Toilettes sans verrou

Notes de l’auteur : Cette histoire est une histoire d'abus. Une fine ligne entre les enfantillages anodins des frères et sœurs, et la domination malsaine.
Bonne lecture !

                         La jeune femme entra dans la salle de bain de ses parents. Elle s’assit sur la cuvette glacée, et se remémora tous les souvenirs que ces quatre murs retenaient captifs. Elle se souvint que ce siège de fortune était son refuge lorsque les cris lui devenaient insupportables. Longtemps, dès son plus jeune âge, elle courrait se réfugier ici. Elle s’enfermait à double tour, s’asseyant sur les chiottes, se bouchait les oreilles et chantonnait pour faire barrage aux décibels hystériques qui emplissaient la maison. Elle se berçait là, d’avant en arrière, pour évacuer cette sensation tenace qui lui tordait les intestins. Mais ce qui obstruait ses boyaux ne s’évacuait pas en tirant la chasse d’eau.

À ce souvenir douloureux succéda une autre scène tout aussi désagréable. Elle devait avoir seize ans et son frère 17. Il adorait qu’elle l’accompagne lorsqu’il allait aux toilettes. Ils discutaient du quotidien, se racontaient les derniers ragots, ou confiaient leurs chagrins. Un jour, son frère qui venait de chier s’essuya et, d’un geste vif, colla le papier plein d’excrément sur la joue de sa sœur. Humiliée, elle le poussa violemment contre la baignoire et courut se réfugier à l’autre bout de la maison.

Ses pensées entraînées dans cette vague de souvenirs se dirigèrent de nouveau vers son enfance. Elle se souvint qu’il n’y avait pas de verrou dans la salle de bain des enfants. Si ce n’était pas gênant au début, ce le fut aux prémices de son adolescence. Son frère entrait dans la salle de bain alors qu’elle se lavait. C’était une douche italienne, sans cloison. Il pouvait l’observer à son aise. Il eut ainsi un motif pour exercer son chantage pervers. Il la menaçait de révéler les détails de son physique adolescent à ses amis. Plus d’une fois, elle se retrouva tétanisée par l’idée que son frère n’exécute son plan sordide. Un soir, après l’école, elle était installée avec son frère et des amis devant la télé. Elle était secrètement amoureuse de l’un deux. D’un ton désinvolte, son maître chanteur se mit à décrire avec la minutie d’un gynécologue ce que le corps de sa jeune sœur avait de plus intime. Les garçons s’esclaffaient face à ces réflexions déplacées. Elle se leva, enfourcha son vélo et pédala avec rage. Elle pédalait pour faire passer l’humiliation, la honte et ce sentiment que quelque chose venait de lui être dérobé.

Des éclats de voix la tirèrent de ses rêveries. Elle parcourra une dernière fois la salle de bains des yeux. Tournant les talons, elle se dirigea vers le salon où attendait un agent immobilier et les futurs propriétaires de sa maison d’enfance. Elle songea alors que chez elle, ses toilettes avaient des verrous.

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