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Par Aramis

Mav’ s’élance entre les branches dénudées. Avec lui, il emporte quelques feuilles roses. Elles virevoltent dans son sillage, feux-follets de fin d’automne. Soudain, il plonge, puis reparaît, comète de suie nimbée d’étoiles. Une dernière embardée ; il disparaît pour de bon.

Kalika boit lentement son chocolat gonflé de sucre. La brûlure tendre réchauffe son corps du dedans, dispense dans ses membres l’onctuosité chaude du breuvage et laisse sur sa langue le goût amer du cacao fondu. Le vent caressant dresse sa peau de chair de poule et rafraîchit son corps engoncé de couvertures. Elle a, contre les jambes, la sensation d’un rayon de soleil. Appuyée au linteau, la tempe au contact du bois dur et froid, elle observe la nuit et écoute, au loin, la musique et les chants du village transportés jusqu’à elle. Depuis le départ de Mav’, le temps passe lentement. Les minutes infinies s’égrènent comme si la nuit, immobile désormais, lui laissait enfin le loisir d’explorer à son rythme. Cesser de s’activer ne la privera pas d’accomplir plus tard les choses qui doivent l’être ; c’est un sentiment délicieux.

La sorcière ferme les yeux. Elle a manqué une déclaration, des jeux et des rires. Des événements qui alimenteront, pour les prochaines années, les histoires du village et enrichiront entre elles les relations des uns, les relations des autres. Elle a combattu, au fond de son cœur, la culpabilité et la peur d’être oubliée, mise à l’écart. Mais cet affrontement lui a aussi prouvé qu’il y a des paroles qui apaisent, des infinités qui atténuent. Elle a conscience d’avoir encore du travail à faire pour arriver à s’isoler sans crainte ; à ne plus penser à ce qu’elle manque ou ce qu’elle risque. Mais cette fois, elle n’est pas ressortie et a traversé des instants de douceur.

Elle découvre à présent une plénitude immense. Un repos profond de l’âme et un repos profond du corps. Elle n’a plus ni peur ni culpabilité. Elle savoure pleinement, intimement, le bonheur d’une solitude choisie. Et même si l’inquiétude doit revenir, pour le moment elle discute avec elle-même, l’esprit vide d’urgence, attentive comme jamais au théâtre du ciel et aux chants de la sylve.

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