24 Décembre : Toutes ces émotions hier ont eu raison de ma santé de fer. J’ai donc décidé de me faire porter pâle auprès de ma chère manager et de passer la journée au lit. Charlotte s’est laissée convaincre assez facilement, trop contente que j’ai enfin mis la main sur Baptiste. Enfin, elle a du nouveau à poster sur les réseaux sociaux ! Quant à moi, je compte bien passer ma journée à ne pas lever le petit doigt. Après tout, il faut bien que je récupère des forces pour demain.
25 Décembre : J’ai beau avoir reçu le meilleur cadeau possible deux jours auparavant, je dois reconnaître que j’ai passé un délicieux moment en famille !
Tout d’abord, j’ai pris la décision d’occuper cette journée au repos (oui, comme hier, je sais). J’ai ainsi ignoré les messages à répétition de cette vieille baronne qui a déniché mon numéro je-ne-sais-comment et qui insiste pour avoir des prédictions gratuites. Elle rêve ! Ce n’est pas parce que c’est Noël que je vais brader mon art. Je me suis toujours plus considérée comme un mini Père Fouettard, de toute façon. Les affaires sont les affaires !
Laissez-moi deviner : vous êtes curieux de savoir ce qu’on m’a offert en termes de cadeaux ? Vous tombez à pic, je m’apprêtais à le faire. Mon père a eu l’excellente idée de me faire don de la saison 3 d’une de mes séries préférées : de longues et délectables heures de visionnage en ignorant mes responsabilités en perspectives. De la part de ma mère, un coffret en bois recouvert de de peinture rouge et dorée qui se révéla être une boîte à musique. Un présent très enfantin et peu approprié pour un génie de mon standing, mais je changeais vite d’avis en y découvrant une petite fée au tutu écarlate qui tournait en cadence. Ce n’est pas un jouet ! C’est un petit morceau d’art.
Étonnamment, François n’a pas apprécié le déodorant au pied du sapin. La taille du ruban n’avait rien à voir, semblerait-il. Il retrouva néanmoins sa bonne humeur quand je compris ce qu’il m’avait offert… Une gigantesque boule de cristal, aux volutes de fumée figées mauves et argentées. J’avoue avoir fait la grimace.
« Pour tes prochaines consultations, » qu’il m’a dit avec un grand sourire aux lèvres.
Mais dommage pour lui ! La boule trône désormais dans mon bureau sans la moindre trace d’ironie. Quant à mes parents, ils étaient tout simplement ravis de ce que j’avais trouvé pour eux.
Outre l’échange de cadeaux, cette journée n’était pas loin de mériter la qualification de parfaite. J’avais oublié à quel point il pouvait être agréable de s’asseoir avec sa famille et de discuter de tout et de rien… Ce n’est que quand je suis montée me coucher que je me suis rappelée de la Quête, des héros et de Pythie. Je ne regrette rien : une pause, aussi agréable soit-elle, est loin de me faire oublier mon ambition ! Au contraire. Ingrid Karlsen revient en force sur la scène, dès demain !
26 Décembre : Je laisse cette courte note afin que tout le monde (vous lecteurs, la terre entière dans quelques années) que je me suis remise au travail, que ma formule reste un bijou de perfection mathématique, que les gens sont stupides et que pour la première fois de ma vie, j’ai bu du café. Ignoble.
27 Décembre : Étant donné qu’hier, dans un de mes éclairs de génie quotidiens, j’ai planché sur mes contrats d’arrache-pied, j’ai pu augmenter mon temps libre d’aujourd’hui de deux heures et treize minutes. Oh, joie incomparable qu’on ressent en n’accomplissant rien de productif !
Par ailleurs, j’ai essayé de contacter Charlotte : sans succès. Je ne vois qu’une réponse possible à son silence. Lecteurs, je crois que Charlotte Marchand… mange les pissenlits par la racine. C’est la seule explication possible. Elle est, d’ordinaire, toujours joignable ! Seule la Mort aurait pu l’empêcher de travailler et de me harceler. Comment a-t-on osé ne pas me prévenir de son soudain décès ? Vous savez ce qui arrive aux Pythies qui perdent leurs agents dans des circonstances tragiques, de nos jours ? Elles perdent les pédales ! On va me retrouver d’ici quelques semaines, désœuvrée, desséchée, dans une gouttière, entourée de chats errants. Une tragédie.
Fausse alerte, elle m’a rappelée. Apparemment, elle déjeunait. Mouais. Ça reste suspect. Toujours est-il que nous avons discuté des contrats, de la Quête… l’annonce de Baptiste rejoignant nos rangs a beaucoup enthousiasmé les foules. Et puis de tout et de rien. Seulement, ce n’est qu’après avoir raccroché que j’ai réalisé que j’avais oublié de lui demander quand elle serait disponible. Il faut que nous nous voyions au plus vite ! Car, au moment où j’écris ces mots, une petite boîte enrobée de papier cadeau dans le dernier tiroir de mon bureau attend son heure. Quand vais-je pouvoir lui donner son cadeau ? Urgh !
Ah, en plus, la traitresse m’a envoyé de nouveaux documents pour… pour qui, déjà ? Bon sang, c’est ridicule. J’enchaîne les boulots tant et si bien que je ne sais même plus pour qui je travaille. Elle pourrait être plus sympa avec moi, tout de même. Les contrats pleuvent sur ma tête avec la force de giboulées. Pas besoin de boule de cristal pour savoir que les jours à venir vont être chargés…
28 Décembre : Je crois que je vais me faire porter disparue. Quoi, j’ai bien réussi à convaincre le monde entier que j’avais le Troisième œil, alors leur faire croire que j’ai été kidnappée, ça devrait être de la tarte !
La vérité, c’est que j’avais sous-estimé la quantité de travail à abattre. Même en me levant à l’aube et en suivant mon programme quotidien à la lettre, ma journée s’achève sans que j’aie complété toutes mes tâches. Rien que là, je vais en avoir jusqu’à minuit ! Quid de mon cycle de sommeil ?
Je réalise bien que me plaindre ici ne va pas résoudre mes problèmes ; c’est pourquoi je m’en vais. N’empêche que j’en ai marre !
29 Décembre : Que quelqu’un m’achève. Mon royaume pour une demi-heure de paix !
3 Janvier : Pardonnez ma longue absence ! J’ai été absolument débordée. Mes calculs atterrissent dans les boîtes mails à la vitesse de l’éclair, ma réputation atteint des sommets à faire pâlir l’Everest et moi, je veux dormir. Tout va bien, cependant ! C’est juste que je me sens comme un citron en fin de vie, qu’on presserait pour en sortir tout le jus prophétique avant de balancer au compost.
Je ne suis pas sortie de chez moi ces derniers jours, à mon grand désespoir. Toutefois, Tristan a pour une fois décidé de se rendre utile. Dans son armure de chevalier blanc imaginaire, il m’a proposé une balade, comme au bon vieux temps… quand j’étais libre… Quoi, moi, dramatiser ? Allons, vous savez bien que ce n’est pas mon genre. Bref, c’est ce que je compte faire de mon après-midi.
Vous vous rendez compte que je n’ai pas encore eu l’occasion de regarder cette série télé que j’ai reçue pour Noël ? Je suis au comble du désespoir. Vivement, mais vivement que je trouve ces satanés, maudits deux derniers héros, que je me lance dans la Quête une bonne fois pour toutes ! Où sont-ils, mon Voleur et mon Assassin ? Ras-le-bol de jouer le comptable des Parques ! Je vais prendre une retraite anticipée, ça va leur faire drôle à tous !
Tristan avait raison, pour le coup : l’air frais m’a rasséréné. La mince couche de gel sur le trottoir ne fait que rendre les contours du monde extérieur plus réels. Je voulais garder le son de la glace craquant sous nos semelles dans mes oreilles jusqu’à ce qu’elle fonde. Nous avons continué à marcher, longtemps. Je n’ai pas eu le cœur de parler de mon plan et de mes soucis. À la place, je lui ai posé des questions sur Molière et je l’ai regardé s’emballer sur les vers et l’humour du tragédien. Je suis contente qu’il y en ait un autour de moi qui s’intéresse à autre chose qu’aux sciences ou au futur.
Il m’a demandé ce que je pensais du livre que j’avais emprunté chez lui. Je n’ai pas osé lui dire que je m’étais arrêtée au milieu d’un chapitre sans jamais y retourner. À la place, je lui ai promis de lui donner mon avis quand je l’aurais terminé. Je crois que je vais m’y remettre, même si les chevaliers ne sont pas ma tasse de thé.
4 Janvier : Charlotte refuse de me voir ! Soi-disant qu’elle a trop de travail.
« Mais moi aussi, et regarde ! Je suis prête à me sacrifier.
-Karlsen, ça va être galère. Franchement, si je n’avais pas mon père pour me donner un coup de main, je ne sais pas comment je ferais. Même avec l’équipe, c’est pas évident.
-…L’équipe ? » répétais-je en espérant avoir mal entendu.
Mes oreilles devaient me jouer des tours, impossible autrement. Elle soupira :
« On en a déjà discuté. Trois des employés de la boîte de Papa me donnent des conseils et m’apprennent les ficelles du métier. La comm’, le marketing…
-Tu ne savais pas faire ça avant ? » demandais-je d’une voix faible qu’elle ne sembla pas remarquer.
« J’comprends que ce soit difficile à comprendre pour toi, Karlsen, mais on n’est pas tous des génies ! Y’en a qui doivent bosser pour réussir, » s’exclama-t-elle.
Sa froideur me surprit tant que j’en balbutiais :
« OK, OK. Par contre, si tu as des sous-fifres pour t’enseigner comment négocier, vendre… Tu fais quoi, toi ?
-Je te gère, toi. Et c’est pas une sinécure de vous suivre, toi et tes plans délirants !
-Touché, » soufflais-je.
Elle rit avant d’ajouter :
« Franchement, t’es extra parfois. Comment je ferais pour suivre les cours si je m’occupais des contrats à temps plein ? »
Une petite part de mon cœur trembla. Je le sentis lentement s’effriter à la vitesse de la poudre dans un sablier :
« Je, je ne sais pas. Je suis les cours de Mr. Froitaut par emails, récemment. Qu’est-ce que tu veux dire-
-C’est parce que tu as déjà le BAC, ça. Ah, attends une seconde. «
Sa voix se fit lointaine, des bribes de conversation sans lien retentissant dans le combiné. Mes épaules tombèrent sans grâce et je ne parvins pas à me convaincre de les redresser.
« Chuis’ désolée, » me dit Charlotte, « mais faut que j’y aille. Ma mère m’appelle. À plus ?
-Oui, à la prochaine. »
Ma Quête n’est pas un passe-temps. Peut-être que ce serait plus simple si j’avais vraiment des visions. Je n’ai aucun droit de me sentir déçue. Comme elle l’a expliqué, Charlotte Marchand a le collège, sa famille… des amis avec qui elle doit aimer passer son temps libre aussi.
Il me reste un contrat que je n’ai pas encore rempli, je ferais sans doute mieux de m’y mettre maintenant.
5 Janvier : Pendant un moment, j’ai osé croire que j’en avais fini avec mon travail ; devinez ce que j’ai trouvé dans ma boite mail ? C’est exact : encore plus de travail ! Je vous assure que le boulot de Pythie, c’est un coup à fini en poinçonneur des Lilas. Je suis tentée de classer Froitaut et Charlotte en spams. Hélas, ça ne réglerait pas le problème. Et puis, je suis sincèrement persuadée qu’il y a pire que la routine : l’inactivité. Car certes, je m’ennuie comme un rat mort faisant la file d’attente du Purgatoire animalier, mais au moins, mes mains sont occupées !
7 Janvier : Lecteurs, je ne sais pas par où commencer. Je crains d’avoir commis une terrible erreur. Tout s’est passé si vite !
Quelques minutes plus tôt, mon téléphone s’est éclairé, affichant le numéro de Charlotte. Je bondis de mon siège et décrochai :
« Marchand !
-Karlsen.
-Contente de voir que tu tiens à vérifier si je suis toujours en vie.
-Très drôle, » répliqua Charlotte en cachant mal son amusement.
« Je sais, je suis hilarante. Ça tombe bien que tu appelles, je voulais discuter avec toi. »
Et j’en avais, des choses à lui dire ! D’abord, je voulais lui faire part de mon épuisement récent. Ensuite, il fallait impérativement que nous nous mettions d’accord sur un jour et un lieu pour nous rencontrer, qu’enfin je puisse lui donner son cadeau ! Ma dernière balade avec Tristan me revint à l’esprit et je songeais que j’aimerais parler avec Charlotte de ses sujets préférés. Quels ils étaient, je l’ignorais, mais plus pour longtemps ! Il y avait tant de sujets que je voulais aborder… Je n’eus cependant pas l’opportunité de m’expliquer plus avant car elle s’empressa de lancer :
« À propos de la Quête ?
-Non, je…
-Oh, tu veux parler des contrats ?
-Non plus, bon sang ! » m’énervais-je. Je me forçais à rester calme et enchainais. « Je voulais te dire que je me sens un peu fatiguée, ces temps-ci, et… »
Sans attendre, Charlotte s’écria avec un enthousiasme qui m’écorcha les nerfs :
« T’en fais pas, ça va passer. C’est vrai que les contrats se sont un peu enchaînés, récemment. C’est normal d’avoir un coup de mou ! »
Un coup de mou ? J’étais au bout de ma vie, au bord du gouffre émotionnel, et elle me disait que ce n’était qu’un moment de faiblesse ? Je repris, plus sèche :
« Marchand, je pense qu’on s’est pas compris. Je suis morte, là. Il me faut une pause.
-Bien sûr. Repose-toi un peu, regarde la série dont tu me parlais. C’était quoi, Abbaye quelque chose ?
-Downtown Abbey. Écoute-
-Dis, j’ai pas reçu les prédictions pour Mme Blandin et sa fille. Tu sais, l’histoire de la fiancée dont la mère refuse qu’elle épouse le gars, et l’autre qui tient à tout prix à avoir son mariage d’hiver sous prétexte que ça porterait bonheur ? Mal barré vu qu’on est en Janvier…
-Oh, Marchand, tu sais où tu peux te le mettre, ton contrat ? »
Elle ne voyait rien. J’avais beau parler et essayer de me faire entendre, elle était ailleurs et hors de ma portée. C’était à pleurer.
« J’en ai marre de ces prédictions à la chaîne ! Ras-le-bol ! Toute ma journée se passe à chercher la « vision » qui correspond. Et dès qu’en j’ai fini avec un, un nouvel email apparaît pour me dire que je dois recommencer le processus à zéro ! C’est éreintant. Sans parler de la Quête qui avance à reculons, et mon prof de maths qui se moque bien de ce qui m’arrive… Et toi, tu me parles du mariage de je-sais-pas qui ? T’es pas croyable, Marchand ! »
Et je raccrochais. Les premières minutes, j’exultais. Enfin, j’avais laissé ma rage exploser, je m’étais faite entendre, les choses allaient changer ! Mais bien vite, l’excitation retomba. D’où ma présence ici, à taper sur le clavier. Lecteurs, je suis nulle. Comment ai-je pu lui parler comme ça ? Elle ne va plus vouloir être mon agent et, quand elle sera partie, je serai vraiment seule. Je n’ai pas eu l’occasion de lui offrir mon cadeau de Noël non plus.
Je n’aurai même pas eu le cran de lui demander d’être mon amie.
10 Janvier : Hier, avant-hier et avant-avant-hier ont été vides. Je n’ai rien remarqué de nouveau ou d’intéressant, donc pas la peine de gâcher mon temps sur ce journal. De toute façon, quoi que je fasse ces derniers temps, mes journées tournent mal.
Comment quelqu’un peut-il jouer avec le destin de centaines, que dis-je, de milliers de personnes comme avec des marionnettes, et pourtant être aussi démunie quand il s’agit de maîtriser le sien ? Il faut être stupide. Et ces maudits héros impossibles à dénicher…
Ma mère a décidé que ma « pause blues » dans la sécurité et le confort de ma chambre a suffisamment duré. Me voilà donc sur le siège passager de sa voiture, trainée dans je-ne-sais-quel supermarché. Peut-être qu’elle me laissera la convaincre d’acheter des caramels.
Bonne nouvelle : j’ai mes bonbons. Mauvaise nouvelle : alors que nous étions presque de retour à la maison, ma mère s’est aperçue qu’elle avait oublié des bananes. D’où ma présence ici, coincée entre le rayon surgelé et celui des produits ménagers. J’ignore ce qui est pire : l’air quasi-cristallisé de froid ou les lumières du plafond qui clignotent faiblement, projetant des ombres grotesques à mes pieds. À moins que ce soit les pigeons qui me regardent d’un sale œil, perché sur le dessus des étagères. Dieu seul sait comment ces bestiaux sont rentrés ici, moi, je ne veux pas le savoir. Et les gens ! À ma droite, un couple de petits vieux qui se disputent sur la qualité de la baguette et à ma gauche, un garçon qui fourre des DVD dans sa veste.
Attendez un peu. Du vol à l’étalage ? Il faut que je voie ça de plus près.
Je me suis rapprochée, il ne m’a pas encore repérée. Je ne me cache pas pourtant. Je crois qu’il est trop concentré sur le caissier à moitié endormi un peu plus loin. La vie est amusante, parfois : je cherchais un Voleur et voilà que j’en trouve un… Enfin, je me comprends.
Oh. Oh ! Bon sang, c’est la solution !
« Hé, toi ! »
Il sursauta violemment et se retourna, cherchant qui l’avait interpellé. Ma première impression ? Pas un héros. Pas même un personnage secondaire. Plutôt les dessins des gens dans le fond, informes et dont le visage n’est pas dessiné. Quelle est cette obsession des jeunes gens d’aujourd’hui avec les joggings ? Je dis pas qu’il faut porter une queue-de-pie pour chourer une vieille copie de Terminator, m’enfin il y a des limites. Et encore, s’il n’y avait que les vêtements ! Un teint pâle et boutonneux, qu’on ne voit que sur ceux qui s’enferment dans leur chambre, les yeux rivés sur un écran de jeu vidéo… Comme mon frère, la santé en moins. En parlant d’yeux ! Les morues du rayon poissonnerie exprimaient plus de vie et d’émotions que lui. Quant à sa posture… je pense qu’on a dû lui voler sa colonne vertébrale. Peut-être est-ce pour ça qu’il vole ? Pour revendre son butin et s’acheter des vertèbres ? Il va pas aller loin avec des DVD discount. Une bijouterie serait plus indiquée. C’est là que vient l’intérêt de porter un costume ! Mais je m’égare.
L’important, c’est que Charlotte allait le détester.
« Tu peux y aller. Il ne te regarde pas et les caméras sont pointées dans la direction opposée, » dis-je.
Il ne me répondit toujours pas, l’air toujours hagard. J’enchainais, jouant avec une petite flaque sur le carrelage de la pointe de ma chaussure :
« Pardon, je manque à tous mes devoirs. Je suis la Pythie. Tu as sans doute entendu parler de moi ?
-…Oui. »
Oh, cette voix. Basse, lente, sans intonation. Soporifique, la réponse aux problèmes d’insomnie.
« Comment t’appelles-tu ?
-Jamy…
-Jamy ? Ça colle pas vraiment avec ta tête. Je peux t’appeler Martin ?
-Non…
-Mais si, tu vas voir. Martin, ça te va comme un gant. Si tu n’aimes pas, vois ça comme un surnom ! Entre amis, on ne s’appelle pas par son vrai prénom.
-Amis ? »
Il savait faire des phrases de plus de deux syllabes, n’est-ce pas ? Je classais ce manque de paroles comme une peur sacrée que peuvent éprouver les gens normaux en ma présence, souris et me plantais sous son nez. Je m’exclamais, tout sourire :
« Évidemment ! Car figure-toi que j’ai besoin de ton aide. Tu sais qu’une Quête va bientôt avoir lieu ?
-Tu as vu le futur ? » souffla-t-il.
« C’est exact, et il se trouve que j’ai besoin de héros.
-Pour sauver le monde ? »
Je laissais une poignée de secondes s’écouler, pour maintenir un peu de suspense, avant de lâcher avec lenteur :
« Précisément. »
Il détacha son regard du mien pour mieux fixer le sol. Je crus un instant être allée trop vite pour lui, mais c’est alors qu’il plongea sa main dans sa veste. Le DVD, une clé USB et un paquet de gâteaux en surgirent ; il les reposa sur une étagère.
« C’est d’accord. »
Son attitude avait changé du tout au tout. Adieu, voix trainarde et blasée. Ses joues de cire s’étaient légèrement colorées. Moi, je n’en revenais pas :
« Pardon ? »
Il rougit plus encore et son excitation sembla retomber un peu.
« Je veux dire… J’aimerais être un des héros. C’est ce que tu voulais me dire ? Tu as eu une vision de moi ? »
J’en aurais eu la larme à l’œil. Si seulement Baptiste et Gemma avaient été aussi enthousiastes !
« Oui, Martin. C’est exactement ça. »
Il inspira profondément et je crois que ses jambes faillirent se dérober sous lui. Je ne pourrais pas en jurer, car du coin de l’œil j’apercevais ma mère qui tentait d’attirer mon attention. Hors de question que je subisse les foudres maternelles à cause d’un héros en carton ! Je devais conclure l’affaire, et vite.
« Je suis pressée, Martin, tu as un bout de papier ? J’ai besoin de ton numéro.
-Ah, non, désolé… Je peux enregistrer mon numéro dans ton téléphone, si tu veux. »
Je l’observais taper avec la lenteur d’un paresseux grabataire, tentant vainement de ne pas montrer mon agacement croissant. Enfin, il me rendit l’appareil. Aussitôt je pris la poudre d’escampette en m’écriant :
« À la prochaine ! »
À peine ma ceinture de sécurité attachée que ma mère me prit d’assaut :
« Qu’est-ce que tu as fait, cette-fois ?
-Les affaires reprennent, maman !
-Allons bon, » soupira-t-elle. « J’en déduis que tu vas mieux ?
-Et comment ! Vois-tu, j’ai compris que mon approche n’était pas la bonne. M’assommer de travail, même pour de l’argent, ce n’est pas pour moi. Je ne suis pas faite pour me plier aux caprices des gens. À partir de maintenant, je suis en grève !
-Tiens, ça me fait penser qu’il faut je tourne après la rocade, il y a un blocage. »
J’ignorais ses réflexions pour mieux continuer d’expliquer ma nouvelle façon de faire :
« Désormais, je vais aller à fond ! La nouvelle Pythie ne fera pas de quartiers ! »
Et ça, lecteurs, c’est une promesse que je compte bien tenir !
J'ai bien aimé le fait que ce héros soit rapidement trouvé, c'est limite surprenant par rapport au parcours du combattant de la quête des précédents. Le gars n'est pas hyper impressionnant pour l'instant mais attention aux apparences ! Peut-être que notre Pythie a eu une bonne intuition^^
En tout cas, on commence à avoir une belle équipe de bras cassés xD Surtout qu'ils ne semblent pas du tout compatibles entre Gemma Baptiste Froitaut et lui... Je suis curieux de voir ce que ça va donner.
Mes remarques :
"afin que tout le monde (vous lecteurs, la terre entière dans quelques années) que" manque un "sache" ?
"et le confort de ma chambre a suffisamment duré." -> ont ?
Un plaisir,
A bientôt !
Merci pour ton commentaire :) on ne sait jamais avec Ingrid, c'est toujours quitte ou double x)
EN effet, la troupe est très hétéroclite !
Merci pour tes remarques,
À bientôt !
Bon bah on peut pas dire que le voleur aura été difficile à trouver ! Un choix qu'Ingrid risque à mon avis de regretter... Le gars n'a pas l'air des plus fiables !
A bientôt !
Oui je ne me suis pas compliqué la vie avec celui ci x) après un des aspects les plus funs de cette histoire, pour moi, c’est de vraiment écrire ce qui me passe par la tête! Cependant, peut-être que ce personnage réservé des surprises, pour l’instant les héros se sont tous révélés un peu différents de ce qu’ils semblaient être… ;)