Un matin, elle se réveille dans une chambre bien trop lumineuse et blanche pour être la sienne. Un matin, elle découvre sur son corps un tas d’hématomes répartis sur tout son corps. Un matin, elle voit les brûlures qui lui parsèment sa jolie peau mate.
Un matin, c’est en réalité ce matin.
Ici, aujourd’hui, Bianca découvre l’ampleur des dégâts. Mais ce ne sont pas n’importe quels dégâts. Ce sont le résultat d’une nuit d’enfer que même la morphine n’a pas supprimé de son jeune esprit.
La nuit de l’incendie, la nuit où tout a basculé pour Bianca, mais aussi pour sa famille. La nuit où elle avait quitté l’écurie de sa tante un peu plus tôt que d’habitude. Si elle avait su, ô !, jamais elle n’aura quitté ce lieu si paisible. Non, parce que Bianca est pleine de bonnes intentions, de bonté. Mais Bianca est jeune, Bianca ne sait pas.
La nuit de l’incendie, c’est en réalité cette nuit.
Bianca vient de se réveiller. Elle est belle, Bianca. Des cheveux longs, dorés et ondulés, une peau bronzée et douce, des yeux noisettes qui ne montrent que l’espoir de cette jeune fille avec beaucoup d’ambition.
Mais voilà, aujourd’hui, elle n’est pas dans sa chambre. Elle est reliée à de grosses machines, et ce n’est pas sa mère qui vient la réveiller comme à l’accoutumé. Non, aujourd’hui, le sommeil paisible - mais fragile - de Bianca a été brisé par le soleil qui venait taper dans les murs d’un blanc pur de cette chambre vierge.
Elle tente de se redresser, du peu de forces qu’il lui reste. Elle est toujours aussi belle, Bianca. Elle regarde son corps, décoré de tâches bleutées voire violettes pour certaines. Ces marques lui sont douloureuses, au moins autant que sa tête actuellement. Elle regarde le reste de son corps, marqué par diverses brûlures. Elle gémit au souvenir douloureux de cette nuit qui lui revenait un peu plus intensément chaque fois qu’elle frôlait du bout de ses doigts délicats l’une de ces trop nombreuses blessures.
Elle sourit, mais elle a mal.
La jolie blonde se remémore cette nuit avec une haine violente. Une haine qui anime une âme comme le souffle anime une flamme.
Bianca se souvient qu’elle est partie plutôt et qu’elle n’aurait pas dû. Ah, Bianca sourit. Mais ce n’est pas un sourire insouciant digne d’une enfant de dix ans, non. C’est un sourire bien trop triste, un sourire qui en dit bien trop pour être insouciant.
Elle ne sourit jamais beaucoup, Bianca. Elle aime se tenir éloignée, même si c’est une jeune fille appréciée. Mais voilà, Bianca a l’impression qu’à cause de cette nuit, elle ne sera plus autant appréciée. Peut-être même plus du tout. Voilà, Bianca a tâché son nom.
Bianca se sent coupable.
Si elle n’était pas partie hier soir, elle aurait pu empêcher cet acte criminel, parce qu’elle aurait même vu les criminels. Mais une enfant ayant à peine vécu une décennie ne mérite pas de mettre sa vie en danger pour arrêter des criminels.
Cependant Bianca veut grandir et personne n’ose l’en empêcher. Elle est entêtée et ambitieuse. La demie-mesure n’est rien pour elle. Je ne suis même pas sûre qu’elle connaisse le sens du terme “demie-mesure”, ça ne doit sûrement pas faire partie de son vocabulaire.
Sous son air paisible, bien que rongé par la fatigue et les blessures, Bianca est hantée.
Hantée par cette nuit, la nuit de l’incendie de son écurie.
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