1 - Inci

Par Tac
Notes de l’auteur : Version remaniée au 0.2.02.2024

Les pronoms employés dans ce chapitre (et dans tous ceux de ce personnage) sont différents des nôtres. Ils servent à déterminer non pas le genre des personnes mais à indiquer la relation que le personnage entretient avec elles. Quant aux articles et aux accords, des accords neutres seront employés. Les pronoms utilisés dans chaque chapitre seront clarifiés à chaque début de chapitre :
aub = pronom pour les personnes que l’on ne connait pas / qui n’évoquent qu'une indifférence totale (pluriel : aubs)
ser = pronom pour les personnes qui éveillent la méfiance / que l’on n’apprécie pas / à qui on impute de mauvaises intentions (pluriel : sers)

L’atrocité s’étalait dans la gadoue. Pourtant, son épine dorsale surplombait, et de haut, le toit de la cahute. Sa queue immense sinuait comme la délimitation d’un champ. Il ne manquait que les bouquetins, mais il n’était pas difficile d’imaginer qu’ils étaient désormais broutés par des acides digestifs. Sauf que ne se trouvait aucun bouquetin auparavant ici. Le monstre ne dormait pas parce qu’il était repu ; il dormait par paresse ou par désœuvrement. En d’autres termes, il pouvait soulever ses paupières à tout instant. Pire ! De son flair perspicace, il relèverait ma présence ; sans même daigner ouvrir l’œil – quel en était le besoin pour le menu fretin ? – il me goberait.

Pourquoi avait-il donc fallu que je reçoive ce coup d’épée au flanc ? J’étais condamnæ à me faire soigner or cette fichue horreur me barrait le chemin de l’infirmerie.

L’enfièvrement du combat hérissait encore mes nerfs. Je me gonflais de ce courage artificiel, je m’agrippai au pommeau de mon arme. J’ignorai la douleur ravivée par la peau tendue par ce geste, je contournai les griffes. Je n’étais plus qu’à une demi-branche de leur tranchant… La boue qui s’y écaillait n’ôtait rien de leur promesse sanglante ; il était sûr que de tels engins m’infligeraient des trous à la profondeur plus impressionnante que mon estafilade actuelle !

Enfin, je passai l’entrée et m’en éloignai rapidement. Le gris acéré était toujours trop visible depuis l’intérieur. De toute façon, les rangées de couchages à même le sol s’avéraient trop glauques pour que j’aie envie de m’éterniser dans le passage. Ce n’était que sifflements rauques et ronflements sporadiques, trahissant des sommeils troublés. Les moustiques pullulant au-dehors y étaient demeurés, comme s’ils pressentaient la mort en ces lieux. Mon pas pressé m’emporta jusqu’au foyer. Des pots et du matériel divers s’empilaient autour des pierres de l’âtre. De l’eau bouillonnait dans une soupière. N’y avait-il donc personne de sain ici ? Lo guérisseux était-aub partī soigner les capitaines ? Etait-aub malade ellui aussi ? Un réflexe idiot me tourna vers les corps que seule la toux sortait de l’immobilité. Je ne connaissais pas lo guérisseux, je n’aurais pas su l’identifier parmi d’autres individus. Aub ne venait jamais dans les zones attribuées aux presquilians. Comment lo reconnaître ? Si aub était malade, serait-aub en mesure de m’aider ?

Mon attention se reporta sur l’échelle. Le bâtiment, réemployé pour les besoins de la guerre, était doté d’une soupente. La grimpée acheva d’endolorir mes muscles. Je sentis la croûte couvrant mon abdomen se cisailler ; la sensation d’un liquide chaud suinta de nouveau. Etait-ce une hémorragie / allais-je me vider sur cette échelle / en tombant je me briserais des os / je n’atteindrais jamais le front est / les montagnes / Alara / une fois hissæ sur les planches grinçantes, je fis face aū soigneux.

Le sujet de ma quête me dévisagea sans détour. Mon bandeau s’avérait vain une fois de plus ; lo lacian, suspicieux comme toustes ses semblables face à um presquilian, semblait voir les scarifications sur mon front. Aub portait un foulard autour des voies respiratoires ; humiliant rappel que je ne disposais d’aucun linge supplémentaire pour faire de même. L’adrénaline retombait lentement. Sa place laissée vacante s’emplit des fragrances des plantes suspendues en fagots aux poutres. Des effluves piquants et doux se mélangeaient différemment selon les déplacements d’air.

– C’est pour ?

– J’ai besoin de soins…

L’air boueux avait usé ma gorge ; ma voix sonna rauque. Lo guérisseux émit cet insupportable crissement que j’avais appris à identifier comme la suprême marque de mépris des continenteux.

– C’est pour ? répéta-ser, les ailes de son nez agitées par l’impatience.

Mon corps, vidé par la terrible énergie de l’opération de cette nuit, me pesait soudain tant que, selon toute logique, le plancher aurait dû s’effondrer. Je me révélais vulnérable à toutes les attaques. Plus la moindre pensée pour offrir une parade, même branlante. La pression des larmes aggrava mon désarroi. Je projetai mon énergie restante dans ma main, remontai ma tunique. L’individu observa, crissa, reprit sa tâche de tri des feuilles disposées sur un linge à ses pieds.

– Ça se refermera tout seul. Nettoie et couvre avec un tissu propre.

Un tissu propre ? Où étais-je supposæ trouver une telle richesse ? En déchirant l’une de mes manches ? Le liquide sur mon ventre se solidifiait en refroidissant ; la croûte vibrait étrangement à chacune de mes respirations. Mon souffle se logea haut dans ma cage thoracique.

– Ne me fais pas perdre mon temps ! glapit lo lacian alors que j’avais à peine ouvert la bouche.

Je commençai à trembler, vaincū. Je me recroquevillai autour du premier échelon, j’entamai ma descente.

– Toujours à exagérer, ces presquils… Incapables de se tenir droit à la moindre égratignure !

Un sanglot couina dans ma poitrine. Lo guérisseux m’avait-ser entendū ? Allait-ser me jeter des orties séchées à la figure pour avoir osé proférer un son ? Je courus presque entre les corps. Le pourpre les terrassait, je n’avais aucune envie de les rejoindre. Je retins mon souffle jusqu’au seuil – l’air, enfin !

Je reculai précipitamment.

J’avais oublié le monstre ! Tapi à l’entrée, il ne semblait pas avoir remué. Ses griffes luisaient mortellement dans des sillons boueux. Une nouvelle séquence de sanglots me coupa le souffle, déclenchant un hoquet pitoyable. Mes paumes plaquées contre ma bouche amortirent difficilement le son. J’étais coincæ entre cellui qui avait refusé de me soigner et la pire créature qui n’ait jamais existé. Je ne pouvais décemment pas rester plantæ ici / les miasmes me contamineraient / je rejoindrais les malades dans un de ces lits / si encore on daignait m’en accorder un ! / je devrais m’allonger dans la poussière /  supplier pour un gobelet d’eau / la voix de l’individu croassait contre mes tympans : « Ça reçoit une pichenette et ça se lamente pendant trois jours. Ces presquils… ! Quel gâchis de mes herbes ! » / je mourrais là / sans que quiconque s’en préoccupe / mon cadavre serait dévoré par le monstre / personne n’enverrait de message à mes proches… comment ce message pourrait-il les trouver, d’ailleurs ?

Le refoulement échoua ; les larmes brûlèrent ma cornée, collèrent mes cils. Je devais me concentrer. Je devais survivre si je voulais revoir ne serait-ce que l’um des personnes que j’appréciais. Je devais quitter ces lieux avant que le pourpre n’infiltre mes pores / de toute manière, si la gangrène devait m’achever, autant que l’atrocité, dehors, me dévore / ce serait plus rapide / je me faufilai hors de l’abri, profitant que ma vue fût brouillée pour négliger les reflets sur les serres. Je contournai l’abomination de manière à ne jamais lui tourner le dos. Je me focalisai sur ses mouvements, je tâchai de négliger l’épouvante qu’elle fouaillait dans mon corps. Les parois de part et d’autre des pics dorsaux se gonflaient légèrement, signe d’une respiration calme. Je ne m’y laissai pas prendre. Ces monstres faisaient preuve d’une effroyable rapidité. L’assoupissement de celui-ci n’était en aucun cas une garantie. Avec sa patte postérieure sanglée dans un appareil de bois, ses éperons vertébraux hirsutes inégalement ratiboisés sur la nuque suite à je ne savais quel incident, l’immonde blessure à peine cicatrisée qui avait fait sauter plusieurs écailles au niveau de l’articulation d’un membre antérieur, il promettait un caractère susceptible et grincheux. Rien de bon ne pouvait en sortir. Je comprenais les Montagnardeux qui leur ôtaient la vie.

Enfin ! Je fus suffisamment loin pour progresser plus tranquillement. Certes, l’abjection pouvait toujours me rattraper / certes, une seconde atrocité pouvait débouler à tout instant / certes, les personnes que je croisais pouvaient décharger leur frustration sur moi / certes, lo guérisseux ne remplirait pas son rôle si un être me blessait davantage que je ne l’étais déjà / certes, le pourpre s’infiltrait partout et peuplait peut-être déjà mon organisme / le fil anxieux s’interrompit momentanément. J’avais rejoint la section de campement allouée à ma division. Les piquets soutenaient encore la toile ! Le cuir de palmiais s’étendait toujours au sol ! Les baluchons se serraient dessus, disposés tels que nous les avions laissés ! Personne n’avait rien saccagé !

À croupetons, je rejoignis mon sac. Le cuir de palmiais s’effilochait, sa rugosité transperçait mon pantalon. Le sol de fortune se trouait ici et là. Les duvets formaient des arabesques pour éviter la boue qui en tirait profit. Je tirai ma seconde et dernière tunique hors de mon paquetage. La voix des gradæs m’éraillait déjà : « Ton vêtement n’a pas la longueur réglementaire ! Tu veux attraper le pourpre et le refiler à tout le régiment ? Sacremauve, ces presquils ne comprennent rien à rien ! » Sers n’auraient cure de connaître le pourquoi du comment. Si une semi-plainte s’échappait de mes lèvres, sers se rendraient certainement auprès de lo guérisseux, non pour lo sermonner, au contraire afin de partager leur macérât de fruits, à la bonne santé de leurs proches tant qu’elle se faisait au prix de celle des exilæs.

À l’océan la longueur réglementaire ! Actuellement, les risques d’infection croissaient davantage que celui du pourpre. Je mutilai ma tunique, prélevai une feuille de menthe. J’ignorai si elle contenait une propriété utile à ma blessure. C’était une plante d’ici, qu’on m’avait conseillée pour un nombre considérable de soucis. Je pouvais au moins compter sur la foi que je plaçais en sa présence. C’était mieux que ne rien faire en contemplant les écoulements de la plaie. Je rangeai mes effets, je quittai l’ombre de la tente de fortune.

Une allée apparaissait dans l’écrasement des herbes. Elle sinuait entre les abris les plus précaires jusqu’à la plateforme dédiée aux secteurs des autres enrôlæs. Des branches assemblées comme des planches avaient été montées sur des pilotis. Dessus se dressaient des enchevêtrements de piquets et de linges à peine plus glorieux que ce qui avait proliféré au sol. Leur indéniable avantage logeait dans leur élévation. Elle les préservait du limon marécageux qui émergeait du sol à chaque pas et qui éclaboussait tout. Les gradæs et les soldateux les plus rapides ou chanceux avaient réquisitionné la planchade, laissant aux autres le soin de s’accommoder du reste. À chaque œillade, ce hameau dévoilait qu’il s’était bâti en une demi-journée et qu’il n’avait pas l’ambition de se pérenniser. Je ne l’appréciais que pour une chose : il se trouvait sur la terre ferme – quoique gadouilleuse –, et non sur une de ces villes de bois au beau milieu d’un lac. Seule la structure où lo soigneux avait élu domicile existait préalablement avant notre venue ; elle avait servi de hutte à bateaux et au matériel de réparation pour les voyageux avant la guerre. Le campement qui nous servait de base depuis une demi-lunaison s’était agencé autour, au plus grand déplaisir des lacians à qui le clapotis de l’eau contre les pilotis manquait.

Un bassin avait été creusé aux abords de la plateforme. L’eau s’y était accumulée. Son teint trouble écœurait. Il fallait la puiser avec un seau et la verser au-dessus d’un tamis extrêmement fin. Je plaçai ma timbale en dessous. L’eau qui n’y chutait pas retournait imbiber la boue. Il y avait peu de passage, même autour du point d’abreuvement. Les militaires dormaient, préparaient leurs affaires ou bataillaient ailleurs. L’air étouffait sous les vapeurs de l’encens. Les bâtons odorants se plantaient à intervalles réguliers autour de la plateforme, afin d’épargner les gradæs des moustiques. Les ouestians devaient pouvoir nous sentir à dix troncs de là. Lo capitaine estimait sans doute que notre garnison était trop nombreuse pour que cela fusse inquiétant / pour les lacians / car si les ouestians attaquaient qui serait en première ligne / les exilæs / je serai éviscéræ dans mon sommeil / piétinæ par d’autres exilæs paniquæs / les lacians ne lèveraient pas une flèche pour nous aider / alors que nous les aidions / précautionneusement, je soulevai ma tunique.

Entre la terre et le sang, mon ventre n’avait plus rien de charnel. Je nettoyais autant que possible et, sans regarder de trop près cette blessure sur laquelle je ne disposais d’aucun savoir qui aurait pu s’avérer utile, j’humidifiai ma feuille de menthe, la posai sur la chair à vif et me ceignis du lambeau de tissu. En retombant, mon vêtement masquait à peine l’humidité qui tachait mes jambes. Les teintes brunes et grisâtres d’hémoglobine et de poussière s’y mêlaient indistinctement ; je ne donnais qu’une impression repoussante. Je jugeai qu’elle serait toujours meilleure que celle produite par ma tunique dûment raccourcie ou que des habits trempés et allai remplir de nouveau mon godet au bassin, cette fois pour du courage liquide.

J’ajustai mon bandeau sur mon front, je tapai mes godasses. J’en décrochai une petite plaque de limon pour ma peine, puis je montai les trois marches menant à l’estrade de pilotis. Le sol mal fagoté roulait irrégulièrement sous mes pieds. Les abris étourdis par l’usage s’affaissaient parfois sur ma route. Um soldateux qui sortait de son antre me jeta un œil suspicieux et fronça le nez en montrant des incisives. Je pressai le pas. Je sentis sa présence jusqu’à la fin de mon parcours, persuadæ que ser me jetterait hors du secteur / me bastonnerait en guise de péage.

Je rejoignis le centre du campement. J’eus été incapable de repérer la retraite de lo capitaine dans l’amas de tissu et de bâtons noués, si bien que je fus soulagæ de lo remarquer auprès du feu. Ce dernier nichait dans une structure de pierre et de terre cuite qui m’évoquait les fours à pain de ma Presqu’île. Je repoussai d’une respiration la nostalgie. Ici, les gens faisaient rôtir des boules de riz, lesquelles en tant que rations militaires manquaient de toutes les saveurs dont la cuisine traditionnelle devait les doter. Le fumet fade n’en demeurait pas moins alléchant après une nuit à ramper et batailler sans relâche.

Je me retins de resserrer mon bandeau. Les regards des quelques individus rassemblæs autour de l’âtre se tournaient progressivement vers moi ; nez et sourcils se fronçaient en rythme. Certaims cachèrent leur nez derrière leur manche, leur col ou leur écharpe. Des crissements piquèrent mes tympans. C’était pour la bonne cause que j’étais là / il fallait le faire / ça valait la peine de sentir ces enclumes sur mon dos / devais-je carrer les épaules pour montrer ma bravoure / me ratatiner afin d’atténuer ma présence envahissante / j’essayai de me river sur lo capitaine. Ses épaulettes et ses boutons brillaient dans la fine brume matinale. Ser me fixait / sa timbale fumante à la main / patientant face au spectacle que j’allais donner / que je donnais déjà.

– Capitaine, saluai-je en affermissant ma voix sur un ton neutre et ferme, à l’accent aussi lissé que je pouvais. Je veux me rendre sur le front est. Puis-je rejoindre un escadron ayant cette mission ?

Les premiers esclaffements éclatèrent avant même la fin de ma tirade. Tout devait paraître amusant. La vanité de mes efforts d’articulation, l’inadéquat de mon vocabulaire, ma demande elle-même… Non pas qu’il fût un privilège de se rendre à l’extrémité est de la ligne de guerre, au contraire. C’était le front le plus exposé aux Montagneux et leurs abominations volantes. Mais il semblait être rafraîchissant de voir um immigræ avoir des envies – mieux encore : qui pensait – qui espérait qu’on les lui accorderait.

– Tu es ?

– Inci, division 1-3-1.

– Très bien, Inci, division 1-3-1, répondit-ser d’un ton qui fit hurler de rire les autres soldateux, je vais en référer et voir ce que je peux faire. Ne rate pas les prochains appels.

– Ce serait trop dommage ! grinça san voisim en s’étouffant à demi sur sa boule de riz dont les grains lui ressortaient par les narines.

L’idée que je rate précisément l’appel au cours duquel on m’apprendrait ma mutation, ou justement son absence, était visiblement hilarante. Je pris congé, pressæ de quitter cette scène. Je fus presque contens de retrouver la boue de mon secteur. J’écopai une marmite de gruau tournée sempiternellement par um préposæ à demi assoupi sur sa cuiller. Personne n’estimait nécessaire d’accommoder cette plâtrée en boules pour les exilæs ; le riz n’étant pas un aliment habituel sur la Presqu’île, nous ne devions pas être jugæs capables d’en goûter les subtilités. Nous devrions déjà être reconnaissanx d’être nourrīs quotidiennement.

La mixture se révéla aussi dense et grumeleuse que d’ordinaire. Elle était suffisamment fluide pour être bue sans l’aide d’ustensile supplémentaire. J’avais fini de mâcher en arrivant à mon couchage. Je n’avais rien pour rincer mon récipient, les résidus de gruau allaient y adhérer en séchant. Je les récupérai du doigt / combien de maladies résidaient là ? / après avoir plongé les mains dans le limon / le sang / le passage à l’infirmerie / qui parmi nous était déjà malade mais l’ignorait / en léchant ma peau j’absorberais tout ce que je n’avais pas déjà inspiré / j’allais mourir / je ne saurais même pas de quoi / je trouvais une poignée d’herbes peu boueuses. Je l’arrachai, je la frottai entre mes phalanges en l’approchant de mes lèvres, conformément à la tradition.

– Qu’ainsi s’achève mon chemin, rejoignant ma mémoire à chaque pas qui me porte vers l’avenir, murmurai-je en jetant les fragments végétaux par-dessus mon épaule.

Des personnes s’étaient enroulées dans leur duvet tandis que d’autres avaient quitté le leur ; les exigences des batailles rythmaient aléatoirement les présences sous la tente que je partageais avec tant d’inconnūs. Je me préparai à dormir malgré la lumière de plus en plus prégnante. La moiteur remontait déjà du sol, alourdissant l’air. Les duvets représentaient de bien fins remparts contre les moustiques.

Je n’avais pas osé regarder ma blessure / elle purulait certainement / le pourpre allait-il profiter de mon organisme affaibli pour me contaminer / allais-je mourir dans mon sommeil ?

J’expirai autant que possible. Je ne voulais pas fondre en incontrôlables gémissements larmoyants. J’irai sur le front à l’Est. De quel autre choix disposais-je ? Que le pourpre, la gangrène, une épée ou une atrocité me poursuive et m’achève, j’irai.

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Il-Lazuera
Posté le 15/02/2023
Salut Tac !
Avant toute chose, sache que je suis nouveau sur la plateforme et que tu es ma première lecture sur Plume d'Argent; d'ailleurs je m'excuse si je ne maîtrise pas entièrement les codes...

J'ai beaucoup apprécié ce texte, et quand je dis "beaucoup", je sous-entends que j'ai été surpris d'y retrouver le niveau d'écriture et de style d'un auteur publié. Ta plume fait très pro, tout est très abouti et je ne pense pas me tromper en imaginant que tu as au minimum plusieurs années d'écriture derrière toi.

Le dosage des informations est, à mon sens, bien maîtrisé : on en a pas trop d'un coup, on comprend qu'il y a quelque chose de vaste et d'assez étoffé derrière qui viendra au fur et à mesure. C'est, à mon sens, une qualité essentielle en fantasy où on est vite tenté de montrer au lecteur tout ce qu'on a prévu, y compris les détails les plus insignifants... C'est rafraîchissant de voir que tu n'es pas tombé dans ce piège :)

J'aimerais m'attarder sur le choix des pronoms. Tout récemment, j'ai lu La Horde du Contrevent, où l'auteur a un univers, un style bien à lui; où il se joue des codes de l'écriture en incorporant des éléments de mise en page inhabituels (si tu ne l'as pas lu je t'invite à en lire ne serait-ce qu'un extrait pour le voir, car c'est assez complexe à décrire). D'emblée, on est projeté dans son délire, et on n'a d'autre choix que de l'accepter si on veut poursuivre la lecture. J'ai eu un peu de mal, mais je l'ai fait (et le roman est un beau bébé de 700 pages je crois). A mon sens, si c'est bien fait et que ça n'impacte pas le confort de lecture, je pense que tout est possible, et que ça donne même un vrai caractère à la lecture. En ce qui concerne ton texte, je dirais que j'ai eu du mal avec ce concept néanmoins. Là où dans La Horde c'était quelques bizarreries par-ci par-là, ici c'est beaucoup plus fréquent, et en lisant, j'ai essayé de m'imaginer en train de lire un livre entier de plusieurs centaines de pages avec ces pronoms. J'ai pu le faire pour ce chapitre, mais peut-être qu'au bout de quelques chapitres, ça me lasserait... Je ne sais pas : ça reste à voir.

J'espère que cette remarque ne te semblera pas trop mauvaise. Pour contrebalancer, j'insiste sur le fait que j'ai beaucoup apprécié cette lecture et que, sans hésitation, je suivrai la suite de tes publications ! Je vois que tu as d'autres histoires à ton actif : il ne me reste plus qu'à découvrir ton univers ! :)

A bientôt !
Il-Lazuera, le vieux sorcier.
Tac
Posté le 21/02/2023
Salut Lazuera !
Bienvenu sur PA :)
Je ne sais pas si mon texte est le plus facile pour démarrer haha ! Merci néanmoins d'avoir pris le temps de le lire et de commenter. Ton retour me fait plaisir ; je connais bien sûr la Horde du Contrevent, qui n'est cependant pas du tout une source d'inspiration directe. Je pense qu'elle, ainsi que Les Furtifs du même auteur qui pour moi sont du niveau au dessus de la Horde, m'inspirent dans le sens où ces textes sont des exemples qu'on peut s'amuser avec la langue française, pour autant je n'ai pas du tout eu ces oeuvres à l'esprit en réfléchissant à mon histoire ni en l'écrivant. Cela étant si tu crains d'être lassé au bout de quelques chapitres par mes choix d'écriture, je ne te conseille pas les Furtifs^^
Clairement mon objectif est de perturber les habitudes de lecture ; pour moi c'est normal que cela te mène à te poser la question de la durabilité. A toi de voir ! Personnellement je suis convaincü que la langue est plastique et repose uniquement sur des habitudes, et j'aime déconstruire mes habitudes. A toi de voir si c'est ton délire aussi.
Merci encore pour tes retours et a bientôt !
Aramis
Posté le 14/02/2023
Coucouuuuu Tac !! Je suis trop contente, je n'avais pas encore pris le temps de revenir sur The Lovers mais du coup j'en ai profité pour lire cette entrée en matière étant donné que ton projet me bottais de fouuu, et que comme ça je découvre enfin for true ton écriture ET JE NE SUIS PAS DECUE C'EST TROP BIEN !!
L'ambiance est hyyyyper chouette. Je comprends beaucoup mieux pourquoi tu me disais être fan d'info dropping hahahaha on sent effectivement que tu as travailles comme ça, et ça marche bien ; cette entrée en matière met franchement l'eau à la bouche, c'est prometteur d'un univers très foisonnant, très spécifique, et beaucoup de choses sont déjà assez particulières pour me laisser dire que c'est original. J'aime aussi beaucoup ton rythme d'écriture, c'est un peu exigeant en terme de lecture mais c'est pleins de choses nouvelles et surprenantes, j'ai très envie de voir comment ça va évoluer, si d'autres points de vues sont prévus si ça va changer en fonction, etc... Bref vraiment c'est pleins de belles qualités et pour moi c'est un win qui me donne envie de poursuivre à 100% !

Pour les petits bémols, mais bien entend subjectifs et comme c'est le tout début c'est of course à remettre en perspective une fois que j'aurais plus de texte hehe
- je sais que tu en as conscience du coup je le redis juste au cas où mais effectivement, il y a beauuuuuucoup beaucoup d'infos dans ce premier chapitre. Perso, je suis assez bonne pâte quand il s'agit d'accepter que j'ai pas tous les éléments, et que je vais comprendre au fur et à mesure, donc c'est pas forcément un problème dans l'absolu mais clairement, il y a quelques trucs que j'ai confondu ou que je vais carrément oublier avoir lu dans ce passage. Je sais pas si c'est grave, mais je préfère le notifier : peut-être que certains aspects de l'univers peuvent pour l'instant se passer d'être évoqués, si ce n'est pas hyper nécessaire à la situation directe, et venir plus tard, pour ne pas avoir autant d'informations sans réponse tout de suite ?
- J'aime beaucoup la présence de la créature, c'est étrange et surprenant, par contre les deux fois ça m'a laissé un goût de faux danger : tu prends beaucoup de temps pour la décrire, expliquer qu'elle est super dangereuse, mais les deux fois les transitions du passage se font en fait très rapidement et sans réel suspens, du coup j'ai eu du mal à sentir vraiment l'omniprésence de ce danger qui ronflote. Aussi, je ne suis pas sur d'hyper bien visualiser comment elle est placée, je l'ai imaginée enroulée autours de l'espèce de heu cabane (?) où les gens se font soigner, mais peut-être que je me trompe ?
- Idem, j'aime assez cette technique que tu as trouvé, systématique, des scénarios du personnage principal, qui parle avec des "/" dès qu'il se lance dans des hypothèses anxiogènes. Mais peut-être que c'est utilisé un peu trop, je ne sais pas pourquoi j'ai le sentiment que si c'était très spécifiques à certains endroits, ça aurait plus d'impacte. Cela dit, j'ai aussi l'impression que c'est un trait de caractère que tu essais de mettre en avant du coup beh... C'est peut-être super stupide comme remarque hahaha
- J'ai eu du mal à comprendre la gravité de la blessure : ça a l'air assez grave, le personnage désespéré, mais je crois que la tension ou la résignation pourrait être plus marqué jusqu'à la fin, l'handicap de la blessure plus présent. Je ne sais pas si je suis claire, mais j'ai eu la sensation que ça prétextait une scène et qu'une fois la scène passée, on oubliait un peu que c'était quelque chose de central dans les préoccupations du personnage au début du texte, parce qu'il change de but, ne s'en préoccupe plus totalement jusqu'à la dernière phrase.

Et par rapport aux pronoms, je trouve que ça marche super bien : comme tu n'en as introduit que deux on ne se perd pas et on comprend rapidement comment ça marche grâce au passage de aub à ser avec lo guérisseux.
C'était vraiment une lecture super riche à pleins de niveaux, et j'ai très très envie de voir la suite de cette histoire !
Désolée d'avance si dans mon message j'ai fais des erreurs d'accords ou de pronoms, je suis retournée en chercher quelques uns dans le texte mais je suis pas sure de tout !

En tout cas bravo pour ce premier chapitre, et au tacket pour lire la suite ! Les bisous !
Tac
Posté le 21/02/2023
Holaaaaaa !
Merci de venir perdre tes yeux sur Pourpre ! Tu es quand même une personne étrange : lire une nouvelle c'est moins d'investissement que de commencer à suivre une histoire de plusieurs chapitres :D Mais d'un autre côté, en dépit du fait que ce premier chapitre soit costaud, je le trouve quand même plus accessible que The Lovers, donc pitêtre que tu as bien fait.
Je suis trooop content que ça te plaise ; j'espère que la suite fera honneur à tes attentes !
Concernant tes remaruqes plus spécifiques :
- Aaaargh y a trop d'infos ? Une amie a lu la première version et disait que c'était incompréhensible, alors j'ai essayé d'améliorer, mais manifestement j'ai trop alourdi la tartine T_T Qu'est-ce qui t'a paru en trop / dispensable pour le moment ?
- La bestiole est effectivement juste à côté de la bâtisse, pas forcément enroulée autour en mode "mon précieux" cela dit. J'avais pas envisagé l'impression de "faux danger"... hummm je te propose de te laisser lire la suite et tu me diras si ça passe en une fois qu'on connait mieux le personnage, la culture étout.
- je me suis posé la question de si j'en faisait pas trop avec les slashs. Mais j'avais peur de pas assez l'accentuer et que du coup ça sonne plus maladroit que véritablement intentionnel. J'ai du mal à gérer aussi cet aspect anxieux, dans le sens où ça ancre mon perso dans le présent instantané et ça rend plus difficile les petites ellipses pour faire avancer l'action. Je veux bien que tu continues à me signaler tes ressentis dessus pour que je puisse affiner tout ça ! (ouais je te donne plein de missions, déso :P ) (enfin c'est tributaire de si tu auras envie de lire la suite bien sûr !)
- Effectivement, j'ai un peu négligé la blessure... merci de ctte remarque peertinente ! Cela étant j'espère qu'on comprend que le personnage n'est pas à l'article de la mort.
Merci merci merci pour ta lecture et tes remarques qui viennent ajouter du bois à mes réflexions !
Plein de bisous !
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