*
Puis.
Maam
Décidément, elle n’aimait pas cette journée. Pas du tout.
Où était son Hameau ? Le week-end des cerises devrait être parfait, c’est pour cela qu’il existait. Tout le monde devrait être de bonne humeur, manger, discuter, jouer autour de la fontaine. Tout le monde devrait féliciter les jumelles pour leurs décorations, elle-même pour tous les plats, Prince pour ses belles histoires.
Mais rien n’allait, rien ne se passait comme cela devrait.
Maam n’avait pas envie de vivre ce qui allait venir.
Son fils s’avançait vers elle, le regard inquiet de ce qu’il allait annoncer.
— Maman, je veux dire, Maam…
— Je sais, le coupa Maam. Crois-tu qu’une mère ne sache pas distinguer son fils à elle d’un autre que lui, aussi ressemblant soit-il ?
Bien sûr qu’elle avait tout de suite su. Dès l’instant où elle l’avait vu, elle avait su, que ce ne serait toujours pas cette année que son vœu à elle serait exaucé.
Le fils se disloqua.
— Je m’excuse, je n’aurais pas dû rester. Je ne devrais pas être là, je ne pensais même pas pouvoir être là. Je l’ai juste désiré, je crois. Souhaité, très fort.
Le fils jeta un œil vers la fontaine avant de se tourner de nouveau vers celle qui n’était pas sa mère à lui.
— Je l’ai pris comme un cadeau, mais c’était égoïste, il y a des offrandes qu’il faut savoir refuser. Je vais m’en aller, pardon d’être venu, pardon. Je me suis fait passer pour ce que je n’étais pas, c’est inexcusable.
Oui, c’était difficile à excuser, se disait Maam. Et en même temps elle avait, elle aussi, joué le jeu qui lui était proposé. L’illusion n’avait fonctionné que parce que le miroir avait renvoyé le reflet escompté.
— Tout le monde est bienvenue au Hameau. Tout le monde c’est tout ceux qui sont là. Mais je ne comprends pas, pourquoi ? Pourquoi venir passer le week-end des cerises ici plutôt que d’aller dans ton Hameau à toi ? demanda Maam.
Elle vit s’ouvrir une brèche chez son fils-qui-ne-l'était-pas. D’un coup, toute la tristesse qu’elle l’avait vu contenir depuis son arrivée se libéra.
— Maam, je… maman, ce n’est pas le Hameau que j‘ai souhaité, c’était toi. Dans mon Hameau à moi, tu n’aurais pas été là.
Maam mit un peu de temps à comprendre, les larmes de son fils la mirent sur la voie.
— Soit prudente dans les escaliers d’accord ? reprit-il. Ils sont réparés désormais, mais une marche pourrait encore se disloquer. N’en fais pas trop, repose-toi, d’accord ? Je vais m’en aller, je m’excuse d’être venu, je n’en avais pas le droit. Et… pardonne-lui, pardonne-moi. On ne sait pas, le temps file et on ne le voit pas, on ne sait pas que ce qui est ne sera pas toujours là.
Puis il ajouta :
— Elle me manque, Maam, Maman, elle me manque, et je ne le savais pas.
Maam prit ce fils dans ses bras et le consola.
— Tu sais, la différence pour nous, c’est qu’on sait qu’on ne sera pas toujours là. C’est pour ça qu’on vous embête comme ça.
Le fils renifla et se détacha.
— Je vais m’en aller, dit-il en se tournant, cette fois, vers l’assemblée. Il y a chez moi une personne qui saura retrouver votre Raphaël, je vais lui demander d’aller le récupérer, il vous reviendra.
*
Au même endroit, ailleurs.
Un peu plus tard.
Le vent salé lui soufflait dans les cheveux ; la poussière d’eau projetée par les vagues lui claquait les joues ; les fragments de soleil éparpillés sur les flots éblouissaient ses yeux ; et tout cela comptait parmi les choses les plus belles et agréables qui soient.
Le bateau filait droit, rapide et tranchant.
Raphaël, debout à la proue, tenant fermement le bastingage comme Prince le lui avait adjuré, cria son plaisir. Seul le fracas de la coque sur les vagues lui répondit et c’était parfait ainsi. Il fallait que ce moment dure pour toujours, il le fallait. Il le voulait tant, qu’il en fit le vœu.
Et puis, malheureusement, il ne fut plus seul.
Il vit qu’à ses côtés l’avait rejoint une silhouette familière. Une silhouette qui n’était pas celle de Prince ; une présence qui n’était pas à bord du bateau un instant plus tôt.
Le vœu n’avait pas été exaucé.
Raphaël ne se retourna pas tout de suite. Il voulait profiter de ses derniers instants.
Une main se posa sur son épaule et une voix tant aimée lui chuchota à l’oreille “Raphaël, mon grand, je suis désolée.”
— Vous n’êtes pas ma mère, dit Raphaël sans même avoir besoin de se retourner pour comparer.
— Non, et cela aussi, j’en suis désolée.
L’autre mère retira sa main de l’épaule de ce fils qui ressemblait tellement au sien et projeta, elle aussi, son regard vers l’horizon.
— Pour tout t’avouer, je ne suis pas surprise qu’une autre que moi, dans un autre monde que le mien, ait fait le choix de préférer la vie effrénée plutôt que la chaleur du foyer. Cette part est en moi aussi, trop présente pour que je puisse feindre d’être choquée.
— Mais vous, vous êtes tout de même restée.
— Dans mon Hameau à moi, c’est ton père qui est parti à la recherche d’une vie qui lui conviendrait mieux et moi je suis restée. Et cette nuit, j’ai visité un monde dans lequel c’est moi qui étais partie et lui qui était encore là pour toi. Je ne vais pas te mentir, une part de moi avait envie que ce soit mon histoire à moi.
— Mais moi les deux sont partis.
— Je sais. Je suis désolée. Et je sais que je n’ai pas le droit de te demander de nous pardonner.
— Pourquoi vous m’avez fait si c’est pas pour rester ?
— Tu apprendras en grandissant que les adultes n'existent pas. Tous les humains sont des enfants, qui comme toi, ne savent pas trop ce qu’ils font là. Je sais que ce n’est pas satisfaisant, mais je crois que tout est simplement là.
Portés vers les vagues, leurs regards ne se croisaient toujours pas.
— Raphaël, je suis désolée aussi pour ce que je vais maintenant te demander. Mon grand, il te faut rentrer. Malgré tout, malgré le vide qui t’attend là-bas, il faut rentrer chez toi.
— Je sais.
*
Relevé au passage :
- concordance des temps : souci avec tout ce paragraphe : "Le week-end des cerises devrait* (aurait dû) être parfait, c’est* (c'était) pour cela qu’il existait. Tout le monde devrait* (aurait dû) être de bonne humeur, manger, discuter, jouer autour de la fontaine. Tout le monde devrait* (aurait dû) féliciter les jumelles pour leurs décorations, elle-même pour tous les plats, Prince pour ses belles histoires.
Mais rien n’allait, rien ne se passait comme cela devrait* (aurait dû)." -> comme tu es dans un contexte passé, il faut utiliser le conditionnel passé. Si tu écrivais au présent, ce serait bien "rien ne se passe comme cela devrait."
"tout* (tous) ceux"
"j‘ai souhaité" -> apostrophe bizarre (ça n'apparaît pas ici mais dans le chapitre elle est à l'envers)
merci pour ton message !
Je comprends, c'est vrai que le "show don't tell" qui n'est déjà pas simple en temps normal l'est encore moins dans les phases un peu émotionnelles. Je note que ce passage ne fonctionne pas si bien du coup. Je vais voir si j'arrive à le changer, je ne sais pas encore trop comment ^^"
C'est sur la partie Maam et son fils que j'étais la moins à l'aise, ça a dû se sentir à la lecture.
Merci pour tes remarques ! : )
Et bien, idem pour l'explication du "départ" de Raphaël, qui a donc eu lieu suite à un vœu, tout simplement.
J'espère que la suite et fin sera à la hauteur : )
La scène avec Raphaël est un écho inversé de celle-ci, la mère est restée mais elle le regrette, ce que je trouve HORRIBLE a dire à son fils parallèle dont les 2 parents sont partis.
PEUT-ETRE QUE (je sais qu'on approche de la fin de l'histoire, donc il n'est plus temps pour les théories impromptues mais je ne peux pas m'en empêcher) PEUT ETRE QUE DANS CE MONDE OU LA MERE DE RAPH EST RESTEE POUR ELEVER SON FILS tout en regrettant de pas être partie (j'abandonne le caps lock mais le coeur y est), leur relation a souffert du sacrifice de la mère, et en grandissant, Raph ayant appris par mimétisme que c'est mieux de se barrer que de s'occuper de sa famille est parti dès qu'il a pu construire un empire immobilier ou que sais-je et n'aurait pris conscience de l'importance de sa mère qu'après qu'elle soit morte d'une chûte dans l'escalier à cause d'une marche disloquée... THE BOUCLE IS BOUCLED ! ça expliquerait que "l'homme en trop" et Raphaël aient été intervertis, et que le fils de Maam sache ou est Raphael.
Après, ça voudrait dire que soit Raph soit Maam ne vient pas de ce hameau dès le départ... je crois. A moins que... mais nan. Aie ma tête.
Dépêche toi de poster la suite avant que je parte trop loin xDDD
Vous continuez à partir dans les théories alors que quasi tout est déjà dit en fait x'D
C'est fini les révélations normalement x'D (enfin il en reste juste une petite dernière)
Mais bon après, toutes les idées sortant du roman sont bonnes ! Si l'intrigue est assez riche pour vous inspirer des théories supplémentaires, je suis plus que preneuse ♥
C'est pas bête du tout de rajouter une boucle entre les enfants et les adultes qui pourraient être les mêmes personnes... en vrai concernant Raph et le fils de Maam, je n'y avais vraiment pas spécialement pensé, mais il y a un peu un équivalent (auquel tu avais pensé très tôt dans ta lecture, mais tu as sans doute oublié depuis ^^)
Merci d'être fidèle au poste !
La fin approche à très grands pas ^^
"— Je sais, le coupa Maam. Crois-tu qu’une mère ne sache pas distinguer son fils à elle d’un autre que lui, aussi ressemblant soit-il ?" > Révélation tellement évidente ! mais que je n'ai pas vu venir j'avoue. J'avais tendance à oublier ce fils "ingrat", je sais pas pourquoi, je ne l'ai jamais porté dans mon coeur lui :D Alors qu'avec du recul, tu ne l'as jamais dépeint comme tel... En fait, c'est la première description de lui que j'ai en mémoire, celui qui part en ville, pour réussir sa vie, et qui oublie un peu sa mama dans sa petite campagne. Ca me fait penser à la chanson "La montagne" de Ferrat, où ils partent un à un dans la ville, pour réussir leur vie, en oubliant chacun leur ancien... Quoique, finalement, celui qui squatte la fête a l'air bien sympathique ! Finalement "le vrai" fils, lui, vadrouille toujours vers sa réussite en oubliant sa Maam. Donc je fais bien de pas l'aimer :D
"Soit prudente dans les escaliers d’accord " > Sois
" Il y a chez moi une personne qui saura retrouver votre Raphaël, je vais lui demander d’aller le récupérer, il vous reviendra." > Bon si je comprends bien cette phrase et la suite en italique, les véritables parents de Raphaël existent bel et bien dans les autres mondes... Ils doivent donc aussi exister dans le hameau originel, même absents où sous une autre forme? (Après tout, la sirène était bien un homme !) Va-t-on rencontrer les parents originels un jour? Seraient-ils revenus dans le Hameau - par culpabilité - retrouver un Raphael qui aura disparu pour quelques raisons dans leur monde ? Voyageraient-ils aussi à la recherche de ce fils perdu? (Et j'en reviens à mes deux vélos qui ne font que bouger ! ahah ! ) Bon là, je suppute, je pense que tu n'as pas du tout pensé à ce genre d'intrigue... Oui, je suis en train d'écrire la suite de ton roman, et alors ? :D
Au plaisir de lire la suite !
PS : J'ai particulièrement aimé le passage sur les adultes qui ne sont que d'éternels enfants...
PS de PS : C'était bien trop court !
En vrai il y aura tout de même quelques débuts de réponses sur ces points : )
Oui, désolée celui-ci est court, ce n'est pas évident de couper en chapitres, car en réalité il n'y a pas vraiment de chapitres dans le texte original, tout se suit sans discontinuer, ce découpage est donc un peu artificiel pour fonctionner sur le format PA à vrai dire ^^
Merci d'être toujours là et de commenter toujours aussi précisément ^^