Un adulte a le droit de disparaître

Ma mémoire me ramène toujours dans cette saleté de chambre. Ce lit défait, la honte, l’horreur … Je ne peux en parler à personne, je n’ai pas un ami au monde.

Il y a quelques années quant je fut prêt à partir, ma voiture s’enfonça dans l’eau et dans ma torpeur me revins en mémoire l’adolescent triste et seul que je fut, enfermé dans sa chambre avec sa guitare, essayant de composer des chansons. Peut-être un serais-je célèbre un jour? 

Je ne le savais pas alors mais cette chose invisible, ce souvenir indicible m’empêchera d’avancer où que je veuille aller. Comme la roue du moulin qui tourne mais ne va jamais nul part. 

Je chantais juste et maniait bien mon instrument, je travaillait dur sur mes compositions mais ma timidité maladive m’empêchait de dévoiler mes chansons à qui que ce soit. Chaque jours je me disais demain j’envoie mes démos à des maisons de disque ou alors, je me présente sur la scène ouverte du pub en bas de chez moi. C’était une question de timing, il fallait que je me lance dans un moment où je me sentirait à peu près bien. Mais ce moment toujours repoussé n’advient jamais. 

Le poids qui étouffait ma poitrine disparu dès lors que ma décision de me tuer fut prise. Et j’avais savouré chaque secondes de ces instants vécus dans un calme que je n’avais jamais connu. Je me posais à une terrasse et observais la vie que je trouvais ravissante. J’observais les passantes, les écoliers rieurs, tout ce qui m’avait été volé. Mais cela n’avait plus aucune espèce d’importance.

Les pompiers parvinrent à me sortir de la rivière. Je ne voulais pas ! Je voulais mourir ! Pourquoi ont-ils fait ça ? Peut-être ont-ils pensé que ma sale carcasse devait être ôtée de la beauté du paysage alentour… J’étais bien dans cette rivière, le silence, la torpeur qui s’emparait de moi.

Après ce suicide raté je fut interné en psychiatrie. Pour la première fois de ma vie je me sentais parmi mes semblables, ma timidité avait disparu, je me fis des amis. Mais cette parenthèse délicieuse pris fin au bout de quinze jours … Les psychiatres ayant estimé que j’allais bien. 

De retour chez moi, dans mon angoisse et ma solitude je décidai de partir. Je pris un train et monta à Paris pour me perdre dans l’anonymat de cette grande ville. 

Je suis maintenant libre de crever à petit feu sur ce trottoir. L’enclume est toujours bien là pesant sur ma poitrine. Même ivre mort, elle ne disparaît pas. Comme les villes le soir, je me vide peu à peu de la vie qui perdure en moi et cela me conviens.

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