Seeren court sur le sentier. Ses pieds teintés d’ocre foulent la terre rendue brûlante par la caresse d’Ogon. En contrebas, elle regarde, envieuse, les vagues léchant avec gourmandise la roche salée de la falaise qui s’ouvre à son côté. Brusquement elle s’arrête, fait mine de sauter. Elle hésite. Plus loin ce sera mieux.
Là voilà arrivée. Seeren s’approche du bord. Joyeuse, elle danse, et sa peau brille de mille feux. Mi-enfant, mi-poisson, elle s’élance. L’océan paternel lui tend ses bras d’écume. Elle nage, frétille, fend les flots. Ce n’est pas l’alevin qui à choisi la fillette, mais Seeren qui a choisi la mer. Un drôle de hasard à voulu que la fille du soleil devienne une ombre. Une belle ombre au corps fin et au nageoires agiles.
Seeren joue dans les vagues et se joue du courant. Au fond d’elle, la petite Ogarie ne sent pas la panique du poisson. Habituée aux rivières, l’ombre ne connaît pas la violence de l’océan, elle lutte et se fatigue dans son corps allourdi par la présence de l’enfant. Alors, Seeren disparaît, laissant la petite ombre seule, luttant pour deux vies dans son corps frêle. Avec la force du désespoir, Ombre se fraie un chemin dans les flots, se réfugie dans l’onde calme d’un ruisseau qui se jette là. Tremblante, elle détend ses muscles. Au fond d’elle, elle ne sent pas Seeren qui l’appelle.
Les zefs passent, Ombre cherche ses semblables, pourtant elle ne se souvient pas d’eux. A-t-elle déjà vécu en banc ? Seeren s’efface peu à peu.
On dit que lorsque vient la nuit, dans une rivière, on peut voir dormir une enfant au corps couvert d’écailles, et qu’au petit matin, elle disparaît dans une gerbe d’écume.
Si un jour vous croisez une ombre dans le courant d’un ruisseau, parlez-lui, c’est peut-être Seeren qui cherche de la compagnie.
C'est une nouvelle remplie de douceur, de tendresse et pourtant il y a une violence latente.
J'ai beaucoup aimé parcourir ces lignes
Merci pour la lecture