— Inspecteur Oak, je suis chargé de l’enquête sur l’orphelinat de monsieur… Darrow. Yaten Darrow, c’est bien ça ?
— Oui… acquiesça froidement Hélène Tornedu.
Ses cheveux noirs accentuaient son air sévère donnant à son visage un aspect plus vieux qu’il ne l’était réellement. Ses yeux semblaient déterminés à percer à jour le jeune Barney Oak qui recula d’un pas sous le poids de leur ténacité. Hélène esquissa un petit sourire, satisfaite.
— Je ne suis que la directrice adjointe de l’établissement, dit-elle, l’invitant à la suivre dans le couloir jouxtant la porte d’entrée. Ce n’est pas moi qui gère ce genre de choses.
— Et qui est-ce ? Demanda l’inspecteur.
— La directrice évidemment.
Elle pointa son index sur une petite plaque en métal vissée sur la porte. Barney tenta de déchiffrer le nom écrit dessus, mais en vain. Seul le prénom Cassandre était toujours lisible.
— Qui d’autre travaille ici ? Demanda-t-il, avant qu’elle ne frappe à la porte.
— Vous voulez vraiment la liste ?
Son air dédaigneux s’amplifiait à mesure que la conversation avançait. Elle était méfiante, sur ses gardes, prête à mordre en cas d’attaque. La présence de Barney l’ennuyait, l’agaçait même. L’inspecteur battit une nouvelle fois en retraite sous la foudre de son regard noir, analysant la situation et décrétant qu’il valait mieux poser ses questions à cette fameuse Cassandre.
Hélène cogna trois coups, poussa la porte en bois avant de s’aventurer d’un pas confiant dans le petit bureau délabré de la directrice. Elle était là, enfoncée dans un fauteuil vert miteux qui n’avait sûrement pas moins d’un siècle de dure labeur derrière lui. Les quelques bibliothèques présentes étaient étrangement dépourvues de poussière. Chaque meuble, chaque recoin, chaque surface était dans un état lamentable, des fissures interminables aux couleurs délavées, sans oublier les écorchures du bois. Seules les trois grandes bibliothèques jouissaient d’une robe encore neuve.
— Les enfants prennent souvent des livres ici, si vous vous posez la question.
Elle releva les yeux de ses notes, dévoilant un long visage étroit au petit nez osseux. Tout comme sa collègue, elle semblait particulièrement méfiante mais affichait une certaine douceur dans son regard. Barney prit place dans la chaise posée devant le bureau, croisant ses jambes sans la moindre gêne. Il sortit un dossier de sa sacoche, dérangé, plein de feuilles disparates qui n’étaient en aucun cas à leur place. La directrice l’observait presque amusée.
— Je suis venu…
— Pour Sir Darrow, coupa-t-elle. Je sais pourquoi vous êtes là.
— Très bien, alors pourriez-vous m’indiquer où il se trouve ?
— Chez lui bien évidemment ! Il réside à Londres, il ne vient pas tous les jours.
— Il est pourtant au courant de l’enquête et que sa présence ici est comment dire… Indispensable ! C’est lui que ça concerne principalement.
— Je serai en mesure de répondre à toutes vos questions inspecteur, soyez sans crainte. Maintenant dites-moi, avez-vous trouvé de nouvelles preuves en France ?
— Et bien…
Barney fouilla dans son dossier et en retira plusieurs photographies de l’ancien orphelinat disparu dans les flammes.
— Voici les photos qui ont été prises dernièrement, dit-il en lui tendant les clichés. Nous n’avons rien de très concret hélas, mais des moyens supplémentaires ont été déployés, notamment ici, en Angleterre. Une équipe en France se charge de nous transmettre ses trouvailles.
Elle examina les quelques photos, jaugeant de leur intérêt de ses yeux vides. Son visage n’affichait aucune émotion, comme si la vision de tout ce désastre n’était pour elle qu’une banalité de plus dans sa vie morose.
— Il ne reste rien, dit Oak. Le feu a tout détruit. Moi et mes hommes allons nous concentrer sur le personnel un premier temps, ainsi que sur ces lieux.
Elle releva la tête, une première expression coulant de ses lèvres minces.
— Ici ? Pourquoi ici ? Il n’y a pas eu de feu !
— Il faut bien chercher quelque part. Mais ne vous inquiétez pas, nous ne serons pas dérangeants. Pourrais-je parler aux enfants survivants ?
— La plupart était très jeunes, inspecteur. Je doute qu’ils soient en mesure de vous aider. J’ai une question pour vous… Comment se fait-il que l’enquête n’en soit qu’à ce stade depuis cinq ans ?
Barney fut soudainement gêné. Il passa une main dans ses cheveux bruns, ne sachant quoi répondre sans paraitre ridicule.
— Et bien vous savez… La police française aha… Ils ont eut… Des difficultés et quand nous avons pris le relais il a fallut tout recommencer. Alors… Enfin voilà quoi ! Mais nous sommes là désormais et prêts à résoudre cette enquête !
— Je l’espère bien.
La directrice avait décidé de ne plus le lâcher du regard, installant une tension désagréable qui fit fuir Barney loin de ce bureau poussiéreux.
Dehors, l’air frais balaya son visage creux, il faisait doux pour un mois d’octobre et les arbres commençaient à tapisser le sol de leurs feuilles rougeâtres. Il dévala l’escalier en pierre sous les yeux suspects d’Hélène qui surveillait une centaine d’orphelins bruyants s’esclaffant dans la cour. Les yeux de l’inspecteur s’arrêtèrent sur cinq d’entre eux, bien installés sur un petit banc non loin de lui. Le plus vieux tenait entre ses mains l’énorme volume d’une histoire fantastique, qu’il contait aux quatre autres, dont les visages passionnés s’illuminaient à chaque phrase prononcée. Le plus jeune caressait de ses doigts une peluche représentant un canaris, ou du moins ce qu’il en restait. Il ne devait pas avoir plus de six ans et semblait n’éprouver qu’un intérêt bref à l’histoire. Quant aux trois autres, ils buvaient les paroles de leur camarade avec une avidité sans pareille.
Barney les observa de longues minutes se rappelant son enfance loin de ce lieu misérable, loin dans un manoir victorien où il ne manquait de rien. Il embarqua finalement dans le véhicule qui l’attendait patiemment depuis trois bons quart d’heure, envahit par une brume nostalgique qui s’étendait au-delà de ces murs. Le goudron tiède fut rapidement frappé par une coulée de larmes descendant du ciel. Le bel après-midi venait de se terminer pour laisser place aux heures sombres, celles où les monstres sortent de leur caverne.
Alors voilà qui prévoit une belle aventure. Par contre, j’aurais apprécié un petit peu plus de contexte. J’ai commencé par me demander où se passait l’histoire à cause des noms français et anglais de tes personnages, avant de réaliser que oui, cela se passait en Angleterre, probablement victorienne. (Mais les directrices sont françaises, du coup ?). J’aimerais beaucoup en savoir davantage sur l’apparence de l’orphelinat, afin qu’on sache clairement dès le début où on est et ce qui se passe.
De même, j’ai un léger souci avec le narrateur. J’ai d’abord cru que c’était Barney, mais cela glisse entre les personnages, et on ne sait pas trop qui on suit ou comment ou pourquoi.
De manière générale, le texte est agréable, mais comme à ma (mauvaise) habitude, je t’ai listé quelques trucs (pas faire gaffe à la longueur de la liste, j’adore couper les cheveux en quatre) qui pourraient aider à fluidifier le texte. J’espère que cela t’aidera <3
Ses cheveux noirs accentuaient son air sévère donnant => une virgule serait la bienvenue entre sévère et donnant pour séparer les propositions
De même après entre Oak et qui.
Elle était là, => est-il nécessaire de le préciser ? Manifestement ton personnage sait qu’elle est là donc il n’y a pas lieu d’être surpris.
Les quelques bibliothèques présentes étaient étrangement dépourvues de poussière. Chaque meuble, chaque recoin, chaque surface était dans un état lamentable, des fissures interminables aux couleurs délavées, sans oublier les écorchures du bois. Seules les trois grandes bibliothèques jouissaient d’une robe encore neuve. => alors, j’appelle ça l’effet sandwich : tu commences par la bibliothèque, puis tu retournes à la pièce, puis tu reviens à la bibliothèque. Pour rendre la lecture plus fluide, je te conseillerais de rassembler tout ce qui a trait à la bibliothèque à la fin.
dérangé, plein de feuilles disparates qui n’étaient en aucun cas à leur place. => un peu redondant à mon avis.
Pour Sir Darrow, coupa-t-elle. Je sais pourquoi vous êtes là. => je ne suis pas sûre de comprendre. Elle lui dit pourquoi il est là et elle explique ensuite qu’elle sait pourquoi il est là ?
sous les yeux suspects d’Hélène => suspicieux dans ce cas là
Le plus vieux tenait entre ses mains l’énorme volume d’une histoire fantastique, => il arrive à le voir de si loin ?
Dont les yeux s’illuminaient à chaque phrase prononcée : j’ai un soucis. Je vois ce que tu veux dire, mais de la manière dont c’est dit, j’ai l’impression que leur visage s’éteint entre les phrases. Il faudrait rajouter une petite gradation, comme « s’illuminait davantage » pour effacer cela, je pense.
Le narrateur ? Il est externe à l'histoire donc c'est ni Barney ni les autres. Par contre on suit plusieurs personnages. Le pourquoi du comment va s'expliquer au fur et à mesure. Mais tes points me montre bien que ces chapitres mériteraient d'être retravaillés. Je t'avoue qu'ils restent encore "premier jet".
— Heu je sais pas faudrait que je relise il y a peut-être une incohérence
— Suspicieux est plus juste en effet
— Oui il peut voir la couverture de sa place. D'où le "énorme volume"
— Pourquoi pas oui
Aucun soucis pour le premier jet, c'est le principe du site, non ? De mettre nos histoires et on essaie collectivement de s'améliorer :D
C'est rare que je publie des premiers jets, d'ordinaire le texte est déjà bien retravaillé