1. Alix, Henry et Jason
1.1 Tremblante et suffocante, Alix se dirige vers la cuisine. Folle de rage, elle sort un couteau de sa boîte et le tient fermement. Les yeux remplis de larmes et de colère, elle fixe Henry.
« Tiens-le ! » hurle-t-elle. « Prends-le, ordure ! Ne te démonte surtout pas, plante-le-moi dans le thorax. Applique-toi, surtout. Allez, fais-toi plaisir, prends ton pied. Ça doit te faire du bien de me tabasser pour trois fois rien. Allez, tu n’as pas les couilles ? C’est facile pourtant ! Plante-le-moi ! » Elle déchire sa blouse, le torse bombé. « Juste là. »
« Tu es folle, qu’est-ce que tu fais ? T’es une hystérique ! »
« Oui, je suis folle. Tu m’as rendue folle. C’est toi ma folie. Oui, je sais, tu es un homme fantastique, un héros. Celui qui prend soin de sa famille aux yeux des autres. Celui qui gère. Celui qui assure. Moi, je suis juste l’autre. Celle qui a eu de la chance, celle qui a profité de ton fric. Elle devrait se taire, se sentir fière. Elle a eu cette chance. Pauvre conne que j’ai été. »
Fermement, elle lui met le couteau dans la main et attend.
« Tais-toi, tu vas réveiller Jason. »
« Je m’en fous de réveiller Jason. »
Jason se réveille. Il a huit ans. Il pleure. Sa mère est devenue folle. Elle hurle dans la maison, et rien ne laissait présager cela.
Sa mère, tellement douce, tellement tendre. Celle qui n’ose jamais interrompre son papa. Celle qui dit oui le plus souvent. D’accord, bien sûr, ok, pas de souci, avec plaisir, de rien. Sa mère, toujours en train d’arrondir les angles. Elle est là, devant son père, la blouse déchirée, ordonnant à celui-ci de lui enfoncer le couteau.
Jason est muet, choqué, des larmes coulent doucement sur ses joues rougies.
Henry est secoué, hagard devant son fils. Il est malhonnête aussi. Oui, malhonnête. Qu’avait-il fait de mal ? Une claque par-ci, par-là… Il ne savait pas se contrôler. Il le regrettait quelques jours après, quand il était plus calme. Il achetait son silence : des vacances, des bijoux et de l’amour. Il lui faisait toujours l’amour comme un fou après une scène de jalousie. La faire jouir, la faire vibrer, lui faire perdre pied, l’emballer. Elle revenait toujours vers lui, lui pardonnait encore et encore.
Ce soir, il était allé trop loin. Il avait dérapé une fois de plus, une fois de trop…
1.2 C’était pourtant une belle histoire d’amour qui avait débuté. Ils étaient plus jeunes, plus beaux, plus tendres l’un envers l’autre. Fous d’amour l’un pour l’autre.
Alix terminait ses études d’infirmière. Elle avait travaillé dur pour en arriver là. Elle était fière de sa réussite. C’était sa revanche sur la vie qu’elle n’avait pas pu avoir. Issue d’une famille très modeste, elle avait vu ses parents trimer sans jamais pouvoir s’offrir les friandises de la vie. Jamais de vacances, jamais de sorties, jamais d’extras. Sa mère avait été femme de ménage pendant 40 ans dans une chaîne hôtelière de la région, et son père gardien d’un musée du centre-ville. Ils avaient eu un rêve trop grand pour eux : une maison. Bien trop grande, bien trop coûteuse pour leur bourse. Tous deux avaient rêvé de cette maison comme d’un signe de réussite et avaient englouti toutes leurs économies dans ses murs, emportant leur bonheur avec.
Peu d’amour dans cette maison aux volets bleus clairs. Tout dans l’apparence. Alix avait observé ce couple si ordinaire dans cette maison extraordinaire, un couple sans amour, ruiné par le manque d’argent au fil des années. Sa mère avait dû doubler ses heures de ménage sans jamais avoir le temps de jouir de la vie, de la présence de ses enfants et de son mari. Elle l’avait compris plus tard.
Pour Alix, son avenir était synonyme de confort et d’amour.
Quand elle rencontre Henry, elle a 23 ans, lui en a 32. Il est médecin, beau, prometteur d’une vie confortable et amoureuse.
Ils s’aiment éperdument. Ils se nourrissent l’un l’autre.
Henry est l’aîné d’une famille de deux enfants. Il dit toujours qu’il a eu une enfance normale, que sa famille était traditionnelle et qu’il n’avait rien à en dire. Un papa ingénieur dans l’aéronautique, une maman à la maison. Des déjeuners le dimanche avec les grands-parents. Les vacances en famille dans la maison au bord de la mer. Pas de divorce. Pas de drame. Une vie paisible.
Alors, comment devient-on si violent avec ses proches quand on a vécu « sans histoire » durant son enfance ? Comment frappe-t-on sa femme à main nue parce qu’elle n’est pas rentrée à une certaine heure ? Comment devient-on malade de jalousie quand elle discute avec un autre homme lors d’une soirée entre amis ? Comment commence-t-on à fracasser les murs de la maison les uns après les autres pour éviter de plonger dans un trop-plein de violence conjugale si tout va bien ?
Ce sont les réponses qu’il vient chercher. Il a rendez-vous avec une psychologue conseillée par un ami médecin, Paul. Le seul à avoir compris que le bateau était dans la tourmente et que le naufrage s’annonçait. Cela n’a pas été facile. Il a fallu convaincre, supplier et négocier. Une fois, juste une fois. « Henry, tu vas tout perdre. Il faut que tu te ressaisisses. »
J'ai beaucoup aimé ton texte, et surtout le fait que tu parles au présent, ce qui est une prise de risques. Mais il y a par moments l'utilisation de certains temps qui m'a confus. J'ai pris des notes:
"Celle qui a eu de la chance, celle qui a profité de ton fric": je n'ai pas compris l'utilisation du passé composé dans la deuxième proposition, elle n'en profite plus? Pourtant il l'emmène toujours en vacances?
"Il ne savait pas se contrôler": même chose, car il la frappe toujours? Peut être voulait tu dire que dans ces moments là il ne savait pas se contrôler
"Quand elle rencontre Henry": une utilisation très audacieuse du présent je trouve! Cela fonctionne mais à ta place j'aurais utilisé le passé simple. C'est peut être volontaire?
Merci pour ton commentaire !
C’est vrai que j’ai hésité entre le présent et le passé simple lorsque j’ai écris ‘quand elle rencontre Henry ‘ . Ça me semble plus juste au présent . C’est plus direct et plus fort ! Moins passif .
Quand elle dit celle qu’elle a eu la chance , c’est parce qu’elle est entrain de partir dans sa tête . C’est fini . Elle se dit qu’on va parler d’elle comme de la femme qui a eu de la chance .
Et oui … il ne savait pas se contrôler …..à ces moments lâ.
J’espère avoir répondu à tes interrogations mais je t’avoue que je suis vraiment une amatrice dans le domaine de l’écriture .
Merci !
Franchement, j'adore. J'attends de voir comment l'histoire va se développer et comment, à travers ce récit aussi palpitant que réaliste, tu nous peindras ta définition du mot "crapule".
Merci !