—Qu’est-ce que vous tramez, les deux ? Le cirque d’hier ne vous a pas suffi ? déclara Gemma.
Elle nous dévisageait tour à tour, respirant la méfiance. Élias avait insisté pour que nous aillions la voir en premier. Nous étions donc dans sa chambre, et elle avait l’air moins que ravie d’être réveillée à une heure pareille. Elle était assise sur son lit, en pyjama, un peignoir de satin vert d’eau sur les épaules. Ses mains jouaient mécaniquement avec un médiator, roulant d’un doigt à l’autre. Je n’osais pas la regarder en face, mais un rapide coup d’œil me fit comprendre que la nuit n’avait pas été mauvaise que pour moi. Ses longs cheveux détachés étaient dressés en épis de toutes sortes, à divers endroits, et des cernes violets s’étiraient sous ses yeux. Ne sachant que dire face à son agressivité, je me tournai vers Élias, perdue. Celui-ci sembla tenté de céder à ma faiblesse ; toutefois, il se reprit et se contenta de glisser à Gemma :
—Écoute-la, juste cette fois.
—Tu plaisantes ? Je n’ai fait que ça pendant des semaines, l’écouter. Et pour quel résultat !
Une petite voix me souffla qu’en suivant mes conseils et en m’accompagnant dans la Quête, elle avait beaucoup gagné. Elle n’avait pas tant que ça à se plaindre, en prenant tout en compte. Après tout, je savais de source sûre qu’une maison de disques avait lu son CV et observé son parcours musical avec grand intérêt après qu’elle soit devenue un Héros. Des passants l’avaient filmé aussi, alors qu’elle chantait sur le pont. Subjugué par sa voix, Internet portait à ce moment même son talent aux nues, sa réputation étant soutenue par son rôle dans la Quête et l’aide prêtée aux victimes du séisme, hier. Néanmoins, j’avais pleinement conscience des circonstances et de mes propres fautes. Je repoussai la petite voix vindicative dans un coin poussiéreux de mon esprit pour mieux me concentrer sur ce que j’allais dire. Car il fallait bien dire quelque chose !
J’étais déjà chanceuse que nous ayons croisé Gemma dans le couloir à une heure aussi matinale, plus encore qu’elle accepte de m’entendre. Bras croisés, sourcils froncés, elle attendait que je crache le morceau. Il fallut qu’Élias pousse sa main légèrement contre mes omoplates pour que j’ose franchir le pas :
—Je suis désolée… d’avoir menti. Et de vous avoir manipulé. Et de vous avoir fait risquer vos vies…
—Je crois qu’énumérer tout ce bazar est encore pire, m’interrompit-elle en laissant ses bras tomber le long de son corps.
—Mais ce n’est pas ma faute si Vercran a essayé de nous tuer ! objectai-je avec conviction. Il croit que la Quête est une tactique de mon père pour ruiner ses plans…
—Pourquoi ton père ferait-il une chose pareille ? fit la jeune femme, la rage faisant place à la confusion.
—Apparemment, répondis-je. Il aurait volé le travail de mon père pour je-ne-sais-quoi. Afin de le récupérer, mon père m’aurait convaincu de le poursuivre en découvrant des preuves incriminantes et de dévoiler ensuite la vérité au monde. C’est pour ça qu’il nous attaquait, pour nous dissuader de poursuivre la Quête ! Bref, il est complètement fou.
Gemma accueillit mon explication avec un silence pensif. Elle resta ainsi, les yeux brumeux, à réfléchir, puis finit par lâcher :
—Ingrid. Tu utilises les maths pour prédire les différents évènements possibles, correct ?
—Euh, oui… murmurai-je, mal à l’aise.
—Mais pour les étapes de la Quête, c’est toi qui as décidé quoi faire et où aller, on est d’accord ?
Je hochai la tête pour acquiescer. Je ne voyais pas encore où elle voulait en venir mais, clairement, elle était en train de réaliser quelque chose.
—Tu as décidé des… « missions » et des destinations toute seule ?
—Oui. J’en discutais avec Charlotte et Tristan, parfois, m’enfin, j’avais le dernier mot.
—Personne d’autre ? insista Gemma, le médiator passant de nouveau d’une main à l’autre.
Je me creusai la tête une seconde et soudain je m’exclamai :
—Ah ! Parfois, pendant que nous discutions, mon père passait… et il nous suggérait des idées. Pas grand-chose, mais…
Comment avais-je pu oublier ? La troisième Étape était plus ou moins la suggestion de mon père. Il m’avait écouté déblatérer toutes mes hypothèses et idées pour la Quête, avant même que le plan ne soit concret. D’après Amos, Vercran, et le reste du monde à vrai dire, mon père était un génie. J’étais bien la fille de mon père. Aurait-ce vraiment été dur, pour quelqu’un d’aussi intelligent que lui, de me guider discrètement là où il le voulait ? Les murs de mes certitudes s’effondraient en poussière de plâtre imaginaire. Je repassai dans mon esprit chaque interaction que nous avions eu depuis l’invention de ma formule mathématiques prophétique. À quel moment cela avait-il pu commencer ? Était-ce seulement le cas ? Bon sang, Vercran avait sans doute raconté n’importe quoi pour me déstabiliser. Cela dit, ils se connaissaient bien, je l’avais vu de mes propres yeux ! Je balbutiai, tirant avec acharnement sur les manches de mon gilet :
—Non, c’est impossible. Papa n’aurait jamais fait une chose pareille. Vercran doit mentir…
—Peut-être, dit Gemma en portant le médiator à ses lèvres, le regard ailleurs. Cependant, il reste une chance qu’il ait dit la vérité. Et si c’est le cas…
Elle me dévisagea à nouveau et cette-fois, je me fis violence pour ne pas éviter son regard. Étrangement, je n’y vis ni la rage brûlante qui l’habitait hier, ni le doute. En revanche, une colère froide semblait grandir derrière ses prunelles noires. Je crois que je n’en étais pas la cible. Je me tournai encore une fois vers Élias. Lui non plus ne me prêtait plus attention : il avait l’air frappé par la même réalisation que Gemma. Laquelle ? J’admets n’en avoir eu aucune idée sur le moment. Soudain, elle jeta le triangle de plastique dans l’air, le captura au vol dans le creux de son poing et fit demi-tour. Elle marchait à grande enjambées dans le couloir, s’éloignant loin de nous, et mon cœur tomba lourdement dans ma poitrine. Je savais bien qu’elle n’avait pas à accepter mes excuses, n’empêche que ça faisait mal. Mais contre toute attente, elle ne s’arrêta pas devant la porte de sa chambre. Au lieu de ça, elle se planta devant celle de Baptiste et se mit à tambouriner contre la porte comme une folle. L’occupant ne tarda pas à sortir :
—Ça va pas la tête ? Deux coups auraient suffi ! Sans parler de l’heure !
—Va réveiller les autres, lui dit-elle en ignorant ses reproches. C’est important.
Il se frotta le visage d’une main fatiguée, l’autre accrochée à l’encadrement de la porte. Il ouvrit la bouche pour demander plus d’explications quand, tournant la tête, il m’aperçut. C’est alors qu’il remarqua la main d’Élias sur mon épaule et les mâchoires serrées de Gemma. Il soupira, puis se remit sur ses deux pieds et dit :
—Attendez-nous dans le salon, je vais ramener le reste du groupe.
—Combien d’heures de différence entre la France et le Nicaragua ?
—Huit, il me semble, bailla Froitaut depuis sa chaise.
Martin, courbé au-dessus de l’ordinateur, pianotait avec ardeur. Baptiste, penché par-dessus son épaule, se redressa un instant pour compter :
—Donc il va être bientôt midi à Paris. Rappelle-moi pourquoi on essaye d’appeler le père d’Ingrid maintenant ? demanda le Chevalier au Barde, l’exaspération pointant dans sa voix. Ça aurait pu attendre un peu.
—Non ! Écoutez, Ingrid vous a fait le débrief’ de la situation, répéta Charlotte en prenant les autres au dépourvu. Vercran pense que nous sommes après lui et il n’a l’air de vouloir abandonner. Pourquoi ? Parce qu’il est persuadé que le père Karlsen veut se venger après qu’il ait volé ses travaux. Ça vaut la peine qu’on vérifie auprès de lui.
—Elle a raison, insista Gemma, assise contre la table du salon. Je sais que ça a l’air fou…
—Ce qui est fou, c’est qu’on l’écoute encore, fit Baptiste entre ses dents, avant de chuchoter par-devers lui : Comment est-ce que j’ai pu être assez bête pour croire à un tel conte de fées ?
Je me recroquevillai dans le canapé. J’aurais aimé me faire aspirer entre les coussins, hélas j’avais plus que conscience de l’impossibilité physique d’un tel miracle. Au lieu de quoi, je pressai la main de Tristan dans la mienne. Nous étions assis côte à côte, en pyjama et en pantoufles. Il portait son éternel hoodie bleu. Je me demandai brièvement s’il en avait plusieurs identiques qu’il portait au fur et à mesure. Ça lui ressemblerait. Moi, pour l’instant, je gardai les yeux rivés au sol. J’étais une criminelle entourée de ses victimes et sans Tristan et Charlotte, je crois que j’aurais pris la fuite. Difficile de garder son arrogance quand on a son plan machiavélique éventé et éventré sur une table, exposé aux regards horrifiés de tous.
Froitaut lâcha tout à trac :
—J’étais au courant. Depuis le début.
—Quoi, qu’elle mentait ? fit Baptiste avec des yeux ronds.
Mon professeur hocha la tête, sans un mot. Le jeune homme eut alors un petit rire nerveux, étranglé et trop aigüe, qu’il ne parvint à faire taire qu’en plaquant une main sur sa bouche. Je fermai les yeux. Bon sang, faites qu’on en finisse bientôt. Que nous finissions la Quête ou non, peu important désormais : je voulais juste mettre un terme à ce bazar. Seulement, Baptiste, lui, n’en avait pas fini :
—Qu’est-ce qui vous a pris, M. Froitaut ? Vous saviez pendant tout ce temps et vous n’avez rien dit. Pourquoi prendre part à cette… je ne sais même plus comment appeler ce cirque.
—Je pensais qu’en étant présent, je pourrais limiter la casse, dit-il entre ses dents. Il me jeta un coup d’œil, puis redirigea son attention vers Baptiste : Et Ingrid reste mon élève…
—Bon boulot, répondit Baptiste avec hargne. Il secoua la tête, se tut une minute, puis reprit : Comment on avance après ça ? La Quête n’existe même pas. La seule raison pour laquelle j’ai accepté de venir, outre l’insistance d’Ingrid, c’est parce que je pensais pouvoir aider les autres. Avoir un vrai impact. Un boulot avec un objectif à la clé, quelque chose de réel, pas un simple mythe construit par une gosse en manque d’adrénaline !
—Tu as aidé des gens, Baptiste, remarqua Martin d’une voix distraite.
L’entendre nous plongea dans le silence. Visiblement insensible à son effet, il continua, ses yeux ne lâchant pas l’écran d’ordinateur :
—La Quête n’est tombée pas du ciel, c’est vrai. Cependant, on a vraiment risqué nos vies, et on a vraiment apporté du soutien à ceux qui en avaient en besoin.
—Oui, d’accord, mais basé sur un mensonge… tenta de contrecarrer le Chevalier légèrement radouci.
Mais Martin n’avait pas fini.
—Et alors ? Moi, sans la Pythie, je serais toujours coincé chez mes parents, dans un lycée minable, à me faire harceler par des types qui me regardaient de haut. Maintenant, j’ai des amis : vous. J’ai appris à me battre, à être courageux, à m’exprimer… J’ai fait des choses dont je n’aurais jamais cru être capable. Il leva les yeux de son écran pour me dire : Donc, pour moi, la Quête est réelle. Pas grave si elle a été créée par une fille de treize ans. Ça m’a sauvé tout pareil.
Il recula enfin et regarda tour à tour les Héros, plein d’un sérieux que je n’avais jamais vu chez lui.
—Vous pensez toujours être la même personne qu’au début de la Quête, vous ? Rien n’a changé ?
—Je suis d’accord avec Martin, lança soudain Élias. Et puis, qu’est-ce qu’on s’en moque, de comment ça a commencé. On est dedans jusqu’au cou, maintenant, avec une vraie menace en vue. Il faut qu’on en finisse.
Entre mes doigts, je sentis la poigne de Tristan se resserrer autour de ma main. Je n’osais toujours rien dire, mais une minuscule lueur d’espoir brillait à présent pour moi. Je savais maintenant qu’au moins deux des Héros ne me haïssaient pas totalement. Gemma claqua dans ses mains :
—On discutera chiffons et états d’âmes plus tard, si vous voulez bien. D’abord, on va essayer de régler le problème le plus urgent… et moi, je vais tester ma théorie. Martin, lance l’appel, s’il te plaît.
Ce dernier s’exécuta. La lumière de l’ordinateur s’intensifia et une musique d’attente résonna doucement dans le salon. Au bout d’une minute ou deux, la voix de mon père se fit entendre :
—Bonjour ?
—M. Karlsen, c’est Gemma. On s’est rencontré chez vous une fois, avant qu’on ne parte pour Marseille…
—Oui, je vous reconnais, répondit-il avec son flegme habituel. Est-ce que ma fille est là ? Amos m’a envoyé des messages m’expliquant la situation il y a une heure ou deux, j’aimerais la voir.
—Ça ne va pas être possible pour le moment.
Je retins ma respiration. Martin et Baptiste s’étaient reculés pour laisser passer la jeune femme. Elle prit place à la chaise en bout de table, l’ombre des deux héros vacillant derrière elle dans la lumière blanche et crue de l’ordinateur. Ses mains étaient croisées et son expression impénétrable.
—M. Karlsen, Vercran est entré par effraction dans la villa où nous logeons et a tenté d’agresser votre fille et ses amis. Je vous dis ça au cas où vous ne seriez pas au courant, expliqua-t-elle avec un soupçon d’ironie. En outre, pendant leur… altercation, Vercran a dévoilé un certain nombre de choses.
—Comme quoi ? demanda mon père.
Gemma fixa l’écran avant de lâcher tout à trac :
—Est-ce que vous avez poussé Ingrid sur les traces de Vercran ? Pour qu’elle retrouve vos documents ? Je peux comprendre : il vous a volé le fruit de vos recherches, il a visiblement plus toute sa tête, il est dangereux… Ce serait naturel de tenter n’importe quoi pour récupérer vos travaux.
—Vous pensez que je mettrais la vie de ma fille en danger pour une affaire de vengeance ? dit-il, ses mots teintés d’une surprise méprisante.
—Allez savoir. Moi, ce que je pense, et elle décroisa ses mains pour mieux s’adosser au dos de sa chaise, c’est que la façon dont on est arrivé à Grenade est étrange. Je dis pas que vous êtes responsables du séisme, ce serait pousser le bouchon un peu loin. En revanche, je trouve ça vraiment bizarre qu’on débarque dans un pays à l’autre bout du monde et que, comme par hasard, votre ami de longue date habite dans le coin. Encore plus bizarre, cet ami est proche avec Vercran et vos passés à vous trois sont entremêlés de façon… étrange. Sans parler des erreurs de billets : Charlotte nous a raconté comment nous étions censés atterrir en Espagne. Ça commence à faire beaucoup de coïncidences.
—Selon vous, je suis responsable d’un problème de billet ? lâcha mon père tandis que mon agent se laissait tomber à côté de moi sur le canapé. Ça suffit : je n’ai pas à répondre à de telles accusations. Je veux voir ma fille !
—Charlotte ne ferait pas une telle erreur. Je n’ai jamais vu des gosses aussi appliqués et intelligents de toute ma vie, et ça vaut pour les trois. Il y a définitivement eu une influence extérieure, et je sais que c’est vous. Il ne nous reste plus qu’à le prouver, assena-t-elle, les jointures de ses poings blanches.
Mon père resta silencieux. Je compris alors que Gemma avait raison. Je crus que les larmes allaient monter et que j’allai exploser en sanglots, sous le choc. Toutefois, mes yeux restèrent secs. Une part de moi n’était pas surprise. Une autre se demandait comment j’avais fait pour ne pas le voir venir : il s’était vraiment beaucoup intéressé à mon projet, bien plus qu’avant. C’est le moment que choisit Froitaut pour intervenir :
—M. Karlsen, Ingrid leur a dit la vérité par rapport à ses pouvoirs de divination. Si vous tenez vraiment à nous convaincre de terminer la Quête, vous allez devoir nous fournir plus d’informations que nous en avons.
J’attendis sa réponse, le cœur battant. Il pouvait encore dire non, qu’il n’avait aucune idée de ce dont ils parlaient. Vercran était fou et obsessif. Il avait essayé de nous tuer, il fallait garder ça à l’esprit !
—Je ne pensais pas qu’il irait aussi loin, dit la voix de mon père dans un souffle rauque. Je ne pensais pas qu’il serait prêt à blesser Ingrid. Surtout pas avec l’attention médiatique.
—Vous avez utilisé votre fille comme appât, espèce de sale- !
—Ça va, Gemma, l’interrompit Froitaut en la prenant par le poignet. Je vais prendre le relais.
Elle foudroya mon professeur du regard, avant de capituler et de se lever, non sans un dernier regard mauvais vers l’ordinateur. Elle chuchotait avec une colère à peine contenue avec Martin et Baptiste, tandis que mon père poursuivait ses explications à mi-voix :
—Ingrid a commencé à parler de sa formule mathématiques à peine deux semaines après que Vercran ait piraté ma base de données. Quand j’ai appris que la formule fonctionnait vraiment, je n’ai pas réfléchi longtemps : c’était l’occasion parfaite. J’espérais sincèrement qu’elle ne se rende compte de rien. Vous deviez tomber sur des traces, au fur et à mesure. Vercran n’est pas aussi discret qu’il le croit : il laisse des indices évidents pour celui qui sait chercher. Cependant, je ne comprends pas pourquoi vous êtes autant en colère.
—Pardon ? dit Froitaut.
—N’est-ce pas la raison pour laquelle vous avez tous décidé de vous joindre à la Quête ? Pour sauver le monde d’un grand danger ? Je vous assure que mes travaux, entre les mauvaises mains, pourraient être dévastateurs. De plus, si Ingrid avait su, elle aurait agi exactement de la même manière. Elle serait allée au bout de son plan.
Froitaut en resta bouche bée. Moi, je ne pouvais rien dire. Il avait raison. Au fond, ça m’arrangeait bien qu’il y ait une véritable menace. La Quête était réelle, mes Héros avaient une raison de rester à mes côtés… N’empêche qu’entendre ces mots sortir de la bouche de mon père me faisaient mal.
—Pourquoi ne pas le lui avoir dit, dans ce cas ? demanda Martin après un long silence.
—Parce que ma fille est têtue. Elle veut toujours agir à sa manière. Or, sa manière n’est pas toujours la bonne. Il fallait qu’elle agisse sans attirer l’attention du monde sur Vercran. Pas tout de suite.
—C’est bon, je ne veux pas entendre une autre explication complètement tirée par les cheveux ! C’est quoi, la prochaine étape ? s’écria Gemma depuis son coin de la pièce. Qu’est-ce qu’on doit faire pour se débarrasser de ce type ? Prendre d’assaut les bâtiments de Star-all ?
—Non, je sais qu’il n’a pas stocké mon travail là-bas. Je travaille sur le nucléaire, martela-t-il, et je pouvais voir son visage réservé se tendre dans mon esprit. Mon projet le plus récent… a un potentiel jusque-là inexploré. Je ne suis pas le premier scientifique qu’il a volé, vous savez. Toutes ses informations, tous ses trophées, il les garde dans une sorte de labo.
—Où ça ? s’interrogea Martin, déconcerté.
—Il a rénové un vieux bunker dans les Pyrénées. Complètement perdu dans la montagne, difficile d’accès… Je n’y ai jamais mis les pieds. Impossible d’y envoyer la police ou l’armée, ils se feraient repérer en un rien de temps. Vercran a des oreilles partout.
—Je rêve ou ce vieux crouton s’imagine qu’on va aller s’enterrer dans la neige pour récupérer sa paperasse ? s’indigna Gemma, prête à foncer vers l’ordinateur.
—Si on veut finir la Quête, on ne va pas pouvoir y couper, lâchai-je.
Tous les regards se posèrent sur moi. Ma troisième étape dans les Pyrénées… évidemment que cette suggestion n’était pas sortie de nulle part. Je continuai, moins assurée que je ne l’aurais souhaité :
—Je ne pourrais pas le faire sans vous. Je sais que j’ai trahi votre confiance, que-… Ma voix se brisa légèrement, et je dus tousser avant de reprendre. Vous n’avez pas à me suivre. Je trouverai un moyen. Je vous aiderai à rentrer chez vous si c’est ce que vous souhaitez et je ferais tout ce qui est possible pour vous donner un coup de pouce, peu importe pourquoi. Toutefois, Vercran ne plaisante pas quand il dit qu’il est prêt à tout pour arriver à ses fins… quelles qu’elles soient.
—Je pense qu’on a déjà fait notre choix, s’exclama alors Élias avec son habituel sourire tranquille. N’est-ce pas ?
Martin hocha vivement de la tête, tandis que Charlotte et Tristan me prenaient chacun une main. Gemma leva les yeux au ciel et dit :
—Je me suis trop investie dans cette histoire pour partir. En plus, c’est personnel maintenant…
—Comme le dit si bien Gemma, renchérit Froitaut en se mettant debout, à côté des Héros, nous sommes allés trop loin pour reculer. Et puis, je ferais un piètre professeur si je vous abandonnais au moment crucial.
Je me tournai vers Baptiste, finalement. Il n’avait pas encore dit un mot.
—Comme si je pouvais vous laisser tomber. Surtout après de tels discours, rit-il en poussant doucement Martin de son épaule. Son visage redevint grave néanmoins : En revanche, Ingrid. Plus de mensonges et plus de cachotteries. Si on est une équipe, on doit se conduire comme tel. D’accord ?
—Oh non. Ingrid, est-ce que tu… pleures ? articula Tristan avec horreur, reculant loin de moi.
—Non, imbécile, c’est la poussière ! rugis-je en lui donnant une claque sur le bras. Et oui, Baptiste, j’ai compris. Transparence totale.
—Bien ! Dans ce cas, dit Froitaut en sortant un crayon et un petit carnet de sa poche de pyjama, que diriez-vous de nous dire ce que vous savez, M. Karlsen ?
Très sympa la révélation de ce chapitre, le père d'Ingrid gagne en intérêt avec cette espèce de manipulation qui explique pas mal d'éléments mystérieux des derniers chapitres. Voir la surprise d'Ingrid était très satisfaisant.
L'intrigue avance bien, Ingrid se réconcilie avec ses héros. C'est un peu tiré par les cheveux le on est déjà allé trop loin etc... mais ça marche. J'ai beaucoup aimé l'idée de ses pleurs à la fin, bien senti.
Mes remarques :
"—Apparemment, répondis-je. Il aurait" virgule après répondis-je ?
"tenta de contrecarrer le Chevalier légèrement radouci." -> virgule après chevalier ?
Je continue...
Je comprends que la réponse des Héros soit un peu difficile à accepter pour les lecteurs, c'est vrai qu'ils acceptent un peu rapidement. J'hésite à modifier. Merci pour ton commentaire !
J'ai lu tes derniers chapitres avec application. L'humour est un peu moins présent, mais l'intrigue se complexifie agréablement. Je dois avouer que j'ai été surprise de la révélation de ce chapitre ! Hâte de connaître la suite, et comment Ingrid va s'adapter à ces révélations...
Merci pour ton commentaire et ton "assiduité" à lire les nouveaux chapitres ! Je suis ravie que tu aies été surprise, j'ai ce plot twist dans mon sac depuis un moment, et j'avais très hâte de le sortir !!
À bientôt :)