02. Azel

— A quoi tu penses, Azel ?

Le garçon ne répondit rien. Les yeux toujours rivés sur la mer de nuages, Azel avait la mine des mauvais jours. Il fronça les sourcils en se détournant de Gal.

— Tu ne veux pas en parler ? Je sais être une bonne oreille si on m’en donne l’occasion, tu sais ?

Azel resta muet. Depuis que le Pont vers la Terre avait fermé, il était morose. C’était une décision radicale, selon lui. Les archanges avaient décrété la condamnation du seul chemin vers la Terre le temps de régler le problème et il n’avait rien pu faire pour empêcher cela.

Sans attendre l’approbation d’Azel, Gal vint s’asseoir près de lui. Il restèrent silencieux de longues minutes en contemplant les nuages à leur pieds et les morceaux de Terre qui apparaissait à mesure que les cumulus se déplaçaient.
Gal connaissait Azel depuis quelques siècles déjà. Il savait très bien que rien ne pourrait le faire parler à moins qu’il ne le décide seul. Mais Gal avait une patience angélique. Il attendrait un millénaire qu’Azel veuille bien se confier s’il le fallait. Il n’avait cependant jamais eu à patienter si longtemps.

— Tu veux pas me lâcher ? gronda enfin Azel.

— Non.

Gal ramena ses genoux à sa poitrine et lança un regard discret à son ami. Azel poussa un soupir résigné.

— Ok, c’est bon, lâcha-t-il après un silence. T’as gagné. Je pense à Julie. 

— …

— Je l’ai laissé seule au moment où elle avait le plus besoin de moi. 

Gal se tenait attentif. Loin de juger Azel, il avait de la peine pour lui et comprenait ce qu’il ressentait. Lui non plus ne pouvait plus retourner sur Terre accomplir sa mission. Thomas lui manquait également mais il savait que la situation était temporaire, qu'il pourrait bientôt retourner veiller sur lui et le conseiller comme avant. C'était l'affaire d'une semaine ou deux au maximum. Mais alors pourquoi Azel se mettait dans un tel état ? Il n'avait jamais eu la réputation d'un ange zélé dans ses missions. Il etait meme plutot connu pour expédier celles ci afin d'avoir la paix le plus longtemps possible. 

— C'est vraiment tout ce qui te tracasse ?

Azel garda le silence. Gal était quelqu'un de confiance et le seul sur qui il pouvait compter. Mais était-ce suffisant pour lui avouer toute la vérité ?
Une hirondelle vint se poser doucement sur la tête de Gal. Elle se dandina quelques secondes, se faisant un nid de ses cheveux bouclés. Il ne broncha pas et caressa l’oiseau du bout du doigt. 

— En fait, je …, commença Azel, hésitant. Je crois que c’est de ma faute si les archanges ont fermé le Pont.

Gal prit l’hirondelle de ses deux mains et la lança en l’air. L’oiseau s’envola vers ses congénères, laissant les deux anges seuls.

— Qu’est-ce que tu racontes encore ? Comment ça pourrait être de ta faute ?

— C’est moi, je te dis. J’ai … fait quelque chose.

Gal dévisagea un moment son ami. Le silence s’installa de nouveau et seul le chant du vent venait perturber la scène. Azel regarda ses pieds. Son visage se durcit et il serra les dents.

— Je me suis révélé à Julie.

Gal retint sa respiration. Les sourcils hauts, les yeux ronds, il ne pouvait pas le croire une seconde.

— Pardon ?!

Si Azel disait vrai, c’était une faute extrêmement grave et il risquait le bannissement. Cette fois-ci il n’avait pas seulement expédié sa mission sans trop y mettre du sien. Il avait outrepassé une des règles les plus importantes : ne pas se montrer.
Comment allait-il se sortir de cette situation ?
Gal reprit ses esprits rapidement. Il voyait bien qu’Azel n’en était pas fier et qu’il n’allait pas bien. Il se devait de lui venir en aide.

— Pourquoi ?

Une des choses qu’Azel aimait chez Gal, c’était sa contenance. Même dans une situation aussi critique, il savait garder son calme. Et la simplicité de sa question résumait tout. Il devait comprendre pour pouvoir réfléchir à une solution. Il lui raconta toute l’histoire. Ensemble, ils allaient s’en sortir, il en était convaincu.