L'histoire de la série était simple : le petit-fils d'un légendaire Onmyōji passait pour un bon gros naze parce qu'en fait ses pouvoirs étaient scellés. Puis, lors d'un incendie, mu par son instinct, au contact d'un démon, le sceau se brisa et le héros réchappa de justesse à la mort. Depuis, il œuvrait contre les démons qui se nourrissaient des idées noires des gens, avec comme alliés de bons esprits, des petits démons presque mignons, et, plus tard dans sa série, la divinité de la montagne.
— Donc je dois avoir un sacré démon avec moi, s'amusa Noah.
Évidemment, je ne suis pas n'importe qui pour répondre à tes pulsions.
Noah sursauta de cinq bons centimètres dans son lit. Il regarda autour de lui, n'aperçut aucune présence.
— Euh, je parle à un démon ?
Si ça te fait plaisir.
— Je deviens maboule, c'est ça ?
Oh, non, tu es très sain d'esprit. Étonnamment perspicace quant à la réalité du monde moderne.
— C'est à cause de toi que je me suis tranché les veines ?
Absolument pas. Je n'ai été qu'écho discret de tes pensées. Ta mort ne m'aurait rien apporté d'utile, qui me nourrirait ensuite ?
— Mais tu ne m'as pas aidé pour autant ?
La porte de la chambre s'ouvrit, faisant à nouveau sursauter Noah et détournant son attention de la réponse. Ses parents entraient, l'air autant inquiet que résolu.
Au bord de la folie, il leur sourit. Sa mère l'embrassa, son père aussi.
— Je t'ai apporté un pain au chocolat, lui proposa sa mère. Ça ne doit pas être terrible, ce qu'on mange ici.
À l'idée de devoir retourner aux toilettes, tout appétit déserta Noah.
— Merci maman, mets-le de côté pour plus tard, je n'ai pas très faim.
— Ah, bon, si tu le dis. Comment te sens-tu ?
— Je n'ai aucune sensation au niveau des mains, un ado chelou est passé dans ma chambre, j'ai besoin de quelqu'un pour aller aux chiottes, quelques fois je crois entendre des voix, mais à part ça, tout va bien, je crois.
— Ah, bien…, accueillit son père. C'est une sacrée épreuve à passer, mais ça ira mieux ensuite. En parlant de ça, nous avons trouvé un centre pour t'accompagner dans ta convalescence.
— Un… centre ? s'inquiéta Noah.
— Oui, c'est une fondation qui s'occupe des syndromes post-traumatiques des suicides et de la guerre. Ils ont un très bon accompagnement pour te donner toutes les chances d'aller mieux.
— Ouh là… Je vais déjà beaucoup mieux, assura soudain Noah. Quelques jours de plus ici, et je suis sûr que tout rentrera dans l'ordre.
— Il te faut des pros, asséna son père. Et puis tu ne peux pas rester ici, ton état de santé ne correspond pas aux cas pris en charge dans ce service. Tu sais, fiston, les hôpitaux ne gardent plus les patients très longtemps, ça coûtait trop cher à la Sécu.
— Parce que le « centre », c'est gratuit ? rétorqua Noah.
— Ne t'inquiète pas pour ça, le rassura sa mère. Tout est arrangé. C'est la maman de Jonathan qui nous a donné les contacts. Son frère travaille là-bas.
Jonathan était dans la même classe que Noah. C'était un mec sympa, un peu bizarre, réservé. Ils jouaient à Fortnite ensemble.
— Et vous lui avez dit que j'étais réveillé, à John ?
Ses parents s'entreregardèrent, gênés.
— Euh…, dit son père. Pas directement, en fait…
— Vas-y, accouche, qu'est-ce qu'il peut y avoir de pire que ce qui m'est arrivé, hein ? Je peux tout entendre désormais.
« Désormais… », voilà que Noah parlait comme un daron.
— Et si tu lui envoyais un petit message ? suggéra sa mère.
— Je ne peux pas me servir de mon téléphone sans mes mains, m'man.
Sa mère chercha le téléphone des yeux, l'alluma et Noah lui en donna le code. Dès qu'il se fut connecté au réseau, une avalanche de notifications se déversa. Parmi les messages qui défilèrent, les yeux de Noah décodèrent, pêle-mêle :
Noah s'est suicidé, le con. lol ! 🦄
Quel abruti, lui et son climat ! Un noble sacrifice 🎉
Il ne vaut pas mieux, de toute façon, il a raison.
Faut vraiment être con pour s'ouvrir les veines 🤮
C'est moins pire que de passer sous un train et faire chier le monde 🤪
Un cassos, encore !
Jamais pu l'blairer, celui-là !
Le téléphone s'échappa des mains de sa mère et se fracassa par terre. L'écran se fendit.
— C'est… horrible ! s'affola-t-elle. Comment peuvent-ils écrire ça ?
Son père ramassa le téléphone et regarda. Son visage devint pâle comme un linge, puis il se ressaisit et navigua dans les conversations pour trouver celle de Jonathan.
Il y avait un selfie de lui, l'œil au beurre noir, la lèvre tuméfiée et un gros pansement sur la joue. Il disait : « Je vais avoir besoin de ma tête de sanglier, tout compte fait. Laisse tomber ces connards. »
Son père lui plaça l'écran à portée et remonta le fil de la discussion. John s'était battu contre ceux qui dénigraient Noah. Il en avait mis deux au tapis avant d'être mis hors jeu. Il était passé déposer sa tête de sanglier quand il avait appris que son ami était à l'hôpital. « Les vrais pourfendeurs finissent toujours à l'hosto », avait-il marqué.
Noah était touché par l'amitié de John, et dégoûté par les commentaires des abrutis de sa classe. Hors de question qu'il revoie leur tronche, à ces trous de balle… Qu'ils pourrissent tous en enfer ! Il prit une décision :
— Il est où, ce centre ? On pourra passer voir John avant de partir ?
" quelques fois je crois entendre des voix, mais à part ça, tout va bien, je crois.
— Ah, bien…, accueillit son père"
-> réaction un peu froide devant quelqu'un qui dit entendre des voix, non ? Je me serais inquiétée je pense.
Pour le reste... Je sais que ça existe, le harcèlement comme ça, mais c'est vrai que j'ai pas connue l'époque décomplexée où ça se fait sur les réseaux. En vrai, j'ai jamais trop connu ça dans la vraie vie non plus donc j'ai du mal à connecter, mais ça reste intéressant que certains se dressent contre ça comme Jonathan.
En tout cas, après le centre, je suggèrerais bien aux parents de le changer d'école.
À bientôt !
Ah ouais tiens, il faudrait qu'il retourne à l'école un jour :D