La tempête s'était enracinée depuis plusieurs jours au-dessus des Falaises des Murmures et de ses environs. Le vent chahutait les herbes et la pluie battait sans remords les chemins de terre. Une silhouette gracile cheminait sur un des sentiers martyrisés. Ses pieds nus s'enfonçaient dans la boue jusqu'aux chevilles. Insensible aux bourrasques et au déluge d'eau, elle avançait lentement, déterminée. L'inconnue portait une longue robe noire comme les plumes d'un corbeau et ses cheveux long et bouclés, livrés aux intempéries, semblaient vivants.
Parvenue au bord de la terre, elle contempla le début de l'autre monde. L'océan levait ses vagues de colère.
Elle tendit ses bras en croix et se laissa choir dans le vide.
Un instant la femme sembla planer, sa robe s'était éployée dans les airs telles des ailes de soie. L'illusion était parfaite jusqu'à ce qu'elle percute la surface de la mer déchaînée. L'eau l'avala et la seule trace de sa présence fut un peu plus d'écume dans l'écume.
Au large des côtes tourmentées, sur le bastingage de son navire, agrippé à un bout, Neyol Crilone n'avait pu détacher son regard de la silhouette frêle plongeant vers la mort. Le marin avait entendu nombre de légendes sur les tempêtes sans fin qui rendait les gens mélancoliques et tristes au point de ne plus désirer vivre. Les vagues en furie empêchaient toute tentative de sauvetage. Le capitaine, les yeux rivés sur l'eau, espérait pourtant la voir remonter à la surface.
A ses côtés, un mousse vomissait son dernier repas.
Neyol lui posa une main sur le dos.
— Courage Leoff. Moi aussi j'ai gerbé à ma première tempête! Et à la deuxième aussi!
Neyol sourit pour rassurer le mousse mais il n'en avait pas vraiment envie. Il en avait vu des tragédies mais sans savoir pourquoi, la mort de cette de femme l'avait touchée plus qu'il ne l'aurait voulu.
Il tapa sur l'épaule du jeune homme.
— Tant que tu gerbes, c'est que tu n'es pas mort!
Une vague plus massive que les autres balaya le pont. Neyol retint Leoff de justesse avant qu'il ne bascule dans la mer déchaînée.
— Rentre dans la cabine petit! Je crois que l'océan en a marre que tu lui gerbes dessus.
Neyol resta dehors et tant bien que mal, comme un mauvais danseur, tituba vers la proue de son navire. Une nouvelle vague se fracassa sur l'embarcation. Le capitaine se rattrapa in extremis au bastingage. L'eau se retira et Crilone vit une forme allongée à l'avant. Un de ses hommes était probablement en difficulté. Il se précipita vers lui mais marqua un temps d'arrêt.
La silhouette, étendue sur les lattes de bois, portait une robe noire.
Bienveillante aussi soudainement qu'elle devenait impitoyable, la mer était ainsi, imprévisible.
Neyol Crilone s'agenouilla et toucha le front de son nouveau membre d'équipage sans se douter que sa vie ne serait plus jamais la même...
J'aime beaucoup ta façon d'écrire.
Petites remarques : Tu as utilisé le verbe "gerber" plusieurs fois, tu pourrais le remplacer par : dégobiller, vomir, dégueuler, régurgiter...
A ta guise :)
Autrement, on a quelques répliques hautes en couleurs. Puis les paysages tourmentés, ça me parle =D
Quant au récit et surtout à la chute du chapitre, ils donnent une furieuse envie de tourner la page (ou d'appuyer sur "suivant"), ce qui est une très grosse qualité pour un premier chapitre !
Je me jette de ce pas sur la suite.
Chouette premier chapitre, très joliment écrit. On sent la fascination du capitaine Neol pour la mer et cette curieuse scène morbide. Je crois en effet me souvenir l'avoir déjà aperçu dans l'Allegro et je garde un bon souvenir de son apparition. Chouette de le voir plus développé ici.
Ce premier chapitre apporte beaucoup de questionnements : qui est cette silhouette ? pourquoi cette chute ? est-ce bien elle sur le pont du navire ? qu'est-ce que son arrivée va amener dans la vie de Neol ?
Mes remarques :
"Un instant la femme sembla planer, sa robe s'était éployée dans les airs telles des ailes de soie." très beau !
"l'avait touchée plus qu'il ne l'aurait voulu." touché sans e (le l' réfère au capitaine)
Je continue !
Merci! Oui Neyol est le père d'Iria. Il apparait dans un chapitre avec son bateau "Le Pourfendeur"!
Merci pour ta lecture et tes remarques!
C'est original mais je n'en attendais pas moins du seigneur des ténèbres!
Merci!
J'ai bien aimé ce chapitre, ton écriture est je trouve très imagées et, c'est mon sentiment, cela la rend vivante.
J'ai peut être tort mais j'y vois deux partie: la première, dramatique, avec la femme et la tempête sur les terres, qui me fait penser aux romans britanniques qui décrivent les Cornouailles et la seconde partie avec les marins sur le bateau, plus classique, légère.
"— Tant que tu gerbes, c'est que tu n'es pas mort!" A imprimer sur un T-shirt je crois! lol
Bref, bon début à mon sens
Merci beaucoup!
Bien vu, en effet je mélange les deux, un côté dramatique et un côté plus léger avec du cynisme et de l'humour noir surtout avec Shardo Dalfer.
C'est parti pour les T-Shirt! ;-)
Merci!
Le premier paragraphe manque cependant de naturel. On voit que les mots ont été longuement cherchés, mais au final, ils paraissent en décalage pour certains d'entre eux.
"La tempête s'était enracinée" pourquoi pas, mais l'enracinement évoque l'arbre figé dans la terre, moins le mouvement de l'eau et su vent
La silhouette "arpentait" = la silhouette marchait à grands pas : l'expression est un peu en contradiction avec le fait que la femme s'avance "lentement" vers le précipice
Enfin, l'expression déluge d'eau me semble un peu redondante, pourquoi ne pas seulement écrire "déluge" sachant qu'un déluge est par définition liée à l'eau
Sinon le reste du chapitre va comme sur des roulettes! Hâte de lire la suite!
Merci pour ta lecture et ton commentaire.
Effectivement tu as complètement raison pour arpenter et déluge! Je modifierai tout ça! Merci.
Par contre j'aime bien ma tempête enracinée! ;-)
A bientôt!