Moi, Sasha. Jeune. Pétillante. Dynamique. Voire même, quand la situation l’exige, féminine.
Quoi ?
Avec un prénom pareil vous vous attendiez à trouver un mec ? Eh ben non, perdu ! Je suis bien une fille. Avec des parents au sens de l’humour curieux. Ou simplement frustrés de ne pas avoir eu un garçon.
Mauvaise pioche.
Ou mauvaise graine ça dépendait du point de vue. Heureusement pour rattraper le coup, il avait eu deux garçons après moi, mais ça c’est une autre histoire.
Selon mes amis, j’étais brillamment originale. Selon mes parents, j’étais une grande gamine un peu gauche. Pour ma part, je me trouvais simplement ordinaire. Une fille quelconque, rompue à se fondre dans le moule des convenances sociales jusqu’à ce que sa personnalité s’y noie.
Est-ce que ça me posait un problème ? Carrément !
Est-ce que cela inquiétait le monde ? Pas vraiment.
Au contraire, j’avais plutôt l’impression que cela le rassurait. Dans le grand cycle de la vie, il ne faisait pas bon être une herbe folle sur une pelouse soigneusement tondue où chaque brin d’herbe se devait d’être à sa place.
Ni trop petit, ni trop grand, ni trop ambitieux, juste identique à ses voisins.
Monotone.
Parce que les gens pouvaient bien prétendre ce qu’ils voulaient, si beaucoup d’entre eux admiraient les personnalités colorées, ils préféraient de loin la compagnie de leurs congénères tout gris.
Mais aujourd’hui, cela m’importait peu. Aujourd’hui était un grand jour.
Que dis-je MON grand jour !
Celui que j’attendais depuis longtemps.
Un tournant décisif.
Aujourd’hui, on m’offrait enfin l’opportunité de faire mes preuves. D’entrer pour de vrai dans le moule des grandes personnes.
Aujourd’hui, je passais un entretien d’embauche.
Après cette longue traversée du désert que l’on nommait sobrement le chômage, après tant de boites mails saturées de lettres de motivation, tant de CV balancés aux quatre vents du web, enfin ma persévérance payait.
Alors oui, on pourrait penser que j’en faisais des caisses pour un bête entretien, mais, quand on ignorait comment se vendre sans se considérer comme un monstre égotique, il n’y avait pas de petites victoires. Juste des grands combats. Contre les autres. Contre le temps. Contre soi-même.
Voilà pourquoi décrocher cet entretien avait tant d’importance pour moi. Il constituait une étape supplémentaire vers la réussite. Une preuve que ce poste était fait pour moi.
Un petit pas pour la plèbe, un grand pas pour mon avenir.
J’avais beau me le répéter en boucle depuis deux jours, je n’arrivais pas à m’en convaincre. Mon mental résistait et malheureusement pour moi, il avait une sacrée suite dans les idées.
J’éteignis mon réveil juste avant qu’il sonne. L’impatience me tenait éveillée depuis un moment déjà. Je me retournais dans mon lit sans oser me lever. J’écoutais la pluie qui tombait drue au dehors, répétant mentalement toutes sortes de scénarios pour la journée à venir.
J’aurais bien essayé de lire ou dessiner pour me calmer, seulement, la concentration me faisait défaut. Tant que cet entretien ne serait pas derrière moi, mes pensées resteraient obstinément focalisées dessus.
Quitte à me rendre dingue.
Mais j’étais comme ça. Chaque pensée de la plus infime à la plus incongrue en passant par la plus gênante ou angoissante pouvait tourner en boucle dans ma tête pendant des heures. Exactement comme ces comptines horripilantes dont les paroles ressurgissaient sporadiquement dans les mémoires.
Je descendis prendre mon petit-déjeuner quelques minutes plus tard. Malgré mon estomac noué, je ne pouvais pas envisager de commencer autrement une journée aussi déterminante pour mon avenir.
Dans la cuisine, je croisai mes parents.
Même en vacances, ils n’arrivent pas à s’affranchir de leurs automatismes, songeai-je.
J’en avais presque de la peine pour eux.
Je m’installai dans le plus grand silence. Comme toujours.
J’avalai rapidement une paire de pains au chocolat, sans une once de considération pour mon embonpoint. Oui, je m’en plaignais souvent, mais soyons honnête, j’aimais trop manger pour me préoccuper de ma ligne.
Ma mère me le reprocha d’un regard en coin. Comme toujours.
De son côté, mon père feuilletait son journal encore humide de son séjour dans la boite aux lettres. Son profil sévère disparaissait presque derrière les pages grisonnantes.
Il commenta les nouvelles. Comme toujours.
Catastrophes au Pakistan. Remise de la médaille d’honneur au dernier ancien combattant du village voisin. Médiocre performance de l’équipe régionale de basket.
Rien de transcendant.
La nécrologie du jour. Les paris hippiques. Le programme télé.
Banal.
Et enfin… l’annonce.
Juste quelques phrases noyées dans une mer d’informations hétéroclites.
« — Jeune homme recherche colocataire pour appartement 81 m² en centre-ville, récita mon père d’une voix d’automate. Loyer : 870 euros charges comprises. Possibilité de s’arranger en échange de menus services d’assistance au quotidien. Pour tout renseignements… »
Je haussai les sourcils, perplexe.
Qu’est-ce que je suis sensée comprendre ? Qu’il est temps de foutre le camp de cette maison, et tous ces trucs de grandes personnes majeures et responsables ?
Mais je n’attendais que ça !
J’étais prête à le lui faire remarquer quand il me coupa l’herbe sous le pied.
— Franchement, de nos jours les gens n’ont plus honte de rien. Racoler comme ça dans le journal...
Ah non en fait, il avait complètement autre chose en tête.
Même si en toute honnêteté je ne voyais pas bien ce qu’il reprochait à cette annonce.
— C’est certainement encore un vieux schnock qui cherche à attirer les petites jeunettes naïves avec des annonces faussement alléchantes.
— Sérieux ? À l’heure d’internet tu crois qu’il y a encore beaucoup de jeunettes qui épluchent les annonces du journal ? Y a que toi pour faire ça !
Mon père me jeta un regard noir et mon fou rire s’étouffa dans l’œuf.
— Et donc ton entretien c’est bien ce matin ?
— Oui !
— J’espère que tu t’es correctement préparée, intervint ma mère.
— On verra bien.
— Comment ça on verra bien ! Tu ne devrais pas prendre ça autant à la légère.
À la légère ?
Si seulement elle savait !
Extérieurement, je feignais la sérénité. En réalité, dans ma tête, c’était l’anarchie complète depuis que j’avais reçu ma convocation. Après des mois de candidatures infructueuses, un entretien pour un job dans ma branche de métier, c’était presque inespéré. On a beau prétendre ce que l’on veut sur l’égalité des sexes au boulot, en vérité, c’est juste de la poudre aux yeux. Percer dans un milieu exclusivement masculin quand on est une femme, cela demande d’énormes sacrifices. Et la plupart du temps, on y laisse un petit morceau de sa personnalité en cours de route. Alors quand, en prime, on se sent déjà morcelée à la base, cela devient vite un parcours du combattant.
Avec mon défaut de confiance en moi, l’issue de ce recrutement ne faisait pas grand mystère. Malgré tout, j’avais choisi d’y croire. Parce qu’en dépit des obstacles, ils m’avaient sélectionnée.
La balle était donc dans mon camp. Ne restait qu’à être convaincante. Et ça, je m’y entrainais d’arrache-pied depuis une semaine.
Alors qu’on ne vienne pas me chanter que je prenais les choses à la légère.
— De toute façon, ça n’a rien de compliqué, insista ma mère. Il suffit de bien se présenter, soigner son contact, articuler correctement au lieu de marmonner dans sa barbe. Bref, rien qui ne soit à ta portée. N’est-ce pas ?
Je me raclai la gorge, soudain mal à l’aise.
— J’espère.
— Eh bien arrête d’espérer et fais plutôt le nécessaire pour que ça marche.
Faire le nécessaire ?
C’était donc cela sa conception de l’encouragement ?
Faire le nécessaire…
Alors, certes je n’avais pas la prétention de me considérer experte en relations sociales, mais j’étais quasiment certaine que ces propos-là tenaient davantage de l’avertissement que du soutien.
Merci pour la pression.
Au cas où l’angoisse de l’échec ne me terrasserait pas, sa sollicitude si particulière s’en chargerait.
Je soupirai.
Ce n’était pas la première fois que j’entendais ces menaces à peine voilées. Mes parents avaient une vision très personnelle de ce qu’étaient les encouragements. Une conception basique et inadaptée qui ne reconnaissait pas l’effort juste le résultat, mais faute de mieux, je m’en contentais. Ils appartenaient à cette catégorie de gens pour lesquels tout est toujours perfectible, y compris la perfection elle-même.
Sans compter qu’en y regardant de plus près, son conseil ne valait pas grand-chose. Il aurait éventuellement pu être pertinent si tous les paramètres de l’équation dépendaient de moi et ma façon de me présenter. Seulement ce n’était pas le cas.
Un entretien, c’était comme un concours. Tous les postulants convoqués étaient déjà par nature qualifiés pour le poste. La différence se jouait sur les détails. Des détails sur lesquels je n’avais malheureusement aucune prise.
Je quittai la cuisine, morose.
Leur insistance soupçonneuse m’avait légèrement ébranlée. En quelques petits mots, ils avaient raboté la confiance que j’avais mise une semaine à construire.
Cependant, je n’allais pas me laisser abattre. Après tout, j’avais l’habitude. Ils agissaient systématiquement ainsi. Du coup, depuis le temps, j’avais développé ma propre stratégie de détournement.
J’inspirai à fond et tandis que je rejoignais la salle de bains, j’énumérai tout ce qui jouait en ma faveur.
Aussi paradoxal que ça paraisse aux vues de ma confiance en moi, je ne doutais pas de mon travail. Ni de mes compétences. Au contraire, j’étais taillée pour réussir n’importe où. Mais l’assumer pleinement me renvoyais l’image d’une personne trop arrogante. Alors plutôt que de le prétendre avec des mots, je préférais de loin le prouver avec des actes. Parce que les actes étaient objectifs. Les mots, eux, étaient très subjectifs et le problème, c’était qu’un recrutement passait avant toutes choses par des mots. Donc, depuis quelques jours, je m’entrainais à les manier judicieusement pour en faire mes alliés.
Ainsi même si mes doutes continuaient à s’amonceler comme des nuages menaçants, une petite étincelle d’espoir persisterait toujours derrière l’averse imminente.
Je regardai mon visage bien en face dans le miroir.
Récapitulons… Des qualités ? Est-ce que j’en ai ?
Certainement une ou deux par-ci par-là.
Des défauts ?
Voilà une question facile, le plus dur serait de choisir ceux qui me desserviraient le moins.
Mes motivations ?
Restons terre à terre, gagner sa vie me paraissait déjà un enjeu suffisant.
Et pour le reste…
Ma foi, je n’avais rien à perdre.
Je souris.
Objectivement, tu as même tout à y gagner.
Remotivée, je terminai de me coiffer et m’offris même le luxe d’un brin de maquillage.
Cet entretien, c’était un peu comme mon Everest et foi de moi, je le gravirais avec panache !
En sortant de la salle de bains, j’étais gonflée à bloc.
Je m’habillai avec soin, nerveuse comme une actrice le soir de sa première.
Un dernier regard dans le miroir. Un sourire bienveillant pour tromper la nervosité et j’étais fin prête.
Dehors, la pluie drue détrempait toujours le paysage. Je marquai un arrêt sur le seuil, le temps d’ouvrir mon parapluie.
Grossière erreur !
Ma mère profita de ces quelques secondes de flottement pour me mettre le grappin dessus. On pourrait naïvement espérer un encouragement de dernière minute, voire même, soyons fous, une accolade chaleureuse, mais non. Elle me fourra son ticket de pressing dans la main, avec quelques instructions pour récupérer sa veste.
Devant mon air déconfit, enfin, elle se fendit d’un bon courage à peine grommelé pour la forme.
— Merci, marmonnai-je blasée. Je passerai au pressing en rentrant.
— Ah non ! Il faut y aller maintenant sinon ce sera fermé et j’ai absolument besoin de ma veste aujourd’hui.
J’ouvris la bouche pour répliquer, mais je me ravisai.
C’était un combat perdu d’avance.
Si j’ergotais avec elle, j’en prendrais plein la figure.
Toi, fille indigne que l’on accueille généreusement sous notre toit sans même demander un loyer. Ingrate pas fichue de rendre un simple service.
Un observateur objectif me taxerait d’exagération, malheureusement, ces propos n’étaient pas le fruit de mon imagination. Juste la réminiscence d’une ancienne de nos disputes qui était restée gravée en moi.
Quoi qu’il en soit, si je m’insurgeais maintenant, elle monterait sur ses grands chevaux, et j’abdiquerais au comble de l’énervement.
Dans l’opération, j’y laisserais non seulement ma fierté mais aussi et surtout un temps précieux.
Les dents serrées, je marmonnai un timide au revoir et je m’engouffrai dans ma voiture.
L’horloge de l’habitacle affichait dix heures.
J’avais encore de l’avance, mais cet imprévu me contrariait profondément.
Je pris toutefois quelques secondes pour respirer un grand coup et recentrer mon attention sur l’objectif du jour.
La pluie martela furieusement ma voiture tout au long de la route. Par chance, le parking du pressing était désert, m’évitant une chevauchée incertaine entre les flaques.
J’entrai dans un petit commerce rendu lugubre par la grisaille. Une vieille femme au sourire édenté me demanda mon ticket. Elle dépassait à peine du comptoir. Quelques secondes plus tard, elle avait disparu dans l’arrière-boutique.
Une minute passa.
Puis une autre.
À la huitième, elle reparut tout sourire.
— Cette petite coquine s’était cachée derrière une grosse commande.
Je l’entendis à peine tant j’étais stressée. C’était comme si les battements tonitruants de mon cœur étouffaient sa voix.
Je sortis en catastrophe. Il pleuvait toujours autant. Heureusement, le film plastique de la blanchisserie protégeait la veste de l’humidité. Je la balançai sur la banquette arrière sans la moindre précaution et démarrai.
Mon cœur s’arrêta une seconde.
Quinze minutes !
Il me restait quinze minutes pour arriver à l’heure. Cinq pour le trajet, cinq pour me garer, cinq pour me présenter convenablement.
Je n’étais pas à proprement parler en retard, mais au moindre imprévu…
Heureusement, les dieux de la circulation étaient avec moi et la fluidité du trafic me permit de récupérer une grosse minute sur mon timing.
Dans la vie, il faut savoir se contenter de peu. Et en matière de superstition, cette aubaine, si ridicule soit-elle, me semblait de bon augure. Oui, on oubliera sciemment tous les autres contretemps que l’on pourrait classer dans la catégorie des mauvais présages, sinon autant tourner les talons tout de suite.
Je longeai le parking public attenant à l'entreprise. La secrétaire avait été claire sur sa convocation : le parking de société était réservé aux employés. Je devais donc me contenter de celui à l’angle de la rue. Et contrairement à celui du pressing, il était bondé.
Je roulai au pas dans l’espoir de dégoter une place, même toute petite. Soudain, j’en repérai une. J’engageai la manœuvre quand un goujat dans son crossover flambant neuf me grilla la politesse. Il se faufila dans mon emplacement.
Je l'insultai copieusement, déjà prête à lui casser les dents s'il refusait de me rendre la place, mais face à son double mètre cube de muscles et son air de tueur en série, je me ravisai.
Je remontai dans ma voiture et passai mes nerfs sur le levier de vitesse. Je reculai, engageant un demi-tour. Peut-être un peu plus vite que je n'aurais dû. Un peu trop vite pour être plus exacte.
Le froissement métallique de la tôle me stoppa net dans mon élan.
Il est assez étonnant de voir à quel point le temps semble se distendre selon les moments. Bien sûr, ce n’est pas le temps lui-même qui changeait, mais plutôt la perception que l’on en avait et là j’avais l’impression qu’il s ‘était arrêté pour de bon.
Dans les quelques secondes de flottement qui suivirent, mon esprit conçut toutes sortes d’excuses logiques pour écarter l’inévitable réalité de l’accident qui venait de se produire. Accident dont j’étais l’unique et entière responsable. Qui se soucierait de savoir que ce goujat en avait été le déclencheur ?
Je garai approximativement ma voiture dans la ruelle.
Mes mains tremblaient sur le volant et mes dents jouaient des castagnettes. J’avais froid. J’étais en retard. Dépitée et tant d’autres qualificatifs.
Je m’accordai encore quelques secondes pour me ressaisir, puis je sortis constater l’étendue des dégâts.
Le goujat, sans qui rien de tout cela ne serait arrivé, n’avait rien perdu de la scène. Il vint à ma rencontre, un sourire niais vissé sur ses traits bourrus.
— Rhooo bah c’est pas dramatique ma petite dame. C’te voiture c’est juste une épave, et en plus elle a juste un feu de signalisation d’abîmé. À votre place, je tracerai mon chemin sans me poser de question.
Il jaugea ma voiture et rigola franchement.
— Quoi qu’à la réflexion, vu vot’ coffre, vous devriez p’t-être quand même faire quelque chose.
Mon coffre ? Comment ça mon coffre ? Qu’est-ce qu’il avait ?
Tandis qu’il disparaissait dans l’entrée de l’immeuble voisin sans plus de considération pour ma petite tragédie personnelle, je risquai un coup d’œil à l’arrière de ma voiture.
Je restai là pantoise.
La tête vide.
Comment pouvais-je avoir le coffre complètement enfoncé alors que l’autre voiture n’avait qu’une bête égratignure ?
Les anciens diraient que dans le temps on savait construire des voitures solides. Les fabricants d’automobiles d’aujourd’hui expliqueraient que la carrosserie devait se déformer pour encaisser les chocs. De mon point de vue, peu importait lesquels avaient raison. Tout ce que je voyais, c’était le résultat.
Je ne savais plus quoi faire, ni comment réagir.
L’averse battait les surfaces vitrées des gratte-ciels alentours. Même les déversoirs de la voie publique peinaient à drainer l’eau ruisselante qui s’accumulait sur la chaussée. Je pataugeais allègrement dans des flaques immenses, indifférente à mon pantalon détrempé jusqu’aux genoux et au vent glacial qui s’engouffrait sous ma veste entre-ouverte. Je tournai et retournai autour de ma voiture, comme si tout à coup, elle allait se réparer par miracle.
J’étais totalement démunie.
J’avais besoin d’aide.
Je me tournai donc vers la seule personne à même de me sortir de cette galère : mon père.
Je l’appelai avec tout ce qui me restait de self-control.
À la seconde où il décrocha, je fondis en larmes.
Entre deux sanglots, je parvins tout de même à lui résumer la situation.
Je ne m’attendais pas à ce qu’il me réconforte, j’espérais juste qu’il m’apporterait une solution. Il préféra commencer par me passer un savon sur la vigilance au volant.
Sa remontrance glissa sur mon égo comme l’eau sur le plumage d’un canard. Il n’avait même pas pris la peine de me demander si j’allais bien. Oui bon, vu le son de ma voix et les sanglots dans le téléphone, il était évident que non, mais j’aurais pu être blessée ou quelque chose du genre. Peut-être que cela ne l’intéressait pas de le savoir.
Un moment après, je raccrochai, le moral encore plus bas, et une série de directives claires et simples. Photographier les dégâts. Relever le numéro de la plaque minéralogique. Laisser un petit mot au propriétaire de la voiture accidentée. La procédure froide et impartiale de l’assureur. Dénuée de toute compassion. Mais je n’avais plus l’énergie de m’en offusquer. À la place, je commençai par prévenir la société de mon retard. Certes, au vu de l’heure, ils devaient bien s’en douter, mais qu’à cela ne tienne, je n’ajouterai pas l’impolitesse à la liste de mes défauts.
Face à ma voix chevrotante, la secrétaire se montra très compréhensive et chaleureuse et promit de prévenir son patron.
De mon côté, je griffonnai quelques petits mots d’excuse à l’infortuné conducteur et je le déposai sur le pare-brise.
Une dizaine de minutes et quelques poignées de photos plus tard, j’entrai dans l’immeuble de la société, tentant vainement de faire bonne figure. Je m’annonçai puis j’appelai l’ascenseur, direction le troisième étage. Le reflet que me renvoya le miroir de la cabine manqua de m’effrayer. Trempée jusqu’à la moelle, j’avais la tête d’un chiot tiré in extremis de la noyade. Mon maquillage coulant, mes cheveux en jachère, mon nez rougis : la totale.
Soigner sa première impression… bravo Sasha, t’es au top, surtout ne change rien !
Je limitai les dégâts en essuyant les restes de mascara et autre fard à joue, avant de me recomposer une attitude plus neutre. Piètre effort, je le savais bien. Mais je ferais front jusqu’au bout. La démarche mal assurée, je franchis la distance qui me séparait de la salle d’attente et m’installai. Très vite un homme grisonnant, aussi ventripotent qu’il était petit, vint me saluer avec sa bonhommie de Père Noël.
Il me serra la main chaleureusement.
— Encore désolée pour ce contretemps Monsieur, m’excusai-je.
— Oh mais ce n’est pas grave. Ce sont des choses qui arrivent à tout le monde. Il ne faut pas vous en faire.
— Merci.
Au prix d’un gros effort, j’articulai une grimace qui se voulait un sourire. Sa bienveillance me rassurait. Finalement, peut-être que tout n’était pas perdu.
Je m’autorisai même un sursaut de confiance en moi quand il ajouta :
— Par contre, il semblerait que ma secrétaire ait omis de vous prévenir.
— Me prévenir de quoi ?
— Le poste n’est plus disponible. Nous avions sélectionné un jeune homme qui avait initialement décliné notre offre. Mais il est finalement revenu sur sa position hier.
Mon cœur s’arrêta de battre une seconde.
Une seconde durant laquelle j’eus l’impression de voir ma vie défiler devant mes yeux. J’ouvris la bouche pour répliquer quelque chose mais rien ne vint. La colère, l’indignation, l’écœurement et bien d’autres sentiments se télescopaient.
Un ange passa avant que je trouve enfin quelque chose à bafouiller.
— Je… Il… Enfin, j’ai peur de comprendre… vous voulez dire que j’ai fait tout ça pour rien ? Je me suis déplacée, j’ai… et tout ça pour… rien ?
— C’est très fâcheux, j’en conviens. J’étais pourtant certain d’avoir demandé à ma secrétaire d’annuler. Elle a dû oublier.
Il partit d’un rire gras qui fit tressauter ses épaules.
— Ce sont des choses qui arrivent.
— Mais…
Intérieurement, j’étais en proie à un tel chaos qu’aucune phrase digne de ce nom ne se forma dans ma bouche. Cet homme bouffi d’arrogance réalisait-il qu’il brisait mes espoirs avec une désinvolture frisant le mépris ?
Son irrespect me hérissait.
J’aurais volontiers déversé sur lui le chapelet d’insultes qui me brûlait les lèvres, mais c’eut été griller par la même occasion toute chance d’embauche future. Et dans un bassin d’emploi aussi fermé qu’élitiste, ce n’était pas juste un mauvais calcul mais un véritable suicide professionnel.
Je ravalai donc douloureusement ma tirade enflammée sur la mauvaise foi des employeurs envers les jeunes femmes diplômées et j’articulai avec tout ce qui me restait de fierté :
— Pensez à moi si quelque chose se libère.
— Bien sûr. Quoi qu’il arrive nous gardons vos coordonnées.
En cet instant, j’aurais donné n’importe quoi pour décrocher ce sourire hypocrite de sa face de Père-Noël.
Mon poing se crispa de colère.
Je le saluai mécaniquement.
Ce n’est qu’au moment où la porte de l’ascenseur se referma sur moi que je réalisai d’où me venait ce goût métallique dans la bouche.
Je m’étais mordue l’intérieur de la joue jusqu’au sang pour encaisser l’affront.
Je regagnai ma voiture avec une raideur d’automate. On aurait pu s’attendre à ce que je m’effondre en larmes, mais non. Mon corps en avait décidé autrement. Pour l’instant. Néanmoins, je commençai à le connaitre, ces émotions qu’il étouffait maintenant me rattraperaient au moment le plus embarrassant pour moi. Histoire d’accentuer encore un peu le décalage que je percevais avec le monde.
Un décalage qui se creusait chaque jour.
À mi-chemin de la maison, je m’arrêtai un moment pour errer sans but devant une série de boutiques. Loin de moi l’idée de faire du shopping pour me réconforter, j’essayais juste de différer au maximum l’heure du jugement parental.
Alors que je passais devant une petite librairie de quartier, j’aperçus mon reflet dépité dans la vitrine.
Et voilà, encore un échec à ajouter à la liste.
J'avais beau m'être préparée à cette éventualité, rendue devant le fait accompli, la pilule était toujours aussi dure à avaler.
Il fallait bien admettre que je me montrais souvent tyrannique envers moi-même. Avec le temps, j’apprenais à être indulgente. Mais, cette tolérance forcée exigeait une vigilance constante. Et chaque obstacle, chaque entretien raté, chaque échec amoureux me replongeait dans cette spirale de la médiocrité volontaire.
Ne jamais trop bien réussir de peur d’attirer l’attention.
Encore un de mes paradoxes.
Je détestais être au centre de l’attention. Sentir tous les regards braqués sur moi. C’est que j’étais une petite boule de suie faite pour le labeur moi, pas une jolie fleur destinée à décorer un bureau. Et plus la tâche était complexe, plus je m’éclatais.
Mais personne ne le remarquait. Personne n’osait me donner ma chance. C’était comme si je devenais peu à peu transparente.
Quel constat déprimant.
Une heure plus tard, je franchis le seuil du domicile familial lessivée. Dans tous les sens du terme.
— Alors, comment ça s’est passé ? attaqua ma mère, tout sourire.
Je grimaçai, sans savoir si c’était une marque d’ironie ou une véritable question.
Elle savait pour mon accident. Elle grommelait à côté de mon père quand je l’avais appelé complètement désemparée.
Devais-je en déduire qu’elle se moquait de mon sort ?
J’avais sincèrement honte de l’avouer, mais je le soupçonnais souvent. Et ça me donnait l’impression d’être un monstre. Alors j’enfouissais ce constat très profondément en moi. Parce que dans un sens, c’était moins douloureux de se considérer comme une fille ingrate à l’esprit tordu plutôt qu’une fille méprisée par sa mère.
Je chassai cette pensée, serrant les dents pour ne pas craquer devant eux.
— Vu ton silence, j’en déduis que c’est un nouvel échec à ajouter sur ta liste, insista ma mère.
— La place était déjà prise et ils ont oublié de me prévenir, articulai-je péniblement.
— Oublié de prévenir ?
Rien qu’au son de sa voix, je compris que mon père ne me croyait pas. J’ouvris la bouche pour répliquer, mais je me ravisai. Ajouter une dispute à mon palmarès du jour ne m’apporterait rien. Je n’aspirais qu’à m’isoler dans ma chambre pour noyer mon chagrin dans la chaleur d’un plaid. La seule source de réconfort dont j’avais jamais disposé. Mais mon père ne l’entendait pas de cette oreille. Malgré le temps exécrable, nous sortîmes examiner ma voiture sous toutes les coutures. Le temps pour lui de se fendre d’un nouveau sermon. Le propriétaire infortuné de l’autre véhicule rappela dans la foulée m’épargnant la suite de son laïus. Il m’informa avec amusement que sa voiture n’était déjà plus qu’une épave à l’abandon qu’il n’avait pas encore eu le temps de faire enlever.
Et voilà, y a que moi pour emboutir une voiture déjà cassée !
Après avoir téléphoné à mon assurance et au garagiste pour organiser mes réparations, je passai l’après-midi engoncée dans mon plaid, errant au gré du web, une tasse de chocolat chaud sur ma table de nuit. Je priai pour que cette journée se finisse vite et sans nouvelle embûche. En début de soirée, je me joignis à ma famille pour le sempiternel rituel du dîner. Je m’étais préparée à leurs réflexions, pourtant, ce conseil familial improvisé fut aussi rude que prévu à encaisser.
Soyons honnêtes, leur vision du soutien s’apparentait à celle des encouragements. Autant dire, cruellement inadaptée.
Au risque de paraitre rabat-joie, j’estimais que rabaisser quelqu’un dans l’espoir de le faire réagir, n’était pas la bonne solution. Surtout quand par réaction on entendait accepter le premier travail venu pour débarrasser définitivement le plancher.
Un comble quand on savait l’énergie qu’ils dépensaient pour me garder sous cloche dans leur fausse tour d’ivoire, me répétant à longueur de temps combien j’étais incapable de m’assumer seule.
— On ne va pas revenir sur l’histoire de ta voiture, attaqua mon père, mais, pour cet entretien, tu n’as pas quelque chose à nous en dire ?
— Autre chose que c’est pas ma faute, le poste était déjà pris, surenchérit ma mère. Tu as bien dû faire quelque chose de travers.
— Non ! J’suis arrivée, j’ai même pas eu le temps de me présenter que c’était déjà fini parce que le mec qu’ils avaient retenu était revenu sur sa position ! Qu’est-ce que tu voulais que je fasse contre ça ? Que je leur gueule dessus pour leur dire que ça se faisait pas ? Que c’est dégueulasse qu’ils n’aient même pas eu la décence de me prévenir ? Que c’est des sales cons, qui se moquent de mon avenir comme du premier slip de Charlemagne ? Que je ferais mieux de tirer un trait sur cinq années d’études où j’ai sué sang et eau, pour me faire une place dans cette promo de crétins pistonnés ! Je peux bien retourner le problème sous tous les angles, ça ne change pas la réalité.
Mon échauffement soudain tira un rire sous cape à mon frère.
Pour une fois que la remontrance ne lui tombait pas dessus.
Je l’assassinai du regard. Mon père, lui, m’assassina verbalement :
— La réalité c’est qu’à ton âge tu devrais déjà avoir un travail, un copain et même un chez vous. Au lieu de ça tu préfères te reposer sur tes lauriers. Forcément, ça ne risque pas de s’améliorer. Les choses ne vont pas te tomber toutes cuites dans le bec.
— Oui je sais. Je devrais être la parfaite mère de famille, dans son beau petit appartement propret, à caresser mon ventre de femme enceinte en tricotant amoureusement des petits chaussons. Ah et n’oublions pas le chien dans le jardin et le crossover dans l’entrée de garage. Franchement Papa, on est plus dans les années cinquante.
— Tu m’emmerdes Sasha. N’espère pas squatter chez nous encore longtemps.
— Oui, je ne suis pas chez moi ici. J’avais bien saisi l’allusion.
J’osai un rapide coup d’œil vers mon frère puis ma mère, en quête d’un soutien qui ne vint jamais.
Mon frère se prit d’un brûlant intérêt pour son verre vide, quant à ma mère, ma foi, force était de constater qu’elle cautionnait sans réserve les reproches de mon père.
Je déglutis avec peine.
Trop timorée pour le monde du travail.
Trop incapable pour mes parents.
Trop étrange pour le reste du monde.
Voilà à quoi se résumait la boite dans laquelle on voulait à tout prix me faire entrer.
Cela me révoltait. Malgré tout, je décidai d’arrondir les angles au lieu de me lancer dans un énième débat stérile sur les conflits générationnels.
— Je te rassure, marmonnai-je, c’est aussi pénible pour moi que pour toi. Mais maintenant que je touche un peu de RSA, je vais peut-être pouvoir envisager de trouver un appartement, même tout petit.
— Bon sang, mais toucher le RSA n’est pas une fin en soi. À ton âge, je ne devrais pas avoir besoin de te le rappeler.
Décidément ils ne m’épargneraient rien.
Je soupirai, dédaignant le reste de mon assiette déjà froide.
— Je le sais. Tu imagines quoi ? Que ça me fait plaisir ?
— Pourtant, ça n’a pas l’air de trop te déranger de passer tes journées, assise devant l’ordinateur, à jouer ! Combien de fois t’ai-je vu ouvrir le journal pour faire les petites annonces ?
— Zéro, surenchérit ma mère.
Et toc ! Merci Maman.
— Alors pour votre gouverne sachez que je ne joue pas. Je fais les annonces, sauf que pour la génération 2.0, tout se passe par internet, ce qui explique que je passe beaucoup de temps devant mon PC.
Inutile d’évoquer mon côté geek, encore moins ma double vie sociale sur la toile. Les remarques assassines pleuvaient assez drue en ce début de soirée.
— Je ne suis peut-être un simplet qui vit à l’âge de pierre, continua mon père. N’empêche que moi quand j’étais jeune, on savait chercher du travail, la preuve c’est qu’on en trouvait.
Échec, mat et vainqueur par K.O.
Que répondre à cela sans m’enliser dans un vain plaidoyer sur les réalités de l’emploi aujourd’hui ?
À son époque, bien sûr, un jeune sur deux travaillait, de nos jours, si l’on atteignait les uns sur quatre, c’était déjà pas mal. Ne nous leurrons pas, si tous les jeunes ne sont pas taillés pour le travail, il n’y a quand même pas soixante-quinze pourcents d’imbéciles dans notre beau pays. Mais, comment s’insérer dans une société ultra compétitive qui exigeait de l’expérience directement au sortir de l’école ? Avec une bonne dose de confiance en soi et un réseau de relations en béton. Pas de chance, je n’avais ni l’un ni l’autre.
Seules les statistiques jouaient en ma faveur. Malheureusement, les statistiques ne nourrissaient pas les gens. Le travail, si.
Et tant que je n’en aurais pas, je devrais supporter ce soutien familial destructeur.
Je quittai la table, remplie d’amertume. Ce soir encore j’avais à peine touché mon dîner. Comme hier et probablement aussi comme demain.
Je débarrassai les reliefs du repas comme une fille bien sage et éduquée pendant que les autres vaquaient à leurs occupations. En quittant la cuisine toutefois, mon père se tourna une dernière fois vers moi, baragouinant :
— Tu sais, je ne te dis pas toutes ces choses pour t’ennuyer. Mais il faut que tu comprennes et que tu te remues.
Comprendre ?
Dans sa bouche, ça, c’était ce qui se rapprochait le plus d’un encouragement. Alors désolée de le dire mais non, je ne comprenais pas. Ou plutôt, ce que j’en comprenais, c’était que je n’avais pas ma place dans cette maison.
Un rictus amer se peignit sur mes lèvres.
Leur attitude me retournait l’estomac. Mais on ne mord pas la main qui nous nourrit, surtout quand on se sentait déjà comme une extraterrestre aux yeux du monde. Que ferais-je si eux aussi me tournaient le dos ? Je serais seule pour de bon.
Voilà pourquoi je fuyais corps et âme le moindre changement, enterrant mes émotions quelque part dans une boite cachée au fin fond de ma zone d’ombre. J’y nourrissais ce vilain monstre de rancœurs, jusqu’au jour où il m’exploserait à la figure, répandant sa colère sur le monde.
Je n’en étais pas encore là. Mais je percevais son grondement qui se rapprochait. Je sentais son poison qui me rongeait de l’intérieur.
Depuis quelque temps, j’avançais comme une équilibriste sur ce fil tendu au-dessus du précipice de la dépression. Une pichenette de l’univers et ce serait la chute.
J’avais l’impression d’être le jouet de forces qui me dépassaient. De subir ma vie plutôt que de la contrôler.
Je détestais ça.
Et du coup, concrètement, qu’as-tu fait aujourd’hui pour prendre les rênes de la situation ?
Un entretien raté, un accident et une dispute.
Ce n’était pas brillant. On pourrait même carrément dire que c’était catastrophique. Mais au moins j’avais tenté quelque chose. Parce qu’il était bien beau de prétendre s’en sortir, mais les solutions ne tombaient du ciel par miracle. C’était à moi de les chercher. Et aujourd’hui, j’avais essayé.
Essaie mieux que ça alors.
Mon regard se posa sur la pile de papiers à recycler.
Le journal du matin !
Le souvenir de cette annonce improbable me revint en tête.
— Jeune homme recherche colocataire pour appartement 81 m² en centre-ville. Loyer : 870 euros charges comprises. Possibilité de s’arranger en échange de menus services d’assistance au quotidien. Pour tout renseignement complémentaire merci de contacter le 06 39 02 93 77.
Un vieux racoleur hein ? Ils voient toujours le mal partout. Si ça se trouve c’est une vraie annonce tout ce qu’il y de plus sérieux.
Je souris.
Il n’y a qu’une manière de le savoir.
Je composai le fameux numéro.
À la troisième tonalité, le doute m’assaillit. J’allais raccrocher quand une voix grave me répondit.
— Allô.
— Ah euh, bonsoir monsieur… Je... Je vous appelle pour l’annonce… celle du journal… ce matin je veux dire…
Bravo Sasha, quelle éloquence !
— Ah bien. Parfait.
— Je souhaiterais savoir si l’annonce est toujours valable.
— Tout à fait, madame. Je suppose que vous êtes intéressée.
— Oui. Enfin, d’abord j’aurais quelques petites questions… quand vous dites menus services d’assistance au quotidien de quoi s’agit-il ?
— Rien d’indécent, je vous rassure. Il est essentiellement question de tâches ménagères, mais si vous êtes d’accord, je préférerai que nous en parlions de vive-voix pendant la visite, disons, demain soir, si cela vous convient ?
— Euh oui. Pourquoi pas. Cela me laissera le temps de réfléchir mes questions.
— Parfait. Alors c’est entendu, 18 heures, place de la République, c’est bon pour vous ?
— Oui.
— Très bien à demain donc.
— C’est noté. Au revoir.
— Bonsoir.
Succinct et efficace.
Voilà un homme poli et courtois qui m’inspirait confiance. De prime abord tout du moins. De toutes façons, que risquais-je à le rencontrer ? De tomber sur un psychopathe ? Un pervers ? Un handicapé ? Un escroc ?
Si c’était le cas, il serait toujours temps de prendre mes jambes à mon cou. Et puis, je savais me défendre. Physiquement et moralement.
Je soupirai, réalisant à quelle point mon entourage déteignait sur moi. Je leur reprochais de voir le mal partout, mais à peine raccroché, j’imaginais déjà le pire sans même savoir où je mettrais les pieds.
Certains pêchaient par excès de naïveté, moi c’était par excès de prudence. Je prétendais me protéger, mais en vérité, j’avais peur du monde. J’avais si souvent été déçue, que je n’osais plus faire confiance. Le seul problème, c’est qu’à toujours chercher le pire chez les autres, inévitablement, on finissait par le trouver.
Il fallait que cela change.
Je grimaçai.
D'une manière générale, je pensais trop. Dans le feu de l'action, j'arrivais à canaliser toute cette énergie, mais le soir, aussitôt que je me détendais, les pensées affluaient jusqu’à m’enfermer dans une spirale négative flirtant avec la crise d’angoisse.
Mais ce soir, je distinguais une lueur d’espoir.
Aujourd’hui avait été une longue et décevante journée, mais grâce à cela, j’avais pris mon courage à deux mains pour me renseigner sur cet appartement. J’avais dépassé ma peur de l’inconnu pour agir.
Alors, si même pour l’instant, je n’avais plus assez de courage pour avancer, je m’endormais sur une note d’espoir.
Demain, je me relèverai.
Oui, demain sera un autre jour, à moi de le rendre différent d’aujourd’hui.
tout d'abord merci d'avoir pris le temps de faire un petit retour sur ce chapitre.
Ensuite, pour te répondre, c'est une histoire assez personnelle et très inspirée de la vie réelle, du coup, je suis contente que l'immersion fonctionne bien et que tu aies accroché à ce premier chapitre.
J'espère que la suite des aventures de Jérôme et Sacha saura te captiver comme le début.
Merci pour ton enthousiasme et au plaisir de se lire.
A peluche !
Ton personnage est riche, cohérent, et cette histoire est particulièrement prometteuse. J'ai hâte de découvrir la suite !
merci d'avoir pris le temps de passer lire et de laisser une trace de ton passage. Et je suis contente que ce début t'ai plu. J'espère que la suite te plaira tout autant que je me suis amusée à l'écrire.
A peluche avec Sasha