Insomnie, quand tu me tiens. Toujours aussi pesante à chasser de précieuses minutes de sommeil, la fatigue ne cesse d’étendre son étreinte.
Fidèle à mon habitude de nuits blanches, mes yeux se perdent au-delà de la fenêtre vers les toits des immeubles de Niras éclairés par une pleine lune éclatante. Trop épuisé pour vivre, pas assez pour dormir, j’attends avec une tasse de café entre mes mains l’aurore salutaire d’un jour nouveau.
Depuis mon spot, la ville endormie paraît paisible. Pourtant, dans certaines rues sombres, et plus particulièrement dans la vieille cité, les affaires mènent leur routine. Armes, drogues, organes artificiels. Contre assez d’argent et une âme à perdre, une illusion de supériorité peut s'acquérir. Cette volonté de prospérité propre à L’Humain se mêle à nos gênes, quand bien même les crises meurtrière de notre monde nous ont rappelé à quel point notre vanité se fout royalement de notre statut. Un sale cercle vicieux.
Résonnant sur les murs de mon salon, la sonnerie de mon téléphone de service tire mon esprit de ses pensées pessimistes.
Le nom de Melvin s’affiche sur l’écran, un appel à trois heure du matin sur l’appareil d’urgence n’annonce jamais rien de bon. À quand remonte la dernière fois ?
« Sérafino j’écoute.
— Bonjour chef. On a un souci à l’entrée. Le gars du stand de tir vient d’arriver salement amoché. Apparemment on l’aurait attaqué là-bas. »
Une Nouvelle inattendue qui vient casser mon petit quotidien. Ce gars ne peut être autre que Pavel Hakl, ancien mercenaire devenu un bureaucrate marchand de mort à la tête de la manufacture, et au service du gouverneur.
« Garde le enfermé », ordonné-je d’une voix ferme en prenant mes affaires. « Je viens tout de suite. »
Sous la lumière pâle de Sélène, je marche d’une cadence beaucoup plus soutenu qu’à l’accoutumé. Le besoin d’en savoir plus élimine dans le même temps toute sensation de fatigue. Les pupilles dilatées, le souffle saccadé, le cœur en état d’alerte, je pourrais presque rester éveillé encore quelques jours supplémentaires. Au moins le temps de le voir de mes yeux, ce qui s’est produit avec Pavel va mener un lot de conséquences. Pas forcément des plus plaisantes.
Sous mes semelles claque l’asphalte noir du chemin vers le poste d’entrée. Au sein des murailles de la ville, aucun véhicule ne dispose du droit de circuler, à quelques exceptions près. Un certain avantage à loger non loin de mon lieu de travail. Même si je m’y rends rarement en personne, dans des cas d’urgence comme cette nuit, le temps représente le meilleur allié ou le pire ennemi.
À bout de dix minutes de marche, le haut bâtiment servant de sas entre la ville et le monde extérieur perce la pénombre. Mes oreilles perçoivent déjà le tintamarre qui y règne, rythmé par des ivrognes ramassés au détour d’un boulevard, et petites frappes beuglant leur bonté et gentillesse à l’égard d’autrui.
L’intérieur de marbre presque chaleureux me ferait presque oublier les histoires gravées sur les murs, entre griffures, tache de sang, impacts de balles. Cet endroit recèle bien de faits aussi morbides que marquants.
Les doigts en l’air de Melvin attirent mon attention. Subordonné et bras droit, il est l’un des rares à qui je prête une confiance aveugle. Derrière son air dénué de sourire et en permanence sérieux, se cache à la fois un type hargneux paré à parcourir le monde pour couper la tête d’un ancien camarade d’école qui lui aurait volé son goûter, et un autre en opposition total patient et passionné de stratégie.
« On l’a mis dans la d’interrogatoire numéro deux pour l’isoler des autres, » m’informe-t-il lorsque je lui emboîte le pas vers le haut des marches. « Deux gars veillent devant sa porte. Son état est lamentable ; plaies ouvertes un peu partout, le crâne en sang… mais il refuse tout soin.
— Je me fous de ce qu’il ne veut pas, on l’emmènera à l’hôpital. Passe-moi des tranquillisants. »
Melvin m’abandonne au tournant d’un couloir en direction de l’armurerie, de l’autre côté des cellules d’isolement. Plus je m’approche de Pavel, plus mon cœur s’emballe. Comme les premiers éclats d’un orage à venir, l’idée d’une catastrophe imminente flirt avec mon esprit peut-être trop paranoïaque.
Un binôme de soldats armés de fusils d’assaut patiente debout face à l’obstacle d’acier, derrière lequel se trouve celui qui a la réputation d’avoir semé plus de morts que la dernière famine. S’attaquer à une telle personne ne demande pas seulement un arsenal de criminels de guerre, il faut une sacrée motivation et une dose de courage qu’aucune drogue ne serait à même d’offrir.
Quelques formules de politesse s’échangent entre les Gacurions et moi en attendant mon bras droit. Selon eux, une rage extrême nourrissait le directeur du stand de tir à son arrivée. Un objet aurait disparu de son coffre-fort quelque chose d’assez important à ses yeux pour passer outre ses blessures décrites comme mortelles.
Dans mon dos s’élève da rythmique légèrement saccadé de la démarche de Melvin, équipé d’un pistolet à air comprimé et quelques fléchettes remplis d’une substance qui enverrait au tapis un troupeau de hyènes enragés. Paré à me couvrir, il attend mon ordre d’entrer dans la pièce.
« Allons-y. »
Comme un lion dans une cage, l’ancien mercenaire tourne inlassablement dans la salle. Ses cheveux grisonnants nuancés de rouge accentuent son visage pâle et cerné, donnant cette impression de faire face à un revenant.
« Combien de temps comptez-vous me garder ici ? J’ai mieux à faire !
— Monsieur Hakl, vous avez été gravement blessé. Nous devons tout d’abord vous emmener à l’hôpital pour…
— Inutile ! Mon cœur artificiel s’occupe de refermer ces quelques égratignures. »
Peu de personnes peuvent se permettre de s’offrir le luxe d’un tel organe, cela explique bien comment il a pu parcourir sans trop d’encombres la dizaine de kilomètres entre sa manufacture et la ville. Un bijou de technologie a la place du cœur de pierre d’un homme sans âme.
« Cela n’empêche pas la nécessité de quelques observations. Nous monterons une enquête à la première heure pour retrouver votre assaillant. Je suppose que vous n’avez pas d’idée sur son identité ? »
D’un regard en coin, j’aperçois Melvin arme en main prêt à administrer une dose de traitement soporifique. Qu’importe sa réponse, qu’il sache ou non, on ne peut pas se permettre de le laisser en liberté avec le risque qu’il puisse aller faire justice lui-même.
« Si je m’en souvenais, il n’aurait déjà plus sa tête monsieur Trévisani. De plus, il a dérobé un objet de très grande importance. Je dois voir le gouverneur le plus tôt possible, mes observations attendront.
— Je crains malheureusement de devoir refuser votre requête. Melvin ? »
D’un geste sec, mon associé envoie une fléchette dans le cou du directeur. Le voyant simplement tituber, une deuxième dose vient se loger à côté de la première.
L’incompréhension de la situation scintille dans les yeux de Pavel, tant de questions doivent se bousculer dans son esprit ravagé par son vécu semé d’embûches.
Lorsqu’il s’étale sur le sol froid, endormi, le regard interrogateur que Melvin me lance demande la suite de la marche à suivre.
« Envoie-le à l’hôpital, discrètement. On garde une grande part de vérité ; il est venu ici blessé avec un comportement dangereux, et on l’a endormi. Je vais m’occuper d’en informer nos supérieurs. »
À peine la salle quittée avec un relent de mauvais présage dans l’estomac, des Gacurions se chargent sous les ordres de mon associé d’amener ce petit gars se faire soigner. De sa future chambre sous surveillance, aucune possibilité de nuire à quiconque ne lui sera permise.
À l’air frais de l’extérieur, je prépare un mail à envoyer à Zééva, adjointe directe du gouverneur :
Bonjour Zééva,
Pavel Hakl, directeur du stand de tir a subi une attaque. Actuellement vivant, mais inconscient, il est en route pour l’hôpital.
Pouvons-nous convenir d’un entretien le plus tôt possible ?
Bien à toi.
Sérafino.
Envoyé. Derrière le poste d’entrée résonne discrètement le son léger d’un moteur, Le voici parti.
Sur l’écran LCD de mon appareil s’affiche quatre heure. Inutile d’aller dormir si peu, autant me préparer pour une journée que je sens vraiment mouvementée.
Intéressant début d'histoire, il y a quelques bons mots que j'ai appréciés.
C'est sans doute un premier jet mais j'ai remarqué quelques petites fautes et un oubli de mot assez facile à corriger, rien de dramatique mais c'est toujours dommage parce que ça fait un peu sortir de sa lecture.
Merci pour la lecture et ce retour, c'est effectivement un premier jet.
Je prends en compte toutes les remarques pour la réécriture à venir.
Je comprends cette frustration, ce sera amené à être corrigé.