Le vent me porte jusque vers les falaises. Je ne peux rien faire pour l'en empêcher. Je n'essaye même pas d'ailleurs. Je me laisse faire. L'air froid me fouette le visage et m'emporte dans le brouillard. Si je pouvais distinguer la falaise il y a quelques secondes, ce n'est plus le cas. Même pas un petit centimètre carré de roche.
Étonnament, la panique redescend. Je dirais même que je me sens bien. Je ne pense à rien, je me concentre sur ce que je ressens, mais je n'arrive pas à déterminer cette sensation d'euphorie qui monte en moi. Je n'ai plus aucun contrôle sur ma vie. Je la laisse entre les mains de mon destin. Pourquoi ? Je ne sais pas. Je n'ai pas réfléchi à la suite, mais honnêtement, si j'y avais réfléchi, je ne pense pas que je serais là, suspendu dans les airs, à deux doigts de m'écraser sur les falaises.
Tel un navire dans la tempête, je ferme les yeux sur le chaos qui m'entoure, et j’écoute le vent tourbillonner encore et encore, m'emportant dans son drap de brouillard.
Le parachute m’entraîne dans ses mouvements et me projette d'un endroit à l'autre, et je me retrouve à l'envers, mon parachute en dessous de moi. Cette fois, c'est la fin. Je tombe, enveloppé de la toile, et je perds les commandes.
Ça y est. Je tombe et je sais déjà que cette chute sera la dernière. Que la bible des risques n’avait pas menti. Que j'aurais dû réfléchir à deux fois avant de me jeter dans le vide tel un suicidaire. Mais si j'avais réfléchi, serais-je ici à cet instant même ? Sûrement que non. Je serais encore sur le canapé, un livre sur les genoux à attendre sagement que ma mère rentre. À supporter ma sœur et m'ennuyer dans cette vie sans risques, sans frayeurs et sans adrénaline.
Alors je ne regrette rien. Je vis l'instant présent.
Je tombe et rien ne vient arrêter ma chute.
Je ne suis plus très loin du sol, maintenant. L'air fouette mes oreilles. Je ne peux estimer de distance, mais je sens la fin de cette chute vertigineuse se rapprocher, comme la mort attendant sa prochaine victime, et bientôt elle viendra me chercher moi aussi.
Dans quelques secondes, je ne serai plus. Plus de ce monde, plus apte à prendre des risques. Celui-ci est le premier et sera le dernier, et j'en savoure chaque seconde, chaque son et chaque sensation.
Je revois le visage de ma mère qui me sourit, creusant les petites rides au bord de ses yeux, celui de mon père avec cette expression fatiguée qui ne le quitte plus à cause de son boulot. Aussi celui de ma sœur, son chewing-gum à la bouche, en train de négocier quelque chose en échange de son silence.
Puis tout devient noir.
C'est ça, la mort ?
Je ne ressens plus rien.
***
J'ouvre les yeux. Le soleil est levé et la lumière filtre à travers les rideaux de ma chambre.
Je bâille. Tout ceci n'était qu'un rêve. Un rêve lucide, un de ceux où je m'échappe de ma réalité pour en vivre une autre. Et la nuit suivante, j'irai prendre un autre risque, découvrir une autre sensation.
C'est décidé, j'escaladerai l'Everest.
Fy
Cette descente est tellement bien décrite qu’on s’y croirait. Les sensations et les émotions sont bien présentes. L’absence d’angoisse face à la mort, à la perspective du contact brutal avec le sol, peut être un indice. Je n’ai pas été étonnée de la chute, mais ça ne m’a pas dérangée.
Quant au paragraphe qui parle des visages, je ne sais pas si tu l’as déjà modifié, mais je trouve qu’il n’est pas du tout trop long. Je ne comprends pas cette aversion pour les descriptions, qui semble être de mise de nos jours. Toi qui as une plume poétique, ne t’en prive pas.
Cette manière de prendre des risques et de pratiquer des sports dangereux me conviendrait bien à moi aussi. ;-)
Coquilles et remarques :
— Je ne peux rien faire pour l'en empêcher. Je ne l'en empêche même plus d'ailleurs. [Quelque chose comme « Je n’essaie même plus » serait plus logique, puisque tu viens de dire que tu ne peux pas l’en empêcher.]
— Étonnement, la panique redescend. [Étonnamment ; ne pas confondre l’adverbe et le nom.]
— si j'y avais réfléchi je ne pense pas que je serais là, suspendu dans les airs [Je mettrais une virgule après « réfléchi » / suspendu ou suspendue ?]
— Je tombe enveloppé de la toile, et je perds les commandes. [Virgule après « tombe ». Apparemment, tu as volontairement écrit au masculin et ça me trouble, parce que j’imagine une femme.]
— Que j'aurais du réfléchir à deux fois [j'aurais dû]
— Je ne suis plus très loin du sol maintenant. [Je mettrais une virgule avant « maintenant ».]
— son chewing-gum à la bouche en train de [Virgule après « bouche ». / Sans trop d’espoir, je te propose « sa gomme à mâcher ». :-)]
— en train de me négocier quelque chose en échange de son silence. [On négocie avec qqn, pas à qqn ; je propose simplement « en train de négocier ».]
— Je baille. Tout ceci n'était qu'un rêve. [Je bâille ; « bailler » s’apparente à « bail ».]
— Un rêve lucide, un de ceux ou je m'échappe [où]
Je suis contente que les émotions du lecteur soient suscitées à la lecture de cette petite nouvelle ^^
Il ne me semble pas avoir écourté le passage avec les visages, ou alors j'ai peut-être juste modifié un peu la ponctuation.
Je suis d'accord avec le fait que les descriptions ne sont pas à mettre de côté, si c'est bien écrit, il n'y a aucune raison de s'ennuyer :)
J'aurais sans doute dû le préciser dans la note d'auteur.e mais cette courte nouvelle était à l'origine écrite pour participer à un concours d'écriture, l'idée du risque n'était pas de moi ^^
...et c'est donc aussi pour cela que j'ai écrit au masculin, mais après, libre à toi d'imaginer une femme puisque le récit est à la première personne du singulier.
Merci encore pour tout le temps que tu prends à signaler les coquilles et remarques, c'est avec plaisir que je corrige tout ça ;)
Bonne suite !
Fy
J'aime le côté explorateur d'imaginaire de ton personnage.
(le paragraphe sur les visages n'est pas un peu long? ou c'est pour montrer que tout s'enchaîne?)
"Explorateur d'imaginaire" c'est une beau titre à recevoir ça ! Tu m'autorises à le reprendre dans une autre de mes histoires ? 0:)
Tu as sans doute raison pour le paragraphe des visages, je vais revoir ça si je peux :) C'était en effet pour rendre des images qui défilent, mais je vais alléger un chouilla.
Merci pour ton gentil commentaire, au plaisir de te lire !
Fy
Pour le "explorateur d'imaginaire", vas-y tu peux l'utiliser. (Je l'utiliserai peut-être un jour aussi...) J'ai lu également ton paragraphe de description ou tu décris comme "rêveuse" et aimant par dessus tout l'imaginaire. Je suppose que ce texte illustre ta passion à voguer dans les imaginaires. Du coup, je pense que ça peut t'aller plutôt bien. ;)
Bonne écriture chère exploratrice!
Merci !
Ce texte est au départ une réponse (ou suite) à un début d'histoire pour un concours d'écriture. N'ayant pas été sélectionnée, je le poste donc ici, mais tu as raison l'esprit de ce texte me décrit assez bien :)
Merci à toi et bonne suite à toi aussi ! :)
Fy
Rhalala ces vilains tirets qui m'échappent sans arrêt... xD
Merci pour tous tes commentaires, au plaisir de te lire si tu publies tes écrits sur PA ;)
Fy
Sérieusement un rêve ? 😮 non mais j’étais prise entièrement dedans et bim la chute je suis réellement tombée moi 😆 j’ai eu peur, puis de la peine pour cette personne pour finalement me dire mais merde les rêves sont fait pour être réaliser ! Fais du parachute quoi 😊
Enfin merci pour ça j’étais prise dedans !
Tu as raison, les rêves ça se réalise, mais ce que je voulais transmettre par cette petite nouvelle, c'est qu'en rêvant, rien n'est impossible. Les rêves sont aussi une manière de réaliser des choses improbables ;)
Merci beaucoup pour ton commentaire, il fait plaisir ! :)
Bonne suite,
Fy
Merci à toi de me lire :)
Cela fait bien longtemps que je n'avais pas eu de temps pour lire, et ta micro nouvelle est la première petite merveille sur laquelle je tombe en ce début de vacances pour moi!
Le déroulement est fluide, et la chute (sans mauvais jeu de mots) tombe sous le sens, et bien qu'elle soit prévisible, elle n'en accentue que davantage le stress progressif que l'on éprouve pour le personnage.
Merci pour le partage, tu as un esprit bien fleuri!
Bonne continuation.
A.R.
Merci à toi pour ton passage et ton commentaire, ça fait plaisir :)
Bonne suite !
Fy
Pour ce qui est de la chute du rêve je ne l'ai en fait trouvé qu'à la fin, après avoir écrit le texte. J'ai écrit cette petite histoire au fur et à mesure sans avoir de plan précis au départ :)
Merci pour ton passage,
Bonne suite ;)
Fy
Merci beaucoup pour ton gentil commentaire,
Bonne continuation :)
Fy