Enfin, le soleil est couché. La terre encore tiède exhale des parfums d'orage. C'est l'heure, j'ai faim. Je vais attendre jusqu'à la nuit complète pour ne pas servir de cible aux premières chouettes. Je fais un brin de toilette, dans le nid je recompte mes petits, inutile d'attendre plus longtemps. Je sors. Le tapis de feuilles craque sous mes pattes. J'avance prudemment, j'ai l'impression de sentir sur mon dos tous les yeux de la forêt. Des yeux gourmands et aussi affamés que les miens. Parfois je rêve de manger une chouette. Mais ce soir je vais me contenter d'escargots. Secs et affaiblis par la chaleur ils se cachent dans leurs coquilles rayées. Je mange aussi la coquille.
Alors que j'en suis à mon sixième, la terre vibre. J'entends des bruits, c'est l'arrivée d'une meute des animaux les plus redoutables de la forêt. Ils s'arrêtent à quelques mètres de moi. Je fais la morte. Leurs pelages bariolés brillent dans la nuit, la quantité de couleurs témoin de leur assurance. Une odeur rance et acide se dégage d'eux. J'ai peur. Je voudrais fuir mais soudain ils se précipitent vers moi en poussant des cris gutturaux. Je fais de mon mieux pour ressembler à une châtaigne. Et malgré mes tremblements et les battements assourdissants de mon cœur, malgré les sifflements de mes terribles voisins, j'entends, distinctement, le crépitement tant redouté l'été dans la forêt. Je comprends pourquoi ils ont couru vers moi : tous les animaux ont peur du feu.
Je cours, oubliant toute prudence, je cours comme une folle. Rentrer au nid. Mettre mes petits à l'abri. Rien n'a plus d'importance. J'ai la nausée. Au-dessus de moi un bruit aussi soudain que violent retentit. On dirait les prémices d'un orage. Nous sommes peut-être sauvés. Tandis que je reprends mon souffle, je lève le museau vers le ciel. La terreur me reprend. Sous mes yeux le ciel lui-même est en feu. Les étoiles choient dans la fumée. Dans le silence qui suit, les hurlements affolés des hommes retentissent : "Oh la belle bleue !"
C’est une charmante nouvelle joliment écrite.
Comme je n’avais pas compris grand-chose, j’ai attendu d’autres commentaires avant de venir déposer le mien : en effet, je n’avais pas saisi qu’il s’agissait de feux d’artifice. Je croyais qu’un incendie se rapprochait, alors « la belle bleue » m’a vraiment paru incongrue.
Concernant l’animal, le fait de vouloir ressembler à une châtaigne m’a tout de suite fait penser au hérisson ; mais comme le narrateur dit vouloir manger une chouette, j’ai conclu que c’était forcément un autre animal. J’ai bien cherché un prédateur bariolé qui sent mauvais et pousse des cris gutturaux… Là non plus, à ma grande honte, je n’avais pas compris. J’imaginais que les hommes étaient arrivés après. Pourquoi des cris « gutturaux », d’ailleurs ?
Une fois qu’on sait de quoi il s’agit, la nouvelle est vraiment très chouette. Cette histoire me rappelle un soir où je suis allée regarder des feux d’artifice au centre-ville de Genève. J’étais sur un pont, je voyais un groupe de cygnes qui nageaient de long en large, visiblement inquiets, et ça m’a fait prendre conscience du cataclysme que représentent les feux d’artifice pour les animaux. Malgré ça, je n’ai pas fait le rapprochement en lisant ta nouvelle. Je dois avoir des connexions qui manquent dans le cerveau. :-)
— inutile d'attendre plus longtemps.Je sors. [Il manque l’espace après le point.]
— Leurs pelages bariolés brille dans la nuit [brillent]
— les battements assourdissants de mon coeur [cœur]
— Les étoiles cheyent dans la fumée [Que veut dire « cheyent » ? Est-ce un régionalisme ?]
j'ai l'impression que ma chute n'est pas claire pour tout le monde. Je suis embêtée. Je vais devoir y réfléchir.
Je comprends aussi tes réflexions, je les avais un peu anticipées en écrivant. En fait, je cherchais à déboussoler le lecteur avec des perceptions qui ne sont pas les nôtres. La hérissonne n'aime pas les chouettes parce qu'elles veulent la manger et du coup elle voudrait leur rendre la pareille (ça c'est de l'anthropomorphisme). De même, l'homme est un prédateur pour elle. Elle voit les vêtements comme un pelage bariolé, leur odeur corporelle (avec tous les cosmétiques qui nous imprègnent) lui déplaît et nos voix dans ses petites oreilles, habituées aux cris aigus de sa race, lui semblent gutturales. C'est en tout cas ce que je me suis imaginée.
Merci pour tes remarques, je m'en vais corriger tout ça !
(Et "cheyent" n'est pas un régionalisme, c'est un barbarisme, je le crains.)
Et la surprise, c'est des feux d'artifices ! XD J'etais sur les fesses si je peux dire, c’était vraiment inattendu !
L’histoire est la chute sont vraiment bien, je me permet de chipoter sur quelque points:
"c'est l'arrivée d'une meute des animaux les plus redoutables de la forêt"
Cette phrase doit venir comme un couperet vu que c'est le danger qui approche mais je la trouve un peu mal formulé, je te proposerais quelque chose comme "j'entends des bruits, annonçant l'arrivée des plus redoutables animaux de la foret"
Et
"j'entends, distinctement, le crépitement tant redouté l'été dans la forêt."
J'ai du relire pour comprendre, les mots sont bien choisis mais la aussi peu etre un autre agencement "je reconnais, distinctement, le crépitements que tous dans la foret redoutent entendre l'éte"
Mais ce n'est que mon avis, totalement subjectif !
J'ai aussi adoré la phrase "Je fais de mon mieux pour ressembler à une châtaigne" C'est extra et tres imagé !
Bravo a toi et bonne continuation ♥
je vois que ma nouvelle t'a fait l'effet que j'espérais. C'est gratifiant pour moi ! :-)
Je note tes remarques : plus de clarté et de dynamique dans l'arrivée du danger.
Merci de m'avoir lue.
C'est très sympa Eulalie, très joliment écrit et la fin m'a bien surprise.
J'aime beaucoup les récits d'animaux à la première personne, c'est toujours passionnant de se mettre à leur hauteur je trouve.
Dans le détail, une seule phrase m'a un peu gênée : " le crépitement tant redouté l'été dans la forêt", j'ai dû relire pour bien comprendre, je ne sais pas si c'est l'organisation de la phrase ou l'absence de ponctuation mais ce n'était pas hyper fluide pour moi...
Pour le reste, je me suis complètement immergée dans la peau de ce petit animal (un rongeur ?), merci pour cette belle lecture ! ♥
Je note ta remarque sur cette phrase. Je la trouve un peu longue moi aussi, je crois que je ne l'ai pas assez retravaillée.
Merci d'être passée !
merci pour ton commentaire, je m'aperçois qu'il y a des niveaux de lecture auxquels je n'avais pas pensé. La "bleue" c'est la fusée de feu d'artifice "bleue". Quant à la race de l'animal, j'avais imaginé un hérisson, mais peu importe. L'essentiel est que ça plaise.