The Lovers

Par Tac
Notes de l’auteur : Dans le tarot, L’Amoureux est la carte du choix et de la décision.

La pluie s’abattait en grands rideaux frangés de froid. Elle s’accalmait de temps à autre, à la mode de mars, comme si septembre était parti en vacances, comme si les mois s’étaient échangés leurs missions pour que l’un puisse s’en aller tranquillement avec les enfants en raisonnable garde alternée.

Liu désorientæ cherchait son cahier. Iul l’avait rangé dans son sac, iul en était certim. Un évanouissement liu avait-il étourdi les doigts, anéantissant sa préhension au moment de le ranger ? Iul ignorait même quand cela avait pu se produire. Iul se souvenait même de la sensation du rectangle dans le bas de son dos au sortir du café. Sa besace ne comportait aucun trou, et quelle taille aurait-il dû avoir pour laisser échapper un tel objet !

Iul retraçait ses pas, les chaussures s’imbibant peu à peu dans les flaques qui jonchaient les trottoirs, trop nombreuses et trop vastes pour être contournées. D’autre part son attention tâtonnait ailleurs. Elle ricochait de rebord de fenêtre en banc public en pied de poteau. En vain. La forme parallélépipédique restait désespérément hors du champ de vision de liu marcheux.

Lentement, l’envie de se laisser choir croissait, supplantant le vide qu’abandonnait son énergie descendante. Iul se sentait vaciller. Tout son être s’alourdissait. Mais il lui était inimaginable de céder sa quête à la nuit tombante. L’impression d’avoir perdu une part de liu-même liu taraudait. C’était une piqûre de moustique-tigre, une crampe – frangé d’un aspect vital, une artère ouverte qui attendait d’être pansée, sous peine de s’éteindre.

L’idée de son chez-liu guettait son esprit, promesse hirsute à l’arrière de sa tête, rôdant sous les trombes célestes. Pourtant iul s’entêtait à ne pas se résigner. Si iul larguait ses sabayes maintenant, iul ne retrouverait jamais son carnet. En plus, iul n’avait pas eu le temps de numériser son dernier dessin. Les baristas l’avaient presque chassæ, le crayon à la main, le graphite gribouillant sa peau par mégarde, les pages se cornant dans le repli. Iul était sûrx : iul avait clos son sac à cet instant. Le bruit impitoyable de la fermeture éclair zippait sa mémoire, formel. Par quelle magie le cahier avait-il pu s’extirper de son asile ?

La pluie épaisse éconduisait sa vision. C’était la main de l’habitude qui liu guidait au travers des gouttes, écartant les lampadaires et les arrêts de bus de son errance. Même les vitrages ne liu reconnaissaient plus. Son être était délébile et son reflet se dissolvait. Ses pieds s’immobilisèrent finalement devant un étang. Comme um plongeux sur son perchoir, iul fixait droit devant liu, sans considérer le torrent clouté. Au-delà, un phare rouge signalait l’interdiction passagère de s’élancer.

Une présence, sur son flanc, subitement. Une perturbation dans la régularité des rideaux liquides ; une silhouette enfin, de la taille et de la forme de liu désorbitæ. Iul n’en distinguait pas plus dans l’aveuglement aqueux. L’éclair passé au vert, se reflétant sur les traits de ce visage détrempé, illuminait des détails qui lui parurent coutumiers, sans que pour autant iul puisse leur apposer un nom.

Iul sut, en cet instant. Iul devait rentrer entre ses quatre murs, tirer les volets, essorer ses vêtements, enclencher la bouilloire, mettre le riz à tremper, préparer ses affaires et brancher son réveil.

Déjà iul loffait, abandonnant aux poudrins affolés sa boussole perturbée. Il n’était pas nécessaire de s’aborder. Simplement d’identifier le pavillon. Malgré le ciel en pleurs qui rythmait le temps filant, tamponnant de fatigue les yeux des étoiles, leurs voiles se hissèrent dans le sens du vent.

Iels traversèrent la rivière.

 

Le courant manqua de les emporter. Leurs semelles dérapaient sur les cailloux blancs. Des crocodiles aux yeux luminescents grondaient. Adroitement, iels rebondirent sur les vagues, laissant les embruns venteux projeter leurs cheveux dans leurs yeux, et gagnèrent le rivage. À quelques encablures ployait une forêt. Iels franchirent les marches portuaires, enroulant les amarres de la ville au portail de fer forgé. Iels prirent pied dans la terre boueuse. Sans en avoir conscience, iels laissaient des empreintes dans cette réalité meuble, marquant l’univers de leur pas joyeux et éperdu.

La percée qui les accueillait ne ressemblait pas à un chemin. C’était tout juste une voie, un passage. Il circulait entre des arbres ou des algues. L’obscurité masquait le caractère de ces géants. Le cocon végétal enrobait les alentours d’une haleine de pluie et d’un crépitement huileux continu. La canopée protégeait des trombes, avant de céder et déverser, en gouttières, des filets abrupts.

L’ambulation révélait une succession d’orties et de racines, de bosses et de remous terrestres entre des troncs indécelables dans le camaïeu nocturne. Il était difficile d’appréhender l’idée qu’un tel parcours puisse exister dans un parc urbain, à croire que la municipalité laissait l’îlot en jachère, et tant pis pour les poussettes. Les chevilles des courreuxs faillirent les trahir à plusieurs reprises. Des branches les heurtaient. Seule l’eau les accompagnait, fidèle. Les usuels sons d’oiseaux s’étaient noyés depuis les prémices de l’averse, depuis longtemps déjà donc. C’était l’inconvénient des villes, où les pigeons peureux se planquaient à la moindre goutte. Même les insectes douchés avaient abandonné le terrain sonore.

Naturellement, los aventuriæs ne pensaient pas à tout cela. Iels ne vivaient que par leur course, le tambourinement mou de leurs pieds dans le sol en succion, le souffle gonflé d’eau dans leurs poitrines étrécies de froid. Leurs corps se confondaient dans les ténèbres. Iels se perdaient dans la forêt, immenses, prolongements du règne nuiteux. Iels devenaient infinixs. Iels devenaient aveugles. Mais iels n’avaient pas peur. Peut-être parce que cela s’obstinait hors de leur perspective. Autre chose les guidait, par-delà leurs pupilles coulées de nuit, pianotant sur leurs nerfs, sous le revêtement pluvieux de leurs habits coagulés.

Au bout d’un moment perdu dans l’éther, des bruits au loin survinrent.

Avec la rupture dans le matelas auditif apparurent petit à petit des lueurs, des trouées de lumière qui devinrent brutales à mesure qu’iels se rapprochaient. La zone boisée succédait à une esplanade, de verdure en pleine journée, de noirceur en pleine nuit. Des bosquets élégants bulbaient dans les espaces qui leur étaient consacrés. Des allées se dessinaient en arcs, flèches et enluminures. Au verso de ces arabesques se dressait une bâtisse trapue, un musée ou une école de musique, lo fugitis l’ignorait. Son ventre se trouait d’arcades abritant un écran géant, qui blanchissait l’air.

Iels quittèrent le couvert des arbres et sautèrent par-dessus les sculptures buissonneuses. Les graviers des sentes artificielles dansaient sous leurs bonds effrénés. Les flaques s’envolaient. Les cabrioles les emportèrent sur le seuil du thorax pierreux.

Des chaises s’acoquinaient en rangées disciplinées, égrenant les rares personnes qui avaient eu le courage de naviguer jusque-là. Quelques paires d’yeux se tournèrent vers elleux, muettes observatrices qui se reportèrent ensuite sur l’écran. Iels se faufilèrent au fond, circulant sur la pointe des pieds. Le sol calcaire leur parut abrupt, trop solide pour leur humeur. La texture ne les accueillait pas à la manière de l’enveloppante forêt.

Nonobstant, une fois assixs sur les sièges, iels eurent la sensation d’appartenir au poumon sifflant. Une armature figée, certes, mais qui ouvrait un monde intérieur, protégé : un panneau de sons et d’images défilants où iels s’engouffrèrent, oubliant leur radeau ballotté.

Liu désaxæ ne connaissait pas le film. Iels avaient manqué le début prévu par les réalisateurices, seulement iul goûtait le début auquel iels assistaient par voie de fait. Iul retissait une tente de compréhension singulière, dans laquelle iul pouvait se pelotonner, loin de ce qu’on avait projeté pour liu.

La vidéo se reflétait sur les visages, comme si les peaux étaient de meilleures toiles que celle que la municipalité s’était donnée le mal d’étendre. Ces réverbérations moulaient la physionomie de l’inconnux. El apparaissait comme un calligramme humain des mots les plus douillets et gracieux. Iul len trouvait très bel.

Iul aurait voulu pouvoir croquer cet instant, même de son coup de main inhabile. Rien que pour le plaisir de contourer le souvenir, de déposer un jalon quelque part. La griffe matérialiserait sa mémoire tandis qu’elle défaillirait, lorsque le siphon temporel absorberait son tribut. Iul désirait des vestiges de ces sensations, obtenir une douce cicatrice qu’iul pourrait presser parfois.

Alors iul s’imbibait d’humidité, de froid, d’opacité, de morceaux de film, d’émanations forestières et de fauteuil inconfortable. À son côté, el fixait l’histoire animée. El ne semblait pas percevoir l’attention déviante de san voisim.

Puis iul en eut assez. Du même mouvement, comme reliæs par un battement de cœur unique, iels s’extrayèrent de leurs assises et de leurs crampes. L’eau avait dégoutté dans leurs muscles refroidis. Cette glace pilée remontait désormais, à contre-courant de la fatigue plombante, le long de leurs jambes, par leurs chaussettes spongieuses.

Iels quittèrent l’abri de l’histoire illusoire. La tourmente les emporta.

Iels retinrent leur respiration jusqu’à ce que les vagues les rejettent dans le creux d’une grotte. La grève était musicale. Les grains des voix râpeuses s’accrochèrent à leurs vêtements plaqués de pluie, s’immiscèrent entre les plis. Les basses roulaient contre leur peau.

Les murs s’assemblaient étrangement, repoussés par la foule. Une masse de crabes les pinces en l’air, dans des couleurs toupillantes. Une senteur de bière renversée et de sueur frétillait dans leur nez, piquante après la douceur de l’eau.

L’égaræ ne buvait pas. Tout autour de liu, l’agitation ondulait un verre à la main. Iul se contentait d’observer. De l’étudier. El chaloupait, len aussi, et dans ce décor rendu trouble par les vibrations de la musique, c’était le mouvement le plus beau du monde. Iul éclusait sa danse épaisse et souple. Le breuvage était plus sirupeux qu’un cocktail gorgé de sucre et d’alcool et plus léger qu’un cumulonimbus après l’ondée.

Les gens lui offraient d’autres boissons, tendant leurs mains et leurs bras, leur corps tout entier. Iul demeurait insensible aux invitations. L’inhabituel de cet environnement compressait ses papilles. Si iul plaçait une confiance absolue en len, iul n’en était pas moins hors de son élément. Iul l’avait suivix insouciamment, ne le regrettait pas, mais ses eaux de prédilection n’irriguaient pas ce bocal. Iul aspirait à s’enfuir. Cependant, iul ignorait où nager. En outre, iul ne voulait pas se séparer de len. Liu suivrait-el ? Même si iul ne savait pas où iul se dirigerait ?

Ferræ par l’indécision, iul ne remuait que pour accompagner la brasse aléatoire du panier, afin de ne pas se faire pincer. Peu à peu repousséx vers les bords plus immobiles, iul len perdait de vue. À len voir valser tendrement au milieu des crustacés, iul s’émouvait. El s’éthérait, el ne liu appartenait plus, créature clandestine simplement familière. Iul l’enviait. Son indistinction au milieu de la foule ne se muait pas en invisibilité. Elle ne l’empêchait pas d’être len. Son individualité transperçait son enveloppe de peau à chaque geste, rayonnante. Ça ne semblait pas dangereux ; c’était sublime, ç’avait l’air agréable. Ça lui piquait la langue et tambourinait contre son palais.

Alors, par la danse de ses pupilles qui suivaient celle de son ombre, iul dansait aussi.

Tout à coup des doigts s’enroulèrent autour des siens. Bercéx par les mouvements de len danseux, iul n’avait pas perçu que cille-ci s’était rapprochæ. Désormais sa main l’entraînait, tranquille, douce comme une algue. Iul pouvait se retirer, repartir à contre-courant, l’ancre ne la forcerait pas. Toutefois iul se laissa porter. Iels gagnèrent une eau plus profonde.

Là, ce fut comme résister à un rouleau atlantique. Il fallait embrasser la vague, sous peine de s’y tordre les vertèbres. Alors iul ployait et se courbait, parcourux de courants électriques. La conscience des gens autour s’estompa dans un grand coup de pinceau ! La peinture bavait et s’entremélangeait, tableau raté d’impressionniste. Au milieu, sur l’infime espace vierge du canevas, iul s’en fichait. Et iul dansait. Iul dansait dans ce brouillard, tournoyait dans le maelstrom vibratoire où seule une main liu rattachait au plan physique, à la terre réelle ; une main inconnue, mais par la force des choses la seule entité intelligible dans l’océan d’inconnusses autour. El se situait au Nord et, compas avisé, iul s’aimantait immanquablement.

Dans cette eau où les autres s’entrechoquaient avec maladresse, la paire ne formait qu’un unique mouvement, écho répercuté sans fin entre leurs bras et leurs jambes. Iul trouvait sa force et son oubli dans le lien qui liu connectait à len et liu disjointait du reste. Il n’y avait que ce chant dans ses veines, cette sarabande dans ses neurones, cet arrimage dans ses phalanges. Tant pis pour ses paumes moites et ses chaussettes mouillées. Tant pis pour ses tympans noyés qui ne faisaient plus la distinction entre voix éraillées et musique débraillée. Sa peau soudain perméable recueillait les turbulences de l’air, les notes affolées comme de minuscules poissons perdus. Son corps façonné par ces multiples collisions se solidifiait. Sa robustesse nouvelle s’arquait, s’édifiait en fucus souple.

Iels dansèrent longtemps.

La niche rocailleuse fut finalement trop étroite pour leurs poitrines incandescentes. Leurs papilles aspiraient au grand air. Iels s’évadèrent. Au-dehors, la rage aquatique s’apaisait. En revanche, Éole frissonnait dans leurs vêtements englués.

Iels voguèrent péniblement à travers la mangrove. Les voitures inlassables faisaient gicler les rivières se ruant vers les bouches d’égout. Les feux de circulation brûlaient en flashs acerbes. Les parapluies des rescapéxs pleuvaient sur leurs nuques sans préavis.

Enfin, iels parvinrent au pont. L’asphyxie qui les guettait renonça. Iels se hissèrent au-dessus des flots que le reflet des lumières urbaines échouait à apprivoiser. Les rafales y bruinaient encore. Iels s’aperçurent que leur cage thoracique protégeait malingrement leur cœur. Saisis par les éléments, ceux-ci se démenaient sourdement, s’accrochant l’un à l’autre. Une connexion dont liu vagabondx n’avait pas conscience, tournæ qu’iul était vers le panorama transpercé ça et là de lumières éclatées. Accoudæs à la structure de métal, iels se délayaient progressivement dans ce décor obscurément invisible de carte postale.

La rambarde trempée s’exhalait en une nouvelle matière, dure et dérapante, où la peau de liu voyageux alternativement se collait et glissait. Le cosmos s’étrécissait en effluves de fer, d’humide, de froid, où l’ouate et la brutalité s’enroulaient en sécurité trompeuse. Était-ce cela, le parfum des astres ? Iul ne les discernait pas en cette heure. Les yeux du ciel se reposaient derrière les paupières nuageuses. L’univers fleurait la solitude.

Derrière elleux, les flaques susurraient sous le trafic. C’était comme si le monde jamais ne s’arrêtait, rappel infatigable qu’il leur rivait aux talons. L’éternel indésirable les cloîtrait dans un trio empestant, mal apparié, avec lequel il fallait cependant patauger. De quelle autre alternative disposaient-iels ? Iels déclinaient les flagorneries des clapotis. Si iels ne détenaient pas d’as, iels refusaient néanmoins farouchement de noyer leur mise. Sans cartes supplémentaires dans leurs manches, iels manœuvreraient avec leur main actuelle.

Iels quittèrent la plateforme.

 

Le jour peinait à relever sa couverture noire. Tout juste pointait timidement une vague teinte rougeâtre entre deux immeubles. La nuit se décidait à rester, accompagnant imperturbablement les foulées de liu marcheux. Cille-ci ne percevait aucune sensation dans son corps. Iul n’était plus qu’un flottement, une essence voguant au-dessus des flaques et des embourbements. Légère, libre, suffisamment solide pour ne pas s’évaporer au premier souffle de vent. Impalpable mais indéniablement réellx.

Iul la vit soudain. Sur la marche d’une entrée rencognée reposait, gentiment, la boîte de papier où ses oiseaux de graphite sommeillaient. Il liu suffisait de l’ouvrir pour les égayer et les contempler virevolter.

Iul se précipita. Entre ses mains pourtant prudentes, la cage, déversée de pluie, s’émietta. Les barreaux s’étaient noircis d’écritures fondues. L’assemblage s’amalgamait et se disloquait en paquets boulochés. L’oisellerie effondrée s’entassait indistinctement en masse duveteuse grisâtre.

Iul tenta d’extirper un sens à la loque, se battit avec ses lambeaux. Le papier se colla à sa peau, câlin lugubre auquel il n’aurait plus manqué qu’un ronronnement. Le long voyage avait fait oublier à l’étourdix qu’iul avait perdu son carnet. Sa vision, soulagée et attristante, liu perplexifiait. Ses sentiments tombaient raides dans sa poitrine gelée, cailloux bruts et inutiles. Iul craignait de ressentir. Les émotions venaient rarement seules, draguant décisions, actions, un souffle de vie ou une pulsion de néant. Elles étaient des étoiles filantes au sillage incinérant.

L’entêtæ persévéra jusqu’aux derniers feuillets. L’essorage avait dilué le dessin récent. Iul ne se souvenait plus de son tracé, iul ne pouvait que constater son absence. Comme si ses efforts de la veille avaient été bus par l’orage. Goulu, il avait siphonné son rêve, l’absorbant jusqu’à l’anéantissement, suprême disparition, invalidation définitive. Liu dessinateux se sentit se solidifier. Iul n’avait pas demandé d’autorisation à l’univers pour être ; c’était lui-même qui l’avait balancæ dans ce corps et cet esprit. Il devrait composer avec sa création.

Le paradoxe liu traversa. Alors qu’une preuve de son existence s’était effacée, iul s’était rarement autant perçux en bloc indissoluble. Iul jaugeait ses mains et ces mains lui appartenaient. Le carnet les allongeait, tout comme le trottoir et chaque immensité d’eau qui pavait la rue. L’obscurité tachée des dorés des luminaires intensifiait sa certitude. Iul n’avait pas besoin d’y voir pour savoir et reconnaître sa voie. C’était un autre genre de clairvoyance, pas moins limpide, pas moins harmonieuse.

Alors qu’iul se relevait, une ombre capta son attention. Une surface composée de pluie et de lumière de lampadaires lui renvoyait sa silhouette. Iul était si trempæ qu’iul ressemblait à une sirène.

Iul rentra chez liu. Son reflet traversa les vitres tandis qu’iul passait devant les éclairages calfeutrés d’un hôtel et les parois des arrêts de bus.

Iul serrait son carnet. Iels gouttaient à chaque pas. Iels ne faisaient plus qu’um.

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Herbe Rouge
Posté le 29/05/2023
Bonjour,

Alors, j’ai eu beaucoup beaucoup de mal à aller jusqu’au bout de l’histoire, comme beaucoup, et c’est bien normal, c’est le manque d’habitude.
(d'ailleurs, j'ai trouvé le passage avec les "iels" beaucoup plus facile à la lecture, car j'utilise plus facilement "iel" et "iels")

N’aurait-il pas été possible d’utiliser beaucoup moins de pronoms ? Par exemple le deuxième paragraphe en est parsemé (et ce n’est pas le seul), du coup je me demandais (puisque c’était le début), s’il n’y avait pas deux personnages, dont un qui s’appellerait « Liu » puisque le paragraphe commence ainsi (je n’ai d’ailleurs pas compris la différence entre « liu » et « iul »). Il y a également plusieurs « lui » oubliés par la suite dans le texte.

Sinon, j’aime bien l’utilisation des mots inventés/peu utilisés mais dont le sens reste évident à la lecture : "s'accalmait" "zippait sa mémoire" "éconduisait" "délébile" "bulbaient", ect.
Tac
Posté le 06/06/2023
Salut HerbeRouge!
Merci d'avoir lu et d'avoir persévéré malgré la difficulté de lecture !
Je pense qu'il était tout à fait possible d'utiliser moins de pronoms, simplement il s'agissait de choix de ma part. Je pense que l'un des soucis est qu'à force de lire, les pronoms deviennent des prénoms, en tout cas c'est devenu mon cas à l'écriture, donc bon à la lecture...^^
les "lui" ne sont pas particulièrement des oublis ; parfois en langue française on dit "lui" concernant des personnes identifiées femme (ex : "cela lui appartenait") ; cela étant je devrais peutêtre refaire un tour un de ces quatre, histoire d'être bien sûr de mon coup !
Après ce texte n'avait aucune ambition à part celle d'exister , faut vraiment le prendre comme une expérience. Merci de l'avoir tentée ! Et clairement il pourrait sans doute être amélioré au-delà de la question des pronoms, si je m'y collais !
Plein de bisous !
Liné
Posté le 07/10/2022
Je suis ébouriffilcotée. Oui. Je viens de me prendre une vague de poésie dans la tronche, là. Et j'adore le sel <3

Je comprends ce que les plumes ont pu trouver de difficile dans ce texte : s'habituer à une genrification complètement nouvelle dans ses codes, aux néologismes, etc. demande quelques loopings au cerveau. Comme l'écrit Sorryf, il y a un "public" qui va être friand de ce genre de textes, et des lecteurices qui y sont moins habitué-es. Moi, j'ai été : empaquetée, embarquée dans ton navire, voguée, recrachée sur le rivage avec les cheveux en pagaille.

Je me suis laissée portée par une histoire d'amour (au sens large) entre deux personnes qui se sont reconnues dans un monde pas exactement fait pour elles, mais dont elles s’accommodent en jouant contre les codes. Tout au long de cette rencontre, je n'ai pas pu m'empêcher de me dire qu'il y avait beaucoup d’interprétations à avoir sur les notions de genre, de binarité et de ses rejets possibles. Comme Ery, j'ai émis l'hypothèse que cette rencontre soit un souvenir, un fantasme, voire qu'elle n'existe jamais que dans la tête de quelqu'un-e. Et puis à la fin, avec cette histoire de carnet, je me suis dis que peut-être, aussi, il était question de création, d'un-e artiste qui créer un personnage et s'en va voyager avec lui le temps d'une nuit. Comme mon cerveau est un accordéon (ce qui n'interdit pas les loopings), toutes ces interprétations se valent entre elles et existent aussi bien les unes que les autres, sur le même plan (ça me donne envie d'expliquer ce que c'est que l'"aspectivité" en égyptologie, mais je sens qu'un voyage dans le désert nous dévierait un peu trop franchement de The Lovers et de ces emportées aqueuses).

Et contrairement à ce que je laisse entendre, je n'ai pas eu une lecture analytique du texte. Je n'ai pas cherché à maîtriser les nouveautés de langue, pas même les pronoms (osef les codes). Les premiers paragraphes ont foutu un petit point d'interrogation au-dessus de ma tête, mais passée la surprise, je me suis laissée aller. Je ne sais pas si les références à l'eau, au voyage maritime, sont la cause ou la conséquence de cette impression de "je me laisse porter par les vagues" (peut-être les deux ?), ni même comment tu les as travaillées (à l'arrache, minutieusement, après coup... ?) mais qu'est-ce que ça a fonctionné... Ce choix est à la fois une prouesse de style et une sacrée claque poétique.

Et cette expérience de lâcher-prise fait un bien fou. J'ai véritablement senti qu'il était possible voire nécessaire de se défaire du principe de règles pour créer quelque chose, qu'on est tellement plus puissant-es en évoquant ce qu'on ressent avec les moyens du bord qu'en suivant à la lettre une série de préceptes venus d'ailleurs. Ce lâcher-prise, j'aimerais bien qu'il déteigne un peu plus sur notre rapport à la création, à la lecture, et puis au monde en général et à la manière de se percevoir et de percevoir les autres.

Au final, cette phrase-ci me paraît très bien résumer l'essence (selon moi) de ton texte, et les impressions qu'il me laisse :
"Iul n’était plus qu’un flottement, une essence voguant au-dessus des flaques et des embourbements. Légère, libre, suffisamment solide pour ne pas s’évaporer au premier souffle de vent. Impalpable mais indéniablement réellx."

Bref. Ce texte me paraît d'une maturité folle. Un énorme merci <3
Tac
Posté le 09/10/2022
Aaaaaaaaaaaaaaw je suis moi aussi toute ébourriffé par ton commentaire ! Comment arrives-tu à écrire des commentaires aussi poétiques, non mais jvous jure ! ça me rend toute chose de voir ton émotion, merci immensément d'avoir pris le temps de me la transcrire !
Je rougis que tu trouves une telle maturité à ce texte !
Je n'ai pas beaucoup travaillé ce texte : il m'est venu lentement, ce n'était pas une écriture-fleuve, mais il n'était pas consciemment réfléchi pour autant. Je l'ai beaucoup relu, mais assez peu corrigé ; je voulais juste que ça soit compréhensible (enfin, vaguement) et sans trop de répétitions.
Je suis très curieux de découvrir ce qu'est "l'aspectivité" maintenant !
Merci beaucoup d'avoir lu et de t'être laissée prendre par cet océan miniature ! Plein de bisous !
Jupsy
Posté le 19/09/2022
Bonjour Tac,

Je viens de finir ta nouvelle, qui a nécessité plusieurs lectures. Pourquoi ai-je dû relire plusieurs fois ?

Parce que mon cerveau a dû s’habituer à des mots nouveaux accompagnés d’un neutre dont je n’ai pas l’habitude. Ce fut une gymnastique difficile, je dois bien le reconnaître, mais je me suis accroché·e. D’ailleurs, fait intéressant, comme mon cerveau n’était pas habitué, il s’est mis à douter de mots dont je pensais connaître le sens. Donc, je crois que l’on peut le dire, ce texte m’a littéralement retourné le cerveau.

Est-ce un mal ? Je ne pense pas. J’ai appris des mots, puis j’ai fini par réussir à profiter des jolies images que tes phrases portaient. Je vais être honnête, il me faudra sans doute une autre lecture, voire deux pour saisir toute l’essence de l’histoire qui est contée. Je suis sur·e d’être passé·e à côté du sens du texte. Je pense que cela va au-delà de la simple rencontre entre deux personnages.

Ma curiosité est piquée aussi. Pourquoi avoir opté pour autant de néo-pronoms ? Pourquoi pas des prénoms ? Est-ce que c’est un choix narratif ? Du style, un seul personnage au final ? Ou pas du tout ? Il est possible de ne pas me répondre bien entendu.

Après je le reconnais, je suis habitué·e au neutre utilisé dans l’édition française. Cela n’invalide pas les autres, car chacun est libre de choisir son néo-pronom. Maintenant est-ce que ça a joué dans mes difficultés de compréhension ? Peut-être.

En tout cas, ça reste une expérience intéressante. Puis l’art étant une occasion parfaite pour expérimenter, j'espère que tu continueras. De mon côté, je me souhaite de meilleures connaissances en vocabulaire pour la prochaine fois.

A bientôt !
Tac
Posté le 29/09/2022
Yo Jupsy !
Que je suis lent à répondre.... T_T
Merci beaucoup d'avoir lu mon texte !
Je suis navré des noeuds au cerveau ; je crois qu'il faut vraiment que je simplifie cette nouvelle. Je te remercie d'autant plus chaleureusement de t'être accroché ! J'en profiterai peut-être la prochaine fois pour glisser des mots qui n'existent pas du tout, juste pour voir si les gens suivent :P
Personnellement je n'ai aucun souci à ce que tu "rates" à côté de l'essence du texte (a-t-il seulement une essence, grande question !), tant que tu passes un plutôt bon moment à lire le texte, qu'il te laisse une empreinte même temporaire qui te soit bénéfique d'une façon ou d'une autre. De ton côté de lecteurice, j'espère que ce n'est pas frustrant ! En tout cas n'hesite pas si tu as des questions (ici, ou sur PA ou ailleurs) :)
Pour répondre à celles déjà posées :
- j'ai choisi des néopronoms différents pour chaque personnage car, comme tu le soulignes si bien, aucun des deux n'a de prénom, alors ça me paraissait plus simple, et aussi (attention argument choc) parce que j'avais envie. Chose amusante, inconsciemment leurs pronoms devenaient des prénoms dans ma tête au moment de l'écriture, et j'ai dû déconstruire ça car ça me faisait tomber dans des habitudes d'écriture plus appropriées avec des personnages qui ont des prénoms désignés !
- l'absence de prénom, c'est que je voulais que ce soient des personnages non identifiés. Et comme mon idée de base était que ls deux personnages ne sont en fait qu'un même personnage qui se dédouble au cours d'une nuit, je ne voulais pas leur imposer une "barrière" par des prénoms différents, et pour des raisons pratiques et de narration, je ne me voyais pas leur poser le même prénom. En fait c'était pas très réfléchi, mais ça m'a paru évident très très rapidement que y aurait pas de prénom dans cette affaire
- Je te remercie pour ton point de vue par rapport au neutre dans l'édition française ! j'avoue que je n'ai RIEN lu en écriture neutre à part deux trois articles sur le sujet. Donc je ne suis absolument pas au courant des conventions ! ça m'a posé question au début mais je ne voulais pas m'interdire d'écrire à cause de ça, et je ne voulais pas attendre d'avoir lu des textes en neutre avant de passer à l'action. Alors j'ai décidé d'assumer totalement l'aspect "c'est du freestyle", même si effectivement, j'enfreins non seulement le langage de l'Académie Française (ça, de toute façon...^^) mais aussi les tentatives qui ont été faites en écriture neutre. Je me console en me disant que si ça fait des dommages, ça reste minime : je n'ai aucune ambition à part l'existence de ce texte ici.
Je te remercie une fois de plus pour ton retour très intéressant !
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 01/09/2022
J'avoue que je ne m'attendais pas à ça et je sors de ce texte un peu... éreintée! XD ce n'est pas négatif du tout, mais j'ai l'impression que c'est moi qui ai déambulé et fait bouger mon corps par une nuit pluvieuse et onirique. Et il se trouve que ce n'est plus de mon âge ! XD Tu évoques dans le texte les vagues de l'océan qui peuvent nous emporter et nous broyer si on ne se laisse pas faire... et bien j'ai un peu l'impression d'avoir été centrifugée par une grosse vague ! XD
Plus sérieusement, ton texte réclame un certain lâcher-prise que j'ai réussi à atteindre, je pense, mais en me surveillant pour faire taire mon côté analytique. De manière surprenante, ce n'est pas tant les formes neutres, les néologismes et les adaptations de grammaire qui en découlent qui m'ont le plus déroutée, mais plutôt le style très onirique de ton récit.
Et puis au fur et à mesure, j'ai fini par me laisser emporter, par arrêter de tout vouloir traduire et réinterpréter en images familières et j'ai beaucoup mieux profité de cette escapade.
J'ai l'impression que tu t'es fait plaisir, que tu as fait un festin de mots, de descriptions et de métaphores. C'est très réjouissant à lire, du coup ! D'autant que certaines tournures sont très belles.
Quant au récit en lui-même, je ne l'ai pas compris comme Eryblack. Moi j'ai plutôt vu le début et la fin comme les moments où Iul fait des choix conscients et est "maître de son destin", alors que tout le milieu où Iul est avec El, il suit son instinct (et len) et ne fait plus de choix. Ce qui correspondrait à la carte des Lovers, il me semble.
En tout cas, j'ai beaucoup apprécié l'exercice : ça fait toujours du bien de lâcher-prise ! Bravo pour ce texte inattendu !
Des bisous ! ♥
Tac
Posté le 03/09/2022
Yo Isa !
Hehehehe tu te rappelles quand je t'avais dit (il y a fort longtemps maintenant) que je t'aiderai à te muscler ? Bah voilà. Il n'est pas de pluie suffisamment forte pour m'arrêter !
Blague à part : je trouve ça fou que tu aies vécu si physiquement cette histoire. Je trouve ça fascinant ! Et incroyable qu'un truc que j'ai écrit puisse faire cet effet-là.
J'avais pas forcément pensé au terme "onirique" avant que tu le dises, pour moi c'était juste "nébuleux" et "nimporte quoi", mais "onirique" c'est la façon jolie de le dire xD C'est drôle car jamais j'aurais cru que j'écrirais un truc onirique un jour, ça me paraissait pas mon truc, finalement ça s'est fait à l'insu de mon plein gré...
Je te félicite pour ton lâcher-prise ! Surtout qu'il m'a eu l'air nécessaire pour que tu puisses vraiment profiter du texte. J'avoue que je ne suis pas peu fier de t'avoir prise par surprise !
Effectivement, je me suis éclaté avec les tournures, j'ai juste essayé de pas faire des phrases trop, trop longues x)
Ton interprétation correspond à ce que j'avais imaginé. Est-ce que tu arrives à comprendre qui est ce second personnage par rapport à liu narrateurice ? (oui je teste ton interprétation 0:-) )
Merci du fond du coeur pour ta lecture et ton retour !
Plein de bisous !
Isapass
Posté le 04/09/2022
Alors dans mon interprétation, je me suis dit que le second perso était un.e inconnu.e avec qui ça avait fait tilt, mais je suppose que si tu me poses la question, ça doit être plus subtile ! Du coup, je ne sais pas.
Tac
Posté le 13/09/2022
C'est effectivement encore plus subtil :') Mais j'avais tellement peur que ce soit évident que j'ai préféré aller dans le nébuleux. Faudra que je réfléchisse à améliorer peut-être !
En fait, les deux personnages ne sont qu'une seule et même personne : mon personnage se dédouble au cours de cette nuit un peu fantastique. Le personnage qu'iul a dessiné dans le carnet qui disparait au début de la nouvelle prend vie et c'est dans ses pas qu'iul marche tout du long, jusqu'à ce qu'iul soit en paix avec liu-même. Pour moi cela correspondait à une forme "d'absorption" - si le terme n'est pas trop violent xD - du personnage dessiné, qui représentait une partie jusque-là non acceptée de la personnalité de liu protagoniste.
Est-ce que mon charabia est compréhensible ?
EryBlack
Posté le 23/08/2022
Waouh ! Ébouriffant, ce texte ! Je suis super impressionnée et j'aimerais vraiment faire lire ça aux gens qui se drapent dans la Noblesse de la Littérature pour critiquer l'écriture inclusive (il y en a un certain nombre sur les groupes de profs de lettres, malheureusement). Certes, ces pronoms sont une gymnastique pour l'esprit, mais le texte est tellement plus que ses pronoms, il possède une richesse littéraire qui m'impressionne et m'enthousiasme énormément ! Je suis fan-fan-fan de ce motif aqueux que tu développes tout du long, c'est vraiment superbe, très visuel et évocateur. J'aime aussi les libertés que tu prends dans l'usage des néologismes. Certains fonctionnent mieux que d'autres à mes yeux, c'est le jeu ; je me permets de t'en signaler deux qui m'ont un peu perturbée : "La pluie épaisse éconduisait sa vision." (le lien avec le sens d'origine du terme que tu "néologises" ne m'est pas apparu de manière très évidente) et "des détails qui lui parurent coutumiers" (plutôt familiers ?). Il y a, au-delà de ça, énormément de passages que j'ai beaucoup aimés, comme "Le bruit impitoyable de la fermeture éclair zippait sa mémoire, formel." et globalement l'ambiance générale qui se dégage du texte me parle beaucoup.
Sur la forme, comme je m'estime assez calée en grammaire, j'ai essayé d'être attentive à tes règles, en me disant que ça doit être sacrément difficile de se relire et de se corriger quand on innove comme ça. Du coup, j'ai relevé quelques passages :
- "Iul dansait dans ce brouillard, tournoyait dans le maelstrom vibratoire où seule une main LA rattachait au plan physique, à la terre réelle" : la phrase n'a pour moi de sens que si "la" renvoie à liu... mais j'ai peut-être mal compris ?
- "la peau DE LIU voyageux alternativement se collait et glissait" : cette formulation "de liu" revient à plusieurs reprises. Je suppose que c'est l'équivalent de "du/de la" : je me demandais si tu avais envisagé un "diu" pour contracter préposition et déterminant, comme ça peut se faire avec "du" ? Au-delà de ça, j'ai mis un moment à comprendre que "liu" pouvait être pronom (équivalent neutre de lui mais aussi de le) mais aussi déterminant (comme ici avec liu voyageur). Alors pour donner mon avis, j'aurais préféré un terme différent pour tous ces éléments afin de bien m'y repérer ; mais à la fois (et hop je me contredis aussitôt !) je trouve ça top que tu t'affranchisses des règles, après tout on se débrouille pour lire et franchement ça ouvre une belle réflexion sur ce qu'on a le droit de faire en matière d'écriture. Tu élargis mon horizon !
- "Iul jaugeait ses mains et ces mains LUI appartenaient." : est-ce que ça ne devrait pas être liu ?
- Une question : qu'est-ce qui a motivé ton choix d'utiliser des pronoms neutres différents : iul et el ? L'un a une forme qui évoque plus le masculin, et l'autre le féminin, et je dois avouer que ça a influencé l'image que je me faisais des persos (arf, on se défait difficilement de la binarité des genres !) donc je me demandais comment tu avais vu les choses.

Concernant le fond, j'ai l'impression que tu maintiens un flou volontaire, alors je vais me contenter de te dire ce que j'en ai compris, et si je suis à côté de la plaque eh bien, tant pis, j'aurai apprécié ma lecture quand même et toi tu auras une idée de ce que certains cerveaux peuvent imaginer en te lisant !
J'ai eu l'impression que le début et la fin (la perte et la retrouvaille du cahier) se déroulaient dans le présent, mais que toute la partie du milieu était constituée de souvenirs. Les souvenirs d'une relation, peut-être romantique, avec les différents "tableaux" (le cinéma, la fête...) qui constitueraient des étapes marquantes de la relation. Ça m'a rappelé Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Le personnage, à la fin, prend conscience que même si ses souvenirs sont "flous", pris dans le fleuve de la vie disons, il a bien une identité fixe, nette, délimitée. Il perd ses dessins mais se retrouve lui-même.
Ce qui reste obscur pour moi en dépit de cette hypothèse, c'est le déclencheur de l'afflux de souvenirs (si ce sont bien des souvenirs... !), ce visage familier croisé devant le passage piéton au début. Est-ce que c'est el ? Mais pourquoi ne revient-el pas à la fin, quand le cahier est retrouvé ?
Bon, j'ai quand même l'impression que si je cherche à questionner, résumer ou préciser quoi que ce soit, ça risque d'altérer la beauté du texte. Tu es juge ! Et c'était très beau comme ça !

Merci pour ce texte marquant ! À bientôt <3
Tac
Posté le 03/09/2022
Yo Ery !
D'abord : encore pardon de mon délai de réponse !
Ensuite : un grand merci pour ton com, si développé, chaleureux et qui me donne plein de matière à réfléchir. Ton enthousiasme me met en joie !
Concernant les règles de grammaire : je t'avoue que j'ai pris un article qui recensait les règles d'écriture possible au neutre, et j'ai essayé de me dépatouiller avec ça. Honnêtement c'est moins une natation synchronisée qu'un barbotage pour essayer de pas trop boire la tasse dans ce nouvel exercice ! Je partage ton avis sur les opinions contradictoires : parfois j'ai envie de mettre quelques règles simples et de l'autre, je me demande pourquoi en mettre : l'idée n'est-elle pas justement de montrer que le langage est arbitraire et que tu peux inventer autant de mini règles que tu veux en mode fiesta des accords ? J'ai pas vraiment décidé, je suis un grand indécis :')
Comme tu l'as relevé, il y a quelques erreurs qui traînent, et d'autre part des choses à améliorer, j'aime bien cette idée du "diu".
Le choix des néopronoms s'est fait uniquement parce que je les aimais bien. Je me suis posé la question car effectivement "el" m'évoquait le féminin d'abord, puis j'ai pensé à l'espagnol (enfin je parle pas un mot d'espagnol mais il me semble que el n'est pas féminin, mais si ça se trouve je me plante magnifiquement :') ), et puis finalement j'avais pas envie de faire une croix sur ces pronoms qui me parlaient juste parce que mon cerveau était paramétré d'une certaine façon. Et figure toi qu'à l'écriture, mon cerveau s'est reparamétré, et maintenant ces pronoms sont absolument détachés de la binarité ! Comme quoi...
Concernant le fond : ton interprétation n'est pas du tout ce que j'avais imaginé. Mais pour autant, j'adore les interprétations qui divergent de ce que j'avais imaginé premièrement, donc je suis trop fan de ce que tu as fait de cette espèce de recette que j'ai fourni à ton cerveau de lectrice ! Je trouve ton interprétation assez plausible, elle m'attriste juste car du coup ça rentrerait dans le cadre de toutes les histoires lgbtqia+ qui finissent mal :'(
Si tu le souhaites, je peux t'expliquer plus de quoi je suis parti et l'idée que j'ai voulu raconter. Sans obligation, je trouve ton interprétation très chouette et tu peux carrément la garder !
Merci encore pour tes retours <3
Plein de bisous !
EryBlack
Posté le 04/09/2022
Coucou Tac ! Merci pour cette réponse fournie ! Trop intéressant d'avoir un peu de tes réflexions sur ces pronoms.
Ahhh, zutre, j'ai tapé à côté pour l'interprétation xD Bon, tant mieux si tu n'en es pas offensé, déjà, mais du coup oui j'aimerais bien savoir de quoi il en retourne ! J'ai lu ta réponse à Isa mais je veux bien plus de détails *-*
Ce que tu dis sur les histoires lgbtqia+ qui finissent mal : je ne le voyais pas nécessairement comme une "mauvaise fin", peut-être juste une relation qui s'est terminée, ou alors qui est en cours mais avec un éloignement momentané.
Tac
Posté le 13/09/2022
Yo de nouveau !
Huhu c'est vrai, dans ton interprétation, la fin de la relation n'est pas forcément définitive !
Pour mon interprétation : pour moi tout part du carnet qui est perdu. Man protagoniste y a dessiné un personnage qui représente une part de son identité qu'iul n'accepte pas et/ou refoule. Ce personnage prend vie et dans cette nuit un peu initiatique l'accompagne dans un chemin d'acception de qui iul est. C'est aussi pour cela que le personnage dessiné ne "réapparaît" pas dans le carnet ; el a été "assimilé" par man protagoniste en paix avec liu-même.
Pour encore plus de contexte : mon idée de base, c'était que nous n'avions pas besoin de prince charmant et que nous étions nous-mêmes les princes charmants dont nous avions besoin (quelle punchline, je sais...)
J'espère que c'est plus clair !
EryBlack
Posté le 14/09/2022
Ooooh ok ! Ah j'aime beaucoup l'idée de l'auto-prince charmant ! Désolée d'être passée à côté xD Je pense qu'il est possible de rendre ça plus aisément compréhensible si tu le souhaites, par exemple au moment où liu personnage reconnaît l'autre, dire que la dernière qu'iul l'avait vu, c'était sur un morceau de papier ; bon là c'est peut-être pas assez subtil pour ce que tu voulais, mais un truc du genre ! Qui mette sur la piste. Seulement si c'est important pour toi qu'au milieu de toutes les interprétations possibles du texte, la "bonne", celle que tu as conçue toi, soit nettement proposée. À voir ! Merci pour ces explications en tout cas !
Sorryf
Posté le 23/08/2022
Oh wouah, tu places la barre haut niveau complexité !! On sent la poésie du texte, l'ambiance, au point que pour être honnête, j'ai eu beaucoup de mal à comprendre, j'ai du lire plusieurs fois et même comme ça, ça me reste très obscur, très mystérieux. Je me sens con xD
Garde bien en tête que : 1. Je suis pas la plus maligne, 2. je n'ai pas l'habitude de ce genre de texte entièrement genré au neutre, c'était une grande première pour moi ! Et rien que pour ça merci ! il y a plein de trucs que j'ai trouvé intéressants, et à écrire j'imagine que ça a du être super complexe et passionant !!!
Maintenant, mon ressenti c'est que j'ai quand même trouvé le texte trop compliqué /!\ alerte avis perso /!\ alerte vieux cerveau fatigué /!\ alerte je ne suis pas le bon public, sans doute, et j'ai très peur de te dire de la merde :O
En gros : Lire un texte avec des pronoms neutres quand on a pas l'habitude demande une gymnastique, que j'étais ravie de fournir, je savais à quoi m'attendre en commençant ton texte et ça m'intéressait beaucoup !
Mais le texte est complexe aussi dans le style d'écriture, très poétique, qui ne se laisse pas déchiffrer sans effort. par exemple cette phrase : "Lentement, l’envie de se laisser choir croissait, supplantant le vide qu’abandonnait son énergie descendante." c'est beau, mais c'est une écriture qui se lit avec concentration (ou alors je suis juste à la masse T_T), même sans les néologismes. Ce n'est pas un problème du tout, ça a même beaucoup de charme ! Mais ça fait une double gymnastique, ajouté à laquelle il y a aussi une vraie complexité d'ambiance : c'est très abstrait, la ville et la nature qui se confondent sous cette pluie, même avec plusieurs lectures j'avais du mal à situer (ce qui encore une fois n'est pas un problème, individuellement)
Bref : le texte est triplement complexe, au niveau des pronoms, du fond et de la forme ! et un peu de difficulté, les textes qui ne se livrent pas comme ça, c'est super ! mais moi qui ait débarqué en pensant simplement lire des pronoms neutres, m'habituer pour qu'ils entrent dans mon vocabulaire avec fluidité, je n'ai pas réussi à faire la gymnastique nécessaire : mon cerveau était sollicité sur trop de niveaux. Du coup, j'étais un peu triste, parce que je trouve super qu'un genre neutre entre dans la langue et je voulais me familiariser avec ça ! mais j'ai pas vraiment réussi.
Je pense que pour habituer les gens aux pronoms neutres, il faudrait un texte plus simple, mais je me suis peut-être méprise sur tes intentions, je suis partie du principe que ton but c'était d'initier les gens aux pronoms neutres alors que si ça se trouve pas du tout, tu voulais juste écrire une nouvelle poétique et dense avec des persos non-genrés, et moi je suis là à te dire que j'ai rien compris xD ! désolée !
Encore une fois, hein, je suis pas la plus maligne ! d'autres retours te donneront surement des impressions plus appropriées !

Petites remarques :
- j'aime beaucoup la terminaison neutre "ae", ça marche super bien je trouve !
- "los aventuriaes" : pour moi, "los" est très connoté masculin (à cause de l'espagnol), je pense que ça aurait été plus simple de laisser "les" qui est neutre pour le coup !
- "la peau de liu voyageux" : j'imagine que ça a du être compliqué de mixer "du" qui est en un seul mot et "de la" en deux. je pense que ça serait plus clair en enlevant l'espace : "la peau deliu voyageux" ou même tout simplement "la peau de voyageux", je sais pas, le fait que ce soit en deux mots m'a perturbée et j'ai cru que c'était un pluriel... Qu'est-ce que je fiche à te donner des conseils en pronoms neutres, lol, ne m'écoute pas t'as vu comme j'étais larguée xD

En tout cas, merci pour cette expérience qui m'a vraiment essoré le cerveau ! Bravo d'avoir écrit quelque chose d'aussi original et intriguant ! désolée de pas avoir su le comprendre :-( Il y a des mots qui ne se laissent pas apprivoiser par n'importe qui, et c'est très bien comme ça, alors ne t'en fais pas pour mon commentaire ahuri xD !! Et j'espère que tu vas faire plein d'autres textes du genre, la langue en a besoin !
Tac
Posté le 03/09/2022
Sorrryyyyyyf <3
Encore une fois je tiens à m'excuser de mon délai de réponse, je suis outré que PA m'ai laissé dans l'ignorance de ton com pendant aussi longtemps juste parce qu'il a pas daigné m'envoyer de notif T.T
Tu n'es absolument pas con. Franchement, quand je relisais ce que j'avais écrit et que j'étais pas concentré, même moi je me demandais ce que c'était que ce truc. Si ça te console : je crois que je suis content d'en être l'auteurice, et pas la personne qui doit le découvrir de A à Z :')
Ecrire au neutre ça a été un challenge, et si j'avais pas commencé par l'écriture, je ne sais pas si j'en aborderais la lecture de la même manière. (jai encore rien lu en neutre, à part des articles sur le sujet... c'est pas beaucoup). Tout ça pour dire que la gymnastique est réelle, et dès que tu "sors" de la lecture neutre, faut y "rerentrer". Alors je comprends très bien ce souci de "double gymnastique", avec l'onirisme qui s'y ajoute.
Effectivement, mon idée n'était pas de familiariser les gens au neutre. Je ne suis pas pédagogue et faire des textes didactiques ça me gonfle, je saurais même pas comment faire. Je suis parti comme si c'était déjà banalisé (ironique alors que, comme je le disais, pour moi encore c'est un défi... mais ça me permet de voir la ligne d'arrivée d'une certaine façon).
Tout ça pour dire : ne t'excuse pas du tout ! je crois que si j'avais pas écris ce texte, j'aurais pu écrire ton commentaire, en plus déprimé encore parce que rien comprendre ça me ferait me sentir tout nul. En plus tu as des retours intéressants : moi qui ne parle pas un mot d'espagnol, j'avais pas du tout pensé à "los" (qui en plus il me semble que c'est une erreur de ma part, je voulais garder le "les" puisqu'il est non genré...)
J'espère que je ne t'ai pas définitivement dégoûtée du neutre et/ou de mon écriture ! Si tu le souhaites je peux t'expliquer plus le texte ?
Merci immensément pour ton com, je le répète je ne suis pas du tout vexé, au contraire je te remercie de ta franchise !
Plein de bisous !
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