Il a osé ! Il l'a emmené chez lui. En dehors de Marie, Yann n'amène jamais personne dans cette maison de dingues. Qu'est-ce qui l'y a poussé ? Il se pose plus ou moins la question. En remontant du boulot, il l'a trouvé assis, nonchalamment, dans un des fauteuils, à l'extérieur de la villa. Gabriel avait alors le regard ailleurs et souriait, aux anges. Là, Yann a pris peur. Où avait donc disparu son amant, dans quelles pensées ? À quels esprits montrait-il cette figure heureuse ? Bien sûr, il sait que leur histoire est vouée à être courte, aucune illusion là-dessus, seulement Yann souhaite croire que pendant les prochaines semaines, il sera le centre des pensées de ce jeune homme en vacances. Il ne peut se satisfaire d'un attachement à sens unique. Dans quels endroits les songes du garçon l'emmenaient-ils ? Le voir si énigmatique, parti dans une torpeur quasi jubilatoire, Yann s'est senti jaloux. Jaloux de ces pensées là, dont il ignore tout et qui dessinaient une telle félicité sur la face sereine de son nouvel amant. À la vue de son sourire fendant le doux visage, il s'est demandé à quoi ou à qui il pouvait bien rêver et s'est cru en droit de l'en empêcher. Du coup, il a ressenti un besoin de montrer son cadre de vie, sa chambre, à Gabriel. Une partie intime de lui, l'endroit où il habite, où il dort, où il rêve, où il pleure, ses livres, sa musique, son environnement. À quoi bon partager ça si tôt ? Certainement pour créer un lien supplémentaire, remplir Gabriel de choses le concernant afin d'en peupler son existence pendant les prochaines semaines. Après tout, ils ont peu de temps, non, pourquoi attendre ? Il en a eu envie et a agi sans réfléchir, sans hésiter. Cependant, maintenant qu'ils y sont tout les deux, il s'interroge quant à l'aspect judicieux d'une telle idée.
- Ma basse est chez Marie, on répète ensemble. Et puis là-bas, je suis sûr qu'il ne lui arrivera rien.
- Tu n'as pas de verrou à ta porte ? s'inquiète Gabriel en entendant crier les enfants de la maisonnée et certainement aussi ceux des voisins.
- Non, donc pas de papouilles ici, hi hi !
Soudain, tel un fait exprès pour illustrer tout le problème que comporte un manque évident d'intimité, un véritable ouragan en la personne de Nathanaëlle, sa belle mère, pénètre sans crier gare dans la chambre. C'est une grande furie à la poitrine aussi large que les fesses, aux yeux aussi fous que sa coiffure, à la robe qui fait autant mal aux yeux que ses cris aux oreilles.
- Qu'est ce que c'est qu'ça ? YANNICK ! Tu ramènes ÇA à la maison, maintenant ?
Surpris, tout deux sursautent. Yann bougonne et se lève.
- Je ne veux pas de ÇA dans ma maison ! Sortez d'ici !
Il marche sur elle sans prendre la peine de répondre, l'oblige à reculer, puis sous les yeux ébahis de Gabriel, referme la porte au nez de la mégère. En conséquence de quoi, elle continue pendant quelques instants à vociférer des menaces sans pour autant oser rouvrir.
- On est bien loin de la félicité ici, pense-t-il, cette réalité lui apparait crûment vrai.
- Heu... C'ta mère ? Tu risques pas de...
- Nan c'est la femme de mon père. Je m'en tape, ici on est chez lui, dans MA chambre. Elle n'a rien à dire et elle le sait.
Il vient se rasseoir, l'air de rien.
- Elle parlait d'nous là ?
- Oui, des homos sous son toit, tu te rends compte ? Téééériiiiibles toutes les cochonneries qu'on pourrait faire ici !
- Et ton père, il en dit quoi ?
- J'irais pas jusqu'à dire qu'il s'en fiche, mais pas loin, ha, ha, ha !
Il s'appuie contre le montant du lit, arrondit le dos, met ses mains dans ses poches et hausse les épaules.
- Ce qui m'ennuie, c'est que maintenant elle va aller le trouver et le faire chier. Ils vont une fois de plus se disputer à cause de moi et ça, ça m'emmerde. Ça t'embête d'être venu ? Tu te sens gêné, pas vrai ? ajoute-t-il en se tournant vers son amant.
- Non, j'aimerais comprendre. Pourquoi est-ce que t'habites ici ? J'veux dire, t'as vingt quatre ans déjà, et un boulot.
- Mon père tient à ce que je reste. Ils me sucent tous. Cette famille vit du RSA, de la pension de mon père et de ma paie.
Il regarde le plafond en s'étirant.
- Je suis faible, que veux-tu, j'ai peur d'être seul. Ce que je suis serait plus facile à vivre mais plus dur à assumer je crois.
- J'comprends ta peur d'être seul. Moi elle est tellement présente dans ma vie. Seulement pour l'reste, t'es un peu zarbi, non ?
- Haha ! Sans doute, oui. Tu vois, ici les gens on l'air sympathiques, mais ce n'est qu'un leurre. Tout n'est que ragots, racontars, critiques. Je ne suis qu'un membre de cette famille de nases, un parmi les autres. On parle de nous, pas de moi. Je me cache derrière les défauts de mes " congénères ". Dans cette famille, demandez le père handicapé qui vit de l'allocation, demandez la Mama fainéante qui vit du RSA, demandez les deux ados nuls à l'école et le petit dernier qui traine, sale, sur le bord de la route menant au lotissement, à n'importe quelle heure. Demandez enfin la tapette qui n'a pas la même couleur que le reste de la tribu. En restant ici je ne suis ni meilleur, ni pire qu'eux, je me noie dans la masse, ainsi, personne ne m'emmerde personnellement. Tu comprends ? Seul je serais montré du doigt, uniquement pour ce que je suis, ce que je représente. Là, c'est toute la famille qui l'est, c'est pas une atteinte personnelle. Il me faudra une bonne raison pour quitter le nid.
- Ch'uis content d'avoir ma sœur et son mec quand j'entends ça.
Yann se relève et commence à ranger des CD tout en parlant.
- Mon père est un mec gentil, un peu trop faible sans doute, et très flemmard. Sa bonne femme est une conne pas vraiment méchante, simplement à l'esprit étriqué, élevée à l'église, tu vois ? À l'image des poules grandies au poulailler qui connaissent pas le plein air. Mais, malgré ce qu'elle voudrait laisser croire, elle m'aime, elle s'est toujours bien occupée de moi. Le plus âgé de mes demi-frères, je n'ai pas vraiment de contact avec lui, on s'ignore, il fait ses trucs de son côté. Ma demi-sœur est sympa, je l'adore, et mon petit frère est un mioche mal élevé, un vrai couillon, mais il est marrant.
- Ton père comprend qu't'aimes les garçons ?
- Non, ça le dégoûte. Cela dit c'est un chic type, il m'aime, je reste son fils. Puis, j'ai des circonstances atténuantes. Je crois aussi que j'ai la chance de ressembler à ma mère, je la lui rappelle. Il accepte ça comme un coup du sort, pour eux c'était écrit, c'est pas seulement mon orientation sexuelle, c'est un tout, je suis LE bizarre.
- Et, ta vraie mère ?
Yann frémit un peu, subtil mouvement de gène, il enfonce le dernier CD dans l'étagère.
- J'avais six ans quand elle est morte. Je ne me souviens presque plus d'elle, regrette-t-il sans se retourner. Il y a quelques années, j'ai volé son journal intime à mon père. Elle l'a écrit quand elle était jeune. J'ai un album photo avec moi bébé et quelques lettres. Et j'ai ça aussi.
Il attrape un cadre poussiéreux où se trouve la photo d'une jeune fille rousse riant, cheveux au vent, debout sur une falaise surplombant une mer démontée et grise.
- Elle était belle. Tu lui r'ssembles !
- J'ai sa peau blanche, la clarté de ses yeux, ses taches de rousseur, ses cheveux...
- Et son nez en trompette !
Il affiche une moue joyeuse qui s'estompe pourtant vite.
- Mais de nous, de moi, de mon père et d'elle quand j'étais petit garçon, je n'ai rien. Je ne me souviens plus de son visage de maman. J'ai très peu de souvenirs et je ne suis pas certains que ceux que j'ai me sont restés en tête grâce à ma mémoire. À mon avis, c'est plus certainement parce que mon père m'en a parlé. J'ai souvent rêvé que j'allais dans son pays me recueillir sur sa tombe, trouver la famille, qu'il me reste. C'est un rêve, il n'y a personne qui souhaite m'y voir.
- Heu, dans son pays ?
- En Bretagne, ma mère était Bretonne. Elle est retournée vivre ses derniers jours là-bas et y est enterrée.
Gabriel se met à rire.
- Ha haha ! En France, quoi ! Haa t'inquiète, lapsus révélateur, en Bretagne y sont pas français, pffff !
- Hein ? !
- Nan j'déconne ! Disons qu'les Bretons s'sentent p't'être moins français qu'les réunionnais et ils y tiennent à leur culture, hein !
- Tu connais la Bretagne, toi ?
- Oui, j'y suis allé quatre fois en vacances, j'ai visité tout l'tour.
Yann a soudain les yeux brillants d'envie.
- Les vacances c'est pas vraiment connaître... néanmoins, tu m'en parleras ?
- J'te raconte c'que tu veux !
On frappe à la porte. Gabriel voit apparaître un petit homme ressemblant un peu à Henry Salvador, il s'appelle Aimé. Aimé est un vieil homme fin, tout sourire, il a une voix douce, le ton trainant. Son costume de lin blanc n'a rien de commun avec les vêtements fleuris et criards de la belle-mère. Son teint est métissé, café au lait, et ses tempes grisonnantes lui donnent l'air d'un grand-père.
- Bonjour la jeunesse ! Je ne vous dérange pas ?
- Papa.
- C'est si rare que mon fils nous ramène des amis à la maison.
Bien qu'il ne puisse s'empêcher de tousser légèrement au mot " ami ", Aimé s'adresse directement à Gabriel en lui serrant la main, une poignée douce et fragile.
- Tu exagères ! Marie vient souvent, Alan aussi et Jean François.
- C'est différent, Alan est ton cousin, voyons, et Jean-François le meilleur ami d'Alan. Marie, ma fois, Marie, il n'y a qu'elle !
- Yann m'a dit qu'vous étiez musicien ? le questionne Gabriel.
Il s'assoit sur le lit de son fils pour lui répondre, quand Yann ce dernier se lève pour refermer la porte qu'il a laissé ouverte.
- C'était il y a longtemps ça, fiston, hé hé ! Yann est un bon fils, il travaille dur et c'est un bassiste très doué. Vous l'avez déjà entendu jouer ? Yann où est ta basse ? Tu ne l'as pas vendue au moins ?
- Bien sur que non, t'es pas bien !
- Je suis rassuré. Tu sais, cette basse...
- Elle est chez Marie, je voulais pas que les mômes fassent les cons avec !
- Oui, bien sûr. C'est bien... C'est très bien.
Silence un peu gêné.
- Et vous ? Vous jouez de la musique, mon garçon ? interroge-t-il Gabriel.
La physionomie de Yann change, la fierté se dessine sur son visage et il répond à la place de l'autre.
- Il est guitariste et il a un groupe !
- Ça c'est une bonne nouvelle ! Vous allez jouer ensemble de temps en temps non ?
- Je ne suis ici que pour les vacances, répond le métropolitain.
- Il ne reste pas, ajoute Yann tristement, malgré lui.
-Oh, c'est bien dommage ça.
L'homme se relève doucement pour signaler que la conversation arrive à sa fin, un peu déçu. Qu'avait-il imaginé ?
- Il faudra jouer avant de partir, insiste le vieil homme.
- Oui, ch'uis curieux ! accepte Gabriel.
- Ah, mon garçon, la curiosité est une très bonne chose, jouez, jouez avec mon fils, il est bon ce petit gars !
- Papa !
- C'est la vérité.
- ...
- Bon, je m'en vais. Tu essaies de ne pas énerver Nath s'il te plaît, elle...
- C'est elle qui est venu dans ma chambre pour nous insulter ! J'ai seulement fermé la porte !
- Je sais, la prochaine fois préviens la que ton ami vient.
- ...
La porte se referme sans bruit.
- Il est gentil ton père. - Et toi tes parents ? Lancent-ils alors en même temps.
Ils échangent un sourire tout les deux un peu mal-à-l'aise, puis Gabriel se penche pour l'embrasser. Yann se laisse faire. Le geste est très doux et l'attitude de Gabriel adorable. L'androgyne rougit, quand le zoreil s'éloigne de nouveau, se racle sa gorge et se marre tout seul en regardant ses pieds.
- Mes parents étaient d'bons parents, parfois sévères, mais toujours justes. J'ai eu d'la chance, ils s'aimaient, y s'disputaient parfois mais c'était un couple uni, raconte-t-il calmement.
- Et ils acceptaient que tu sois...
- Ils n'en n'ont jamais rien su. Ils sont morts avant qu'ch'ois certain d'mon orientation. Ils avaient un couple d'amis gay... J'pense pas qu'ça aurait été un sujet terrible. P'têt' un peu d'tristesse d'la part d'ma mère qu'j'ai pas d'enfant. J'crois qu'j'aurais eu plus de problèmes avec mon échec scolaire, ha, ha !
- Et avec ta sœur ça va ?
- Ma sœur est cool sur l'sujet. J'crois qu'elle s'en tape, du moment qu'ch'uis bien et que j'fais pas n'import'quoi. Ma présence pèse un peu sur son couple. Il s'rait temps que j'les quitte. J'm'en sens pas capable. M'assumer, d'jà que ch'ais pas quoi faire d'ma vie et vivre seul, pffff ! Ça m'effraie carrément, quoi !
Yann lui prend la main, puis se redresse en le tirant par le bras.
- Aller ! On va chez Marie ! On passe chez toi, tu prends ta gratt' et on va chercher la mienne !
- Si tu veux. T'as un endroit où jouer ?
- Je vais te faire assister à une de nos répèt', deux ou trois coups de fil à donner !
Une demi-heure qu'ils sont là, Gabriel n'a pas osé bouger de sa chaise. Sa guitare est restée dans son étui. Yann est bluffant, presque transformé par son instrument, beaucoup plus viril malgré la couleur de la basse. Pour le reste, style, harmonique, sensibilité, c'est sans intérêt. Il n'y a presque que des reprises, et les seuls morceaux originaux présentés ne valent pas grand-chose. Quant aux autres membres, s'agit-il vraiment d'un groupe ? De la cacophonie, pas de bon son, rien... C'est mauvais, très mauvais même. Gabriel est atterré.
Yann s'approche, fier de lui et en sueur, attendant le " verdict " !
- Alors ? Tu en penses quoi ?
- Marie a un joli filet d'voix, mais franchement elle chante complètement faux, ton batteur devrait s'cantonner aux percus', là tu lui demandais pas d'jouer du limbo ou du zouk merde ! Et ton guitariste, d'puis combien d'temps il a sa guitare de super marché ?
Il s'enfonce sur sa petite chaise d'école et ronchonne en matant d'un œil sévère les autres membres de loin. Yann, d'abord interloqué, sent la colère monter en comprenant que Gabriel est sérieux.
- Là là ! Pour qui tu te prends ? T'es quoi, un grand maître soliste ? ! C'est pas vrai ça ! Tu crois être quoi, ma grande, pour venir descendre les gens de cette manière ? On n'a pas entendu comment tu joues toi !
- Même si j'étais incapable d'sortir un son, j'me permettrais de t'dire honnêtement c'que j'en pense. C'est bien toi qui m'as amené ici et d'mandé quoi. Si tu voulais pas d'réponse fallait pas poser d'question !
- On s'amuse, enfin ! C'est pour se marrer, pas pour devenir la nouvelle star ! Calme-toi, hein ! lance Yann, vexé.
- Rappelle-moi c'que représente cette basse pour toi ?
Touché, le jeune réunionnais ne répond pas, il se contente de froncer les sourcils.
- J'vais t'dire, si t'étais un nullos, un débutant, si t'avais eu un niveau identique au leur, j't'aurais encouragé soit à persévérer et bosser, soit à r'vendre cet instrument "mythique" à un vrai musicien. Seulement là, l'fait d'entendre un virtuose dont les capacités sont sous exploitées, et même très certainement ignorées, jouer avec ceux-là, franchement, ça m'énerve ! Bordel, t'es plus que bon ! Pourquoi qu'tu joues pas dans un vrai groupe ?
Yann ouvre la bouche, mais aucun son n'en sort, ses oreilles prennent une couleur cramoisie et son sourire coupe son visage en deux. Jamais on ne l'avait complimenté pareillement sur sa façon de jouer. Certes, l'éloge se trouve bien caché au milieu des critiques mais un compliment, de la part d'un autre musicien en plus, n'est pas insignifiant, surtout venant de Gabriel.
Afin d'être pris au sérieux et de mettre un point final à cette explication, Gabriel se lève et passe enfin sa guitare. Il branche l'ampli, règle les micros, et commence à s'accorder sans plus faire attention au monde extérieur. Il annonce un titre d'un groupe japonais, " MUCC ", que Yann connait bien, et attend de voir si celui-ci relève le défi. À sa grande joie, il décide de jouer le jeu. Il explique rapidement à son batteur le minimum à fournir. Et avant que Marie ne se mette au micro et que l'afro ne prenne lui aussi sa guitare, Gabriel réclame d'enregistrer la prestation. Il interprète le morceau simplement, sans grands éclats, sans innover, ce qui n'empêche pas Yann, qui n'a jamais joué avec une personne de son niveau, de se laisser emporter. Il comprend avant d'écouter l'enregistrement, ce que Gabriel tentait de lui faire admettre.
Marie s'amuse beaucoup, ignorant complètement le contenu de la conversation entre les deux. Le batteur se perd totalement, l'autre guitariste arrête avant la fin, complètement largué. Lorsque qu'ils stoppent la performance, le bassiste ressent une excitation encore inconnue l'envahir.
- Ha haha ! C'était bon comme du sexe ! J'en veux encoooore !
- On peut s'contenter de ça ! Tu choisis, c'est la musique ou bien... lui murmure Gabriel à l'oreille en passant derrière lui, sans se faire remarquer par les autres.
L'autre grimace.
- C'est une menace, chéri ? lui demande le réunionnais en messe basse.
- T'as peur, avoue !
- Tu n'es qu'un vil maître chanteur !
- Tu choisis quoi ?
- Mariiiie ! Il fait rien qu'à m'embêter ! finit-il par raler, sans que la jeune fille ne sache de quoi ils parlaient.
- Tu as enfin trouvé ton maître ? rit-elle.
- Dis, y'a des chiottes ici ?
- Qu'est ce que tu crois, c'est une MJC, on n'est pas en milieux hostile, haha ! Au bout du couloir mon chou !
- Marie, tu nous abandonnes ou tu viens mater le film avec nous ? interroge Yann lorsque Gabriel s'éloigne.
- Sois sérieux, je ne vais pas tenir la chandelle, profite !
Il observe Gabriel de dos au travers de la vitre de la porte.
- J'suis love.
- L'alchimie entre vous, pendant que vous jouiez, c'était géant !
- J'te raconte pas au lit !
- Encore heureux que tu ne me racontes pas ! Gogoz* ! Comme si j'avais envie de savoir !
- J'aime jouer avec lui, c'est tellement... Woua !
- C'est vraiment une belle rencontre, non ?
- ...
Yann est radieux, cependant Marie comprend que sous cette face joyeuse, le poids du désespoir pointe déjà le bout de son nez.
- Personne n'écrit l'avenir, mon cœur, déclare-t-telle.
Il détourne son regard de la silhouette de son flirt disparaissant dans le couloir, pour fixer Marie serieusement.
- L'issue de cette histoire on la connait très bien, ma chère.
- Tu ne devrais pas penser ainsi, je crois que dans la vie c'est nécessaire de tout donner dans l'espoir d'un avenir, il y a toujours une chance, bien que ça te paraisse fou.
- Et après, chialer comme une madeleine pendant des mois ?
- Pourquoi es-tu incapables de voir les bons côtés ?
- Parce que je suis un handicapé de la vie, ou bien trop lucide.
- Rien ni personne ne vous enchaine ici ou ailleurs, ni l'un ni l'autre, ajoute-t-elle tout en passant la porte pour rentrer chez elle.
Yann soupire, il regarde cette fois sa bonne amie de dos, marcher en ondulant son corps dans le même couloir que Gabriel vient d'emprunter à l'instant. Bientôt elle sera partie, pour plusieurs mois. Pourquoi faut-il que l'amour lui échappe ainsi ?
- Lui aussi, il partira.
L'angoisse lui noue l'estomac.
- Elle s'est tirée sans m'dire au revoir ! s'étonne Gabriel à son retour.
- Je lui ai dit que j'avais l'intention de te violer sitôt que possible, je crois qu'elle n'avait pas envie de voir ça, plaisante Yann toujours à son oreille.
- Vous parlez beaucoup, mon cher, mais vous agissez peu ! réplique Gabriel avec humour.
- Ton beau-frère est rentré ? se renseigne Yann, mine de rien.
- Non, ils reviennent tout les deux d'main. On passe la nuit ensemble ?
- Tu n'es pas lassé de moi ? l'interroge Yann en se rapprochant afin que l'autre guitariste ne puisse pas comprendre la conversation.
- On vient d'se rencontrer ! sort Gabriel, que le ton employé pour cette dernière question étonne.
Il accompagne sa réponse d'une caresse de la main, que Yann repousse doucement.
- On n'est pas à Paris ici. Je préfère ne pas me faire trop remarquer, pardonne-moi, murmure-t-il en inspectant la pièce autour d'eux.
- Désolé, j'ai pas réfléchis, sursure Gabriel à son tour.
Ils épient l'autre guitariste mettant du temps à terminer de se préparer pour partir et le suivent des yeux jusqu'à sa sortie.
- J'ai eu l'impression qu't'avais besoin d'être rassuré, c'pour ça, ajoute Gabriel après le départ de l'importun.
- Pour ceci, je vais attendre d'être à la villa.
C'est seulement quand ils sont enfin seuls sur la route que Yann se permet de glisser sa main dans la sienne en silence. Passé le premier étonnement, Gabriel observe son ami quelques instants. Celui-ci évite de croiser son regard. Est-ce de la timidité ou bien simplement une certaine pudeur ? Gabriel ne saurait le dire. À ce moment là, soudainement porté par une vague de tendresse, il stoppe la marche, l'attire à lui et pose les lèvres sur la bouche lisse de son copain, sans lui laisser le loisir de le repousser.
D'ailleurs l'autre n'oppose aucune résistance. À la fois surpris et émerveillé, Yann apprécie au contraire, la réaction. C'est bien la première fois qu'il fait ce genre d'effet à quelqu'un. Car le baiser est loin d'être un substitut érotique, mais bel est bien un élan gratuit, rempli de douceur affective.
Gabriel en profite pour respirer longuement son odeur en lui caressant les joues du plat de sa main libre.
- Xc'use, j'avais trop envie et y'a personne en plus.
Pour toute réponse le jeune réunionnais se serre contre lui. En vérité, ému par tant de douceur, il serait bien incapable de parler.
En arrivant à la villa, il repense aux mots de Marie, si l'avenir n'est pas écrit, comment inventer une suite d'histoire sans la transformer en tragédie ? Il se trouve incapable de l'imaginer.
La fraicheur de la maison contraste avec la chaleur moite du dehors.
- Haaa ! Un peu d'frais enfin ! respire Gabriel avec satisfaction.
Yann, quand à lui, réprime un frisson.
Lorsqu'ils entrent dans la chambre, les deux garçons ne peuvent s'empêcher de viser le lit qui a accueilli leurs premiers ébats. La tension sexuelle est palpable. Gabriel se racle la gorge et tente de reprendre un peu le contrôle de ses émotions. Il ne va pas sauter sur Yann sitôt la porte de la chambre fermée, il n'en est pas là.
- Je ne suis pas une bête ! s'insurge-t-il.
Cependant lorsqu'il croise les yeux brillants du concerné, il se demande lequel des deux craquera en premier ?
- En fin de compte, pas sûr que ce soit moi ! réalise-t-il.
- Heu, tu déposes ta basse là, dans le coin.
- ok.
Gabriel lui tourne le dos et fait mine de refaire brièvement le lit, afin de se donner une contenance.
Quelques secondes suffisent alors à Yann pour être sur lui, enlaçant son torse, les mains pressant ses pectoraux, le corps contre son dos. Gabriel vrille lentement et leurs lèvres se collent.
- J'ai envie de toi, j'ai tellement envie de toi, laisse passer Yann dans un souffle, entre ses lèvres.
La respiration à demi-coupée par la fougue du réunionnais, Gabriel savoure le bel enthousiasme. Yann s'abandonne sans réserve, l'heure de la réflexion est passée. Pas de regret en cet instant sublime où les mains chaudes et douces de Gabriel le libèrent de ses vêtements, tout en le caressant. Il se laisse porter par la splendeur de l'instant.
Le claquement des baisés, le son mouillé de leurs bouches, le grincement du matelas, le frottement des draps, Yann vit cela en spectateur exilé en dehors de son corps. Parce que si longtemps attendu, l'impact de chaque caresse, attouchement, frôlement qui lui sont offerts si sincèrement, se trouve amplifié mille fois. L'ensemble l'emmène loin, au-delà de la réalité de ses trop nombreuses relations sans lendemain, pour lesquelles jusqu'ici, il se croyait destiné.
Complètement étourdi, euphorique presque, il perd toute maîtrise, si bien que sans le moindre avertissement, lorsque la main de Gabriel se referme sur son sexe, l'orgasme déverse dans la seconde, son fluide. La respiration haletante, il accompagne cette jouissance d'un gémissement léger. Gabriel, passablement surpris, le dévisage.
- Déjà ? J'te fais de l'effet dit donc !
Confus et rougissant de honte, il bredouille quelques syllabes inaudibles. Pour autant il ne débande pas. Perturbé sur le moment, il se ressaisit très vite. Le jeu reprend et il devient, de fait, entreprenant à son tour. Ainsi, revenu à lui, affichant une tendre expression friponne, il décide, audacieux, de lui mettre le préservatif avec la bouche. Avec des gestes sûr et réfléchis, il s'acquitte très bien de cette tache, descendant, efficace, le long de la hampe sans desserrer les lèvres.
Gabriel épaté serre les dents et étouffe une plainte de satisfaction lorsque son sexe entre en contact, protégé, avec la chaleur humide de la bouche de son partenaire. Lui-même, à genoux, lui caressant les cheveux, pendant ce doux va-et-vient, observe le corps frêle à quatre pattes lui prodiguer, dévot, généreusement du plaisir.
- Arrête, j'vais pas t'nir longtemps moi non plus à c'rythme là ! confesse-t-il en le repoussant à regret.
Le jeune andro se retrouve couché sur le dos. Leurs corps se frôlent d'abord puis s'épousent enfin quand Gabriel fond sur lui, accompagnant son mouvement de tendres baisés. Sa bouche papillonne, sur les yeux, les pommettes et le bout des lèvres, goûtant et apprivoisant à loisir le moindre centimètre de peau. Elle poursuit sa course gourmande en glissant du long du torses imberbe jusqu'à l'entre-jambe humide. Lorsqu'un index tâte l'entrée de ses chairs, Yann se cambre d'envie. Le doigt pénètre à peine l'intérieur de son intimité, que déjà, il pousse des râles syncopés.
Son visage rosit très rapidement, son regard s'embrase, ses lèvres s'empourprent et son souffle se saccade davantage lorsque la bouche de Gabriel s'en approche également. Gabriel s'attarde quelques instants sur la verge puis entreprend de lubrifier un peu le seuil de son futur plaisir. La langue se promène sur la chair tendre. Graduellement, mais sûrement, un deuxième doigt s'y introduit, le tout génère une réaction nerveuse de Yann qui se met à remuer presque convulsivement.
- Chhhhhuut calme-toi ! J'aime comme tu t'offres à moi, lui glisse Gabriel à l'oreille. Mais j'ai pas envie de t'faire mal.
- Pitié prends-moi, tu me rends dingue ! Tu m'excites, j'ai le feu, éteins-moi, souffle Yann.
- J'veux pas perdre l'contrôle, proteste Gabriel, en voyant ses réactions débridées. Il a lui-même bien du mal à se contenir.
Le voyant hésitant, Yann décide de prendre les choses en mains. Il s'empale alors seul, étouffant dans un baisé passionné le cri de surprise mêlé de satisfaction de son petit ami. Chevauchant son corps, laissant le plaisir voiler ses yeux et son esprit s'évader, il s'emporte.
L'échappée durera quelques minutes, jusqu'à ce que l'autre, que la cadence élevée enivre plus qu'il ne le faudrait, ne riposte afin de le freiner une fois de plus.
- Tu m'étourdis, avance-t-il en le plaquant d'autorité sur le lit, sachant qu'à ce rythme, il ne réussirait pas à tenir longtemps.
La situation s'inverse et ce fait est répétitif, faire l'amour à Yann est un combat animé, pense aussitôt son partenaire. Pesant désormais sur lui de tout son poids, il tente de maîtriser le moment, contemple Yann dont les reins s'avancent malgré la pression. Dont le corps inassouvi continue de montrer des sursauts et dont les prunelles incandescentes s'accrochant au siennes délivrent un message plus que clair.
Gabriel s'engage de nouveau dans l'étroit passage, serrant à présent entre ses mains, les hanches fines de son amant. Il se balance cette fois au ralenti, faisant tout pour se délecter du moment avec concupiscence. L'autre le serre entre ses jambes et s'agrippe à ses épaules, se pâme, docile et complètement soumis malgré son impatience et son évident appétit. Il se contorsionne en poussant un mélange de gémissements et de plaintes qui excitent davantage, s'il est possible, son amant.
Quel plaisir pour celui-ci de se savoir à ce point désiré et de découvrir la ferveur avec laquelle le corps de Yann lui répond, l'acte y gagne en dimension. Il ne se souvient pas avoir connu pareils délices avec ses deux autres partenaires. N'y tenant plus, il s'enflamme à son tour, sous les réclamations muettes de l'être aimé.
La possession qui se fait bientôt sauvage, les emporte tout deux, sa direction leur échappe totalement. Leur corps à corps tient désormais plus de la joute que du ballet. Les jambes emmêlées, les muscles tendus, les bouches soudées, ils remuent en cœur, violement. Les ongles de Yann s'enfoncent dès lors dans la peau du dos de Gabriel, à chaque pilonnage, sa tête plonge en arrière offrant une gorge délicate aux assauts de la bouche sangsue de l'autre.
Un dernier coup de reins et Gabriel cède, explose en haletant quelques râles gutturaux. Lorsqu'enfin il se laisse choir aux côtés de Yann, il se rend compte que l'autre est également trempé d'une nouvelle jouissance, depuis quand ? Il n'a rien vu venir.
Qu'il était bon de LUI faire l'amour. C'est le début de leur histoire et c'est beau.
"Bien qu'il ne puisse s'empêcher de tousser l'égerment au mot " ami ",..." => légèrement
"- Il est gentil ton père. - Et toi tes parents ?" => il doit y avoir deux dialoques sur la même ligne et sans incise. Là, ça fait un peu beaucoup de confusion.
Bon, je ne sais pas trop quoi dire. On est dans le trip amoureux, ok, mais rien de nouveau dans l'intrigue. Ils vont aller jouer de la musique, c'est très bien, mais rien de palpitant. On fait la connaissance de la famille de Yann, au demeurant très pitoresque est bien retranscrit. On s'y croirait vraiment. C'est très vivant et réaliste. Après, ça en reste là. Je ne trouve pas d'idée pour t'aider et j'en suis désolée. Il faudrait peut-être un enjeu, quelque chose qui tienne le lecteur et qu'il cherche à savoir la suite. Là, on connait la suite et forcément ça mine tout. On n'a pas de surprise.
Je ne sais même pas si en inversant et en reprenant la chronologie de l'histoire des perso serait suffisante pour donner de l'intérêt. Je crains qu'en ne restant que dans le domaine relationnel ça ne suffise pas à captiver. Enfin, pas pour moi en tous cas. J'espère que tu auras d'autres avis pour étayer ton histoire. Je suis un peu démunie, là.
Mais non justement ! Alors jusqu’ici, j’ai rien dit parce que je veux pas spoiler mon histoire mais : non ils ne vont pas forcément rester ensemble et non Yann ne va pas forcément suivre Gabriel. Deux ans séparent l’histoire actuelle des retours en arrière et il ne faut pas croire tout ce que raconte Gabriel.
Enfin il dit a quand même dit à Uzu qu’il est sortie avec Yann pendant un an et demi et que ça fait un an qu’ils sont séparé ! Quoi rien que là on peut comprendre qu’il y a un problème de dates (un an plus un an et demi ça fait 2 ans et demi pas juste deux).
De même sa discussion avec sa collègue Helen et la réflexion de celle-ci quand il lui dit que ça fait un ans et demi qu’il est séparé de Yann : « Fini ? Un an et demi ? Tu te moques de moi ? »
Soit Gabriel n’a pas la mémoire des dates, soit il tourne les choses comme il veut.
Yann, lui, parle toujours en « mois » c’est pas pour rien.
Alors Je n’ai sans doute pas mis assez d’indices dans l’histoire mais je voulais étonner un peu. Yann le dit en pensées (dans le chapitre qui suit celui où on le rencontre enfin) Gabriel ne l’a pas jeté qu’une fois.
Et leur histoire même deux ans plus tard à Gabriel et Yann et malgré Uzu, est loin d’être terminée.
Je pense donc qu’une fois que j’aurais tout écris je vais reprendre le découpage, faire les passages à la réunion plus courts, ajouter des indices dans le début de l’histoire et pourquoi pas quelques questionnement de Uzu qui n’auront leur réponses que dans les passages retour en arrière. Je n’ai pas envie d’ajouter des buts qui n’auraient rien a faire dans l’histoire mais oui je sais qu’il y a clairement un soucis et je te remercie vraiment de me dire ce que tu ressens en lisant. Il manque des choses dans la première partie pour intéresser à la deuxième et la deuxième est certainement trop longue d’un coup.