On est dimanche, jour de la fête des mères. Toute la semaine, j’avais mis la pression à mes enfants pour qu’ils me fassent un cadeau spécial, cette année. J’en avais marre des colliers de nouilles, des dessins ratés et des poèmes qui n’ont aucun sens. Je rentrais de garde à l’hôpital, un peu fatiguée.
Quand j’arrivais à la maison, une surprise m’attendait. L’appartement avait été entièrement décoré, avec des… frises chronologiques et des fleurs ? Je dépassais l’entrée et quand je fu dans le salon, mon incompréhension grandit encore. Une énorme machine qui ressemblait à un OVNI était posée à la place de la table basse. Il n’y avait personne dans la maison.
J’appelais ma famille, et quatre têtes jaillirent de ma chambre.
-Maman ! Tu es là ! s’écria la plus jeune, Apolline.
Je fis un câlin à chacun et embrassais mon mari.
-Bon, dites moi, c’est quoi ce truc ? demandais-je en désignant du doigt la machine.
-C’est une machine à voyager dans le temps, me répondit sérieusement Gabriel, le cadet.
-Oui ! s’exclama l'aînée, Valentine. On va te montrer quelque chose.
Je me prêtais au jeu, après m’être lavé les mains.
-Monte dans la machine, m’ordonna Gabriel.
J'obéis. Mes trois enfants me suivirent.
-A tout à l’heure, Papa !
Valentine commença à tripoter des boutons et l’espèce de capsule bougea dans tous les sens. Je m’accrochais tant bien que mal à une barre de métal, toujours en ne comprenant rien. Puis j’eu la sensation de tomber et de me stabiliser.
-Les enfants, qu’est ce que vous faites ?
-On t’a dit, c’est une machine à voyager dans le temps.
-Et là, on est dans l'Antiquité ! En fait, on va observer les origines de la fête des mères !
Je hochais la tête, moyennement convaincue. Puis je remarquais que mes enfants avaient changé de tenue. Quand je baissais les yeux sur mon corps, j’aperçus une toge, portée à la grecque. Vraiment, je ne comprenais plus rien.
-Allez, Maman !
Apolline ouvrit la porte et me poussa dehors.
Il faisait chaud, et ce fut la première chose qui me frappa. Je regardais autour de moi. Des hommes et quelques femmes déambulaient dans les rues, en chantant et en tapant des mains.
-Que font-ils ? j’interrogeais.
-Ils fêtent Reah, m’expliqua Gabriel, la déesse mère. Là, il vont tous au temple de cette déesse.
-On peut y aller ? demanda Apolline.
Valentine hocha la tête et nous sortîmes véritablement de la capsule. Nous suivîmes les gens qui allaient au temple, imitant chacun de leurs gestes. Nous arrivâmes à l’entrée du lieu-dit, et entrâmes dans le temple. Je ne comprenais rien à ce que ces personnes faisaient. Mes enfants semblaient aussi perdus que moi. Valentine ordonna que l'on retourne à la capsule, en nous expliquant que nous étions très suspects au milieu de cette foule de grecs qui savaient parfaitement ce qu’ils faisaient. On obéit.
De retour à la machine, on ferma la porte et Valentine se mit aux commandes. Elle nous expliqua la prochaine destination :
-On reste dans l’Antiquite, mais romaine cette fois-ci. On va juste jeter un coup d’oeil au Matraliae, le jour de fête pour la déesse de l’aube et de l’enfantement, Mater Matuta.
-Dis donc, vous êtes bien renseignés !
-Bah, oui ! On a beaucoup travaillé pour cette journée ! s’écria Apolline.
De nouveau, nous eûmes la sensation étrange qui accompagnait le changement de temps et de lieu. On ouvrit la porte, nous laissant découvrir des rues vides.
-Où sont-ils tous ?
-En fait, il sont tous au temple ou chez eux, il n’y a donc pas grand chose à voir. La prochaine destination est plus amusante !
-Et où va t-on ? je l’interrogeais.
-En Angleterre, au XVIème siècle. Ils fêtaient le « Mothering Sunday ».
-Que faisaient-ils pendant cette fête ?
-Déjà, il faut savoir que c’est le quatrième dimanche du carême, m’apprit Valentine, alors c’est le seul jour où ils se donnent l’autorisation de festoyer.
-Et devine quoi ? s’écria Gabriel, excité comme une puce.
-Dis-moi !
-On est invité dans une famille d’aristocrates pour le déjeuner !
A ce stade, j’étais médusée. Je ne comprenais pas vraiment ce qu’il se passait, alors je me laissais porter par le courant. Les enfants avaient définitivement cherché le meilleur cadeau de fête des mères, et ils l’avaient probablement trouvé ! Mais je me demandais quand même comment ils avaient fabriqué une machine à voyager dans le temps… Pas le temps pour les interrogations, car les enfants m’entraînaient déjà hors de la machine.
Je tentais de lisser les plis de ma robe avec ma main, mais cela ne servit à rien. Je pris un air digne, au lieu de celui complètement abruti que j’avais depuis le début de notre aventure. Valentine, véritable moulin à paroles, m’expliquait en long, en large et en travers comment les anglais du XVIème siècle fêtaient les mères.
-... Car les domestiques ont droit à un jour de congé !
-Euh, pardon, qu’est ce que tu disais ?
-Qu’on mangerait probablement un repas froid, que les domestiques auraient préparé à l’avance, car ils ont un jour de congé.
Une pensée soudaine traversa mon esprit.
-Attend… On est au XVIeme siècle ?
-Oui, pourquoi ? me répondit l’aînée en fronçant les sourcils.
-Arrête ! Toi qui fais du théâtre, tu devrais savoir ! On est au siècle de… Un certain William !
-Shakespeare ! Oh, trop cool ! J’avais pas capté.
-On dit « j’avais pas compris », corrigea son frère.
-On s’en fiche ! Les enfants, et si, au lieu de déjeuner, on allait voir une pièce de théâtre ?
-Mais, Maman, on est invités !
-On s’en fiche ! On est dans le passé ! On peut faire ce qu’on veut !
-Oui, alors non, me détrompa Gabriel. Si, par exemple, on tue quelqu’un, on tue son ou ses descendants.
-Je n’ai pas prévu de tuer quelqu’un, je protestais.
-Oui, enfin, bref, t’as capté ! s’exclama Valentine.
-On dit pas « t’as capté », Valentine !
Elle leva les yeux au ciel.
-Oh la la ! Bon, venez, on va au théâtre.
Elle pressa le pas et je dû prendre Apolline dans mes bras pour la suivre. Nous arrivâmes rapidement devant une sorte de chapiteau. Valentine se mit devant un guichet et demanda dans un anglais parfait, avec même l’accent british, des places pour aller voir Hamlet. Elle revint vers nous, les tickets en main. Gabriel et moi la regardions, interloqués. Elle haussa un sourcil et répondit à notre question muette.
-Bah, bien sûr que je parle anglais ! En fait c'est la machine à remonter dans le temps qui fait ça. On a des vêtements d’époque, on connaît le langage avec les expressions d’époque, enfin, on fait ce qu’il faut pour passer inaperçus !
Je hochais la tête, impressionnée. Ils avaient vraiment fait du bon boulot sur la machine. Ou au moins les deux filles, car Gabriel ne semblait pas au courant de cette fonctionnalité.
Nous suivîmes Valentine qui se dirigeait d’un pas sûr vers l’entrée du chapiteau. Elle présenta les billets et nous pûmes rentrer. Nous nous installâmes au 8eme rang.
Et le spectacle commença.
Comme par magie, nous comprenions tout. Mais en même temps, ce voyage était magique.
Au moment où tout le monde commençait à mourir, nous décidâmes d’un commun accord de quitter le chapiteau. Ce n’était pas très poli, certes, mais la pièce se faisait longue. Nous rejoignîmes la machine et Apolline ferma la porte.
Valentine se mit aux commandes, et avant que j’ai pu demander, elle m’informa de notre destination.
-Bon, on va sauter la journée de l’enfant. C’est Napoléon Bonaparte qui évoque la possibilité d’une journée consacrée au mères, au printemps. Mais son projet a trop tardé, et l’Alliance nationale contre la dépopulation va mettre en place une journée des enfants, pour mettre en avant l’importance de la fécondité et de la famille. On va directement en 1941, où le Maréchal Pétain a instauré pour la première fois en France la fête des mères. Bon, on va pas se leurrer, y’a rien à voir !
-Pourquoi on y va alors ?
-Je sais pas. Mais c’est intéressant, non ?
-Pas du tout, décréta Gabriel.
Valentine soupira et déclara :
-Alors, direction le présent et la maison !
Nous eûmes encore une fois la sensation de tomber, puis de se stabiliser. L’ainée de la fratrie ouvrit la porte en disant d’un ton solennel :
-Bienvenue chez vous, dans votre époque, mère !
Je souris et posais le pied dans notre salon. Ça faisait du bien d’être chez soi !
-Bon, les enfants… j’ai bien aimé votre cadeau, mais l’année prochaine, contentez vous d’un dessin ou d’un poème !
Le thème de votre nouvelle est original et l'histoire amusante: remonter le temps avec le thème de la fêtes des mères.
Après, j'aurai souhaité connaitre comment les enfants ont réussi à construire une machine à remonter le temps et pourquoi cette découverte n'a pas l'air d'enthousiasmer la mère de famille plus que ça. On a l'impression qu'ils sont déjà tous blasés des voyages temporels.
Pourquoi ne pas en faire une suite par exemple où la famille utiliserait les capacités de la machine pour d'autres explorations?
Bonne continuation.