La plupart des citrouilles se dandinaient de gauche à droite, mais certaines d’entre elles semblaient avoir été poussées du haut de la rue. Ces dernières, profitant de l’élan, furent propulsées par-dessus le fossé creusé par Molly et Newton. Rubie hoqueta. Les courges s’écrasèrent comme des boulets de canon contre les façades des maisons et les premiers cris s’élevèrent.
Les petites sorcières en perdirent leurs chapeaux, les fantômes s’empêtrèrent dans leurs draps, les orges se cachèrent dans les jambes de leurs parents tandis que les fées prenaient leurs ailes à leur cou. Ce que Newton avait voulu empêcher était en train de se produire… Soudain, les premières citrouilles conduites par des écureuils s’approchèrent du fossé. Elles s’arrêtèrent un instant, sans doute pour mieux observer le tas de bonbons qui se dressait devant elles. Des claquements de dents, suivis de petits « Ouisc ! Ouisc ! » joyeux retentirent. Sans plus attendre, les citrouilles se jetèrent malgré elles dans le trou savamment pensé par Newton.
— Vite ! couina, le détective. Attachons le filet !
Aidé par trois grives, Flint abaissa le tressage de cordes qui servait d’habitude à ramasser les pommes tombées au sol, sur le trou afin d’empêcher les écureuils de s’enfuir. Quand Newton s’approcha, il découvrit une horde d’écureuils bondissants à l’intérieur.
— Ssssssortez-nous de là ! Esssspèsssse de glands pourris ! Vociféra l’un deux.
— Rubie, dit Newton, tu entends ce doux zozotement ? Est-ce qu’il ne te rappelle pas quelqu’un ?
La chatte s’assit sur son arrière-train, les yeux plissés vers la fosse.
— J’en garde un souvenir impérissable ! s’amusa la chatte. Voilà donc l’écureuil qui a osé venir fouiller dans nos placards !
— Vite, filons, prévint alors Mercotte. Les humains approchent !
Grâce à une dispersion digne des meilleurs régiments, la petite bande se dissémina aux quatre coins du village.
La foule se massa près du fossé qui retenait prisonniers les écureuils et les restes des citrouilles.
Une silhouette replète s’avança. C’était M. McGregor, le maire de Bibury.
— Mes amis, annonça tristement le petit homme, rentrez chez vous… La fête est finie…
Mais Winnie, attirée par le pompon blanc d’une queue de lapin familière, s’était approchée de la remorque accrochée au tracteur, cria :
— Regardez !
La foule la rejoignit.
— Mrs Jones, continua la fillette à l’intention de son institutrice, c’est comme ce que vous nous avez appris ! Des pommes et des noisettes !
La jeune femme s’approcha à son tour. Elle fit le tour du chargement. Soudain, un sourire triomphant illumina son visage.
— M. le maire, je crois qu’il est temps de renouer avec de vieilles traditions ! Ces écureuils enragés ont troublé la fête, mais charge à nous d’en faire un moment de partage d’un autre genre !
— M. Reed, interpella-t-elle, nous aurons besoin de vos histoires les plus terrifiantes !
À ces mots, l’homme courut jusqu’à la bibliothèque d’où il ramena une pile de livres presque aussi haute que lui.
— M. Woodbridge, continua Mrs Jones en s’adressant au bûcheron, si vous le voulez bien, rassemblez du bois et allumez le plus grand feu que Bibury ait connu !
Bientôt, les premières buches s’embrassèrent.
— Vive la nuit de la pomme croquante ! s’écrièrent en cœur les élèves de Mrs Jones.
Alors, les enfants déposèrent leurs paniers vides près du grand feu allumé au cœur du village. Aucun d’entre eux n’avait pensé à les remplir avec les bonbons dérobés. Mais si les écureuils les avaient bien privé du plaisir de la tournée, un bonheur inattendu se profilait à la faveur des flammes.
Mr Reed s’installa bientôt autour du feu et se mit à compter la légende de Jack’O’Lantern à la foule réunie. Puis des tasses de chocolats chauds circulèrent entre les mains des convives et des plaids en laine recouvrirent leurs genoux. Entre les craquements de coquilles de noisettes et le bruit des pommes qui craquaient sous la dent, Mrs Jones ponctuait les moments les plus angoissants de l’histoire à l’aide de sa guitare pour le plus grand plaisir de l’auditoire ainsi rassemblé.
À quelques kilomètres de là, Newton avait chaussé sa paire de Charentaises et revêtu sa robe de chambre. Devant la cheminée, il dégustait son thé aux épices avec une satisfaction toute particulière ; celle d’avoir sauvé Halloween.
Note de l'autrice :
En Grande-Bretagne, la fête d’Halloween était autrefois appelée « la nuit de casse-noisette » ou « la nuit de la pomme croquante ». À cette occasion, les familles avaient pour habitude de se raconter des histoires au coin du feu en mangeant des noisettes et des pommes.
J'arrive à la fin de cette succulente histoire et je suis assez d'accord avec MarieZM, je trouve que le rythme est très bien ! Il ne me semble pas nécessaire de rajouter des évènements, surtout pour une histoire enfant. On a juste le temps de se poser des questions mais les réponses arrivent petit à petit et un grand final nous régale, non vraiment, j'ai beaucoup aimé : )
C'était trop mignon et bien mené : )
Alors je pense que s'il y a une explication dudit dénouement avant "l'ellipse" et qu'on a beaucoup plus de préparation ça risque de casser le rythme.
Même pour des enfants je suppose qu'avec tous les éléments on comprend assez bien pour ne pas expliquer davantage entre le moment où on découvre l'écureuil drogué au sucre et la mise en place du plan de Newton, si c'est la question ?
Par contre il peut y avoir encore plus d'obstacles et de péripéties (ex : Newton peut manquer d'être découvert comme lapin parlant, Winnie peut se demander ce qu'il fait-là alors qu'il est censé rester dans son clapier et il peut avoir besoin de fournir une explication sans parler !) ce serait sympa avec encore plus de rebondissements à la fin.
Cependant je ne dirais pas que ça manque non plus, parce que tout est clair, fluide et ce n'est pas une histoire réaliste donc les moindres détails n'ont pas besoin d'être totalement éclaircis. S'il y a des éclaircissements supplémentaires qui rajoutent à l'histoire ça peut l'enrichir mais ça ne me parait pas absolument nécessaire.
Sauf si j'ai mal compris la question ?