1.05 Les chemins de l'univers (Partie 2) [Part 4]

Par Feydra

Cinquante kilomètres autour de la pyramide. C’était le périmètre couvert par les dix obélisques ocre. La forêt d’où était sortie les créatures en faisait partie, ce qui n’était vraiment pas un hasard, d’après Shayn. Il avait demandé à IV combien de structures similaires étaient installées sur la planète. Elle lui avait répondu qu’il n’y en avait qu’une. Les accès aux couloirs sub spatiaux étaient limités dans l’espace, comme des portes, ou les portails des mycélliens.

Il leur avait fallu cinq jours pour en faire le tour et nettoyer les alentours de la végétation qui les avaient ensevelis, et pour réparer les deux qui avaient été endommagés. Shayn finissait le diagnostic du dernier, alors que le soleil lointain amorçait sa descente derrière l’horizon. Bientôt, la nuit tomberait sur eux et il préférait être rentré à la base quand cela arriverait.

Assis dans l’herbe, au sommet d’une butte proche, son fusil installé en travers de ses cuisses, Trevor contemplait le paysage. Cet endroit était à la fois si différent et tellement similaire à Palladine que cela lui écorchait le cœur. Il n’avait pas vraiment eu le temps de faire une pause et de penser à sa planète. Ou plutôt il s’était efforcé de se maintenir en mouvement pour ne pas penser. Elle était son refuge, son monde d’adoption après qu’il ait quitté l’Église, sa nouvelle vie. Elle n’était plus et il n’avait aucune cible à attaquer pour la venger, personne à accuser.

Il jeta un coup d’œil à Shayn, qui remontait vers lui. Il se laissa tomber à ses côtés.

— J’ai terminé. Tout a l’air de fonctionner.

— Cette planète est magnifique, commenta Trevor. Dommage que nous n’y ayons pas passé plus de temps, pendant cinq ans.

— Pas sûr que les réfugiés aient été d’accord.

Un rire amer quitta les lèvres du commandant.

— Sans doute. Mais on aurait pu aller ailleurs.

— Tu es d’humeur mélancolique, on dirait, remarqua Shayn, en lui jetant un regard inquiet.

— Ça m’arrive, parfois.

Il se leva d’un bond.

— On peut rentrer ?

— Oui.

Shayn se redressa et le suivit de l’autre côté de la butte, sur le chemin où les attendaient deux motos. Altarius les leur avait prêtés. Ces engins de bric et de broc, comme le reste de ce peuple, fonctionnaient étonnamment bien.

Le scientifique rangea son matériel dans la sacoche accrochée à l’arrière et ils mirent les gaz pour rejoindre leur groupe. L’obscurité tomba sur eux quand ils arrivèrent près de la forêt. Aucun nuage ne troublait le ciel, mais la lune n’était pas assez lumineuse pour leur éclairer la route. Les puissants phares perçaient les ténèbres devant eux, mais de chaque côté, elles étaient épaisses.

Shayn fut soulagé quand ils aperçurent la pyramide. Elle brillait de mille feux depuis que les conduits énergétiques avaient été réparés par l’équipe de Neal. L’accès aux piles à combustible cachées dans le sous-sol avait complètement réveillé l’installation. Ils laissèrent les véhicules dans le garage aménagé pour eux. Trevor constata avec plaisir que tout le monde était rentré.

Talla les accueillit alors qu’ils quittaient le hangar.

— Tout s’est bien passé ? s’enquit-elle.

— Évidemment, répondit Shayn, en la dépassant, pressé de rejoindre la salle de contrôle.

Trevor jeta un regard sans équivoque sur la silhouette de son ami. Son officier sourit.

— Sans difficulté particulière, affirma-t-il, en marchant dans la même direction. Tout était calme là-bas. Et vous ?

Elle lui emboita le pas.

— Toutes les équipes sont de retour. Les gens ont l’air plus détendus et confiants.

— C’est une bonne chose. Maintenant, espérons que le système fonctionne.

Dans la salle de contrôle, le silence était total, presque religieux. Talla et Trevor virent Neal et Shayn focalisés sur les informations apportées par les écrans. IV flottait tranquillement au-dessus de son projecteur. Altarius, Peter et les autres réfugiés étaient tous rassemblés au fond de la pièce, les yeux fixés sur les deux scientifiques. Sur leur visage se lisaient des émotions diverses : espoir, crainte, défiance.

Trevor rejoignit Shayn, et patienta à quelques pas derrière lui. En d’autres temps, il aurait interrompu sa concentration, juste pour le plaisir de l’un de ses sarcasmes, mais l’instant était trop important pour ça.

— Je pense qu’on est bon, fit Shayn, en cherchant l’approbation de Neal.

Le jeune homme acquiesça.

— Je vous avais déjà dit que nous étions prêts, docteur, lâcha IV.

Trevor grimaça. L’intelligence artificielle était aussi arrogante que son ami. Celui-ci ignora IV. Il se tourna vers Altarius. Celui-ci hocha la tête, l’air sombre, comme s’il s’attendait à un échec ou à une trahison.

— Active les catalyseurs.  

Un vrombissement doux s’éleva, accompagnant une vibration qui se répandit dans la structure. Les gens levèrent des regards surpris et inquiets. Sur l’écran principal apparut un schéma de la zone et les relais s’allumèrent les uns après les autres. Une sphère, dont la pyramide était le centre, se matérialisa.

— Vingt-trois heures et quarante-huit minutes avant chargement complet des catalyseurs.

Altarius s’approcha.

— Et ensuite ?

— Le champ inhibiteur entrera en action et fermera l’accès aux voies sub spatiales de notre côté, expliqua-t-elle. Personne ne pourra l’ouvrir à nouveau, tant que l’appareil sera actif.

Altarius hocha la tête. Pourtant, il ne parvenait pas à se détendre. Il porta son regard sur Shayn, qui paraissait confiant. Mais il ne pouvait s’empêcher de craindre que cela ne fonctionne pas et qu’ils se retrouvent à la merci des Scérépath.

— J’espère que votre confiance en ces machines est bien placée, fit-il en fixant le scientifique de ses yeux sombres.

Shayn pinça les lèvres et croisa les bras. Il se contenta de hocher la tête. Altarius se tourna vers Trevor.

— En attendant, nous devrons être vigilants. Ces créatures peuvent toujours débarquer à n’importe quel moment.

— À ce propos, consentiriez-vous à ce que mes gens s’installent à l’intérieur de la pyramide ? demanda Trevor.

Altarius hésita puis accepta. Le commandant posa sa main sur son épaule.

— Merci. Allons nous occuper de mettre en place le périmètre de sécurité.

Le chef des réfugiés acquiesça et quitta la salle, suivi par ses hommes. Trevor revint vers Shayn et Neal.

— Faites en sorte que ça marche.

— Évidemment que ça marchera, lâcha le scientifique.

Il riva ses yeux sur lui, puis son regard glissa vers Talla qui attendait près de l’entrée avec deux de leurs agents.

— Juste … Fais en sorte que tout le monde puisse retourner sur la station, fit-il, le visage grave.

Trevor sourit.

— T’inquiète. Et puis, si ça se trouve, ils ne viendront pas avant que ta machine soit en route.

Shayn répondit par un rire bref.

— Avec la chance qu’on a en ce moment, peu probable.

Neal suivit Trevor sur quelques mètres. Ils échangèrent quelques mots à voix basse, leurs doigts entrelacés, puis Neal retourna à son poste et Trévor rejoignit Talla.

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