Parce que les bottes d’un enfant sautent dans la pluie, parce que je ne vais plus jamais ouvrir aux gouttes qui tambourinent à ma porte, parce que la nue a oublié qu’avant, elle savait sourire,
Je marche seule sur le boulevard. Je ne me reconnais pas dans la glace des vitrines. Parce que l’eye-liner bleu a débordé. Parce que ma silhouette est encapuchonnée.
Il pleut dans mon cœur comme il pleut sur la ville, a-t-il dit. Le soleil n’a pas encore ouvert les yeux. Parce qu’il est fatigué de se lever ? Et s’il ne brillait plus jamais ? Et s’il s’était éteint cette nuit ? Et si je l’imitais ?
Mes larmes se mêlent à celles du ciel. Le froid m’enlace, m’engourdit. Et si je me posais là, et fermais les yeux quelques secondes ? Et si je m’endormais pour toujours ?
Soudain, ça ne me paraît plus si terrible. Parce que l’eye-liner bleu s’étale encore sur ma pommette, constellation violette. Elle me fait souffrir. J’effleure mon visage pour ôter les gouttes de mes yeux. Liquide trop visqueux. À la lueur d’un lampadaire, je découvre le sang sur mes doigts.
Je n’avais pas senti cette blessure, elle n’était pas importante. Pas plus que l’eye-liner rebelle. J’essaie d’oublier le reste : mes côtes, mon cou, mon cœur. Surtout mon cœur. Les ecchymoses qui parsèment mon corps tout entier.
J’essaie d’oublier le petit être qui m’habite. Et s’il… ? Non, non, non. Ne pas y penser. Il ne peut pas… Au milieu de la rue, une flaque. Au milieu de la flaque, mon reflet. Je m’effondre. La femme qui se reflète sur la surface ridée n’est plus qu’une fillette. Une fillette qui aurait grandi trop vite, une fillette à qui on aurait arraché son ourson.
Une vieille dame arrive. Clopin-clopant. Elle s’arrête, essoufflée. Se penche au-dessus de moi.
– Tout va bien, mademoiselle ?
Elle sait sans doute que non. Elle demande quand même. J’essaie d’atténuer les sanglots qui déchirent ma gorge. Elle me tend une main tachetée de vieillesse. Je lève le bras, effleure ses doigts frêles. Je me remets debout, maladroitement, sans trop m’appuyer sur elle.
La vieille dame m’emmène dans son appartement, qui surplombe le boulevard. Elle me fait asseoir sur le canapé, va préparer du thé. Sa tasse tremble entre ses mains. J’entrouvre mes lèvres pour accueillir le liquide chaud… Je n’en ai pas le temps. Les mots jaillissent, s’enchaînent, s’emmêlent, s’enlacent. Je lui raconte les coups, les cris, le bleu qui s’étend sur mon œil comme une constellation. Je lui raconte mon enfant, le jour où j’ai appris, le jour où les premières larmes ont coulé.
Elle m’écoute, sagement. Elle me tend sa main frêle, saisit mes doigts tremblants. Elle me tend un mouchoir. Je n’avais pas remarqué l’eau salée.
– Tu peux rester.
Elle n’a pas besoin d’aller plus loin. Elle m’accueille, moi et mon ventre un peu trop rond, moi et mes ecchymoses, moi et mon cœur brisé. Je lui souris.
Tout là-haut, un rayon de soleil illumine timidement mon visage bleuté.
C'est magnifique. Vraiment magnifique. Tu décris super bien les émotions, le désarroi, la souffrance avec cette métaphore filée. Le mauvais temps, les gouttes de pluie, l'eye-liner qui coule, les larmes... tout est très bien ficelé et, surtout, écrit avec beaucoup de poésie et de maîtrise. Chaque mot est bien à sa place.
Juste par curiosité, qu'entends-tu par "la nue" dans le premier paragraphe ?
Et aussi, peut-être attention à l'emplacement de certaines virgules et points. Ça passe globalement bien comme tu l'as écrit mais quelques fois je pense que tu pourrais encore optimiser et mettre des points à la place des virgules.
Petit exemple : « Je marche seule sur le boulevard. Je ne me reconnais pas dans la glace des vitrines. Parce que l’eye-liner bleu a débordé. Parce que ma silhouette est encapuchonnée. »
Dans le premier paragraphe, je pense que tu voulais aussi mettre un point après le dernier mot "sourire", non ?
Tout d'abord, un immense merci <3 ça fait toujours chaud au cœur, des commentaires aussi complets =)
La nue, les nuages. Sourire dans le sens être blanc (comme les dents), mais surtout arrêter de pleuvoir / de pleurer. ça satisfait ta curiosité ?
Concernant la ponctuation, je ne sais pas trop quoi te répondre. D'un côté, tu as entièrement raison. De l'autre, je pense que ma ponctuation fonctionne aussi. Au premier paragraphe, je voulais un peu comme les enjambements de la poésie. Par contre, je crois que je vais adopter la proposition de ton petit exemple. Et pour le reste, il y a d'autres endroits où la ponctuation te paraît un peu étrange ou "reformulable" ?
À la prochaine j'espère =)