de funambulisme n’en est pas vraiment une. Il s’amuse surtout à taquiner sa sœur. À la voir, elle a vraiment l’air de croire qu’il est capable de tenter une telle prouesse.
— Tu sais, sœurette, papa a réussi à impressionner maman en trempant des Pringles dans du Nesquik. Et… j’aime vraiment beaucoup Danaëlle. Elle doit penser que je suis l’idiot du village mais… Je voudrais qu’elle me voit autrement.
Sa sœur se retient d’écarquiller les yeux, surprise. C’est bien la première fois que Théo se confie à elle à ce point.
— Sois toi-même. Tu es loin d’être l’idiot que tu prétends être, Théo…
Il recule d’un pas :
— Je rêve ou tu viens de me complimenter ?
— T’as rêvé ! Tu sais très bien que je ne ferai jamais une chose pareille, répond-elle non sans lui adresser un clin d’œil.
Elle lui tape sur l’épaule :
— Tu n’as pas besoin de Pringles, de Nesquik de vieille bicyclette ou d’imiter un funambule pour te faire apprécier de quelqu’un. Tu dois juste avoir confiance en toi, c’est tout.
L’adolescent sent bien que sa sœur a touché un point sensible. Au lieu de verser une petite larme et de prendre Célia dans ses bras pour la remercier de son discours flatteur, il se remet à parcourir le reste du garage, bientôt suivi par sa petite sœur.
C'était cool à écrire, ces souvenirs de famille où tout le monde en profite. Content que ça te plaise, Jamou ! :*
Qui sait, je révèlerai peut-être à la fin si la famille existe ou pas pour de vrai. Et au besoin, je vous donnerai leur adresse.
Merci, Petra ! :D
Vraiment, c'est génial comme tu croques des petits morceaux de vie. Dans la manière de construire, et l'idée globale, ça me fait un peu penser à la série This is Us, par la douceur que ça dégage, la douce mélancolie et la manière dont les liens se créent, toujours avec une grande justesse.
C'est une très belle chose que tu tiens là, et qui utilise toujours les cartes d'une manière inattendue, et que j'adore.
J'ai toujours plus hâte de découvrir de nouveaux morceaux **
C'est vrai que ça peut faire penser à "This is us", je joue aussi un peu avec le temps. Mais je suis avant tout content que l'émotion soit toujours au rendez-vous. J'avais hésité à tout lier puis je me suis dit "allez zut ! fonce !". Maintenant dès le vote des cartes, je cogite à comment les faire rentrer là-dedans. Vu l'univers réaliste que j'ai créé, ce sera pas simple. Mais est-ce que j'aime les choses simples ? ;)
Encore une fois, un infini merci pour ce retour magnifique ! Au plaisir de te retrouver la semaine prochaine, Zig ! :D
Je suis content si je t'ai apporté ça avant que tu ne rejoignes Morphée. J'espère que tu auras passé une bonne nuit.
Merci à toi, Slib, pour ton commentaire qui dépose aussi du bonheur en cette heure matinale ! :D
Comme le dit HP, tu mets de l'humour dans tes nouvelles, et là, c'est la palme, "géants bisexuels" xD Quoique l'idée des Pringles dans le Nesquik n'est pas mal non plus...
J'adore retracer l'arbre généalogique dans ma tête, c'est purement génial.
Merci ❤
(comment ça, je répète toujours les mêmes choses ?)
J'essaie de ne pas faire que du larmoyant. La vie ne peut pas être tout le temps triste non plus. Même s'il y a encore de la tristesse en fond, je voulais montrer autre chose. Et je vois à ton commentaire que j'ai quand même réussi mon pari.
Alors merci à toi, Yvaine !! :D
En effet, tu as réussi ! On sent parfaitement la nostalgie et la tristesse, mais il y a de l'humour et tes personnages continuent à vivre malgré tout. C'est beau ❤
Ce que j'aime dans tes nouvelles, c'est qu'elles sont amusantes mais aussi très touchantes !
La complicité entre les deux personnages est très touchante, et tu l'as très bien retranscrite ^-^
Encore une fois c'est une magnifique interprétation, bravo Dédé <3
Merci de suivre mes aventures avec fidélité comme tu le fais, HP ! :D