La tempête rugissait et dévoilait ses puissantes machoires d'écume. Les deux bateaux, agrippés l'un à l'autre, dansaient au gré de la houle. Les pirates sautaient sur leurs victimes avec une rage sanguinaire, hurlant comme des démons.Les éclairs jaillissaient du ciel comme des lances scintillantes, révélant brièvement le sang qui coulaient sur le pont avant qu'une déferlante ne s'en délecte.
La mer rougissait de la douleur des hommes.
De simples marchands contre des gredins rompus aux échauffourées sanglantes, la lutte était inégale mais inévitable. Les prédateurs dévoraient toujours leurs proies.Incapables de se défendre, les marins, un à un tombaient sous les coups sauvages des pirates.Seul un membre d'équipage était encore debout. A lui seul il tenait tête à une dizaine de pirates. Fereal Jenly était un jeune capitaine féru de combats et épéiste aguerri. Ce matin, sa femme l'avait supplié de ne pas partir. Elle avait un mauvais pressentiment. Le jeune homme l'avait pris dans ses bras pour la rassurer. Il s'était agenouillé et avait déposé un baiser délicat sur le ventre arrondi de son épouse.
— Reviens nous vite Fery, avait-elle dit en embrassant les cheveux broussailleux de son mari.
Et il était parti.
Et il était là, au milieu des vagues, sur le pont de son bateau, à défendre sa vie.
Et il frappait avec fougue et précision. Les coups d'estocs de Jenly tranchaient dans la peau tannée de ses adversaires. Alors qu'il allait embrocher un pirate imprudent. Toutes les femmes et hommes reculèrent. Fereal les toisa, brandissant sa rapière vers ses adversaires.
— Alors immondes raclures, on recule!
La foule des flibustiers s'ouvrit en deux et apparut un homme massif, le capitaine du Drark. Sa barbe noire tressée avec des bouts de cordage noirâtre dégoulinait d'eau de mer, de pluie et probablement de rhum. Ses cheveux longs et hirsutes tombaient sur son visage griffé de balafres mais le plus effrayant était son regard ambre et intense comme un soleil couchant. On le surnommait le pirate fou. Il sourit révélant quelques une de ses dents jaunis par les cigares et les années.
— Enfin un peu de résistance, grogna t-il.
Shardo Dalfer s'avançait lentement sur le pont, sans trébucher malgré la houle furieuse. Il ressemblait à un animal. Fereal Jenly voulut surprendre le capitaine et se rua vers lui, épée en avant. Shardo dévia l'arme de son adversaire avec une rapidité surprenante pour un homme de sa stature. Fereal revint à la charge en visant la tête du pirate. Ce dernier se baissa in extremis. Le jeune capitaine enchaîna tous les coups qu'il connaissait mais le vieux boucanier semblait lire dans ses pensées et chaque assaut était parée avec facilité. Jenly haleta. La fatigue alourdissait ses épaules. Avec ses dernières forces il feinta une attaque sur le flanc droit de son adversaire et dégaina un poignard de son autre main, il tenta de viser le cœur. Cette fois Shardo bloqua violemment les bras du jeune homme dont les deux armes chutèrent. Fereal fixa les yeux de celui qui tenait sa vie dans la pomme de sa main. Dalfer lui enfonça aussi sec sa lame sous le menton jusqu'à la garde. Elle traversa la tête de Jenly, la lame de l'épée sortit par le haut du crâne dans une gerbe de sang, vite emportée par les bourrasques. Le corps du jeune capitaine, trembla quelques secondes.
Ses dernières pensées furent pour sa femme et son enfant qu'il ne connaîtrait jamais.
Tu avais raison ma douce Egelle.
La vie disparut du regard du jeune capitaine et Fereal Jenly mourut au milieu de l'océan. Shardo cracha sur le pont.
— Décevant, fiston.
Brusquement l'océan se mit soudain à bouillonner et les deux bateaux s'enfoncèrent dans un maelstrom gigantesque. Les pirates se regardèrent. D'immenses tentacules munis de griffes acérés jaillirent de l'eau et balayèrent les ponts des navires. Des vivants et des morts furent agrippés et entraînés sous les eaux bouillonnantes. Le festin avait commencé.
— Un cograth! Fuyez! Hurla le pirate fou.
L'équipage, resté sur le Drark, commencèrent à couper les filins qui les liaient à leur partenaire d'une seule danse.Toutes et tous se ruèrent vers leur bateau mais peu y parvinrent. Les deux voiliers s'éloignaient et beaucoup tombèrent dans les flots turbulents. Le capitaine Dalfer prit appui sur le bastingage du navire marchand et sauta vers son bateau. Il se rattrapa in extremis sur la rambarde glissante, deux de ses hommes le hissèrent sur le pont. Le Drark resta un moment prit dans le tourbillon. La mort leur tendait ses bras tentaculaires mais ils ne mourraient pas aujourd'hui. Le sort en décida autrement. Le navire fut repoussé par un des bras visqueux du cograth. Ce qui les propulsa hors du cercle de mort. Shardo se rua vers le cordage qui menait à la vigie. Parvenu sur la plateforme, il contempla la fin du bateau marchand. La moitié de son équipage était mort, aucun butin n'était venu remplir les soutes mais le capitaine jubilait. Il n'était heureux que dans le chaos.
Un cograth!
Un animal mythique. En quarante ans de navigation, jamais il n'en avait vu. Les eaux se refermèrent et il ne resta rien. La mer, indifférente, effaçait tout. Les vagues grondaient et le tonnerre roulait encore dans les airs comme des tambours frappés par des Dieux, pourtant le calme était revenu. La pluie ne martelait plus les pirates, le vent s'était endormi. Soudain le ciel se fendit, le soleil apparut.Shardo s'assit sur le plancher étroit de la vigie. La chaleur sécha rapidement son visage. Il pensa au jeune capitaine. Son regard, empreint d'innocence, l'avait touché. Il eut un rire forcé, pour tenter de maîtriser ses émotions honteuses pour un homme tel que lui. Le pirate sentit alors deux petits ruisselets dévaler ses joues. Ce n'était pas la pluie, elle avait cessé.
Des larmes.
Je me fais vieux. Incontinence des yeux.
Il passa ses mains calleuses sur ses paupières. Sa vue fut troublé un instant. Il crut voir une forme planer au dessus du Drark. Quand sa vision redevint normale. Le soleil avait disparu. Une bruine lui recouvrait le visage, effaçant les traces de larmes. Les bourrasques tourbillonnèrent à nouveau et l'océan leva ses armées de vagues. Dalfer descendit de son promontoire. Quand il posa les pieds sur le pont, il vit son équipage regarder, avec inquiétude, dans la même direction. Le capitaine fit de même. Une forme était étendue sur le plancher de bois. Il s'approcha lentement, la main sur la garde de son sabre. Il découvrit une femme, le visage dissimulée sous ses longs cheveux sombres et entremêlés. Elle portait une longue robe noire. Étendus en croix, ses bras, agriffés à son vêtement, semblaient être des ailes de soie. Shardo leva les yeux vers le ciel et les abaissa vers les vagues tumultueuses.
D'où venait-elle?
Il s'agenouilla près d'elle et d'une délicatesse que personne n'aurait soupçonné, le vieux pirate dispersa les cheveux qui occultait le visage de sa nouvelle passagère. Les embruns glissèrent sur la pâle peau de la mystérieuse femme.
Shardo écarquilla les yeux et sut à cet instant que sa vie ne serait plus comme avant.
Je ne comprends pas, elle est sur combien de bateaux cette femme à la robe noire au juste ?
Se démultiplie-t-elle ?
C'est étrange mais cela suscite mon intérêt. J'aime bien l'idée du monstre marin, cela donne une dimension différente à ton histoire, à partir de là on peut tout imaginer.
Je vais me pencher sur le chapitre suivant.
Merci pour ce partage
>> "La mer rougissait de la douleur des hommes." > Super belle cette phrase !
Je range ton texte dans ma PàL et y reviendrai avec plaisir après les Histoires d'Or
Au plaisir !
Merci beaucoup pour ton commentaire! Shardo est un sacré personnage qui peut-être très surprenant! ;-)
A très bientôt!
Les Histoires d’Or m’amènent par ici :D
Quelques coquillettes relevées au fil de ma lecture :
Chapitre 1
« Moi aussi j'ai gerbé à ma première tempête( )! » Il faut toujours un espace avant un point d’exclamation (ou d’interrogation, d’ailleurs) – c’est valable aussi pour les chapitres suivants ^^
Chapitre 2
« révélant brièvement le sang qui coulaient (coulait) sur le pont »
Y a deux-trois espaces oubliés entre un point et la phrase suivante...
« Le jeune homme l'avait pris(e) dans ses bras »
« Alors qu'il allait embrocher un pirate imprudent. (,) Toutes les femmes et hommes reculèrent.
« Il sourit(,) révélant quelques une(s) de ses dents jauni(e)s »
« sa vie dans la pomme (paume) de sa main »
« Sa vue fut troublé(e) un instant »
Niveau typographie, il manque quelques espaces, donc, et puis il y a aussi des virgules qui devraient être des points et vice-versa. Tout à fait normal pour un roman écrit en deux mois pour une deadline, j’suis sûr’e que maintenant une petite relecture aura raison de toutes ces coquilles ^^
Comme Isapass, je pensais qu’on ouvrait ce chapitre 2 avec l’abordage du bateau du chapitre 1, mais ça n’a pas l’air d’être le cas ? En tous cas, le lien entre les deux est comme fait avec le retour de cette mystérieuse femme en noir (esprit ? créature ? fée ?) – et la reprise du motif final (que leur vie va changer) mais avec d’un côté Neyol qui ne s’en doute pas, et de l’autre le pirate qui le comprend instantanément, c’est intriguant !
Bonne figure de méchant aussi, j’ai eu un petit choc quand il tue purement et simplement, juste comme ça, ce jeune capitaine ! On s’y était attaché avec la mention de sa famille tiens, ça faisait un peu personnage principal qui s’en sort toujours, puis paf non il est mort x) C’est cool qu’en plus tu « nuances » un tout petit peu le pirate, avec cette scène d’émotion... ça permet de rendre le personnage plus tangible.
Bienvenue par ici! :-)
Alors merci beaucoup pour toutes remarques! En effet j'ai un grand travail de relecture! :-) Quand j'ai envoyé mon autre roman Allegro des Lames à un éditeur et j'y ai passé un temps fou..... ;-)
Shardo Dalfer réserve encore quelques surprises de taille par la suite! J'ai pris beaucoup de plaisir à faire vivre ce personnage! Concernant la femme en noir, c'est révélé assez vite mais le mystère reste entier. ;-)
Pour le capitaine, j'ai vraiment eu mal coeur quand j'ai décidé que Shardo allait l'occire mais il fallait que je montre qui était ce terrible pirate!
Merci beaucoup pour ta lecture et ton commentaire! Peut-être à bientôt!
Ceci dit, ça ne m'a pas gênée longtemps : le combat et le duel sont encore une fois visuels et clairs (et ce n'est pas si facile !) et tous les ingrédients d'un bon récit de pirates sont présents.
Ce capitaine sans pitié (c'est ce qu'il veut faire croire, du moins) et sarcastique, je comprends pourquoi il a été nominé parmi les méchants des Histoires d'Or !
Quant à la fin de chapitre, le parallèle avec le chapitre précédent est évidemment très intrigant et je trouve que c'est super bien joué !
A bientôt !
Merci pour ta
remarque. Je modifierai cela plus tard.:-)
Merci beaucoup pour ton commentaire.
A bientôt
Je suis contente que ta nomination aux HO me permette de découvrir ce nouveau projet. Ces premiers chapitres sont pleins d'action et d'émotion, ton pirate fou est tout à fait crédible et a l'air de sortir tout droit d'un épisode de Pirates de Caraïbes :D J'aime particulièrement la barbe tressée de cordage. Belle description de la tempête et du combat en pleine mer.
Merci pour ce moment de lecture,
A bientôt
Je n'ai pas tout de suite vu que j'étais nommé donc une belle surprise! Merci pour ta lecture! C'est vrai que c'est difficile de ne pas y associer Pirate des Caraîbes!
Merci beaucoup encore pour tes compliments!
A bientôt!
Très intrigant cette chute qui s'incrit en parallèle du premier chapitre. J'ai beaucoup aimé ce chapitre, même si j'ai une petite réserve sur l'apparition du cograth. Je comprends que tu ne veuilles pas relâcher la pression en ce début d'histoire mais j'ai trouvé l'enchaînement d'évènements un peu rapide. On a l'abordage, puis le cograth, puis les larmes du vieux capitaine, puis la chute. Je trouve que l'apparition du cograth empêche de se remettre des émotions de l'abordage et de profiter de l'émotion du vieux pirate (que je pense, tu pourrais encore développer, là c'est un peu soudain).
Sinon, très chouette scène d'abordage. Le destin tragique du capitaine est touchant, la scène de combat très immersive. On sent sa peur, ses regrets, ça donne du poids à son destin sanglant. La description de l'abordage en début de chapitre est vraiment chouette.
En tout cas, j'apprécie beaucoup l'ambiance "maritime" de ce début d'histoire. C'est vraiment chouette.
Mes remarques :
"La tempête rugissait et dévoilait ses puissantes machoires d'écume. Les deux bateaux, agrippés l'un à l'autre, dansaient au gré de la houle." j'aime beaucoup !
"hurlant comme des démons.Les éclairs" espace manquant ? ça se répète d'ailleurs plusieurs fois en dessous
"La mer rougissait de la douleur des hommes." j'adore !
"et chaque assaut était parée avec facilité." -> paré
Un plaisir,
A bientôt !!
Merci pour ton commentaire. C'est vrai que j'ai peut-être voulu en mettre plein le vue trop vite! ;-) J'avoue que comme je l'ai écrit très rapidement, le rythme s'en ressent!
Merci pour tes remarques!
Blague à part, j'aime bien le fait qu'une créature étrange apparaisse dans ton histoire et cela devient intriguant avec cette femme...
Il y aura d'autres créatures étranges! Merci encore pour ta lecture!
A bientôt