Sang: Liquide rouge qui circule dans les artères, les veines et les capillaires sous l'impulsion du cœur, et qui irrigue tous les tissus de l'organisme, auxquels il apporte les éléments nutritifs et l'oxygène, et dont il recueille les déchets.
Je respirais longuement et lentement, expulsant progressivement l'air de mes poumons avant d'en reprendre une bouffée profonde. Je fixais la tache rouge d'hémoglobine sur le sol en carrelage de la salle. Mon camarade, blessé, gémissait de douleur en se tenant l'épaule d'où s'écoulait le sang qui avait taché le sol.
Il y avait quelque part, dans l'université, en totale liberté, des hommes armés.
Liberté: État de quelqu'un ou d'un animal qui n'est pas retenu prisonnier.
Je restais dans mon coin, cherchant à m'isoler le plus possible de l'anxiété ambiante. Je me rongeais les ongles afin de me calmer. Au moins, en faisant cela, je me concentrais sur autre chose que les tueurs qui se baladaient où il le souhaitait. J'entendais des cris dans les couloirs, ainsi que des bruits de pas agités. Tout le monde quittait le bâtiment et cherchait à prendre la fuite. Sauf nous.
Fuite: Action de chercher à se dérober, à se soustraire à quelque chose de pénible, de dangereux.
Et Dieu seul sait à quel point notre situation était dangereuse.
Restons dans la salle, groupés. L'effet de masse va faire pire que mieux. On partira plus tard, quand ça sera moins risqué. Et puis le protocole implique qu'on reste confinés dans la salle, avait dit l'un des élèves.
Tout le monde l'avait écouté. En soi, il n'avait pas tort. Mais rester ici n'en était pas moins inconsidéré. On entendait au loin, les coups de feux parmi lesquels se muaient les cris et les bruits de pas des élèves fuyants. Il n'y avait pas eu d'attaque dans notre édifice, fort heureusement. Mais je ne pouvais m'empêcher de penser qu'ils pouvaient subitement arriver ici, et tirer à la volée.
La chaleur de la pièce devenait étouffante. L'anxiété des élèves n'arrangeait rien à l'ambiance, et l'atmosphère commençait à être parfumé du sang s'évadant un peu de la plaie de notre camarade. Il venait d'un des autres bâtiments dont il avait réussi à s'enfuir, non pas sans se faire tirer dessus au passage.
J'étouffais ici.
Étouffer: Gêner la respiration de quelqu'un.
Je sors. Je ne supporte plus d'être ici. lançais-je un peu au hasard, avant de quitter la pièce.
Je percutais un fuyard qui ne prit pas la peine de s'excuser. En ce temps de panique, la courtoisie n'était plus de mise, et je ne lui en voulais pas. Je zigzaguais à travers la foule d'étudiants qui bloquaient les issues, et parvint à me faufiler par une fenêtre pour gagner l'extérieur. Le vent frais rafraîchit mes joues rouges et fit voleter mes cheveux en bataille. Même dehors, c'était l'agitation, même si elle était plus éparse. Tout le monde se dirigeait vers l'entrée principale pour pouvoir rentrer chez eux. Décision stupide, les tireurs les y attendraient. Je choisis de faire le tour, cherchant à rejoindre un autre chemin. Mon allure était relativement lente en dépit de la situation. De toute façon, courir ne me servirait à rien. Si je devais mourir, ça arriverait, que je sois en train de marcher ou de faire un marathon.
Mourir: Cesser de vivre ou être sur le point de cesser de vivre
Je marchais un moment. La bibliothèque universitaire se trouva soudainement à ma droite. Mes yeux s'y attardèrent à mesure que j'avançais. Je fus saisi d'effroi. Le hall si lumineux s'était transformé en une pièce de torture. La blancheur des livres avait été remplacée par le carmin du sang. Plutôt que de fuir, je restais plantée dehors, les yeux rivés sur les baies vitrées qui m'offraient un spectacle d'horreur. Des élèves étaient allongés au sol, toute trace de vie avait disparu de leurs corps. Leur sang s'était écoulé et formait des flaques sur le linoléum blafard. Des pleurs résonnaient et des coups de feu les firent rapidement cesser. Un des tireurs apparut dans mon champ de vision, et avant que je ne puisse réagir, une poigne m'attrapa les cheveux et me tira à l'intérieur.
Mourir: Perdre de sa vigueur, s'affaiblir, s'éteindre doucement
L'air sentait la mort et le feu. Je marchais, contournant comme je le pouvais les cadavres des étudiants. L'homme qui me tirait semblait prendre un malin plaisir à me faire observer chaque cadavre, chaque tache de sang, et chaque éclat de balles.
Tu semblais prendre ton pied, à nous observer de loin. me lança-t-il en lâchant un rire lugubre.
C'était faux. Bien sûr que je ne prenais pas mon pied. Les larmes me montaient aux yeux et la peur faisait trembler mon corps entier. On me lâcha dans une des salles de la bibliothèque où se trouvaient déjà quatre étudiants rescapés. Pour certains, leurs vêtements étaient tâchés, voir abîmés, mais globalement, tous avaient les joues mouillées de larmes.
Des otages. Une clé pour la sortie. C'est tout ce qu'on est pour eux. pensais-je.
Je craquais et me mis à pleurer. Nos reniflements et nos halètements étaient tout ce qui cassait le silence de la pièce.
Des sirènes. J'entendais brusquement des sirènes approcher. La police était arrivée. Nous n'étions pas libres pour autant. La panique prit d'assaut les quatre tireurs qui étaient avec nous. Les négociations commencèrent entre eux et les policiers. La mort dans l'âme, je les regardais s'affoler, réclamer de l'argent en échange de nous.
Mourir: Dépérir, perdre ses fonctions vitales
Le temps était si long. Je ne savais pas si j'étais là depuis cinq minutes ou trois heures. Sans réellement comprendre pourquoi, un des homme tira contre lui une des élèves apeurée. Le canon de son arme se colla contre la tempe de la jeune adulte, et le coup de feu fut assourdissant. La tête de l'étudiante vola en éclats, nous aspergeant de sang chaud et de liquide cérébro-spinal. Un cri s'échappa de mes lèvres. Sans perdre plus de temps, un autre homme tira un peu maladroitement vers le garçon à ma gauche.
Manqué.
La balle l'atteignit au bras. Il cria de douleur. Une deuxième balle vint se loger dans son torse. Le temps de tousser une gerbe de sang, une troisième balle fut tirée et termina sa course dans sa gorge. Je le regardais se vider de son sang à mes côtés, incapable du moindre mouvement. Il tentait de parler, mais ses mots n'étaient rien de plus que des gargouillis inintelligibles. Je passais la main sur mon front, étalant le sang qui s'y était écrasé. La frénésie meurtrière de nos tireurs n'était pas terminée. L'un d'eux se tira dans la bouche. De nouveau, une tête sauta. Un haut-le-coeur me força à faire dos à la scène. Je ne pouvais me retenir et me mis à vomir, avant que l'on me tire de nouveau par les cheveux.
Je faisais face à un tueur aux yeux exorbités, dont la panique transpirait par chaque pore de sa peau. Il me força à ouvrir la bouche avant d'y insérer le canon de son arme de poing. Machinalement, je secouais la tête, lui implorant de me laisser la vie sauve. Il resserra sa prise sur mes cheveux.
Quelque chose explosa un peu plus loin. Mes yeux pleuraient et se fermèrent quand un coup de feu retentit vers ma droite. La dernière étudiante venait d'être exécutée. Entre ses deux yeux, une plaie sanguinolente avait éclos, semblable à une fleur un matin de printemps.
Presque immédiatement après, son tueur se trancha la gorge, désespéré, créant une petite cascade d'hémoglobine. Je regardais de nouveau mon agresseur dans les yeux. Son doigt se resserra sur la détente. Je fermais les yeux.
Mourir: Disparaître ; cesser d'exister
J'aime beaucoup l'ambiance que tu y instaures. Les définitions parsemées au fil de l'écrit sont un peu perturbantes au début mais elles finissent par donner un vrai charme à ton histoire.
Je trouve qu'on sent une réelle gradation dans l'horreur et à la fin on a cette apothéose de l'horreur. J'ai trouvé ça très intéressant.
Félicitations et j'ai hâte de pouvoir en lire d'avantage
Pour les remarques, je dirais qu'elles sont surtout sur la forme / la relecture. Par exemple, mettre plus systématiquement les points à la fin des définitions des mots, ou bien le passé simple à ne pas confondre avec l'imparfait, notamment à la fin ("je fermais les yeux" serait plutôt "je fermai les yeux".)
Sinon j'aime vraiment bien et j'espère pouvoir en découvrir plus sur ton écriture :)