Cette matinée ressemblait à toutes les autres dans la petite commune de Villequier en bord de Seine ; à ceci près que ce jour-là, c’était mon anniversaire. À peine sortie du lit, j’avais aussitôt enfilé mes pantoufles puis ouvert en grand les rideaux de ma fenêtre. Je m’étais assise sur mon lit et attendais patiemment que mes parents viennent me souhaiter un joyeux anniversaire. Quelques minutes plus tard, ils firent irruption dans ma chambre et m’étreignirent tous les deux en me souhaitant le meilleur pour cette année. Mon père tenait une gigantesque pile de cadeaux tandis que ma mère portait en ses mains une vieille boîte en bois. J’ouvris chacun de mes présents en criant de joie à chaque fois. À la fin, il ne restait plus que la mystérieuse boîte qui à vrai dire m’intriguait depuis le début. Je commençais par l’examiner. Elle semblait très ancienne et elle était abîmée aux coins. Le loquet en métal était rouillé et une inscription à peine lisible se devinait sur le dessus de la boîte. Elle disait “Prenez garde, le temps passe à une vitesse folle”. J’haussais les épaules sans prêter plus d’attention que ça à cette phrase énigmatique. Je mis plusieurs minutes à ouvrir la boîte, le loquet était très réticent. Au bout de quelques tentatives, je découvris à l’intérieur un magnifique bijou. La superbe bague contenue dans l’écrin brillait de mille feux. Elle était dorée surmontée d’une sublime pierre rouge flamboyant. Les reflets des rayons du soleil venaient lui donner un air royal.
<< Je ne sais pas vraiment d’où vient cet héritage ; sûrement de ton arrière-grand-mère, ta grande tante ou je ne sais laquelle de tes aïeules. >> m’avait indiqué ma mère
Je ne connaissais absolument aucune de ces personnes mais je m’étais efforcée d’acquiescer poliment. J’avais ensuite saisi très délicatement la bague et l’avait enfilée à mon majeur droit. Instantanément, mes parents quittèrent ma chambre, marchant mécaniquement tels des robots ; même mon chat qui était en train de dormir paisiblement avait fui. Il devait sûrement être attiré par une promesse de croquettes quant à mes parents ils étaient probablement descendus en cuisine me préparer mon petit déjeuner favori. J’avais dévalé les marches quatre à quatre pour aller profiter de ce délicieux repas qui m’attendait. Mais la cuisine était vide. Il régnait un calme presque religieux. Une poêle remplie de bonnes saucisses cuisait sur le feu générant un petit crépitement discret. Une fumée qui commençait à s’épaissir s’élevait au-dessus. L’alarme incendie s’était déclenchée, me faisant sursauter. Aussitôt j’avais couru pour aller éteindre la plaque. Dans la précipitation, j’avais laissé tomber la bague sur le sol. Sans vraiment m’en soucier, je continuais de courir. Mais avant que j’aie pu atteindre mon objectif, j’avais vu ma mère éteindre la plaque juste devant moi ; pourtant j’aurais juré qu’elle n’était pas là quelques secondes auparavant. Elle prit une assiette et me servit deux saucisses avec d’autres condiments cuisinés sans doute précédemment. Mon père était venu aussi chercher son assiette. Ma mère me tendit la mienne avec un énorme sourire. Je me frottais les yeux. Mes parents semblaient avoir pris dix ans d’un coup. Leurs cheveux étaient devenus grisonnants et des rides s’étaient creusées sur leurs visages. Je me faisais sûrement des idées. Soudain, je pensais à la bague abandonnée sur le sol. J’allais la chercher et l’enfilais de nouveau à mon doigt. Mais à peine avais-je relevé la tête que plus personne n’était là. La cuisine ne m’avait jamais semblé aussi vide et j’avais beau me frotter les yeux mille et une fois j’étais bien toute seule. Je commençais à avoir vraiment peur. Un frisson désagréable me parcourut l’échine. L’appétit coupé, je débarrassais rapidement mon assiette et mes couverts, et les rangeais dans le lave-vaisselle. La bague glissa à nouveau et tomba par terre. N’ayant pas assez de mains pour la ramasser, j’avais décidé de d’abord finir ma tâche. Quand soudain, une voix légèrement fatiguée me demanda :
<< As-tu besoin d’aide ma puce ?>>
Je me retournai pour voir qui me parlait. Une petite vieillarde appuyée sur sa canne, le dos courbé en avant, me souriait. La ressemblance avec ma mère était frappante. “C’est peut-être elle dans le futur, qui sait ?” avais-je pensé ironiquement. Mais mon père n’était pas avec elle. Je me massais le crâne et décida d’aider la vieille dame puis d’aller me recoucher. Je commençai par ramasser la bague et je la remis à mon doigt. Mais quand je m’étais relevée, il n’y avait plus personne. La vieille dame avait visiblement déserté la pièce. Je me retrouvais seule à nouveau. Je tremblais et quelques gouttes de sueur perlaient sur mon front. Je commençais sérieusement à m’inquiéter et j’espérais de tout mon cœur que c’était un simple cauchemar. Je remontais les marches qui conduisaient à ma chambre et m’assis sur mon lit. Tout à coup, toutes les pièces du puzzle s’assemblèrent. La phrase écrite sur la boîte prenait tout son sens. Cette bague me faisait sûrement avancer dans le temps ou alors mon esprit me jouait des tours, mais moi tout ce que je voulais c’était que mes parents reviennent. J’avais alors jeté la bague fortement au sol. Au soleil, la pierre brillait maléfiquement. Mais rien ne se passa, j’eus beau faire le tour entier de la maison, j’étais toujours seule. Je pris la bague et la lança par la fenêtre en maudissant mon héritage. On entendait les mouches voler. J’essayais une fois de crier pour voir s'il y avait quelqu’un mais je reçus comme seule réponse l’écho de ma voix. Je m’étais assise sur mon lit, tremblant de tout mon corps, la tête enfouie dans mes bras et les yeux baignés de larmes. J’avais souhaité de tout mon être que mes parents reviennent ou bien que je me réveille de ce cauchemar affreux mais il paraît que le génie de la lampe n’existe pas...