Théo était parti après avoir recommandé à Noah une si vieille anime japonaise qu'elle en était devenue difficile à trouver, Shōnen Onmyōji. Il lui avait souhaité un bon chemin dans la vie. Noah savait que c'était un adieu de cet étrange personnage dont il ne restait à présent que la tête de sanglier sous la chaise.
Noah ne parvenait pas à dormir. Il ne s'était pas réincarné dans un monde merveilleux, et pourtant il lui arrivait des trucs bien louches. Peut-être qu'il devenait tout bonnement cinglé. Le seul moyen d'en savoir plus, c'était de trouver cette anime.
Il avisa son smartphone sous les instruments de mesure désormais arrêtés. Son écran était noir. Quelqu'un l'avait-il éteint ou n'y avait-il simplement plus de batterie ? Il tendit la main.
Rien ne bougea.
Il se concentra sur son bras pour le diriger, sa main droite pendant telle une chair morte, et l'amena au-dessus du téléphone. Il la posa dessus. Il n'y avait rien, aucune sensation. Il la souleva et l'apposa quelques fois, observant ses doigts se décoller et se coller à l'écran, se souvenant des sensations qu'il était censé avoir, mais il n'y avait rien au-delà du poignet.
Mais quel bordel !
Noah tenta de prendre appui sur son bras. Il était solide et le soutenait. Alors, il se débrouilla pour attraper son téléphone entre ses dents et le ramener sur son ventre.
Il fixait le téléphone éteint, enrobé d'un filet de bave.
À ce moment précis, une infirmière entra. Elle avisa la scène et Noah lut de la pitié dans son regard.
— Je peux peut-être t'aider ?
— Oui, madame. J'essaie de l'allumer pour trouver une série.
— Mieux vaut utiliser la télé alors.
Elle alluma l'écran accroché au mur en face du lit, ouvrit la plateforme de streaming. Noah épela le nom de la série. À sa grande surprise, elle était disponible, dans une horrible qualité — celle d'origine, sans doute —, en japonais sous-titré français. L'infirmière lança la lecture, ajusta le volume, puis lui porta un demi verre d'eau à la bouche.
— Je repasserai dans une demi-heure environ, ton système digestif va se remettre en route, donc il faudra que tu ailles aux toilettes.
Le visage de Noah se décomposa à l'idée qu'il aurait besoin de quelqu'un pour pisser.
— Ne t'inquiète pas, j'ai l'habitude. Ça va bien se passer.
Noah bredouilla un merci mort de honte, puis elle le laissa découvrir la formation d'un Onmyōji.
Pour en revenir à l'histoire, la situation de Noah me fait vraiment peine sur ce chapitre. Le moment où il se sent embarrassé en songeant qu'il ne peut même pas aller aux toilettes tout seul, je l'ai ressenti pour lui.
J'espère que ça reviendra, mais ceci dit en même temps je pense que ça permet de temporiser, le temps que ses idées noires le fuient.