1/3

Notes de l’auteur : J'espère que cela vous plaira, ou tout au moins, vous fera un peu sourire!
Un générique pour se mettre dans l'ambiance? Et surtout, que du second degré!
https://www.youtube.com/watch?v=SEzQs3QY75Q

— Putain de campagne !

 

Cela faisait maintenant trois semaines qu’Alexandre Cotelet, jeune médecin trentenaire, avait cédé au chantage de celui qu’il surnommait tonton Magot, le riche oncle qui avait financé ses études. Lui aussi docteur, il avait convaincu Alex de revenir dans sa ville natale pour le remplacer le temps des vacances d’été. C’est ainsi que le jeune homme avait regagné Droche, petite ville de dix mille âmes, qu’il avait pourtant fui dès sa majorité.

Un mois auparavant, la ville avait été coupée du reste du monde pendant toute une nuit et les soupçons s’étaient alors portés sur la base militaire. Contre toute attente, l’enquête menée par les autorités avait pointé du doigt la centrale de recyclage d’algues qui, suite à une surchauffe, avait provoqué une énorme coupure d’électricité. Cette explication paraissait bancale pour Alexandre mais semblait satisfaire presque tous les habitants alors même que depuis, les événements étranges s’étaient enchaînes.

 

Ce matin là, Alex avait reçu un appel du capitaine Enizan lui demandant de le rejoindre au bord du canal pour l’aider dans une nouvelle affaire. Le jeune médecin avait accepté de prêter main forte aux autorités locales en faisant office de légiste par intérim. À vrai dire, il n’avait pas eu le choix car les habitants de Droche, les Droliques, avaient désertés le cabinet de son oncle dès son arrivée. Alex avait alors trouvé cette solution pour, officiellement, intégrer la communauté, officieusement tromper son ennui. Maintenant qu'il avait commencé, il ne pouvait plus revenir en arrière, voilà pourquoi ce citadin convaincu se retrouvait de bonne heure à marcher dans la vase et l’herbe humide du canal de la Donation.

— Re-putain de campagne ! pesta-t-il en glissant une nouvelle fois.

En face de lui se trouvait un groupe d’hommes se composant de gendarmes et de pêcheurs sous leurs tentes. À l’approche laborieuse du médecin, l’un d’eux releva la tête et le regarda avancer avec un grand sourire.

— Ben alors doc, on a du mal ? se moqua l’homme à l’allure imposante.

Le capitaine Enizan était une armoire à glace qui menait ses troupes d’une main de fer mais qui avait aussi le grain de folie qui semblait être un dénominateur commun à tous les Droliques. Alexandre maugréa et arriva à la hauteur du campement où plusieurs pêcheurs semblaient choqués.

— On était tous là à camper cette nuit, c’est pour la pêche à la carpe vous voyez et à un moment, on a entendu Jean-Claude hurler…pis, plus rien, expliquait un des pêcheurs aux gendarmes.

— Un hurlement, vous avez pas idée, rajouta un autre, jamais entendu ça. Alors on a couru vers lui mais avec le noir, on l’a pas vu.

Mouais le noir…pensa le médecin en regardant les bouteilles vides autour d’eux.

— Je vais prendre votre tension, déclara Alex en s’approchant.

Oh ! J’vais finir en coma éthylique rien qu’en sentant son haleine, ironisa-t-il intérieurement en s’écartant rapidement.

— Par ici! cria une voix à proximité.

À quelques mètres d’eux, trois gendarmes semblaient penchés sur quelque-chose. Lorsque le médecin les rejoint, il constata qu’il s’agissait d’un bras.

— C’est Jean-Claude, attesta l’un des pêcheurs, je reconnais la manche de sa veste.

— Enfin, une partie de Jean-Claude vous voulez dire, rectifia froidement Alexandre avant de remarquer les regards contrariés des personnes autour de lui.

— Doc, je vous laisse prendre ce bras pour que vous l’examiniez au cabinet pendant que nous continuons à ratisser le terrain. Peut-être trouverez-vous un indice…

— Vous connaissez le Lagon Bleu? demanda timidement le capitaine Enizan.

— Ah non pas encore ! s’exclama Alex, contrarié.

A son arrivée à Droche, Alex s'était vu contraint d'assister à un spectacle de transformiste du capitaine, l'une de ses passions secrètes*, et l'idée de faire face à une situation identique lui était intolérable.

— Que voulez-vous dire jeune homme ? demanda l’agent, un brin suspicieux.

— Je voulais dire, non pas encore... mais qu’est-ce donc ? Changea de ton le médecin, intimidé.

— Oh, je vois, sourit Enizan, soulagé de cette explication. C’est la salle polyvalente. J’y suis bénévole auprès de personnes âgées. Retrouvons nous là-bas ce soir à vingt-deux heures, nous ferons le point en toute discrétion. Je ne veux pas rendre cela public pour le moment, conclut le gendarme.

 

Rassuré par ce rendez-vous lui semblant plus classique et content de quitter les lieux, Alexandre accepta, emballa le membre avec précaution et laissa les autorités locales ratisser les lieux.

Alexandre passa les portes automatiques vitrées du centre médical et ne put alors faire autrement que de voir madame Honnette, l’agent d’accueil qui, depuis qu’il était arrivé en ville, redoublait d’imagination pour attirer son attention.

— Enfin, vous revoilà docteur Cotelet, vous nous avez manqué, lança la quinquagénaire d’une voix suave qui faisait vibrer son double menton.

— Nous ? releva-t-il sans vraiment le vouloir.

— Oui, à moi et à lui, mon petit cœur, rétorqua-t-elle en montrant son décolleté flétrit.

Le jeune médecin eu un frisson d’effroi et tourna la tête pour ne pas lui laisser voir son dégoût.

Damned, mais c’est une caméra cachée ou quoi ? se demanda-t-il.

— Je suppose qu’il n’y a personne dans ma salle d’attente ? Interrogea le jeune homme pour changer de conversation.

— Toujours pas, répondit-elle avec une mine boudeuse, mais ils ne savent pas ce qu’ils ratent, c’est pour cela.

— Dans ce cas, je descends à la chambre froide, reprit Alex sans pouvoir la regarder. Bonne journée madame Honnette.

Elle devrait y descendre de temps en temps, ça lui ferait du bien un peu de froid, se dit-il.

— Je me répète mais pour vous, c’est Marie, pas de chichi docteur, indiqua la femme.

 

Mais Alex dévalait déjà les escaliers le conduisant à la salle qu’il avait réaménagée pour conserver les preuves que lui laissait le capitaine. Il sortit le bras et en commença alors l’examen. Très vite, il constata des morsures faites par une mâchoire puissante. Ce membre avait été arraché par un animal qui avait d’ailleurs laissé un souvenir dans la chair puisqu’il trouva ensuite une longue dent plantée au bord de la blessure. Il l’extirpa et la regarda attentivement en essayant de trouver quel type d’animal pouvait causer ce genre de dégâts. Devant sa méconnaissance du sujet, Alex se résigna à prendre contact avec quelqu’un qu’il préférait pourtant éviter : François De Jourdan, le vétérinaire de la ville : l’homme dont l’enthousiasme pour les bizarreries de Droche était à la hauteur de son excentricité, c’est-à-dire énorme.

Autant dire qu’Alexandre se trouvait vraiment dans une impasse pour faire appel à lui.

Il décida de se rendre au cabinet vétérinaire à l’improviste. Mais quand il en poussa les portes, il fut alors surprit du grand nombre de personnes attendant d’être reçu.

— C’est toujours comme ça ici ? demanda le médecin à la secrétaire d’accueil.

— Pas du tout mon bon monsieur, cela fait trois jours que ça ne désemplit pas. Il y a une augmentation des morsures violentes. Si vous venez pour votre animal, nous n’aurons pas de place aujourd’hui.

— Non, non, je suis le docteur Cotelet...

— Oh! le docteur qui travaille avec monsieur De Jourdan sur les cas étranges ? le coupa-t-elle presque impressionnée.

— C’est-à-dire que l’on ne travaille pas vraiment… 

— Vous savez, reprit-elle en le coupant une seconde fois, certains habitants pensent que…

La secrétaire s’arrêta net, remarquant qu’un des clients les écoutait. Elle le regarda sévèrement, il baissa les yeux puis tourna la tête pour montrer qu’il ne prêtait plus attention. Elle patienta quelques secondes pour en être sûre, regarda à droite, à gauche et se pencha vers le docteur, comme si elle avait un secret d’état à lui révéler :

— Certains pensent que cela pourrait être…un mycanthrope, murmura-t-elle enfin avant de se reculer et de vérifier que personne ne l’avait entendu.

— Un…mycanthrope ? répéta Alex sans comprendre.

— Mais oui, vous savez, un loup garou, un mycanthrope quoi, précisa la secrétaire en se rapprochant de nouveau. Cela expliquerait les morsures.

Alexandre soupira pour mieux retenir un rire.

— Lycanthrope vous voulez dire, un homme qui pense être un loup? demanda-t-il alors.

— Vous êtes sûr que ce n’est pas mycanthrope plutôt ?

— Oui, oui, mycanthrope désigne un homme qui se prend pour une mite ! plaisanta le docteur.

— Ah bon mais je ne savais pas que cela existait, vous m’en apprenez une bonne là ! s’exclama son interlocutrice.

Elle est sérieuse là? Ou bien alors, je suis dans un jeu de téléréalité sans le savoir dont le but est de se foutre un maximum de ma gueule, se demanda Alexandre, estomaqué par la réaction de la secrétaire.

Il était sur le point lui expliquer sa plaisanterie quand François De Jourdan fit son apparition dans la salle d’attente. Il allait recevoir le patient suivant mais lorsqu’il vit le médecin, il se ravisa immédiatement. Sans lui dire un mot, il prit Alex par le bras et l’entraîna dans son cabinet sous les protestations des autres clients qui n’en pouvaient plus d’attendre.

— Cotelet, il se passe des choses étranges ici…encore! déclara le vétérinaire en écarquillant les yeux.

Mis à part ton attitude tu veux dire ? se retint Alex.

— Que voulez-vous dire ? interrogea t-il à la place.

— Regardez ça, intima Fdj en posant un animal éventré sur sa table de travail. Vous avez vu ça, un dogue allemand, qu’est ce qui peut faire ça à un dogue allemand, je vous le demande.

— A-t-il été proche du canal de la Donation ces derniers temps ? questionna le docteur.

— Ah vous, vous savez des choses que je ne sais pas ! Il s’est justement fait attaqué près du canal.

— Peut être par le propriétaire de ceci, renchérit Alex en brandissant la dent trouvée dans le bras.

De Jourdan s’en saisit et l’examina avec attention. Il semblait perplexe.

— C’est sûr qu’avec des dents pareilles, il y a des dégâts mais je ne vois vraiment pas quel animal d’ici a cette dentition, finit-il par admettre.

Peut-être un mycanthrope, s’amusa en silence le jeune médecin.

— Je vous fais rire, jeune homme ? se vexa le vétérinaire en le voyant sourire.

— Pas du tout je pensais à autre chose. Tiens d’ailleurs, vous connaissez le Lagon Bleu?

— Le Lagon bleu ? Oui, c’est le nom de la salle polyvalente, pourquoi ?

— Pour rien, pour rien, merci du renseignement. Ok, donc ce lieu existe bien, je ne tombe pas encore dans un traquenard, c'est déjà ça...Bref, si vous trouvez quelque chose, tenez-moi au courant, demanda le docteur.

— Bien sûr, vous de même, rétorqua Fdj.

C’est cela oui… Compte là-dessus, pensa Alex.

— Évidemment, répondit-il tout de même avant de quitter les lieux.

 

* Le numéro de transformiste du capitaine se déroule dans Panique à Droche! 2- Un tracteur nommé Christine.

 

Vous devez être connecté pour laisser un commentaire.
Vous lisez