C’est un vieux monsieur dont je tiens à vous parler.
Un vieil homme qui regarde les autres passer. Ou plutôt qui les regardait.
Je ressens le besoin de m’épancher sur ce personnage, comme pour exorciser sa présence, qui a complètement pris ses quartiers à l’intérieur de mon être.
Surtout le soir, quand je vais me coucher. Je n’ai plus peur du noir, comme lorsque j’avais 6 ans, mais j’ai peur de lui.
Peur de le revoir.
*****
Tout ceci pourrait se passer comme dans les innombrables parcs publics de Paris.
Là où sur des bancs, quelques personnes séniles et abandonnées, vivent une vie par procuration, en observant la vie qui s’écoule désormais sans se soucier d’eux.
Une vie qui les fuit désormais comme la peste, une vie qui quitte le navire.
Une vie qui se répand et se faufile de façon généreuse parmi bambins, ados et jeunes adultes, en leur ouvrant des carrefours d’opportunités à venir.
Pourquoi pensez-vous que les vieux nourrissent les pigeons avec un sourire béat ? Ce sont probablement les seuls êtres vivants à s’intéresser encore à eux.
Cependant, ce qui nous intéresse ici ne se passe ni à Paris, ni dans l’un de ses innombrables parcs publics.
Les faits qui nous intéressent se déroulent depuis un petit jardin ouvrier, en Allemagne, à Bad Säckingen, précisément, à un endroit où le Rhin vient délimiter la frontière avec la Suisse.
Seule jonction entre les deux pays, un magnifique pont de bois couvert. Une timide sinuosité à un endroit de l’ouvrage vient témoigner de son âge avancé, plus de 500 ans. Une passerelle construite et reconstruite, à une époque où Bad Säckingen était presque considérée comme une île.
Un beau travail de charpente en bois foncé. Je ne saurais dire quel bois ils ont utilisé pour sa rénovation, mais l’ensemble est plutôt chaleureux, et réalisé dans un esprit d’antan, ce qui fait qu’en longeant ce large corridor suspendu au-dessus du Rhin, vous faîtes un voyage au cœur du Moyen Age.
Le pont le plus long d’Europe d’après les gens du coin. Avez-vous remarqué à notre époque comme il est de bon ton d’être dans le superlatif absolu pour se sentir exister ? Il est vrai que le pont fait plus de 200 mètres et que l’on peut s’y engouffrer tant à vélo qu’à pied, mais quand même !
A la décharge de mes compatriotes, toutefois, je dois bien vous avouer que ce pont est une fierté pour nous, les Allemands.
Il comporte d’innombrables ouvertures où vous pouvez admirer les courants furieux de l’affluent que nous aimons tant ici.
Je ne sais pas trop ce qu’en pensent nos voisins, et pour tout vous dire, je m’en fous. Les Suisses ne m’ont jamais inspiré. Ce sont des gens fourbes, et qui n’ont jamais pris parti.
Cela doit leur réussir, vu le luxe dans lequel ils vivent. Mon oncle Alfred est Suisse. Je ne l’ai jamais supporté avec ses grandes bacchantes grisonnantes, sa timidité, et son air de ne pas y toucher. Et aussi sa Porsche Cayenne de parvenu.
Pardonnez mes égarements, mais ce sont des sujets sensibles, et je suis fier d’être un allemand, et bien content de ne pas être Suisse.
*****
Le vieux monsieur dont je vous parlais tout à l’heure, donc, je ne le connais pas bien. On va dire que j’ai appris à le connaître, en quelque sorte.
C’est une figure familière de tous les gens qui habitent dans le coin. On l’a tous déjà vu ou croisé, sans jamais vraiment lui avoir adressé la parole, ni savoir qui il était ou ce qu’il faisait. Il fait juste parti du paysage, en somme, et c’est déjà pas mal.
Sous des dehors malingres – mais cela, je n’y crois pas, absolument pas ! - il végète en bordure de la ville, dans son jardin ouvrier, grillagé de tous côtés, adjacent au chemin qui suit le Rhin et qu’empruntent les promeneurs pour aller se baigner lors des longues journées d’été.
On ne l’a jamais vu autrement qu’à travers son grillage vert et rouillé par endroits. Les rares cheveux qui lui restent sur le caillou sont gris foncés, et probablement d’une longueur habituelle de 15 cm. Je ne l’ai vu qu’une seule fois, mais j’ai un don pour observer des choses inutiles. Comme les singularités de sa luxuriance capillaire. C’est peut-être une déformation professionnelle, d’observer tout et n’importe quoi dans le détail, allez savoir !
Uli Durdig, c’est le nom qu’on lui a toujours connu. Celui qu’il donnait tous les ans sur les tickets de tombola lors de la fête annuelle de la ville.
Quand certaines personnes lui entonnent des bonjours chaleureux et tendres, il se contente de grogner des mots incompréhensibles.
En revanche, les enfants l’émerveillent – l’émerveillaient, devrais-je dire – quand ils passent devant lui, il prend un sourire béat, comme si il redevenait lui-même ce petit enfant.
La première - et la seule fois - que je l’ai vu, je ne pourrai pas l’oublier, même si c’est ce que je souhaite le plus au monde en mon for intérieur, à l’heure précise où je vous parle.
Mon thérapeute me dit que c’est normal, et qu’il faut du temps. Je ne sais pas si il me croit complètement cinglé, mais ce qui est sûr, c’est qu’il n’a jamais croisé ce type.
Il n’a jamais vu les yeux d’Uli, ces toupies oculaires ténébreuses, qui vous donnent un tournis à vous ficher la nausée.
*****
Ma rencontre avec ce sale type, donc – excusez mon langage, mais il faut parfois dire tout haut ce que l’on pense – remonte à une balade digestive.
C’était en Juillet de l’année 2011.
J’avais invité ce jour-là, ma femme, mon fils de 10 ans et ma fille de 6 ans au restaurant pour marquer le coup d’une petite promotion professionnelle.
Nous avions tous mangé plus que de raison. Je m’étais régalé d’une pièce d’agneau rôtie avec un mélange de légumes, cuisinés, ma foi, avec un certain raffinement. Plutôt que de nous en retourner à la maison, où nous nous serions affalés sur le canapé, le temps de la digestion et probablement d’une petite sieste, un rayon de soleil nous a incités à profiter des rivages tranquilles et apaisants du Rhin.
Dans ces parages, beaucoup de promeneurs du dimanche sont en recherche de quelque endroit tranquille et préservé en bordure de l’affluent pour s’y baigner. Il faut dire que c’est particulièrement agréable et paisible en été.
Tous les cinquante mètres, de petits escaliers en béton, partant du chemin principal et plongeant dans le Rhin, vous invitent à une baignade improvisée, si vous en manifestez le désir.
Par contre une fois dans l’eau, prudence, car le courant y est très fort. Estimez-vous heureux, si vous pouvez vous immerger sur les premiers mètres du bord de la rive sans une chute inopinée.
*****
Ce jour-là, j’ai vu Uli, dans son verger en fleurs, assis sur sa grosse chaise, le visage illuminé pour moitié par un rayon de soleil que venait obstruer l’un des pommiers de son jardin d’Eden. Je me suis dit que c’était un pauvre type comme un autre, et je lui ai fait un petit signe de tête en guise de bonjour, auquel il n’a pas répliqué.
Il m’a juste fixé des yeux, en silence, avec une sorte d’agressivité contenue. On aurait dit un chien de garde qui vous fixe en silence, avec un léger grognement en sourdine, et des crocs qui se découvrent à peine. Je ne lui en ai pas tenu rigueur dans l’immédiat.
Parfois, vous lancez un bonjour enjoué à quelqu’un que vous croisez, et vous n’obtenez aucune réponse, ce qui, je dois le dire a la fâcheuse tendance à me mettre hors de moi. Si l’on ne me répond pas alors que j’ai lancé quelque chose de gentil, je réplique par un « connard » ou autre gentillesse, que je me contente de prononcer dans ma tête. Cela me donne une petite vengeance personnelle. C’est petit, certes, mais ainsi je me sens mieux.
Vous vous doutez bien, néanmoins, que ce n’est pas à un vieillard que j’aurais été faire une leçon de politesse.
Je crois qu’au premier regard, Uli m’a trouvé antipathique, prenant un air méfiant, et haineux. Oui, c’est le mot, « haineux ». Les crocs, les grognements, il ne manquait qu’un peu de bave pour parfaire le tableau de cette agression en suspens, que j’étais certain de n’avoir provoqué.
Il a d’abord regardé ma petite Myriam – c’est ma fille – d’un air bienveillant. Elle faisait glisser ses doigts sur son grillage en chantant l’une de ses chansons apprises en colonie, la semaine précédente. C’est juste après son passage, que son sourire s’est mué en quelque chose d’inquiétant. Il a plissé les yeux en parlant à voix basse, sans s’apercevoir que je l’observais, ayant pivoté légèrement ma tête sur le côté.
A ce moment précis, on aurait juste dit quelqu’un de possédé, ou bien de fou tout simplement.
Lorsque, bien après, j’ai interrogé des gens de mon entourage sur ce personnage atypique, plusieurs s’en souvenaient. Certains en avaient peur, d’autres étaient indifférents, mais la plupart m’ont dit qu’il était adorable, et qu’il était en extase devant les enfants.
« Et vous savez quoi, Monsieur Tremens, et bien les enfants ne jugent pas, tout simplement. Et c’est sûrement pour cette raison qu’il cherche une forme de contact avec eux ! ».
Ah, c’est vrai, je ne vous l’ai pas encore dit dans mon empressement de partager mes doutes avec vous, mais ce Uli, on ne l’a toujours connu que dans un fauteuil roulant.
Il en a deux d’ailleurs. Un fauteuil roulant qui ressemble à un petit scooter à 4 roues motorisé, qu’il utilise pour se rendre à ce jardin ouvrier depuis son habitation. Il dispose également d’une chaise roulante traditionnelle, dont il faut faire tourner les roues par la force des bras pour la faire avancer.
Comment fait-il pour jardiner me direz-vous ? Alors pour le coup, c’est un mystère complet. Impossible de trouver des proches, pour les questionner, on ne l’a toujours connu que seul, et je n’ai pas réussi à mettre la main sur le moindre de ses papiers d’identité. Un oublié du système. Peut-être un exfiltré aussi, c’est ce que mon sixième sens m’a dicté dans un premier temps. Pas une adresse ! On ne sait même pas où il dormait durant toute ces années. Les gendarmes n’ont rien trouvé !
On ne le voit jamais jardiner, juste se plier en deux depuis son fauteuil roulant, pour enlever quelques racines et mauvaises herbes, et pourtant tout pousse impeccablement dans son jardin.
Les différentes parcelles sont labourées, les semences bien ordonnées en ligne, le gazon n’était pas toujours irréprochable, mais tondu de façon plutôt régulière.
Son jardin ouvrier couvre une superficie de 100m par 100m. Vous y trouverez de tout, des arbres fruitiers, des tomates, des choux rouges et verts, des courgettes, des carottes, et j’en passe. Il y a également quelques variétés de fleurs très plaisantes, tant au niveau de leurs parfums subtils, qu’à celui de leur esthétique. Cette surface verte, arborée et chatoyante en tonalités de vert, est cernée par le grillage dont je vous parlais.
Et c’est au travers de ces minces losanges verts, que d’après les dires du village, cet Uli regardait une vie à laquelle il ne participait plus vraiment.
Moi j’ai l’impression nette et précise qu’il était prêt à bondir à tout moment, comme le fauve en cage qu’il était.
*****
Il avait dû voir passer toute une panoplie de personnages différents, les longues journées d’été.
Des zombies qui avancent sans se parler. Des amoureux transis pour lesquels le moment n’est qu’une douce mélodie sautillante et chantante. Des gens qui portent le fardeau d’une vie trop lourde, et d’autres pour qui l’existence est un instrument à cordes dont ils sont les virtuoses.
J’ai pu l’observer davantage au retour de notre petite balade digestive, où à l’aller, son arrogance contenue, son regard insistant, et ses gargarismes vocaux, m’avait mis sur mes gardes.
Peu avant, les enfants et Katryn avaient eu le courage de plonger dans les eaux fraîches du Rhin, ayant trouvé un petit endroit où le courant est apaisé. Quant à moi, j’avais à peine osé les genoux, pas plus haut, et je m’en étais retourné au soleil, jouissant de la simplicité de ce moment familial, baigné des éclats de rire de ma petite tribu.
Nous prenions donc le chemin du retour vers la maison, et il était aux environs de 17h. Les enfants étaient occupés à parler des activités qu’ils choisiraient le lendemain au centre de loisir, avec un enthousiasme certain.
La vie s’est arrêtée et le temps s’est suspendu, quand je l’ai vu de loin qui m’observait.
Une sensation de malaise et de vertige m’a envahie instantanément.
Il ne bougeait pas, immobile sur son fauteuil roulant, mais concentré dans notre direction, le nez dépassant presque du grillage, contre lequel son visage était presque collé.
J’ai tout de suite compris – ne me demandez pas comment - qu’il nous attendait. Je ne pouvais dévier mon regard du sien, comme hypnotisé et alerté par la présence d’un danger.
Et pourtant, je devais bien être à 70 mètres de lui.
« Tout va bien mon chéri ? » m’a lancé Katryn. Une phrase que j’ai entendue sans vraiment la percevoir dans sa réalité. Un lointain écho insignifiant.
Car à ce moment, j’avais basculé dans une dimension toute autre. Je ne sais si cet Uli m’avait embarqué dans la sienne, ou si j’étais dans ma bulle d’enquêteur, cet état d’esprit où mon cerveau fonctionne à plein régime.
J’observais d’abord, de loin, la silhouette générale de cet étrange protagoniste. J’ai toujours eu une très bonne vue, cela m’a toujours aidé dans le métier.
Il était de corpulence moyenne, légèrement enveloppé. On devinait sous son pull gris, des poignées d’amour conséquentes, un peu de ventre, et de la poitrine, c’est cela le plus curieux, on aurait dit qu’il avait une poitrine de femme. Deux protubérances de chaque côté du torse, qui semblaient se fuir, ou en tout cas qui ne se regardaient pas.
Mais rien à voir avec un transsexuel. Un physique hors-norme, voilà tout. Car malgré un tronc robuste d’apparence, les bras étaient effilés et longs comme deux anguilles qui pendaient de chaque côté.
Et les jambes, mon dieu, les jambes, je n’ose les regarder chez les gens handicapés. C’est un tort, je le sais, mais malgré la hardiesse arrogante du personnage, je n’ai osé les regarder. Par pudeur, mais aussi par sensiblerie.
Il avait les doigts de sa main droite qui tapotaient nerveusement l’accoudoir de sa chaise roulante par intermittence. Et ces doigts, je les ai vus, ce ne sont pas pour moi les doigts « d’un handicapé normal », ils sont aussi larges que ceux d’un ouvrier du bâtiment – aussi larges que des saucisses de boucher ! -, les ongles sont crasseux et saturés de la terre de son jardin, ou de quelque autre activité, allez savoir.
Mais peu importe son physique finalement, puisque lorsque l’on croise cet homme, c’est son regard qui vous saisit, c’est la noirceur infinie de ses grands yeux noirs.
On pourrait s’y noyer et s’y perdre, surtout lorsqu’il vous regarde et que ses mirettes s’écarquillent imperceptiblement. On dirait le diable qui lit à cœur ouvert dans vos entrailles.
Inutile de crier à l’aide lorsqu’il vous tient dans ses yeux, personne ne viendrait vous chercher, c’est une connexion hypnotique et angoissante que lui seul peut briser, en vous relâchant de cette étreinte occulaire forcée.
Bon Dieu, ce regard ! Impossible de l’oublier. J’avais l’impression de m’enliser dans des sables mouvants, et de hurler pour être secouru, sans qu’aucun mot ne sorte de ma bouche.
J’ai soutenu, à mon insu, cette défiance, jusqu’à arriver à quelques mètres du personnage.
Et puis Myriam, ma fille – ma fille chérie – m’a tiré de cette trouble embuscade, en s’écriant « regarde papa, le canoë des gens, il est trop beau ! ».
C’est comme si un hypnotiseur avait initié mon réveil par un claquement de doigts, aussi bref que soudain.
Mais pour moi, ce réveil a eu l’effet d’une gifle magistrale.
Je ne savais plus où j’étais.
*****
Une fois passé, son jardin, le mauvais rêve a continué.
J’ai senti son regard dans mon dos. Comme si il savait qui j’étais, et que d’une façon ou d’une autre nous serions amenés à nous revoir dans un futur proche.
Je me suis retourné une fois, et il me fixait toujours. Il était loin, mais on aurait dit qu’il souriait de sa large bouche desséchée.
En y repensant maintenant, j’ai l’impression étrange qu’il savait que je passerais devant son jardinet. Vous allez me dire que je fabule, et que j’invente des histoires à dormir debout pour me rendre intéressant, et pourtant, je pourrais jurer sur la tête de mes enfants, en cet instant même, que c’est la sensation la plus précise que j’ai eu. Cet homme, je le pense, pouvait vous voir à nu, sous des dehors de vieillard esseulé. Un don ? Une faculté médiumnique ? Ou bien simplement la capacité à lire les gens et leurs failles personnelles au premier coup d’œil ?
Je suis rentré après le restaurant dans un état hébété. J’ai déboutonné les premiers boutons de ma chemise qui laisse toujours entrevoir les quelques poils que j’ai sur le torse. J’ai étendu mes jambes sur un petit tabouret, les muscles de mon corps engoncés et figés dans mon beau fauteuil en cuir jaune. Et malgré le vin ingurgité au repas, je me suis resservi un whisky coca, pour faire descendre la tension de cette rencontre inopportune. Je ne bois jamais le whisky autrement.
Pour tout vous avouer, je trouve cela mauvais un whisky pur, je me demande comment les gens peuvent l’apprécier en toute sincérité. Un alcool fort, reste un alcool fort, et discerner des arômes quelconques, dans une eau de vie à plus de 40°, c’est tout simplement impossible. Toutes ces boissons arrachent le palais. J’aime le vin, et la richesse des saveurs qui l’accompagne. Mais les alcools forts, il faudrait arrêter un peu la comédie. Le coupler à un bon coca, c’est à contrario, une boisson rafraîchissante. C’est d’ailleurs le meilleur des calmants naturels que j’ai trouvé, si tant est qu’un coca-cola puisse être naturel.
Je suis resté dans cette position, allongé dans mon fauteuil, comme hébété une bonne heure durant, avant de sombrer dans un sommeil profond. C’est ma fille, qui chantonnait à nouveau, qui m’a tiré de mon hibernation alcoolisée.
Ce soir-là, je n’ai pas mangé, j’ai juste regardé le JT télévisé comme un zombie, avant d’aller me coucher à 20h30.
J’avais juste besoin d’oublier cette journée.
*****
Ce qui m’interpelle à l’heure actuelle, et la raison pour laquelle je ne cesse de vous parler d’Uli, c’est que cet homme a disparu, sans laisser de traces, mais en laissant tous ses fauteuils roulants, abandonnés, dans ce qui lui servait de jardin.
C’est un promeneur qui a donné l’alerte. Il a trouvé suspect de trouver la petit porte grillagée ouverte, avec un foutoir apparent aux abords de deux des abris du jardin.
On a trouvé des sauts et des arrosoirs renversés, alors que tout le monde disait de cet homme que c’est quelqu’un de très soigneux d’ordinaire.
Je me base, là toujours, sur le témoignage de gens qui le côtoyaient de loin.
Fait plus troublant, on a retrouvé du sang dans l’une des cabanes au fond du jardin, et sur les rebords d’un grand seau blanc. Il a été nettoyé, c’est une certitude. Quelqu’un a voulu faire disparaître des traces.
Tout a été fouillé. Pêle-mêle, on a retrouvé des graines de jardinage, des outils – mais là encore sur les extrémités d’un râteau, on a retrouvé du sang -, des conserves de nourriture, de vieux bibelots, de vieux magazines, et des choses très insignifiantes, dont je vous épargne les détails.
On a aussi trouvé de vieux clous rouillés, tâchés de sang, tout comme la scie à métaux sur laquelle on a retrouvé également de l’hémoglobine séchée.
Egalement, en fouillant avec force et assiduité, les gendarmes ont fini par découvrir une petite planque dans le parquet d’un des abris. Ils y ont trouvé 2 magazines de charme, de vieilles monnaies allemandes, de vieux écussons nazis, d’anciennes revues de la guerre, et deux exemplaires de Mein Kampf soigneusement emballés dans du plastique. Plutôt étrange, ne trouvez-vous pas ?
On a aussi mis la main sur un livre traitant des tortures au Moyen-âge, et c’est une découverte qui me fait froid dans le dos. Des photos aussi, très crues, ont été mise à jour, comme des photos d’autopsie. Quel esprit malade peut bien conserver ce genre de choses ? Elles n’étaient pas recouverte de poussière, d’ailleurs et elles avaient dû être consultées il y a peu.
Un dernier ouvrage sur les hauts dignitaires du IIIème Reich a été retrouvé, avec à l’intérieur, une page cornée, qui présentait d’ailleurs un certain Heinrich Güth, surnommé le « boucher d’Hitler ».
Et devinez quoi ?
Et bien sur cette photo, j’ai revu les yeux immenses et noirs qui m’ont, je dois bien vous l’avouer, traumatisés.
Je ne suis plus un enfant, on est d’accord, mais c’est la béance sombre, cet océan de noirceur, ces yeux, avec en sourdine, oui, maintenant j’en suis à peu près sûr, un léger rire ou ricanement discret, dans ce que cela peut avoir de plus odieux et malsain. Oui, ces yeux font un vacarme sournois, à vous rendre fou.
Sur la page qui fait mention de ce personnage, il y est stipulé qu’il avait gagné le surnom de « boucher d’Hitler ». Pourquoi un tel surnom me demandez-vous ? Si je vous dis qu’il prenait un malin plaisir à fouetter des juifs jusqu’à y voir leur peau devenir chair purulente, si je vous dis qu’il lâchait ses chiens affamés sur quelques prisonniers dans un état de faiblesse extrême, ou si je vous fais état des rumeurs comme quoi, il aurait lui-même exterminé de ses propres mains et avec ses propres outils de torture, une cinquantaine de juifs polonais, je crois que vous comprendrez aisément pourquoi il a honoré ce surnom peu ragoutant.
J’ai montré ces photos à certaines personnes qui avaient le souvenir de cet homme et nul n’a fait un rapprochement avec Uli. Et à l’unanimité, ils m’ont tous dit que je faisais fausse route. Que les éléments à connotation nazie n’étaient rien. Que c’était peut-être quelqu’un de fasciné par l’histoire, et qu’il devait juste craindre qu’on ne le prenne pour un fasciste nostalgique du Reich.
C’est à partir de ce moment-là, que je me suis demandé si je ne perdais pas les pédales. Je me suis confié à ma femme, et elle qui me connait bien, m’a parlé de surmenage intellectuel, et de burn-out.
Mais je ne l’ai pas écoutée. Les avis d’une bonne femme, même si c’est de la mienne, ne valent pas toujours grand-chose.
J’en suis donc venu à faire mes propres recherches sur Heinrich Güth, et j’ai ainsi collectionné une bonne centaine de photos de sa personne, que j’ai pris le temps de scanner, et toutes sont rangées dans un dossier sur mon ordinateur. Rien de concluant, sur ces photos.
Pendant un certain temps, j’ai ramé et je crois que j’ai perdu toute notion de la réalité.
Et cela se ressentait : mon intégration à un nouveau poste professionnel patinait complètement.
*****
Un jour, en fin d’après-midi, je suis parti tôt du travail, j’étais dans un état, je vous l’avoue, assez déprimé. J’ai ressenti le besoin de marcher un peu. Je pense qu’inconsciemment, je voulais retourner au jardin d’Uli. J’étais toujours en quête de vouloir comprendre le bonhomme. Je n’ai plus de souvenir de cette petite marche à pied, je devais probablement avancer comme un somnambule. Je me suis retrouvé dans son jardin, comme parachuté par une force inconnue. La porte n’était plus verrouillée depuis longtemps, et le jardin plutôt à l’abandon. Il avait dû être squatté une paire de fois.
Il faisait glacial, l’hiver arrivait, mais le ciel était clair, et le soleil offrait un spectacle de rose et d’orange mêlés, agrémenté de longs nuages étirés. Je me suis assis sur les marches d’une des baraques en bois, et j’ai inspiré profondément. J’ai juste essayé de me mettre à la place de ce type, et de ce qu’il avait pu vivre dans ce jardin. J’avais envie de comprendre.
Je ne sais comment mon esprit a décidé machinalement, à un moment, d’aller ré-inspecter une à une les cabanes. Je connais bien le chef des gendarmes, et c’est un type que j’apprécie dans sa méthodologie rigoureuse. Et Yvan est aussi un ami que je respecte. Mais nul n’est infaillible, et la disparition de cet homme que personne ne connaissait a conduit à une enquête, avouons-le, assez peu approfondie.
Dans la troisième cabane, située, au nord-est du jardin, j’ai retrouvé la petite planque d’Uli, ou d’Heinrich, je ne sais plus comment l’appeler. C’était un système rudimentaire, une planche de bois aggloméré, mobile, que l’on avait découvert sous un tapis supportant une petite table. Sur celle-ci, quelques statuettes d’animaux sculptées de façon grossière, dans ce qui devait être du merisier, ou un bois analogue. Un hibou, un lapin, et un faucon plus imposant. Oui, ce sont ces petits détails que je n’oublie pas, et dont tout le monde se fout. Ils m’encombrent l’esprit, parfois.
Mais évidemment ce jour-là, il n’y avait plus rien. L’abri, sens dessus-dessous, était dans un état de désordre avancé. L’ouverture de la planque dans le plancher faisait à peine 20cm sur 20cm, mais elle continuait plus loin sous le parquet encore fixé.
Les gendarmes avaient utilisé un miroir et une lampe de poche pour s’assurer qu’il ne restait rien. Et l’un d’entre eux avait même passé son détecteur de métaux sur l’ensemble du sol, mais des sons parasites avaient écourté sa chorégraphie. Il avait conclu à une chape de béton armée de ferraille, et qui faisaient sonner son engin de façon intempestive.
Et les choses en étaient restées là.
*****
Je n’avais pas ma lampe frontale qui me suit partout mais qui était restée cette fois, dans ma voiture.
Je ne sais pas ce qui m’a pris, mais j’ai voulu passer mon bras une fois dans la planque, juste au cas où.
On m’a toujours dit que j’avais de grands bras en comparaison d’une taille moyenne. Et j’ai les bras et les doigts fins. Particularité morphologique hérité d’un lointain ancêtre, puisque nulle part dans ma famille proche on ne compte un tel physique désarticulé. Mes copains d’enfance m’appelaient la pieuvre en rigolant. Et je faisais, il est vrai, un bon gardien de but. Moi, quand je me regardais dans la glace, j’avais juste l’impression de ne ressembler à rien de très attrayant pour la gent féminine. Mais je m’égare sur ces souvenirs d’enfance qui n’intéresse que moi.
Je me souviens bien de l’odeur d’humidité dans cet abri et du froid qui y régnait. De cette atmosphère glaciale et mouillée à la fois, de l’acuité de mes sens et de ma concentration. J’étais couvert chaudement, en plus de mon blouson de cuir, mais lorsque je me suis mis à plat ventre pour introduire comme je le pouvais mon bras gauche dans l’ouverture, j’ai été obligé de poser mon visage sur le sol. Cela a eu pour effet de faire descendre le long de mon corps en plusieurs fois, toute une série de petits frissons désagréables.
J’ai essayé d’oublier le froid et j’ai passé ma main sur le fond de la cache, et sur les rebords de bois qui le délimitaient. Rien.
Et puis, j’ai passé ma main sur le dessous des lattes de planchers. Ma main vulnérable d’homme de bureau a d’abord rencontré une épine qui m’a fait jurer, et puis elle a buté sur un petit obstacle à peine perceptible de 1cm, approximativement.
J’ai essayé de toucher cette protubérance, et j’ai tout de suite pensé à un bout de papier collé, car il avait la consistance d’une enveloppe. C’était la première image qui me venait en tête.
J’ai essayé de faire bouger l’anomalie, mais sans résultat. Alors j’ai entrepris de le pincer entre mon pouce et mon index et de le tirer vers le sol. Avec peu de tension, puisque j’étais étendu sur le sol, le bras tendu, et que la planque faisait 10 cm de hauteur, juste de quoi faufiler ma main, entre le béton et les lattes de parquet.
Je crois qu’à cet instant, si ma femme m’avait vu, elle se serait vraiment inquiétée.
Je sentais que la chose finirait par céder. J’aurais pu tout aussi bien essayer de briser le plancher à cet endroit, mais je n’avais ni marteau, ni pied de biche avec moi. Le temps a tourné, je ne sais pas ce que j’espérais trouver à cet instant, mais j’ai bien mis 30 minutes à tirer dans tous les sens, comme je le pouvais, ce petit objet.
Je me suis tellement acharné que l’ongle de mon pouce a fini par se casser et saigner un peu.
Et puis, ce mystérieux engin a fini par céder. Une fois en main, je scrutais une petite pochette cartonnée de couleur marron, qui avait dû être badigeonnée d’une colle à bois.
J’ai tout de suite pensé à une monnaie ou une médaille, et c’est finalement une bague en argent, sertie à première vue d’un rubis, qui en est sortie. Le style faisait très gothique, et très masculin. J’ai penché ma tête du côté droit en écarquillant les yeux – ma femme me dit toujours que c’est la signature de mon visage quand je suis interloqué – et j’ai accusé le coup de la surprise.
Parfois quand on trouve quelque chose qui nous paraît superflu ou de moindre intérêt, dans mon métier, il peut s’avérer que la réalité soit toute autre. Et vice versa quand vous pensez avoir trouvé un objet d’importance majeur, il se peut que celui-ci soit en réalité d’un intérêt superficiel. Allez comprendre la logique !
En tout cas, la pochette se confondait complètement en couleur avec le parquet, et je ne fus pas étonné que les gendarmes soient passés à côté de cette découverte.
A vrai dire, même si ils l’avaient trouvée, auraient-ils conclu à un indice de quelque valeur ?
*****
Je n’ai pas signalé la découverte de la bague aux gendarmes. Ils avaient d’autres chats à fouetter, et c’était devenu une affaire personnelle.
J’ai alors fait un déplacement aux archives de la ville de Cologne, où ils m’avaient certifié avoir des photos d’Heinrich Güth, en nombre conséquent, car je ne voulais pas lâcher cette piste, c’était la seule que j’avais.
Une petite dame frêle à lunettes extrêmement sympathique, m’avait préparé toute une pile de documents. Des livres, des essais, des témoignages, et bien sur les photos dont elle m’avait parlées.
L’ambiance dans cet endroit était très studieuse, et on pouvait entendre les mouches voler.
C’est dans une ambiance recueillie, dans un silence monacale, que je n’ai pu m’empêcher de crier un « yes ! » de victoire qui a fait se retourner tous les gens venus travailler.
Un petit gros à lunettes, m’a même lancé de façon désagréable et hautaine à 20 mètres de moi, « si vous n’êtes pas capable de garder le silence, vous pouvez partir, on travaille, ici ! ».
Je ne suis pas du genre bagarreur, mais je me sentais tellement ragaillardi par ma découverte, que je lui ai retourné un « si t’as un problème, gros lard, tu viens me le dire en face, et pas depuis l’autre bout de la salle ! » Il n’a plus moufté, et j’ai entendu quelques rires étouffés, qui m’ont fait comprendre que ledit bonhomme, rigide comme un piquet, ne devait pas être en odeur de sainteté parmi les usagers des archives.
Sur l’une des photos, Heinrich Güth était parachevé de buste, et sur sa main gauche on discernait très clairement une bague imposante, orné d’une petite pierre. La pierre était cerclée par le métal, de façon à former un carré. Et en 4 endroits, le cerclage venait mordre en pointe sur la pierre en question.
C’était la copie conforme de ma découverte dans la cabane d’Uli.
*****
Ce qui m’interpelle plus encore aujourd’hui ce n’est pas seulement la disparition soudaine de cet homme, en fuite, selon moi. Ni le fait qu’il se cachait, et de façon paradoxale, au nez et à la barbe de tout le monde, depuis une éternité.
Non, ce qui m’interpelle, davantage, c’est la disparition conjointe de deux hommes dans la force de l’âge, au moment même où Uli a disparu.
Deux français qui venaient faire une boucle à vélo en Suisse. Vous avez peut-être déjà vu ces cyclotouristes qui tirent tout un chargement – leur tente, leurs habits, leurs victuailles – et qui voyagent en itinérance, s’arrêtant dans les campings ou parfois chez l’habitant.
C’est une activité qui m’a été décrite par un copain, licencié au club cycliste de Bad Säckingen. Ce n’est pas ma tasse de thé, mais il en faut pour tous les goûts. Et comme disait mon oncle Alfred – je vous ai dit que je ne l’appréciais pas -, « chacun fait ce qui lui plaît, pourvu qu’il me foute la paix ! ».
Ce que l’on sait en tout cas, c’est que ces jeunes gens, au-delà de leur périple en Suisse, ont franchi la frontière par le pont, et sont arrivés à Bad Säckingen.
Ils ont retiré de l’argent au distributeur le plus proche du Rhin, et ils ont ensuite campé dans le jardin de Durdig. Je l’appelle encore par le nom de famille qu’on lui connait – il est toujours présumé innocent dans la tête des gens après tout – mais je ne souhaite plus l’appeler Uli : j’aimerais mettre de la distance entre lui et moi. C’est comme si ce type m’avait contaminé du regard, l’espace somme toute de quelques instants.
On sait que ces jeunes hommes ont dormi dans son jardin ouvrier, pour la simple raison qu’ils ont discuté avec la buraliste de Bad Säckingen à travers le grillage du jardin de Durdig. C’est vrai que Veronica parle très bien anglais, elle a été jeune fille au pair pendant ses jeunes années au Pays de Galles, et m’a-t-elle dit, elle a eu envie d’échanger avec ce qui lui semblait être des voyageurs étrangers.
Ils lui ont raconté un peu leur périple, leur déception de n’avoir pu rallier le lac de Constance. Ils étaient en retard sur leur calendrier, et ils lui ont précisée qu’ils s’étaient arrêtés pour demander l’hospitalité afin d’installer leur tente, ne trouvant pas de camping sur les rives du Rhin dans les environs.
Ils ont mentionné également être harassés de fatigue et affamés. Ils lui ont demandé une adresse de restaurant, et elle leur a conseillé un petit asiatique – pas très typique me direz-vous – pas cher et absolument succulent, dans la rue des Fontaines.
Ils ont stipulé que leur hôte, ce satané Durdig, était adorable, et qu’il avait d’abord paru méfiant mais qu’il s’était déridé d’un coup, leur proposant un bout de gazon sous l’un de ses pommiers.
Ils ont également rapporté à Veronica qu’ils allaient donner un coup de main au vieil homme pour refixer un petit meuble composé d’outils divers, et qui s’était détaché du mur d’un des abris, au fond du jardin.
C’est ici que nous perdons leurs traces. Après que leur disparition ait été signalée et que le portable de l’un deux ait été retrouvé sur place, on m’a communiqué des photos des deux jeunes hommes. Des gens ordinaires et sans histoires, à priori. Des copains d’enfance m’a-t-on dit, l’un deux avait des enfants, et l’autre non, mais vivait en concubinage.
Je ne vais pas vous dire qu’ils pourraient être mes enfants, je dois avoir 15 ans de plus qu’eux, mais j’ai néanmoins un sentiment d’affection paternel en les voyant ainsi sur ces anciens clichés. Bronzés et souriant, sans être frimeurs, on dirait que le monde leur appartient. Je voudrais tellement leur parler, et les alerter. Mais on ne parle pas aux photos.
Qu’est-ce que ce monstre leur a fait subir ?
En droit, on demande aux jurés et au juge, d’examiner des éléments à charge et à décharge, selon leur raison et leur conscience, et de se former ainsi une intime conviction, sur l’accusé.
Et bien, si vous me demandez mon intime conviction, je vous le dis, Uli Durdig et Heinrich Güth, sont les mêmes. J’en suis absolument certain.
Et, je vais même aller beaucoup plus loin. Il s’est fait plaisir en torturant ces deux jeunes hommes. Avant de partir. Mais où ? Avait-il seulement un plan de secours ?
Je garde mes supputations personnelles secrètes pour le moment. Je pourrais découvrir d’autres éléments, qui sait, et je n’ai aucune envie de passer pour un illuminé. Les rumeurs vont déjà bon train à mon sujet, au travail.
Je vais retourner dans ce satané jardin, et même si je dois y passer des heures, je vais comprendre.
Il faut que je comprenne.
*****
En attendant, je rêve autant que je respire.
Je rêve toute les nuits que le téléphone sonne, et que l’on me signale l’arrestation de ce type.
Je rêve qu’il s’est rendu, ou bien que les services de renseignement ont arrêté un haut dignitaire du régime nazi, caché dans un petit village d’Allemagne.
Je rêve de lui, aussi, à la façon de cette après-midi, où j’ai croisé son regard et où une forme d’innocence s’est éteinte en moi, à tout jamais.
Je rêve de lui en grinçant des dents, dans un sommeil agité mêlé de sueurs froides.
Mais dans mes songes, il n’est pas assis, il ne souffre d’aucune paralysie.
Il court juste comme un dératé, avec un rictus diabolique, sur la commissure des lèvres.
Il a soif de sang, de cris et de douleurs à infliger.
Il court comme un beau diable, à la poursuite d’un prochain méfait.
Précisément comme une ombre gigantesque et fugace, qui danse au milieu d’arbres toujours plus décharnés de leurs feuilles.