Pighead aurait pu tout à fait tricher, y aller en volant et accomplir ça en 5 secondes. Elle faisait ça souvent pour beaucoup de choses, elle aurait pu ne pas faire d'exception. Mais elle avait décidé d'en faire une, car c'était pour quelque chose d'important.
Elle était presque parvenue tout en haut de la montagne. Ce n'était pas la plus haute parmi toutes celles qu'elle avait escaladé avant, à la fois dans son monde et ici, mais c'en était une qui correspondait au genre d'endroits qu'elle s'était mise à affectionner, ces jours-ci. C'était beau, il y avait de la végétation, c'était calme, il y avait du soleil, les chemins n'étaient pas des plus compliqués à monter… bref, c'était le coin idéal. Surtout qu'elle était presque parvenue à son objectif.
Ca aura nécessité pas mal de trucs avant qu'elle ne puisse vraiment compléter ledit objectif de façon définitive, mais voilà, maintenant, c'était fait. Cela avait pris du temps, pas mal de rencontres, quelques moments désagréables à vivre, de nouveaux endroits à découvrir mais au fond, c'était nécessaire de le faire. Pour elle-même, pour ses proches, pour… basiquement toutes les personnes qui habitaient cet univers et ceux adjacents ? Ce qui, vous en conviendrez, fait quand même beaucoup de gens.
L'auteure n'était pas étrangère au fait de supprimer plus ou moins métaphoriquement ce qu'elle était avant quand il s'avérait que cela ne correspondait pas à ce qu'elle voulait être. Elle l'avait déjà fait au moins une fois avant. C'était un peu différent maintenant, car moins drastique, mais cela n'en représentait pas moins une étape symbolique (et encore, cela aurait très bien pu ne pas être une grimpée en montagne mais autre chose de moins agréable si son humeur avait été plus massacrante).
Est-ce que c'était fini ? Oh non, loin de là. Même si une année, c'était déjà très long (peu importe si on trouve que ça passe trop vite ou trop lentement), quand il s'agissait de trouver la paix pour de bon, cela prenait bien plus de temps. Cela nécessitait de mieux se connaître, de souvent avoir l'humeur qui changeait, montait et descendait encore plus vite qu'un rollercoaster, d'échouer, de réussir, de tomber, de se relever… c'était un processus long et certaines personnes n'hésiteraient sûrement pas à dire que c'est quelque chose sur quoi on pourrait passer toute sa vie. Ces personnes n'auraient probablement pas tort. Mais pour Pighead, c'était important d'avoir au moins quelque chose qui signifiait que ça avançait.
Que les problèmes qui étaient là avant disparaissent peu à peu, qu'elle sache qu'elle avait des gens à appeler si elle avait un coup de mou, qu'elle puisse continuer à garder le contrôle autant qu'elle le pouvait… ce que basiquement, elle espérait pouvoir accomplir depuis le début mais que voulez-vous, après tout, même en s'imaginant que telle chose et telle chose sont prévues depuis le début, ce n'était jamais sûr que ça serait bien ce qui se passerait là, tout de suite, au moment où ce fut dit-oh tiens, elle vient de s'arrêter.
Je pourrais très bien dire que c'est le bienfait des conversations qui lui a permis d'avancer et de parvenir à son but sans ressentir d'épuisement, mais ce n'était même pas des conversations, juste moi en train de narrer et elle qui, dans un rare moment, ne fait pas attention. En fait, elle était en train de penser à autre chose. Je suis presque sûr que lesdites pensées impliquaient des chevaux avec des barbes à papa en guise de… ben, de barbes. On peut en trouver dans certains zoos. C'est assez drôle à voir, ils essaient souvent de les manger.
Bref.
Pighead s'était finalement stoppée, ayant atteint le haut de la montagne qu'elle escaladait depuis au moins 2 heures. Elle avait la même posture que la plupart des gens qui avaient réussi la même chose, une posture fière et digne, le visage levé en direction du Soleil (mais pas trop haut, quand même, il s'agirait de ne pas se faire mal aux yeux) et absolument personne pour ruiner le moment. Ca ressemblait à la fin d'un film, le moment où le protagoniste savoure une victoire bien méritée (ou la savoure après que l'antagoniste ait causé un retournement de situation inattendu mais que ledit protagoniste ait trouvé un moyen de tourner tout cela à son avantage).
C'est exactement ce qu'elle voulait. Vivre ce moment où elle faisait partie des gens qui avaient réussi et pouvaient atteindre la Lune par la seule force de leur volonté plutôt que faire partie des gens qui restaient bloqués dans la même spirale infernale, étant assez conscients d'eux-mêmes pour comprendre le chemin destructeur où ils se sont embarqués mais ultimement incapables de changer de voie. Peut-être à cause de leur ego. Peut-être parce que le moment propice n'était pas encore venu. Peut-être parce qu'ils ne savaient pas exactement comment faire. Cela dépendait de la personne.
Mais maintenant, l'auteure était finalement en train de dévier de cette voie et c'était le plus important. Claquant des doigts, elle fit apparaître un lampadaire avec une boule bleue aux contours rouges marquée d'une étoile blanche, le planta dans la terre et tapa dedans, le faisant s'illuminer. C'était son checkpoint. C'était marqué, désormais : ce jour-ci, aujourd'hui, elle avait réussi ce truc important et ça, ce serait la petite trace marquant ce fait.
Même en partant pour faire autre chose (ce qu'elle finit éventuellement par faire après quelques minutes à avoir admiré la montagne), ce lampadaire resterait là comme preuve. Pour marquer la fin de quelque chose, ce n'était plutôt pas mal.