Juillet 1945. Ils étaient sept. Sept scientifiques. Sept pécheurs au service de celui qui voulait conquérir le monde...
Là, ils n’étaient plus que des misérables, coincés sous plusieurs centaines de mètres de terre, de roche et de métal au beau milieu de la jungle tropicale. Dans une salle de repos, enfermés et regroupés autour d’un cercle de petites chaises en bois inconfortables.
Ils devaient servir un grand dessein, contribuer à la victoire de leur patrie. Mais tout tomba à l’eau lorsque l’Allemagne fut vaincue et que le Führer se suicida.
Qu’en était-il de tous ces projets visant à gagner la guerre, à améliorer l’humanité ?
À sa mort, le chancelier avait laissé des laboratoires secrets derrière lui qui furent retrouvés et démantelés. Les scientifiques nazis qui travaillaient dans ces labos se faisaient arrêter pour s’être servis d’humains comme cobayes pour des expériences plus dangereuses les unes que les autres.
Parmi ces ateliers de torture, le Labor und Versuchsort 876 (laboratoire et lieu d’expérimentation 876) n’avait encore pu être retrouvé et ne le sera probablement jamais. Situé au fin fond de la jungle amazonienne, il réunissait quelques-uns des meilleurs scientifiques nazis.
Le travail de ces savants consistait à inventer de nouvelles armes de guerre pouvant contribuer à la victoire de la patrie. De tous leurs projets, le plus ambitieux était sans nulle doute le WERWÖLF. Une sorte de « super soldat » aux capacités s’inspirant de certaines créatures sauvages.
Certains qualifieraient cela de folie. En effet, qui serait suffisamment écervelé pour penser qu’une telle expérience se déroulerait bien ? Les adhérents du Troisième Reich étaient malheureusement réputés pour ne reculer devant rien, pas même ce qui causerait leur perte.
Ainsi ces scientifiques, avides de gloire et de succès, se lancèrent dans la recherche de ce qui aurait pu leur donner une place privilégiée dans ce qui allait devenir, dans leurs esprits, le nouvel empire mondial.
Seulement, tel Icare, à trop vouloir se rapprocher du Soleil, on finit par se brûler les ailes.
~
Ils étaient cinq hommes et deux femmes, d’âges et d’expériences différentes. Dans le coin supérieur droit de la pièce gisait un cadavre décharné, marqué par le passage d’une bête féroce. Les sept individus s’épiaient dans un silence de mort, tous en joue, pointant leur canon vers le premier qui osait une gestuelle, un regard ou une respiration pouvant évoquer le moindre doute.
Un homme était mort.
Quelques heures plus tôt, la sirène d’alarme retentissait, une bête s’était échappée et engendra un véritable carnage dans les différents secteurs du laboratoire. Huit individus sont arrivés à se regrouper et à s’enfermer dans ce qui servait autrefois de salle de repos dans le secteur 4. De solides portes d’acier de quelques centimètres d’épaisseur les séparaient d’une boucherie à laquelle ils n’auraient pu survivre. Ils se sentaient momentanément en sécurité.
C’est ce qu’ils pensaient du moins. Lorsque la fatigue s’empara de chacun d’entre eux, que l’adrénaline qui maintenait leur attention éveillée retomba pendant ne fusse que quelques instants, le temps d’un battement de paupières, d’un moment d’obscurité, de calme et de complicité propre à un doux sommeil mérité... Un hurlement de terreur déchira cet instant.
Et là, dans l’arrière-salle, un petit espace de quelques mètres carrés dans lequel était entreposé des réserves de soupes en boite et de biscuits secs, le drame avait eu lieu. Le scientifique Rudol Sturmfrei avait été assassiné. Son visage, les yeux exorbités et injectés de sang laissaient paraitre un impitoyable effroi. Sa bouche restait grande ouverte, comme si elle continuait de pousser un hurlement sourd. Ses muscles s’étaient gelés de terreur, devenant aussi durs que le bois. Et une plaie immense traversait son torse laissant entrapercevoir ses organes vitaux qui, petit à petit, se transformaient en un vulgaire amas de chair inutile. Ce qui restait de Rudol baignait dans une mare de sang qui coulait jusqu’à s’étendre dans la pièce principale...
Combien de temps s’était déroulé entre la découverte du cadavre et ce froid affrontement de regards, où chacun, sous tension, laissait reposer un doigt sur la gâchette d’un fusil tenu entre des mains moites et tremblantes ?
Des cris, de la panique, de l’incompréhension, des disputes, de la paranoïa. Alors que certains voyaient un moyen de survivre à cette catastrophe en restant dans cette salle de repos, tous leurs espoirs retombaient en réalisant l’évidence suivante : une créature se trouvait parmi eux, prête à les dévorer.
Les scientifiques pouvaient cependant compter sur leurs connaissances de la bête. C’est eux qui l’avaient conçue, elle n’avait pas de secret pour eux. Mais ce savoir ne les rassurait pas pour autant, leur projet était bien trop parfait jusque-là, ils savaient que leur création n’avait que peu de faiblesses et ses forces étaient nombreuses. Parmi ces dernières, une capacité de Polymorphismus, soit l’habilité à changer d’apparence et à prendre, notamment, les traits d’un être humain. Cette aptitude allait bien au-delà des espérances, le WERWÖLF pouvait aller jusqu’à copier la voix, l’allure et même une partie du schéma de pensée de sa cible. Les résultats des différents tests dépassaient toutes les prévisions et ébahissaient les scientifiques, au point que certains recommandaient d’abandonner le projet face à la dangerosité de leur création. L’objectif initial était de trouver un moyen de s’infiltrer et de détruire les troupes ennemies de l’intérieur. N’était-ce pas trop ambitieux de mettre autant de ressources afin de créer une arme biologique pour une guerre que beaucoup considéraient comme perdue ?
Assis en cercle, la tension ne retombait pas. Le tic-tac incessant de l’horloge et les battements de cœur de chaque individu accompagnaient ce silence infernal en résonnant dans la pièce.
L’une de ces personnes osa briser le silence par ses reniflements. Une femme pâle et aux yeux rougis, seule désarmée du groupe. Elle fixait le cadavre éventré avec dégoût et tristesse.
Vous allez encore pleurer ? toisa directement l’un des hommes.
La femme le regarda d’un œil noir. Tous les canons se pointaient sur le balafré qui avait osé cette remarque.
— Oh come on ! Déstressez ! répondit-il avec un certain flegme. Je vous sens assez tendus, rendons-nous à l’évidence que nous allons tous mourir et profitons de ces derniers instants pour penser à autre chose !
Son allemand tranchait avec un accent londonien qui avait tendance à énerver ses collègues.
— Vous prenez la situation beaucoup trop à la légère Huntsman, résonna l’un des scientifiques d’une voix sage, ne jouez pas avec votre vie ou celle des autres.
— Et cessez de parler la langue de l’ennemi pour l’amour de Dieu ! ponctua avec colère un autre homme à l’allure militaire.
Huntsman leva les yeux en grinçant une grossièreté de sa langue natale entre ses dents. Les deux individus ne pouvaient pas se sentir. Le premier, scientifique anglais réputé, avait rejoint l’Axe en pensant y trouver la richesse et la tranquillité. Mauvais parieur et malchanceux, le destin ne changea rien à sa réputation. Avec son côté provocateur et imbu de sa propre personne, le Brit’ se retrouvait en mauvaise posture : même sans avoir de comportement suspect, il savait que la moindre parole pouvait se retourner contre lui.
L’autre, le docteur Von Feuerhoff, parfait aryen blond aux yeux bleus, respecté et ayant obtenu les faveurs de ses supérieurs, co-dirigeait le secteur 4 du laboratoire avant l’accident. Strict, autoritaire, il représentait l’incarnation du Troisième Reich. Mais sa panique soudaine depuis l’incident le rendait tout bonnement insupportable, il tremblait sur sa gâchette, criait lorsqu’on le contrariait et ne cessait d’invoquer le Seigneur ou le Führer pour tout et n’importe quoi.
— Et pourquoi ne pas se débarrasser de cette raclure anglaise ? continua Von Feuerhoff. Que ce soit la créature ou non, il y a fort à parier que c’est un espion et qu’il a son rôle à jouer dans l’accident !
— Le docteur a raison, nous devons nous méfier des anglais. appuyait Engelman, un jeune partisan de Von Feuerhoff.
— Je suis également pour. continuait la femme ayant été précédemment outrée.
Le docteur Von Feuerhoff sauta sur l’occasion pour appuyer son propos.
— Vous voyez ? Même Madame Sturmfrei est d’accord avec moi ! Respectons donc ses volontés, c’est son mari qui est en train de pourrir au sol je le rappelle ! Sturmfrei sourcilla en sa direction. Comment pouvons-nous laisser ce chien anglais la toiser comme il l’a fait ? Je m’insurge et j’insiste ! Qu’il soit le WERWÖLF ou non, ce type reste un véritable monstre, qu’on s’en débarrasse !
— Calmez-vous docteur ! intervint Franz Eberburg, un bonhomme barbu à l’air sympathique mais au manque d’autorité flagrant.
— Bon qu’on en finisse ! pressa Huntsman en écartant les bras comme pour accueillir une étreinte. J’ai à faire, le diable m’attend en bas !
— Oh, mais ne t’inquiète pas, ça arrive tout de suite ! déclarait Von Feuerhoff en pointant son pistolet dans sa direction.
— Stop ! insista Eberburg. Il suffit docteur, vous êtes en train d’entrer dans le jeu de la bête !
— Non, s’énerva-t-il, je suis justement sur le point d’y mettre fin.
Eberburg ne savait que faire. Von Feuerhoff était devenu incontrôlable.
— Vous n’êtes vraiment qu’une ribambelle de clowns…
La parole moqueuse et condescendante de Hilde Rosenwald résonnait de la chaise légèrement en retrait du cercle. La jeune femme, presque ennuyée par la zizanie qui se jouait devant elle, ne pouvait s’empêcher d’y aller de son commentaire. Von Feuerhoff réagit au quart de tour, comme à son habitude.
— Qu’osez-vous dire ?!
— Pardon je me suis mal exprimée… s’excusa-t-elle.
— Je préfère.
— Je voulais dire que, dans votre cas, vous n’êtes pas un clown mais le cirque dans son ensemble.
Le docteur bouillonnait, son visage devint rouge et ses yeux s’enflammèrent, il allait tirer sur la provocatrice jusqu’à ce que Gunther Ackermann, d’une voix calme et posée ne l’interrompe.
— Restons logique un instant s’il vous plait. La réflexion du professeur Rosenwald n’est pas dénuée de sens. Nous nous apprêtions à tuer une personne sans aucune preuve concrète.
— Même vous Monsieur Ackermann ? Ne voyez-vous pas l’horrible situation dans laquelle nous sommes et le traitement que ces individus nous infligent ? s’offusqua-t-il en pointant Rosenwald du doigt.
Ackermann grattait sa longue barbe blanche, signe qu’il réfléchissait.
— Nous devons penser de manière logique et maitriser nos émotions, d’une manière ou d’une autre nous pouvons tous nous faire accuser d’être la bête. De tous, seul M. Eberburg a eu l’intelligence d’essayer de vous arrêter.
Ackermann échangea un regard complice avec Eberburg.
— Monsieur Eberburg, continua-t-il, je suis persuadé que vous avez vos hypothèses…
— Hum ! En effet, lui répondit-il d’un air perturbé, je pense dans un premier temps que nous devrions poser les armes et discuter, essayons de voir ce qui pourrait, pour chacun d’entre-nous, valider ou non notre innocence.
Tous se regardaient, se questionnaient du regard, mais aucun ne semblait s’opposer à cette idée.
— Donc, vous voulez partir du principe que nous sommes tous… innocents ? se questionna Engelman.
— En quelque sorte.
— C’est ridicule ! réagit directement Von Feuerhoff.
— Oh, cela me parait juste. Ce n’est cependant pas très « Troisième Reich » comme manière de faire. ironisait Huntsman.
— Eberburg, vous êtes fou ?! s’énerva le docteur. Je rappelle que nous partons du principe que tout le monde est coupable, justement parce qu’un monstre se cache parmi nous !
— Tout est relatif monsieur le clown. provoqua Rosenwald qui ne put s’empêcher de taquiner sa cible favorite. Nous l’avons créé ce monstre. Si vous aviez lu Frankenstein, vous sauriez que l’on confond facilement la créature et le créateur, tant les deux portent le même nom.
— Et regardez la merde qu’il y a dehors, pimenta Huntsman, nous sommes bien mal placés pour désigner de ce qui est monstrueux…
— Je ne suis pas ici pour philosopher, répondit Von Feuerhoff avec hargne, et encore moins avec des individus dans votre genre !
— S’il vous plait calmez-vous ! cria Eberburg en haussant le ton. Je donne des idées, des pistes de solutions. Je voudrais juste éviter le bain de sang...
Rosenwald plongea son regard pourpre dans les yeux d’Eberburg, comme pour l’analyser. Ce dernier se troubla pendant quelques millièmes de secondes avant d’y répondre avec sa propre inspection. La jeune femme ne put s’empêcher de se détourner.
— Allez ! J’arrête. annonça-t-elle le sourire en coin. Je blaguais.
Un silence s’en suivit.
— Bon ! annonça Franz, je propose que chacun d’entre-nous, à tour de rôle, nous dise ce qu’il faisait lorsque l’incident a eu lieu. Je demanderai aux autres de se taire et d’écouter lorsque quelqu’un parle.
— Hum, donc chacun va devoir se défendre si je suis bien ? demanda le jeune Engelman.
— Tout à fait ! Bien sûr, ceux qui écoutent devront rester attentifs. Lorsque tout le monde se sera exprimé, on en débattra afin de désigner un coupable.
— D’un consensus ? questionna Sturmfrei.
— Disons plutôt que l’on votera et que la majorité l’emportera.
— Et nous n’avons même pas le droit de dire un mot si la défense d’une personne nous parait complètement saugrenue ?! s’étonna Von Feuerhoff.
— On pourra bien sûr poser nos questions après l’élocution d’une personne.
Von Feuerhoff maugréa en jouant avec l’arme qu’il tenait entre ses mains.
— Je pense aussi que nous devrions tous poser nos armes le temps de cette discussion.
— Hors de question ! rouspéta Von Feuerhoff.
— Moi je ne la lâche pas tant que ce type continue d’astiquer son fusil. déclara Huntsman en désignant le docteur.
— Je vous demande juste de garder votre doigt hors de la gâchette et de déposer votre arme au sol, au mieux sur vos genoux ! insista Eberburg.
Gunther Ackermann sorti une nouvelle fois de ses réflexions afin de l’épauler.
— Écoutons notre collègue, il a raison. Le but n’est pas de nous désarmer complètement mais de garder une sécurité, si une personne tire sans prévenir, je peux vous assurer que personne ici ne pourra s’en sortir vivant.
Encore une fois, Ackermann réussit à gagner le respect de son assemblée. Eberburg s’étonna et ressentit une certaine jalousie envers son aïeul et son charisme.
— C’est franchement dommage, cette ambiance Far West avait son petit charme… soupira Hilde Rosenwald en faisant tournoyer son pistolet du bout de son doigt.
— Vous avez toujours le mot pour déplaire, Huntsman la dévisageait avec complicité, vous aussi, cela vous importe peu de mourir ici ?
L’élégante femme se passait la main dans les cheveux pour se recoiffer.
— J’ai passé ma vie à plaire aux autres, c’est même de cette manière qu’une femme comme moi a pu se retrouver dans ce labo parmi les « meilleurs », elle insistait sur ce dernier mot, scientifiques allemands. Comme je doute de survivre, j’aimerais au moins pouvoir m’exprimer en disant tout ce que je pense, quitte à froisser.
— Ben voyons ! commentait Von Feuerhoff avec cynisme.
De son côté, Huntsman esquissa un sourire malicieux.
— Un tel comportement dans une situation pareille est idiot et dangereux. Mais rien que pour l’animation que vous dispensez, vous méritez mon respect.
— C’est bien. Mais je me fiche de votre respect.
— Je m’en doute, je tenais juste à le dire. continuait-il d’une voix séductrice.
— Hum ! interrompit Franz qui commençait à perdre patience.
Le scientifique, tel un enseignant devant une classe d’élèves turbulents, attendait le calme du groupe.
— Bien. Si quelqu’un veut commencer…
Tous se regardaient les uns après les autres, attendant l’autodésignation de celui qui se jetterait dans la cage aux fauves.
— Bon. En tant qu’ainé et ayant suivi le projet WERWÖLF de près, je vais m’exprimer en premier si vous le voulez bien.
Ackermann avait déposé son pistolet au sol, il aimait passer ses doigts dans sa longue barbe lorsqu’il s’exprimait, comme un tic. Il avait tendance à tirer ses phrases en longueur et à s’exprimer lentement. De tous ceux réunis, il était celui qui avait le plus d’expérience et en conséquence directe, la personne que l’on respectait le plus, cependant sa lenteur le dévalorisait. Les débats houleux ne lui permettaient pas de faire valoir sa sagesse et ses réflexions. L’idée d’Eberburg lui parut comme une véritable aubaine, le vieil homme disposait maintenant de temps et d’attention pour parler de cette situation où l’expression avait toute son importance, puisque sa survie en dépendait.
— Je pense, avant toute chose, que je vous dois quelques explications. Notamment sur le danger que représente cette créature.
Silence complet dans la pièce, tout le monde était à son écoute.
— Le WERWÖLF est une sorte de créature hybride, elle cumule l’alliance parfaite entre l’homme, la bête et la machine. Un projet qui était bien parti pour devenir l’un des plus grands bijoux technologiques de l’armée allemande. Mais nous avons été beaucoup trop ambitieux, tant que cette arme biologique nous a surpris et nous en avons perdu le contrôle.
— Oui d’accord, mais si vous pouviez accélérer… remarqua Rosenwald, agacée par ces explications qu’elle avait déjà entendu plusieurs fois depuis son isolement dans la pièce.
Eberburg la désapprouva du regard, en réponse, elle mit la paume de sa main devant sa bouche, comme pour simuler un bâillement. Ackermann reprit calmement.
— En toute somme, lorsque la créature s’est échappée de la prison de verre qui l’enfermait, je me suis caché sous un bureau. J’ai entendu mes confrères se faire dévorer, leurs cris et l’odeur atroce du sang mêlé aux défécations non contrôlées hantent encore mon esprit. Pour notre grand regret, nous n’étions pas armés. Les alarmes retentissaient. La créature est sortie de la pièce à la recherche de nouvelles proies. Malgré son aspect bestial, elle a un faible odorat. Je l’ai alors suivie à la trace en me répétant que la fuite en avant était peut-être la meilleure des options…
Nouveau silence dans l’assemblée, le néon qui éclairait la pièce grésillait, quelques mouches survolaient à proximité du cadavre de Rudol Sturmfrei. Des grincements en provenance de l’autre côté de la porte se laissaient entendre.
— Et donc ? Que vous est-il arrivé ensuite ? demandait Eberburg.
— Eh bien, en voyant finalement que la créature remontait les étages, j’ai préféré fuir en me réfugiant dans les secteurs inférieurs. Jusqu’à que je tombe sur vous, qui à ma bonne mémoire, aviez eu la même idée que moi.
— En effet.
— Donc nous nous sommes réunis et voilà où on en est.
Le discours d’Ackermann sonnait cohérent pour la majorité de l’assemblée. Pas de coquille, pas d’élément suspect...
— Rien ne vous choque ? questionna Rosenwald à destination de tous les autres.
— Non, répondit Eberburg, enfin… Aurais-je raté un détail ?
Pour la première fois depuis leur rassemblement, Gunther Ackermann trahissait son calme naturel en laissant osciller un sourcil interloqué.
— Il n’y a rien de choquant Monsieur Eberburg ! s’esclaffa Rosenwald. Un témoignage simple, sans coquille ou part d’ombre. Moi c’est ça que je trouve choquant !
Elle pouffait de rire, ce qui, dans la situation actuelle, la faisait passer pour une démente aux yeux des autres qui se regardaient sans trop savoir comment réagir.
— Elle est folle ! s’exclama Von Feuerhoff.
— Complètement timbrée. surenchérissait Huntsman.
— Il suffit professeur ! Nous ne sommes pas ici pour blaguer ! s’énervait Eberburg.
La jeune femme s’apprêtait à se justifier quand Von Feuerhoff fit ce qu’il savait faire de mieux : hurler son indignement le visage rougit et la veine au front.
— Je propose que l’on exécute cette femme immédiatement, elle nous évitera des soucis !
— Si vous le permettez, l’interrompait Eberburg pour calmer le jeu, je pense que vous devriez raconter votre témoignage à présent, j’ai quelques questions à vous poser.
Il venait de prendre Von Feuerhoff au dépourvu. Les deux individus se connaissaient bien, loin d’assumer une amitié, ils se supportaient. Ils ont un âge proche et sont arrivés au labo à la même période. Bien que de philosophies différentes, les deux travaillaient dans une certaine harmonie, comme s’ils se complétaient.
— De tous, je pensais avoir votre confiance, vous êtes celui qui me connait le mieux… se calmait le docteur depuis cette sensation de trahison.
— Justement, je vous connais bien, je peux donc facilement vous cerner. J’aimerais dissiper certaines zones d’ombres.
— Holà ! Ça chauffe par ici ! commenta Huntsman.
— Riez Huntsman, vous serez le prochain interrogé. répondit-il fermement.
— Bah ! se moqua le balafré.
Von Feuerhoff grattait nerveusement son crâne qui se dégarnissait avec l’âge.
— J’ai compris, vous voulez donc ma version des faits ? déclarait-il avec un calme qu’on ne lui connaissait pas.
Eberburg l’observait avec toute sa considération en dépit de tout ce que les autres pouvaient ressentir à son égard.
— Lorsque l’alarme retentit, j’étais en train de travailler avec mon assistante, mademoiselle Kurier, dans mon bureau.
— « Travailler » ? souligna Rosenwald de ses lèvres pincées. Avec la jeune Kurier aux formes généreuses mais à la cervelle de lotte ? Je suis très curieuse de savoir la nature du travail ! Probablement de grandes recherches en matière d’armement ou une version plus économique du Zyklon B ? Faites-moi rêver !
— Professeur... soupira Eberburg.
La veine frontale et le teint pourpre de Von Feuerhoff réapparurent aussitôt.
— Bien, de toute manière je n’ai plus grand-chose à perdre, autant être honnête je suppose ! Soit, je passais du bon temps avec Kurier...
— Était-elle consentante ? le coupa Rosenwald sans attendre.
— Pardon ?!
— J’ai dit, est-ce qu’elle avait vraiment envie de s’amuser avec un vieux croulant comme vous ou est-ce qu’elle n’avait pas trop le choix ?
— En quoi cela aurait une quelconque importance pour trouver le WERWÖLF ?!
— Il n’y en a pas, c’est juste pour moi, afin de savoir jusqu’à quel niveau peut s’enfoncer la merde qu’est l’estime que j’ai pour vous.
— Vous avez vu ce qu’elle essaye de faire ? Je ne peux même pas raconter ma version sans me faire interrompre par cette garce !
— En effet Rosenwald, pourquoi un tel acharnement ?
Eberburg essayait encore tant bien que mal de faire retomber la tension, mais la jeune femme semblait tout faire pour provoquer Von Feuerhoff.
— En vérité je n’ai rien contre vous, Eberburg, et je comprends tout à fait votre volonté de nous sauver. Cependant, je pense très sincèrement que nous allons tous mourir. De ce constat, j’insiste pour dire tout ce que j’ai sur le cœur avant de partir. Par ailleurs... elle se tourna vers Engelman, t’aurais bien voulu te la faire aussi la petite Kurier je me trompe ? J’ai vu que tu la matais l’autre jour...
— Hein ? Le jeune homme remontait ses lunettes de confusion.
— Il suffit ! s’énervait Ackermann. Si Rosenwald compte encore couper ne serait-ce qu’une seule fois la parole au docteur Von Feuerhoff pendant son histoire, je lui réserverais une balle spécialement pour elle.
L’humeur ardente des différents individus concernés par ses propos se calma instantanément. Rosenwald, pourtant si provocatrice, s’enfonça dans sa chaise et se tût.
Un long silence laissait entendre le vrombissement d’une machinerie venant d’au-delà de la cafétéria où s’était rassemblé le petit groupe. Seul Eberburg semblait accorder de l’intérêt à ces sons, avec une certaine inquiétude. Sturmfrei, qui malgré son silence et sa peine restait attentive, remarqua cette attention portée au couloir condamné.
— Quelque chose ne va pas Monsieur Eberburg ? osa-t-elle briser le silence.
D’un réflexe, tout le monde se tourna vers le scientifique.
— Vous entendez ?
— Entendre... Entendre quoi ? répondit alors Von Feuerhoff.
— Les machines.
— Qu’est-ce qu’elles ont les machines ? demanda Huntsman avec une pointe d’impatience.
— Elles tournent.
— Et ? clama en chœur la moitié de l’assemblée.
Von Feuerhoff prit alors un tout autre visage, de la colère qui l’accompagnait habituellement, il devint soudain effrayé. Les deux scientifiques qui venaient de comprendre la situation se soutenaient d’un regard inquiet.
— Si je ne me trompe pas, reprit alors Eberburg, seuls Von Feuerhoff et moi-même travaillions dans ce secteur. Nous sommes au niveau -4, le département mécanique. À côté de cette salle se trouve l’incinérateur, où l’on s’occupe de jeter tous les déchets de métaux afin de les recycler...
— Où voulez-vous en venir, quel est le problème ? demanda alors Ackermann.
— Le problème, reprenait Von Feuerhoff, c’est que lorsque l’alarme a retenti suite à la libération du WERWÖLF, toutes les machines se sont stoppées. Cela fait partie du processus de sécurité : code orange, problème interne, arrêt forcé des machines et attente d’instructions dans la salle de rassemblement.
— C’est le code orange qui avait sonné ? s’étonna Sturmfrei. Je pensais que c’était le rouge.
— Il s’agissait probablement du rouge au -2, là où se trouvait le WERWÖLF. Ceux qui travaillaient sur place pensaient probablement pouvoir contenir la menace.
Les scientifiques se tournaient alors vers Ackermann, en attente d’une confirmation de cette théorie.
— J’ignore qui avait lancé l’alerte du département biologique, expliqua-t-il, ce dont je suis sûr c’est que je n’ai pas trainé à m’échapper lorsque l’alarme retentit.
— Peu importe, nous n’allons pas réviser la signification des codes de sécurité, pressa alors Eberburg, ce qui m’inquiète c’est que les machines ne sont pas censées tourner. Il faut qu’au minimum trois personnes, dont l’une au moins possède une clé d’administrateur, réactivent, dans la salle même, le moteur coupé des machines concernées pour qu’elles refonctionnent.
Quelques regards interloqués s’échangeaient.
— Donc... Vous voulez dire que des gens de l’autre côté de la porte se sont amusés à refaire fonctionner l’incinérateur ? tenta de comprendre Engelman.
— Ça veut dire qu’on est tiré d’affaire ! s’exclama Huntsman.
— Non, cela me parait beaucoup trop improbable comme situation. Au mieux, si on avait réussi à maitriser la bête, nous aurions été prévenus et nous aurions eu un rapport complet de l’accident, tout cela avant de refaire fonctionner l’incinérateur.
— Cela serait complètement absurde si ce n’était pas le cas ! ajouta Von Feuerhoff. On aurait été libéré avant de remettre les machines en route !
— Je m’interroge donc sur l’identité de la personne qui a redémarré l’incinérateur et surtout pour quelle raison elle l’aurait fait.
Une perle de sueur coulait sur le front de Von Feuerhoff.
— Nous avons maintenant un problème de plus à gérer. maugréa-t-il entre ses dents.
À la surprise générale, Huntsman se leva soudainement de sa chaise. Tout le monde se retourna, en réaction, certains caressaient déjà leur gâchette d’un doigt tremblant.
L’homme fit un pas, puis deux, puis trois. Et s’arrêta en face de Rosenwald.
— Si vous le permettez... il sortit son arme chargée et prête à tirer et la pointa sur le front de la jeune femme qui gardait la tête baissée. Je pense que je peux vous débarrasser d’un problème.
Eberburg, prit au dépourvu face à l’accélération des événements, laissait la panique prendre le dessus sur sa voix.
— Attendez ! Pourquoi soudainement ? Vous aviez l’air d’en avoir rien à faire jusqu’à présent !
— Effectivement, j’en ai que foutre, répondit-il avec dédain, mais l’activité à l’extérieur démontre qu’il y a peut-être des gens qui pourraient nous faire sortir de là. Je me propose simplement pour éliminer le WERWÖLF rapidement afin que l’on puisse dégager de cette pièce qui commence doucement à puer le cadavre.
— Comment peux-tu être certain que ce soit elle ? demanda alors Engelman.
— Simple. Elle ne fait que nous ralentir, tente d’incriminer Von Feuerhoff, dévie les conversations pour que l’on passe sur autre chose... Je ne suis pas détective, mais un tel comportement c’est un aveu de culpabilité pour moi !
— Justement ! Sturmfrei s’imposait enfin. Ne pensez-vous pas qu’en agissant ainsi, elle grillerait sa couverture ? Cela me parait trop gros, la créature ne s’amuserait pas à tester nos limites de cette façon...
— C’est une bête, elle n’est peut-être pas aussi intelligente que l’on ne le croit.
— Ou alors elle jouerait sur cette carte pour se faire innocenter. Ce qui prouverait qu’au contraire, elle est beaucoup plus intelligente qu’on ne le pense. remarquait sans grande conviction Von Feuerhoff qui ne savait plus quoi penser.
— Hey ! Tu parles beaucoup moins depuis quelques minutes, tu as perdu ta langue ? provoquait Huntsman en collant le canon de son fusil sur le front de Rosenwald.
Elle daigna lever ses yeux qui prirent une couleur vermeille n’évoquant que de l’hostilité envers son interlocuteur. Elle lui adressa un grand sourire.
— Vous êtes malin Owen. Vous vouliez mourir il y a encore quelques heures et maintenant que vous voyez l’opportunité de vous en sortir en héros, vous prenez les devants. Vous avez oublié que votre ancienne nation vous fera pendre dès que vous mettrez le nez dehors ?
L’évocation de son prénom et de son pays d’origine le fit perdre toute patience.
— Fucking slut !
Le bruit de la détonation résonna dans toute la pièce, provoquant un bruit sourd dans les tympans des personnes présentes. Le corps de Rosenwald tomba à la renverse, le sang se répandait sur le sol. Tous assistaient, horrifiés, à la scène.
Huntsman avait à peine eut le temps de souffler de la satisfaction que lui apportait son meurtre qu’Eberburg et Engelman lui sautèrent dessus pour le plaquer au sol et lui confisquer son arme. Il se débattit à peine.
— Enfoiré ! jurait Engelman.
— Fallait bien que quelqu’un s’y colle, grognait l’assassin entre deux râlements.
— Mieux vaut l’attacher si on ne le tue pas tout de suite. proposait Eberburg.
— Vous rigolez ? s’offusqua Von Feuerhoff. Hors de question de le laisser en vie, il vient de tuer l’une des nôtres.
Le ton montait, chacun se retrouvait à nouveau à deux doigts d’appuyer sur la gâchette.
— Attendez ! déclara Sturmfrei. Vérifions au moins si Rosenwald était un imposteur ou non.
— Et on le voit comment ça ? demandait Eberburg.
Encore une fois, les regards se tournèrent dans la direction d’Ackermann.
— Je...
Son teint blafard traduisait un malaise qui se transmit en peu de temps au reste du groupe.
— Je ne sais plus... On n’a pas pu expérimenter la mort de nos sujets d’expérience pendant qu’ils étaient métamorphosés, je n’ai alors aucune idée de comment vérifier qu’il s’agit bel et bien de la créature.
Un silence macabre régnait dans la salle, seul le vrombissement des machines de la pièce d’à côté se faisait encore entendre.
— Il me semble que l’on est encore loin d’être tiré d’affaire. commentait Von Feuerhoff comme pour briser le silence.
— On reprend les témoignages ? demandait Engelman.
Sturmfrei prit une mine dégoûtée et attristée.
— On pourrait d’abord au moins faire quelque chose pour les... corps...
Eberburg gardait un visage concentré, perdu dans ses réflexions, il fronçait les sourcils et son regard pointait dans la direction d’Ackermann. Le vieux scientifique ne lui inspirait plus aucune confiance. Certes il se méfiait aussi des autres, mais l’ignorance d’Ackermann sur l’une des caractéristiques du WERWÖLF l’étonnait, lui qui était pourtant un acteur principal de ce projet, il n’y avait personne d’autre que lui qui connaissait mieux la bête dans cette pièce. D’ailleurs, en y repensant, son témoignage était assez étrange et il fut vite expédié, personne n’avait réellement pu revenir dessus. L’illustre Gunther Ackermann n’aurait jamais pu prendre ce genre d’affaire avec si peu de sérieux, son témoignage aurait dû être aussi précis que le travail qu’il fournissait avant cet accident. Au passage, celui-ci semblait avoir donné toute sa confiance à Eberburg. Pourquoi lui ? Ils s’étaient déjà parlés auparavant, certes, et Eberburg avait récemment envoyé un dossier afin d’être muté au département biologique, d’accord, mais pourtant...
— Merde... laissait-il échapper en suspens, si bas que personne n’y prêtait attention...
Sauf Ackermann, dont le regard se tourna vivement dans la direction d’Eberburg, une lueur brillait dans celui-ci et une violente intention meurtrière s’en échappait.
— Merde ! cria-t-il.
Avant que les autres ne puissent se retourner, Ackermann doubla de taille, ses vêtements se déchirèrent, ses bras triplèrent de volume, sa bouche s’allongea pour se transformer en une immense gueule truffée de dents aiguisées comme des rasoirs. Son visage devint un amas de petits yeux rouges qui pointaient dans toutes les directions, le reste de son corps grossissait à vue d’œil et s’étendait en un tas de chair violacée trainant derrière un buste poilu. La bête tenait sur deux immenses bras veineux supportant, à eux seuls, son immensité.
Le WERWÖLF était là. Un monstre hybride, dopé aux stéroïdes et autres hormones de croissance lui procurant une allure colossale. Eberburg se tenait à une bonne distance, face à la créature. Du peu qu’il en savait et de ce qu’il voyait, son principal défaut était sa lenteur. De fait, la graisse qui se trainait au corps de la créature lui conférait l’agilité d’un morse perdu sur la banquise.
Sa transformation s’était déroulée en un éclair, le monstre s’élança de tout son poids vers sa cible en hurlant d’un cri aigu déchirant. La gueule grande ouverte, Eberburg pouvait voir plusieurs rangées distinctes de dents qui se rapprochaient de lui. Il put dégainer le Luger P08 qu’il avait gardé dans la poche de sa veste jusqu’à maintenant et tira plusieurs balles, deux directement dans sa gueule et une dans ses yeux. Cette dernière sauva la vie du bonhomme. Eberburg se jeta sur le côté après son tir, la créature aveuglée manqua sa cible de peu et s’écrasa contre la cuisinière de la pièce.
— Abattez vite cette chose bon sang ! hurla Von Feuerhoff, sortit de sa stupeur, pour motiver les autres scientifiques qui restaient ébahis face à ce qui se déroulait devant eux.
Chacun attrapa l’arme la plus proche et se mit à tirailler la créature, les bruits de coups de feu, agrémentés des hurlements du WERWÖLF, résonnaient dans la pièce. Eberburg n’entendait plus qu’un bourdonnement sourd.
— Visez sa tête ! cria-t-il dans le chaos ambiant.
Ses paroles n’étaient pas comprises de ses compères, si bien que la créature se retourna et propulsa une longue langue visqueuse de sa bouche qui se colla au bras d’Eberburg. D’un coup sec, une grande force l’attira jusqu’au monstre, il sentit son épaule se disloquer et laissa échapper un cri de douleur. Le monstre ouvrit sa gueule dans un angle improbable, au point d’en déchirer les muscles de sa propre mâchoire. Elle savait que sa vie ne durerait pas et elle voulait être sûre d’emporter sa cible avec elle avant de mourir. Eberburg perdit tout espoir de survie et voyait déjà son corps se faire charcuter.
Huntsman fut le premier à comprendre qu’il fallait viser la gueule du monstre pour avoir une chance de l’abattre. L’attraction cessa sous l’effet du puissant tir et la créature hurla de plus belle. Son arme était clairement celle au plus gros calibre. Un deuxième tir, un troisième, le monstre tressaillait à chaque décharge qui se marquait d’une gerbe de sang. Le WERWÖLF s’immobilisa, seule une respiration rauque s’échappait encore de la bête qui baignait déjà dans son propre sang. Sans réfléchir plus longtemps, Huntsman tira sa dernière cartouche à quelques centimètres de son crâne qui explosa, répandant des morceaux d’os et de cervelle. Sa blouse qui était déjà tâchée du sang de Rosenwald se salissait un peu plus de l’hémoglobine de sa nouvelle victime.
— Eh bien ! On dirait que je suis finalement bel et bien le héros de l’histoire ! se fend-t-il d’un rire crispé après un petit instant de silence.
Eberburg reprenait calmement sa respiration, lorsque la créature l’avait attrapé, il se sentit comme en apnée, sous eaux, attiré par cette langue qui l’emmenait tout au fond des abysses. L’adrénaline retomba et la souffrance se fut vive. Il ressentit une horrible douleur dans son épaule et cria, détournant l’attention en sa faveur.
— Il faut l’aider ! insista Von Feuerhoff.
— Oui, mais comment ? Vous savez remettre une épaule en place vous ? lui répondit Sturmfrei.
— Il doit bien y avoir quelque chose, des calmants, des antidouleurs, je n’en sais rien, il n’y a pas une pharmacie dans cette foutue pièce ?!
Tous commencèrent alors à fouiller l’endroit. Le bruit des machines continuait de tourner en fond, Eberburg se crispait de douleur tout en contenant ses cris.
Le sang de la bête se répandait. Huntsman, qui n’avait pas entamé de recherche, regardait ce bestiau avec un dégoût certain, il la tapotait de son pied, comme pour s’assurer qu’elle était belle et bien morte.
— Merde, comment on a pu créer une telle chose ? Je veux dire, comment cela pourrait même être vivant ? murmure-t-il dans sa barbe.
Il se retourna vers Eberburg peu après sa réflexion.
— Vous en pensez quoi vous ?
En guise de réponse, il marmonna quelque chose entre ses dents.
— Hein ? Je n’ai pas entendu !
— J’ai dit, souffla-t-il entre deux râlements, que ce n’est pas la première fois que nous créons des atrocités...
— Hum ? Que voulez-vous dire ?
Le bruit des machines à l’extérieur ne faisait qu’augmenter. Si bien que le vacarme s’emparait de la salle.
Les lèvres d’Eberburg bougeaient au même moment, mais un véritable bruit de chantier empêchait toute communication.
— Qu’est-ce que vous dites ? Parlez plus fort on ne s’entend plus ici !
Eberburg se mit à hurler. Cependant l’expression de son visage avait complètement changée, ses yeux étaient écarquillés et sa bouche se déformait des mouvements provoqués par ses cris.
Huntsman se concentra pour lire sur ses lèvres : « a-t-en...attention... ».
Il ne put lever qu’un sourcil, marquant sa visible incompréhension, avant que son torse ne finisse dans l’immense gueule d’un WERWÖLF.
Le son des machines à l’extérieur s’arrêta instantanément, Huntsman n’eut même pas le temps de crier, de laisser le moindre son s’échapper de sa bouche, qu’il fut violemment arraché de ses deux jambes qui restèrent debout comme des troncs avant de doucement s’affaisser. Un bruyant et glaçant craquement d’os se fit entendre, le sang giclait partout. Ce qu’il restait d’Huntsman se limitait qu’à un bras et quelques morceaux de chair.
Une créature ressemblant trait pour trait au premier WERWÖLF menaçait Eberburg. Un silence de mort régnait dans la pièce, seulement rompu par la respiration rauque de la créature et les battements de cœur du blessé.
— Franz Eberburg...
Le monstre parlait d’une voix caverneuse.
— Franz Eberburg !
Répétait-il d’un cri qui tenait presque de l’aboiement.
Enfin la bête s’approcha d’Eberburg, se tenant à quelques centimètres de lui. L’homme ferma les yeux, se préparant à son sort funèbre.
— Franz Eberburg. répétait encore la créature avec une certaine obsession. Vous allez venir avec moi...
Eberburg ouvrit les yeux. Il se pensait mort, il pensait que cette voix venait d’ailleurs. Mais en face de lui se tenait toujours l’hideux monstre qui semblait attendre quelque chose de particulier.
Et le son des machines reprit.
Au cours de ma lecture, j'ai noté quelques petites coquilles d'imprimerie : il y a parfois des points au lieu de virgules pour séparer les verbes de parole dans les dialogues ; et quelques verbes au présent alors que la narration est au passé.
En tout cas, un récit rondement mené et efficace. L'intrigue m'a tenue en haleine jusqu'au bout. La chute à la fin est pour moi une porte ouverte sur une multitude de questions et d'hypothèses, ce que j'apprécie en tant que lecteur car ça me fait sortir de ma zone de confort !
Bravo pour ton histoire !
Didie Clau
J'avoue que je n'avais pas notifié les erreurs de ponctuation, de même que pour les verbes (ça ne m'étonne pas car j'ai changé le temps de conjugaison au cours de l'écriture).
Content que cette nouvelle te plaise et merci d'avoir pris le temps de lire et de rédiger un commentaire ! :)
En tous cas bravo ! Quelle histoire !
C'est vraiment très bien écrit, très prenant, un bon suspens, enfin que du positif ! L'intrigue est vraiment cool, on a de l'enjeu !
Quelques remarques, quand même :
J'ai eu un peu de mal avec les prénoms, on a du mal à faire le tri comme ils sont nombreux. Peut-être les présenter un peu plus ?
Ils ont quand même bossé sur la bête un certain temps, non ? Ca serait pas mal d'avoir quelques explications scientifiques ou pseudo-scientifiques d'un mode de fonctionnement de la bête, ou de la façon dont elle fonctionne, qu'est-ce qui exactement a dérapé, ...
Ils m'ont l'air quand même vachement sereins pour la situation dans laquelle ils sont par contre :D Tu devrais peut-être accentuer le côté panique / laboratoire apocalyptique.
Mais comme je l'ai dis au début, sinon c'est vraiment ouf ! Je me suis plongé dans l'histoire hyper vite, et j'ai vraiment aimé !
Encore bravo, et à bientôt j'espère
Pétrichor.
Je prends tes remarques en compte, d'autant plus que ce sont des points sur lesquels j'avais moi-même un peu de mal. La difficulté pour suivre tous les noms (qui sont en plus à consonnance allemande) est légitime et était ma plus grande peur lorsque j'ai commencé à écrire ce récit constitué en grande partie de dialogues entre personnages. Je sais maintenant que j'aurais dû peut-être simplifier ces noms, rendre les personnages plus facilement identifiables, voire en supprimer pour ceux qui ont un rôle moins important. L'incohérence des scientifiques qui ne s'y connaissent pas trop sur la bête est aussi un souci qui aurait mérité plus de développement (je ne vais pas cacher que je n'en ai pas eu le courage car je devais produire cette nouvelle dans un temps qui m'était limité), mais c'est un problème que tu fais bien de souligner ! De même pour le côté panique/détresse psychologique/ambiance apocalyptique, je n'y pensais plus vraiment après plusieurs relectures, mais ce ne serait pas de trop peu, d'autant plus que c'est le genre de chose que j'aime bien décrire en temps normal...
Encore merci d'avoir pris le temps de lire et de rédiger ton avis !