Les autorités avaient fermé l'animalerie, peu après que l'odeur des chiens eut changé. Ils s'étaient mis à suer et à sentir mauvais comme au mois d'août et pourtant on était en mars. Trois jours avant que l'astéroïde Saraba ne déchiquette l'atmosphère, ils étaient devenus comme fous : ils se projetaient sur les vitrines jusqu'à s'en défoncer le crâne. Et on aurait du les abattre, s'ils n'étaient passés de la violence la plus aberrante à la plus totale des catatonies. Saraba allait frapper la Terre vendredi. Les chiens s'y étaient fait. Pour les humains, c'était une histoire différente.
Le pommeau de douche à la main, l'angoisse avait cessé de lui ronger les nerfs. Elle était satisfaite de voir se consumer les papiers au fond de la baignoire. Elle les observa brûler lentement avant de les recouvrir d'eau en actionnant le mitigeur. La fumée se dissipa au bout de quelques minutes. Lorsqu'elle sortit de son appartement, elle ne remarqua pas le chaos qui régnait dans les rues. Cela faisait treize ans qu'elle avait pris la décision de s'enfermer chez elle. Jusqu'à la découverte de Saraba, elle en avait la certitude absolue : elle était incapable de se trouver en présence de quelqu'un d'autre qu'elle-même, car les rapports humains mêmes les plus anodins la terrorisaient. La distanciation sociale était devenue peu à peu son oxygène. Parler de la pluie et du beau temps ou soutenir le regard d'un inconnu l'aurait tué. A l'instar de la lèpre, la phobie avait recouvert sa vie sociale d'une carapace repoussante. Cloitrée, elle avait fonctionné par téléphone. Des conversations étranges, où elle dévissait totalement, où si un silence était plus long que le précédent, elle raccrochait. Mais elle avait tenté de survivre, et avant d'appeler quelqu'un, elle rédigeait sur un petit bout de papier les mots qu'elle allait prononcer. De cette manière, elle gérait les contacts vitaux qu'elle ne pouvait éviter, ceux qui étaient obligatoires à sa survie : ceux qui lui permettaient de manger, de boire, de se soigner et d'être en règle avec l'administration.
Les gens courraient partout, elle marchait avec sérénité, comme si toutes les rues la menaient chez Louis XIV à Versailles un soir de bal. Elle souriait à chaque personne qu'elle croisait. Les yeux injectés, les bouches fermées, la panique triste, rien ne la touchait : apprendre qu'elle allait mourir bientôt lui avait été utile. Poussée par un élan inespéré, elle s'était trouvé une raison de vivre.
Un texte étonnant qui mériterait d'être prolongé !
Dans le résumé, je pense que tu pourrais enlever la deuxième phrase. Ca en dit un peu trop long. Ou changer la phrase pour qu'on ne s'attende pas à ce que ce soit 'bien' pour elle.
Je suis d'accord pour le résumé!
Pour la suite, je ne pense pas qu'il y en aura une, c'est une série de textes courts (conte) à partir du travail d'un copain photographe. 1 photo = 1 conte.
Merci d'avoir pris le temps de laisser un avis!
J'avais effectivement Melancholia en tête pour l'astéroïde. Mais pas pour la personne déconnectée en revanche. Et pourtant c'est vrai que le parallèle est juste. Même si je crois que Kirsten Dust était assez lucide sur ce qui était en train de se passer.
Merci, à bientôt