Spécialité du terroir

Trois cors

I - Élias, Merlin, Séli – Matin – Le laboratoire

Séli entre et claque la porte du laboratoire.

Merlin, sursautant : Ah putain vous m'avez foutu les j'tons !

Séli, suspicieuse : Je vous dérange ?

Élias lance un regard noir à Merlin avant de se replonger dans son livre.

Merlin, étonné : N... non, je... Je foutais rien, en fait.

Séli, soupire : Eh ben on peut dire que vous faites dans l'originalité, ces temps-ci... C'est le printemps qui vous met dans cet état ?

Merlin, fronce les sourcils, perplexe : Le printemps ?

Séli, agacée : Oui le printemps, les petits oiseaux, les fleurs qui s'ouvrent, la vie qui renaît, toutes ces conneries, là. C'est pas votre truc à vous, les Enchanteurs ?

Merlin : Si, mais je vois pas le rapport avec le fait que je foute rien.

Séli, levant les yeux au ciel : C'est vrai que vous êtes un glandeur en toute saison...

Générique

II - Élias, Merlin, Séli – Le laboratoire

Merlin, s'impatientant : Vous avez un truc à me demander ou c'est juste pour le plaisir d'être désagréable ? Nan parce que si c'est pour me faire insulter, c'est pas la peine...

Séli : Oh arrêtez de pleurnicher. J'viens vous donner une occasion de nous montrer toute l'étendue de vos pouvoirs, ça vous changera du curage d'orteils...

Merlin, inquiet : Qu'est-ce que vous mijotez, encore ? Me demandez pas une potion ou un truc dans le genre, hein ! Parce qu'à chaque fois que ça foire, c'est sur moi que ça retombe...

Séli, scandalisée : Parce que vous voudriez que ça retombe sur qui, crétin ? La faute à qui si notre corniaud d'Enchanteur sait même pas guérir la goutte au nez ?

Merlin, vexé : J'sais pt'être pas guérir la goutte au nez, mais je fais la meilleure béchamel de Bretagne.

Élias ricane, pose son livre et approche.

Séli, sarcastique : Mais quel prestige ! On s'en tape de votre béchamel, abruti ! Si vous vouliez faire des plats en sauce, fallait ouvrir une auberge, pas devenir Enchanteur de Kaamelott !

Merlin croise les bras sur sa poitrine, l'air boudeur. Séli inspire profondément et tente de se calmer.

Séli, se forçant à la patience : Alors à moins que vous ayez découvert que la béchamel a des propriétés aphrodisiaques, va falloir mettre un sérieux coup de collier et faire un peu de magie, mon vieux.

Merlin, écarquillant les yeux : Aphrodisiaque ? Ah non ! Vous allez pas recommencer avec cette potion de fécondité !

Séli : Eh si.

Merlin, désespéré : Mais vous voyez bien que c'est pas la peine !

Séli : On vous demande pas votre avis. Puisque c'est l'envie qui leur manque, on va la leur donner. Et hop ! À nous l'héritier !

Merlin, dépité : Mais je sais pas faire de philtres d'amour, moi...

Séli, faisant demi-tour : Alors demandez à Élias de vous aider. (Fait un signe dans sa direction) À moins que votre spécialité à vous, ça soit la mayonnaise ?

Élias, croise les mains dans son dos : Ne vous en faites pas, Dame Séli, vous parlez à un véritable Enchanteur.

Merlin, grimaçant : « Vous parlez à un véritable Enchanteur... » En attendant c'est qui qui a amené Arthur au rocher, hein ? C'est bibi ! Alors laissez travailler les honnêtes gens, Môsieur Élias de Kelliwic'h !

Élias, souriant : Ah mais moi je ne demande pas mieux que de vous laisser travailler ! J'y suis pour rien si vous êtes pas foutu de préparer un philtre d'amour tout seul...

Séli, agacée : Oh, fermez-la ! Y'en a un de vous qui s'y colle, et j'veux la mixture pour le repas de ce soir. Alors magnez-vous le train !

Séli quitte le laboratoire. Merlin jette un coup d'œil à son chaudron et observe Élias.

Merlin, hésitant : Bon ben vous vous occupez du philtre et moi je supervise.

Élias, amusé : Superviser, vous ? Je vous préviens, si vous me traînez dans les pattes pendant que je prépare la potion...

Merlin, énervé : J'ai compris, y'en a encore que pour Môsieur Élias ! Vous voulez pas que je vous aide, très bien ! Mais attention à vous, parce qui si votre tambouille marche, faudra pas réclamer tous les honneurs !

Élias, soupire : Mais retournez donc traire vos vaches dans la nature, mon pauvre ami ! On vous appellera quand on voudra faire des endives au jambon...

III – Merlin, Séli – Soirée – Le couloir

Merlin, à voix basse, lui donne le flacon d'aphrodisiaque : Vous en mettez quelques gouttes dans le manger, et le tour et joué.

Séli, étonnée : Dans la bouffe ? C'est pas dans le picrate qu'on est censé le verser ce machin-là ?

Merlin, hésitant : Ouais, non... En fait celui-là se mélange mieux dans les corps gras.

Séli, sceptique : Qu'est-ce que vous me chantez ? Quels corps gras ?

Merlin, s'impatientant : J'sais pas moi ! De l'huile, de la sauce, de la béchamel... N'importe quoi qui glisse bien.

Séli, affolée : Ah non hein ! Vous allez pas me remettre votre béchamel sur le tapis !

Merlin : Je vous assure ! Faut que ça soit gras !

Séli, inquiète : Bon, admettons. Combien de gouttes je mets ?

Merlin, embêté : Ben... Je sais pas vraiment...

Séli, fronçant les sourcils : C'est pas vous qui l'avez fait, hein ?

Merlin, baisse les yeux : Non mais ça se marie très bien avec la crème fraîche et...

Séli, fait demi-tour : Pignouf.

IV – Arthur, Guenièvre, Léodagan, Séli – La salle à manger

Arthur, incrédule, fixe le plat : Encore ? Putain mais c'est pas possible, qu'est-ce qu'ils ont les cuistots avec les endives au jambon ?

Séli, impatiente : Ça doit être la saison. Amenez votre assiette que je vous serve.

Arthur, sarcastique : La saison des endives au jambon ? Quoi, ça pousse mieux au printemps ?

Séli, sert Guenièvre qui louche sur le plat : Bon on va en parler pendant trois plombes, si ? Avalez vos endives et foutez la paix aux cuisiniers.

Arthur : Charmant. On peut savoir ce qui vous met de si bonne humeur, belle-mère ?

Séli : Rien. Vous mangez oui ou merde ?

Arthur : Merde.

Léodagan : Moi j'aimerais bien bouffer.

Arthur : Ah mais je vous en empêche pas ! Moi j'en ai ma claque de béqueter la même chose tous les soirs.

Léodagan se penche pour prendre le plat, Séli le tire vers Arthur.

Léodagan : Quoi encore ?

Séli, lance un regard noir à Léodagan : Vous y avez pas droit, vous.

Léodagan, se relève, outré : Ah ben c'est la meilleure celle-là ! Vous m'emmerdez déjà comme quoi j'prends de la place au plumard, et maintenant vous me retirez la bouffe de l'assiette !

Séli, amère : Eh ben ça vous fera perdre de la brioche. Disons que je fais d'une pierre deux coups. Allez, Sire ! Mangez, quoi !

Arthur, ricane : Mais lâchez-moi la grappe, à la fin ! J'ai pas faim, j'ai pas faim, c'est tout ! Pourquoi vous tenez tellement à ce que je les goûte, ces endives ? (Regarde le plat d'un air suspicieux) C'est pas vous qui les avez faites, au moins ?

Séli, soupire : Non, c'est pas moi.

Arthur, étonné : Ben alors ?

Guenièvre, la bouche pleine : Vous devriez essayez, vraiment elles sont délicieuses.

Arthur l'observe, les sourcils levés alors que Guenièvre avale une grande cuiller de béchamel.

Arthur, dégoûté : Ah non, vraiment, c'est pas possible... Rien que de voir la sauce là, ça me donne envie de gerber.

Séli, agacée : Oh arrêtez de faire le difficile. Paraît que c'est la meilleure béchamel de Bretagne.

Léodagan, grognant : Ah ben tu parles d'une réputation...

Séli, l'ignore : Allez, Sire, un petit effort...

Arthur : Nan mais je vous dis que je peux pas ! Regardez ça (Trempe le doigt dans la sauce) on dirait de la graisse concentrée, un truc à vous boucher les tuyaux.

Séli, exaspérée : Faites-moi confiance, ça va vous en déboucher un.

Arthur, alarmé : De quoi ? Vous avez pas comploté avec les boniches pour me coller la chiasse quand même ?

Séli, énervée : Mais c'est pas possible, ça ! Vous pouvez pas goûter, au moins ? Pour me faire plaisir ?

Arthur la dévisage, regarde Léodagan qui hausse les épaules.

Arthur : Vous faire plaisir ? Depuis quand ça vous fait plaisir que je bouffe des endives ?

Léodagan : Et depuis quand ça vous emmerde que moi j'en bouffe ?

Séli jète la cuiller dans le plat, se lève et quitte la salle à manger.

V – Léodagan, Séli – Nuit – Chambre de Léodagan et Séli

Léodagan lit un parchemin et jète un coup d'œil à Séli qui est allongée à côté, lui tournant le dos, les yeux ouverts.

Léodagan, posant le parchemin sur la table de chevet : Vous tirez encore la tronche ?

Séli, lève les yeux au ciel : Faut avouer que dans la catégorie emmerdeur vous êtes un champion !

Léodagan, hausse les épaules : Ah ben ouais mais faut me prévenir aussi quand vous décidez de foutre de l'aphrodisiaque dans la béchamel...

Séli, grommelle : Meilleure béchamel de Bretagne, mon œil... En attendant ça remue pas beaucoup dans la piaule du dessus...

Léodagan, observe le plafond : S'il en a pas bouffé, ça risque pas de faire effet... Mais si la petite y met du sien qui sait... Elle a eu l'air de la trouver bonne, elle, la béchamel de notre cher Enchanteur...

Séli, grognant : Je pense pas qu'elle soit en état.

Léodagan : Comment ça ?

Séli, soupire : Disons qu'elle est trop occupée à retenir ses boyaux à l'intérieur.

Léodagan, fronce les sourcils : De quoi ?

Séli : Vous voulez pas que je vous fasse un dessin, si ?

Léodagan, étonné : Quoi vous êtes en train de me dire que Merlin s'est démerdé pour pondre un aphrodisiaque qui file la courante ?

Séli : Nan, c'est Élias qui a fait l'aphrodisiaque...

Noir

... Merlin s'est contenté de faire la béchamel.