Elle inspira profondément, ouvrant ses poumons à l’air frais. Le souffle froid raviva ses sens, tandis que la chaleur du soleil s’attardait encore sur ses bras nus, sur sa nuque aussi.
« - Tu avais quel âge quand tu es parti ?
- Je suis de ces êtres qui ne font que traverser l’existence »
Elle frissonna. Tout autour, le parc déployait sa palette de verdure. Le sous-bois bruissait doucement, tranquillement, loin des routes et du choc de la civilisation. Loin du rouge et du vacarme de l’accident.
« - Tu avais quel âge quand tu es parti ?
- Je n’étais qu’un fragment d’être dans un océan de possibilités »
Le souvenir menaçait.
Il frappa.
Elle se sentit tomber alors que la mémoire lui revenait. Les rires et la douceur de la nuit. Les amis, enivrés de leur euphorie. Le retour, titubant mais vaillant. La trop grande lumière, le cri des pneus qui hurlent. Le temps qui se suspend.
L’accident. Le choc. La conscience assommée, le sang, rouge, qui jaillit, partout.
Entre les yeux les doigts les seins les jambes. Entre les jambes. Tant de sang pour un corps si frêle.
« - Tu avais quel âge quand tu es parti ?
- Je n’étais pas encore né quand tu m’as tué. »
Elle est couchée, recroquevillée. Le soleil ne la réchauffe plus.
Pour commencer, la poésie n'est pas mon domaine, alors j'espère ne pas être à côté de la plaque.
J'aurais envie d'en savoir plus. J'ai l'impression d'être face à une esquisse, un premier jet de quelque chose qui a plus d'ampleur.<br />Quand je dis que j'aimerais en savoir plus, je pense que le poème devrait être plus explicite, de manière à ne pas avoir besoin de trop d'explications.<br />Par exemple, on apprend à la fin que la femme qui s'exprime est couchée. L'était-elle déjà au début ? S'est-elle couchée ou s'est-elle simplement recroquevillée, mue par ses émotions ? Ou peut-être n'a-t-elle pas bougé du tout ?<br />Il y a un parallèle intéressant et touchant entre le fait qu'elle a perdu un bébé et la position fœtale qu'elle a prise.
Sans ta note de bas de page, on penserait vraiment qu'elle a tué son bébé involontairement.
Ce texte est bien écrit : je ne trouve rien à corriger, ce qui est rare. Cette forme très libre, entre poème et prose, est intéressante. J'aime ce contraste et cette comparaison entre l'atmosphère paisible du parc et celle, bruyante et désordonnée, de ses souvenirs. Cette phrase lancinante qui revient avec une réponse différente à chaque fois (- Tu avais quel âge quand tu es parti ?), ce leitmotiv qui rythme le poème interpelle le lecteur comme pour le ramener à l'idée de départ. C'est très réussi.
Voilà. Tu ne veux pas l'allonger un peu pour nous donner plus d'indications ?
À bientôt.
<br />P.S. J'ai dû m'y prendre à deux fois.
Merci d'être passée ici et d'avoir laissé une trace, ça me fait très plaisir n.n
C'est ma première 'nouvelle', même si j'ai scrupule à appeler ça une nouvelle, tant c'est court.
Quant à tes remarques, précieuses, je ne sais pas exactement comment les traiter. J'aime bien laisser un certain flou, ça permet d'interprêter comme on veut. Mais sur ce sujet-là, qui peut être source de polémique, mieux vaut peut-être se montrer le plus clair possible. Et ma note de fin, qui se voulait explicative, embrouille plus qu'autre chose. Elle n'a pas avorté, n'avait même pas conscience de porter un embryon.<br />Concernant les questions sur sa position, sur le déroulé de la scène, je ne me permettrai de ne faire que citer mon texte, et de te laisser interprêter : "Elle se sentit tomber alors que la mémoire lui revenait."
Je suis heureux de savoir que le texte était clair sur la mort involontaire de l'embryon, je craignais vraiment le contre-sens.
Merci de ta réponse, et à bientôt !<br />Mando
Peu habitué à lire ce genre de prose, mon avis ne te sera sans doute pas très utile...
Mais ce texte m'a scotché. Comme dans "le dormeur du val", on a, au début, une impression de calme et de sérénité. Puis, viennent les mots durs :"choc, rouge, vacarme..." Là, on commence à sentir que tout n'est pas si bucolique avant de comprendre.
Pour moi, c'est un très beau texte, bien amené, poignant et qui monte en violence au fur et à mesure de l'avancée de lecture. Jusqu'à cette dernière phrase qui nous fait comprendre l'issue fatale. Je relève aussi la très belle expression "Je n'étais qu'un fragment d'être dans un océan de possibilités".
En le lisant une première fois, j'ai cru qu'elle était enceinte. Ce sont tes remarques de bas de page qui m'ont fait comprendre...
Mais, c'est un très beau texte simple à la lecture, mais direct et qui n'a vraiment pas du être facile à écrire.
Bravo !
Wow, c'est fort... C'est une "bonne" idée, si on peut la qualifier ainsi. Et le tableau dont tu t'inspires est vraiment sympa, je suis allée le googliser du coup ^^
Effectivement, la note de fin de chapitre est utile pour mieux comprendre ton texte, cependant.