Révélation

Par Draguel

 

Cette journée touchait à sa fin mais le soleil restait encore haut dans le ciel. Ses rayons passaient à travers les nombreuses ouvertures qui jonchaient les couloirs de l'académie. Dans ceux-ci, des mages erraient à loisir. L'académie était un lieu de rencontre pour tous ces mages. On y venait pour discuter avec d'autres érudits, pour expérimenter de nouvelles magies ou pour trouver le concours d'autres mages.

Magnus faisait partie de ces curieux dont l'ambition était de découvrir de nouveaux usages à cette magie déjà tant exploitée. Il était en chemin avec un ami quand ses paupières devinrent lourdes et sans qu'il ne sache pourquoi ni comment, il sombra dans l'inconscience.

 

Lorsque qu'il les rouvrit, il ne reconnut pas l'endroit où il était. Il se leva et il vit une personne en face de lui. De cet être irradiait une aura inexplicable. Magnus avait déjà ressenti la puissance d'un grand mage quand il se trouvait à côté mais cette sensation là n'était pas comparable. Elle n'appartenait pas à la compréhension humain. Elle était divine.

Des mouvements autour de lui attirèrent son attention soudainement bien qu'il fut difficile de détacher son regard de la silhouette divine. Il vit cinq autres personnes qui comme lui venaient d'émerger de leur inconscience.

Chacun d'eux portait des habits étranges, l'un avait une grande robe noire munie d'une capuche qui recouvrait un masque, un autre portait une cape faite de plumes et avait un regard perçant, semblable à celui d'un aigle. La personne à sa droite, était d'une taille immense pour un homme, il faisait deux têtes de plus que lui mais il ne portait presque pas de tissu si ce n'est une jupe ainsi que des bijoux rituels autour du coup. Sur son torse, d'étranges tatouages parcouraient sa peau. Derrière l'être divin, il vit une femme à l'air effroyable. Sa tenue, faite de cuir et de peau, lui donnait une silhouette affûtée et menaçante. À sa ceinture pendait des fioles aux liquides étranges ainsi qu'une dague tâchée de sang séché. Le cinquième personnage était tout à fait singulier. Ses vêtements étaient un mélange de tissu et de cristal laissant croire qu'il était lui même une nuit étoilée. Il ne touchait pas terre, il flottait au dessus du sol tout comme l'anneau stylisé dans son dos, une sorte de croissant de lune. Le plus frappant furent ses yeux. Deux gemmes étincelantes que la Lumière habitait.

Alors qu'il finissait d'étudier les étrangers présents voilà que le voile qui recouvrait ses yeux se retira et il vit. Il vit le monde dans son ensemble. Des Terres Australes où il avait toujours vécu mais aussi deux immenses continents qui se faisaient face. Il vit une ville plongée dans la jungle où se côtoyait de nombreux peuples à l'apparence mi-humaine mi-animal, il vit des cathédrales dont les vitraux renvoyaient à la face du monde leur majesté. Il vit de grandes cités chanter des rites funéraires, il vit de gigantesque dômes flottants sur lesquels la voûte céleste se reflétait avec exactitude.

Le charme se brisa quand l'être divin prit la parole. Il leur annonça des propos alarmants : « Vous que la voix des dieux a appelé, vous qui venez des grandes civilisations du monde des mortels, entendez moi car je suis le Gardien de l'Horizon, je transmets la volonté de vos dieux. Votre monde est sur le déclin et la mort à vos portes mais d'étranges forces cherchent à perturber le cycle naturel. Tenez-vous prêt, vous qui avez été élus, soyez prompt à rétablir l'équilibre du monde et ne fuyez pas la tâche que je vous confis selon la volonté de vos dieux. Vous serez confrontés à des bouleversements que vos mythes et vos légendes n'ont pas annoncés car ce sont des aberrations qu'il faut endiguer. Faites ce qui est nécessaire pour accomplir votre mission car nul autre ne le fera à votre place. ». Sur ces mots, tous replongèrent dans l'inconscience.

À son réveil, Magnus se trouvait aux côtés de son ami Raénold qui continuait sa conversation sans ne rien savoir de ce qu'il venait de voir. Celui-ci lui parlait encore de sa volonté d'être un peintre animiste, ces mages capables de rendre une toile vivante et même de créer un monde à l'intérieur. Magnus ne se faisait aucune illusion sur son avenir, il serait sans conteste l'un des plus grands de son époque. Mais ce n'était pas sa voie à lui. Il préférait jouer avec les perceptions de chacun et en particulier la vue.

Tout en déambulant dans les allées de l'académie, ils se dirigèrent vers les appartements où ils pourraient se reposer en paix, bien que le silence ne soit pas le point fort de Raénold. Sur le chemin, Magnus se remémora ce qu'il venait de subir, l'apparition étrange d'un être divin, de cinq personnes aux accoutrements insolites et à la vue omnisciente sur le monde.

Sans prêter attention à ce que lui disait l'apprenti peintre, il réfléchit à voix haute :

— Peut-il vraiment y avoir d'autres continents ? 

À ses mots, Raénold se figea, surpris et la mine inquiète.

— T'es malade !? Ne dit pas des choses pareil à haute voix, tu vas finir au Sanatorium ! dit-il tout bas.

Magnus se ressaisit alors en pensant à l'institution où l'on envoyait les mages trop ambitieux qui avaient accomplis des expériences aux conséquences désastreuses. Nul n'ayant été admis là-bas n'en était jamais ressorti. Les rumeurs disaient que les opposants au régime y étaient envoyés pour les réduire au silence. Regardant aux alentours, il soupira en constatant que personne d'autre ne l'avait entendu. Il sourit alors à son ami qui ne le trahirai pas malgré ces paroles blasphématoires. Depuis la plus tendre enfance, on apprenait aux habitants des Terres Australes que nul autre continent que le leur n'existait après le Déluge. Cette idée était renforcé par les nombreuses expéditions maritimes qui furent menés mais qui jamais n'aboutirent.

— Excuse moi je divaguais, j'ai eu un moment d'absence mais ça va mieux maintenant.

— Tu ferais bien de vite oublier ce genre d'idée avant de te faire choper parce que ça m'ennuierait beaucoup. À qui je parlerai moi quand je peindrais après ?

—Ne t'en fais pas pour ça tu le fais même quand personne ne t'écoute.

Ils partirent d'un rire commun mais l'idée que d'autres continents existent réellement restait bloqué dans son esprit et rien ne pouvait l'empêcher de la ressasser.

À un croisement de couloirs, ils prirent à droite et débouchèrent sur une galerie d'havretoiles, ces peintures-mondes. Des étudiants en magie rentraient et sortaient de celles-ci comme si elles faisaient partie intégrante de l'architecture de l'académie. Elles lui permettaient d'être bien plus grande que le laissait paraître les bâtiments qui lui étaient dédiés. Bien qu'elle occupait le centre de la ville et avait une taille plus que respectable la ville autour avait été bâti pour accueillir cette académie, et non l'inverse. Au fil du temps, de plus en plus de mages la rejoignirent et elle devint vite exiguë. Les havretoiles furent choisies pour leur praticité et leur esthète, créant de véritable galerie d'art.

Arrivé à leur appartement commun, Raénold ne tarda pas à se ruer vers son atelier où l'attendait ses innombrables pinceaux. D'un ton jovial, il lança tout en agitant les bras exagérément :

— Mes chers amants, dieu sait que vous m'avez manqué. Que le désespoir m'accable ! Aujourd'hui l'inspiration me fait défaut !

Il continua sa scène de mauvaise tragédie pendant que dans son dos, Magnus observait la fenêtre qui laissait voir une tour sur l'horizon. Nul ne pouvait l'atteindre car c'était là la Demeure des dieux. Une idée lui vint alors. Si ce qu'il avait vu était bien réel. S'il y avait bien un monde au delà des Terres Australes, ne serait-ce pas là le moyen de les quitter ? Les havretoiles n'étaient pas que de simples toiles dans lesquels on pouvait entrer dans un monde clos, limité par le cadre et la peinture du maître. Certaines d'entre elles étaient directement reliées à ce monde, pour cela il fallait représenter parfaitement un lieu existant. Le problème de ces havretoiles étaient leur passage à sens unique sans retour possible. Il le rejoint alors et dans le même élan dramatique, il lui répondit :

— Réjouis-toi car voici venu ta Muse ! Laisse moi, pour une fois, venir garnir ton imagination !

Alors il lui décrivit un paysage inconnu où une village s'inclinait face à une chaîne de montagne majestueuse à l'Est et à une dense forêt au Nord. Leur petit jeu dura toute la nuit, la main de maître de Raénold semblait mû par un instinct surnaturelle qui reproduisait exactement le souvenir que Magnus gardait de son étrange vision. Ce ne fut qu'une fois la peinture terminée que les deux amis se laissèrent aller au sommeil.

Le lendemain matin, Magnus pria Raénold d'animer sans plus tarder la toile. Devant l'instance de son ami, il céda. Il traça donc des cercles ésotériques dans l'air et les projeta sur la toile. Étrangement, l'animation ne réussit pas, pourtant Raénold avait l'habitude de lancer cette magie. Il réessaya mais ne fut pas plus chanceux. Intérieurement, Magnus jubilait. Le lieu existait bel et bien puisqu'une simple animation ne marchait pas ! Complètement abasourdi par ces revers Raénold utilisa alors le second sort possible pour ce genre de peinture, celui qui établit un pont entre la peinture et le lieu représenté.

Ce fut une réussite.

Le vent se mit à pénétrer dans l'atelier tandis que prenait vie la peinture. Sur les montagnes, le soleil se levait baignant la vallée de ces premiers rayons. Les portes des maisons s'ouvrirent et les premiers hommes partirent travailler.

Encore plus troublé par sa réussite que par son échec, Raénold fixait ce paysage qui n'existait pas dans les Terres Australes. Il se tourna vers Magnus et le vit lui aussi regarder en direction de la toile. Dans son regard, il fut aisé d'y lire de l'excitation et une joie intense mais aussi de l'effroi qu'il ne lui connaissait pas. Pourquoi était-il dans cet état ? Que pouvait donc être ce lieu qui n'existait sur aucune carte et qui semblait signifier tant pour son ami ?

Il fallut plusieurs jours complets pour que Magnus se ressaisisse. Lorsque ce fut fait une sombre détermination avait pris place. Au cours de cette longue attente, Magnus était devenu presque muet, plongé dans ses pensées, à fixer inlassablement le portail vers l'autre bout du monde. Raénold s'était enquis de la santé de son ami mais il ne reçu pour toute réponse que des murmures distraits. Il avait songé à détruire cette chose néfaste mais il se retint, trop curieux sur cette anomalie. Magnus savait des choses à propos de cet endroit, il en était convaincu. Cependant, il craignait la teneur de ce qu'il lui annoncerait.

Lorsqu'il émergea de son étrange léthargie, Magnus avait pris sa décision. Il attrapa son havresac et le remplit de tout ce qui pourrait lui être utile, des vivres et des vêtements chauds furent ses priorités. Alors qu'il entra dans l'atelier, il vit Raénold face à lui, bloquant le passage vers la toile.

— Soit rassuré je ne t'empêcherai pas de partir. Tu as tes raisons et je pense en deviner quelques-unes aussi je ne te demanderai pas de quoi il retourne. Seulement je veux m'assurer que tu puisses revenir si besoin est. Prend cette peinture. Elle est liée à la Colline des Sifflements.

— Je te remercie et je m'excuse de ne pouvoir rien te dire. Mais prend garde au Conseil, s'il se doute de quoique ce soit tu en subiras les conséquences.

— Ça fait bien des années que tout le monde s'en méfie, n'aie crainte.

Magnus s'arrêta juste devant la toile. Il hésita quelques instants.

— Une dernière chose, brûle la, fit-il en désignant le tableau. Ne leur laisse aucun indice qui pourrait les aider à t'enfermer.

Sur ces paroles, il franchit le cadre et disparu des Terres Australes. Raénold regarda un moment le paysage espérant y déceler la présence de son ami, en vain. Quand il se résigna à décrocher son regard, il enleva la peinture de son pupitre et s'approcha du feu de cheminée. Il ne put cependant pas accomplir ce geste car il pourrait lui aussi prendre ce chemin un jour.

 

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ludivinecrtx
Posté le 12/11/2019
Salut Draguel,

Belle intro. j'ai aimé découvrir ton monde, il parait hyper mystérieux mais on arrive à bien le comprendre. J'ai plus de mal à voir les personnages en revanches. Tu as plus décrit les lieux, et j'ai du mal à m'imaginer les perso (physiquement et mentalement), après ce n'est que le premier chapitre mais je pense qu'ils mériteraient plus d'attention, surtout si Magnus a été appelé par les Dieux, il est important. Des fois des phrases plus simples, peu être plus courtes permettrait 'd'alléger" l'histoire qui est déjà bien rempli avec ton univers. :). J’espère mettre expliqué correctement?

J'ai hâte de voir la suite, on est déjà rentré dans le vif du sujet et j'adore cette idée des tableaux.
ludivinecrtx
Posté le 12/11/2019
EDIT : j’espère m'être expliqué****
Draguel
Posté le 12/11/2019
Merci pour ton commentaire Ludivine :D
Malheureusement le projet est en pause et je me consacre à un autre projet :D Je suis ravi que l'univers te paraisse mystérieux parce que c'est le point sur lequel je m'applique le plus ^^ Et il est probable (même quasiment certains) que certaines des idées présentées ici se retrouve dans mes autres projets futurs.
Pour les personnages j'essaierais de les rendre moins apathiques à l'avenir même si j'aime ce type de personnages :D
Gabhany
Posté le 09/11/2018
Hello Draguel !
Voilà un chapitre d'introduction plein de mystères ! C'est très intriguant ton univers, ça donne envie d'en savoir plus !
J'ai été un peu déroutée au début par ta phrase d'introduction qui nous met tout de suite dans le bain, mais la suite m'a bien plu. Je pense que tu gagnerais à introduire de façon plus douce ton personnage et donc l'entrée dans ton histoire, en expliquant par exemple, qu'il devient inconscient alors qu'il est en train de marcher tranquillement et qu'il s'immobilise d'un coup.
J'ai été un peu freinée cependant dans ma lecture par la syntaxe,  les tournures de phrases sont parfois un peu trop chargées. si je peux me permettre quelques remarques :
Non pas que son réveil le laissait confus, il ne connaissait tout bonnement pas ce lieu  > je simplifierais. TU peux simplement dire qu'il ne connaît pas le lieu.
Des mouvements autour de lui attira maintenant son attention > attirèrent son attention soudainement, 
Phrase suivante : pas de s à choisis, et la partie entre parenthèse n'est pas utile je pense, tu dis déjà que ce sont des personnes comme lui.
Chacun d'eux portait des habits étranges.
 d'étranges tatouages parcouraient sa peau
aux liquides extravagants> je ne comprends pas le sens de extravagant dans cette phrase
Des Terres Australes où il avait toujours vécu 
 des cathédrales dont les vitraux renvoyaient à la face du monde leur majesté > jolie phrase !
et à la vue omnipotente sur le monde.> omnisciente ? omniprésente ?
Tu ferais bien de vite oublier ce genre d'idée avant de te faire choper et ça m'ennuierai beaucoup > parce que ça m'ennuierait serait mieux 
VOilà ! Un début prometteur, je reviendrai lire la suite avec plaisir !
A bientôt,
Gab 
 
 
Draguel
Posté le 09/11/2018
Bonjour (ou bonsoir) Gabhany,
Je te remercie, je suis heureux que l'aspect mystérieux soit bien présent et je ne serais pas avare en information sur mon univers mais je garderai dans l'ombre certains point pour conserver un peu de mystère.
Pour commencer je voulais attirer l'attention de façon à susciter l'intérêt et visiblement ça marche mais je prend en note qu'il faut que je le fasse de manière moins brutal.
Tu mets en lumière un défaut que j'avais oublié. Je ne prends parfois pas assez de distance entre ce que je pense et ce que je dit, je vais donc revoir ce point également. Merci pour me signaler toutes ses erreurs je vais m'empresser de les corriger.
Je serais ravi de recevoir à nouveau tes commentaires en espérant que je me serait améliorer !
Une fois encore merci et à bientôt !
Draguel 
Liné
Posté le 07/11/2018
Hello Draguel,
Très chouette intro ! 
On sent que tu as un univers très riche, très pensé. Entamer le recit par un rêve étrange, sur fond de mythologies, est très mystérieux. J'aime particulièrement l'idée des tableaux !
Sur la forme, tu as un style plutôt "analytique" avec pas mal de connecteurs logiques et des descriptions très réelles. Du coup, on se sent tout de suite intégrés dans l'univers des académiciens.
Si je permets une minuscule remarque, je te dirais qu'on se sent peut être un peu trop éloignés des personnages. Ce premier chapitre permet de dérouler une partie de l'univers, mais on en sait très peu sur les personnages et j'ai encore du mal à les visualiser. Mais après tout, c'est très compliqué de tout "caser" dans un seul chapitre d'introduction :-)
À bientôt !
Liné 
Draguel
Posté le 07/11/2018
Bonjour (ou bonsoir) Liné,<br /><br />Je te remercie pour ton commentaire il me sera sans aucun doute utile :D
Avant d'entamer la rédaction de ce premier chapitre j'ai effectivement longement réfléchis à mon univers. Je voulais qu'il soit parfait clair dans mon esprit pour ne pas subir d'incohérence mais l'envie de démarrer une aventure a été plus forte alors j'essaye de le faire émerger de mon esprit. 
Je pense que mon côté "analytique" vient du fait que je suis probablement plus scientifique que littéraire et cela risque de me porter préjudice car j'ai tendance à synthétiser là où je devrais développer. En ce qui concerne les descritpions, je cherche à partager mon univers tel que moi je le perçois alors il faut bien que je passe par là.
Rendre mes personnages attachant sera ma tâche la plus hardu. Rien que pour les dialogues je n'arrive pas directement à enchaîner les paroles. En ce qui concerne la description des personnages, je les fait quand elles me semblent utiles pour certains personnages quand, par leur tenu ou caractéristique physique, ils se distinguent.
À nouveau merci pour ton commentaire et à bientôt !
Draguel 
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