ABC Billet 06
Billet n°6 : La formulation du commentaire
- Quel état d’esprit ?
Avant de laisser un commentaire, il vaut mieux se mettre dans un état d'esprit égalitaire et éviter les postures d'autorité. Tout le monde est légitime pour commenter, mais pas pour sanctionner ou (in)valider un texte, se poser en censeur ou en critique littéraire.
D'autre part, il y a souvent beaucoup d’investissement émotionnel dans un texte, ce sont nos « bébés », on apprécie rarement d’entendre dire qu’ils sont moches… Donc pensez-y, usez de vos facultés d’empathie en vous demandant si vous-même, vous prendriez bien ce que vous êtes en train d’écrire à un auteurice…
Mais cela peut ne pas suffire : on ne connaît pas ou pas bien les personnes qu’on commente. Elles sont a priori différentes de nous, elles peuvent réagir d’une autre façon que la nôtre. Et même si ce sont nos “potes”, un commentaire trop direct peut blesser, d’autant plus qu’on accorde probablement plus de valeur à l’opinion de cet ami ou cette amie qu’à celle d’un inconnu. Donc que vous connaissiez ou non la personne, la formulation est toujours importante.
Enfin, restez bienveillants et positifs. Il ne s’agit pas de dire que c’est formidable si ce n’est pas ce que vous pensez, mais tâchez de trouver de quoi encourager l’auteurice.
- Évitez les jugements
Pour les erreurs (orthographe ou autre), vous pouvez vous contenter d’une liste des points fautifs avec une suggestion de correction, éventuellement assortie d’un point d’interrogation. Ex : entousiame : enthousiasme ?
Si vous souhaitez pointer des ressentis pas toujours positifs, poser des questions ou faire des suggestions, il convient d’y mettre les formes. Évitez les formulations du type jugement. Vous éviterez par exemple de dire « c’était ennuyeux » ou « ce passage descriptif était confus », cela donne l’impression que vous détenez la vérité. N’oubliez pas que ce n’est qu’une impression, la vôtre ! Vous pouvez dire plutôt : ce passage autour du ragoût de la belle-mère m’a paru long et je ne comprends pas son utilité dans l’histoire », c’est déjà plus précis, plus personnel et cela peut pousser l’auteurice à se questionner. Pour une description, par exemple, soyez précis : « je n’ai pas bien réussi à visualiser la scène décrite » ou « je n’ai pas compris la disposition des lieux ».
Le « je » permet de passer d’un jugement à un ressenti personnel.
Même chose pour vos observations : soyez dans le factuel. Ex : ce personnage n’a pas donné son opinion une seule fois de tout le chapitre » (factuel). Bien souvent, vous allez mélanger une observation avec un questionnement ou un ressenti. Ex : j’ai remarqué que ce personnage n’est pas du tout décrit (observation), est-ce que c’est volontaire ? (questionnement). J’ai eu du mal à le cerner (ressenti). On évitera en revanche de dire : ce personnage est mal caractérisé (jugement). Mais on peut dire : j’ai détesté tel personnage pour telle et telle raison (c’est d’ailleurs peut-être ce que l’auteurice a cherché à faire.)
Pour vos suggestions, n’affirmez pas que ce que vous proposez est LA solution et restez positifs et humbles. Ne dites pas : "ce passage en narration ne marche pas (jugement), tu devrais plutôt mettre un dialogue", mais dites : "Je me demande si on ne serait pas plus proches des personnages avec un dialogue à cet endroit plutôt qu’un passage de narration."
- Soyez précis
Des formulations trop générales peuvent heurter sans avoir d’utilité pour l’auteurice. Ex : « je me suis ennuyée dans ce chapitre ». C’est sûrement vrai, mais si vous ne dites pas un minimum pourquoi, vous blessez sans vraiment aider. Essayez d’aller plus loin, de vous questionner et de donner au moins des pistes : vous vous êtes ennuyée, c’est peut-être que le chapitre est très (trop) narratif et manque de dialogues, ou alors qu’il ne paraît pas faire avancer l’action ? Ce petit exercice vous sera aussi profitable qu’à l’auteurice en vous permettant de comprendre ce qui fait qu’un passage fonctionne/ne fonctionne pas.
En résumé :
- La consigne primordiale, vous l’avez compris, c’est de rester bienveillant, empathique et d’éviter d’émettre des jugements ou d’asséner des vérités.
- Utiliser une tournure personnelle (je) est souvent un bon moyen de s’exprimer.
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- Lire la suite : 7. Petite digression sur la communication non violente
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