Nora ouvrit les yeux à 6h37.
Pas grâce à un réveil. Par réflexe de survie. Son corps savait mieux qu’elle quand le monde réclamait son rendement. Elle s’était couchée à 1h12 après avoir terminé la campagne pour un client thaïlandais allergique à toute nuance de vie autre que le « gris anxiété ».
Elle avait rêvé d’un PowerPoint qui pleurait. Ou peut-être était-ce elle, quelque part entre deux slides. Debout. Elle enfila un pantalon noir à pinces et un chemisier crème aussi net qu’un tailleur Céline sur une directrice de galerie d’art parisienne.
Tout, chez elle, devait dire : « je maîtrise ». Même ses cernes. Elle appliqua son mascara pendant que son café s’égouttait lentement, promesse d’un réconfort qu’elle n’avait jamais le temps de goûter.
En fond, sa boîte mail chantait, alarme discrète mais constante. Les urgences s’empilaient. Elle ouvrit le premier mail et y répondit d’une main, en dictée vocale, tout en lissant son col avec l’autre.
Son reflet dans le miroir la regardait sans surprise. Elle sortit de l’ascenseur et faillit heurter un carton porté à hauteur de visage par un inconnu. Il attendait devant, entouré d'une pile de cartons dans un équilibre précaire, visiblement en plein emménagement.
— Faites attention, souffla-t-elle, sans lever les yeux de son téléphone.
L’homme esquissa un pas de côté pour lui libérer le passage.
— Oh, pardon. Bonjour !
Elle répondit d’un ton distrait, un « bonjour » effleuré du bout des lèvres, déjà repartie dans l'anticipation de sa journée.
Arrivée au bureau à 8h02. Parfaite. Sophie, sa cheffe, l’attendait déjà, l’oeil perçant d’un vautour en blazer, prête à tournoyer au-dessus de l'open space.
— Ah, tu es enfin là. On a une urgence.
Évidemment. Sinon ce ne serait pas un mardi.
Sophie portait un tailleur noir et un regard qui pouvait glacer un volcan. Le genre de femme qui disait « sororité » comme on dit « réduction budgétaire ». Et qui gagnait en pouvoir chaque fois qu’elle retirait un gramme d’humanité autour d’elle.
— J’ai besoin que tu prennes le lead sur le dossier Orzella. Le client veut une refonte totale pour vendredi. C’est jouable ?
— Bien sûr, répondit Nora avec un sourire professionnel de catégorie olympique.
Bien sûr que non, Sophie. Ce n’est pas jouable sans y laisser ma prochaine nuit ! Mais tu as de la chance, j’ai désactivé le bouton ‘non’ lors de ma première promotion.
11h13. Elle avait avalé un yaourt à boire protéiné, sans joie, validé dix slides, corrigé deux tournures non inclusives (parce qu’on n’est pas des bêtes), et envoyé un message à sa psy :
« Je crois que je vais bien. »
Ajouté immédiatement après :
« Ou alors je suis juste trop occupée pour m’en rendre compte. »
19h08. Le bureau s’était vidé. La ville avait enfilé ses lumières de soirée. Premier décembre, les rues se paraient déjà de toutes les décorations de Noël, injonctions à la joie disséminées dans tout Paris. Nora sentit poindre une lassitude familière : celle qu’on ressent face à une fête dont on connaît la chorégraphie par cœur, mais dont on a perdu la musique.
Elle lança une dernière pièce jointe dans l’univers et s’apprêtait à refermer son ordi quand l’imprimante, pourtant endormie depuis des heures, se mit à bourdonner doucement. Un bruissement, puis le glissement d’une feuille. Une seule. Elle se leva lentement, les sourcils froncés.
Un contrat.
Elle regarda autour d’elle. Open space toujours vide. L’imprimante clignota brièvement, puis s’éteignit d’un coup feignant l’innocence. Elle n’avait rien envoyé à imprimer. Et pourtant, son prénom figurait en haut de la page, une écriture cursive à l’encre bleu.
Dans cette police beaucoup trop stylisée :
Accord de Réalignement Personnel - effet immédiat
Elle lut la première ligne. Et faillit éclater de rire.
Vous avez jusqu’au 25 décembre pour vous retrouver. Au-delà, certaines données personnelles pourraient être effacées : souvenirs, sensations, émotions. Tout ce qui fait de vous, vous.
Elle leva les yeux. Personne autour. Le monde était figé.
— Super. Maintenant je reçois des menaces existentielles sur papier recyclé.
Elle resta un moment debout, le contrat à la main, presque étourdie, attendant qu’un autre papier sorte. Ou que quelqu’un surgisse pour lui dire « Caméra cachée ».
Mais rien.
Elle se rassit, replia lentement la feuille et la glissa dans son sac. Pas parce qu’elle y croyait. Pas parce qu’elle avait peur. Juste parce que… on ne jette pas un message qui vous appelle par votre prénom. Elle mit son manteau, éteignit son écran, et quitta le bureau.
Dans l’ascenseur, son reflet la regarda de travers. Pour la première fois depuis longtemps, elle se sentit observée.
Cette Nora… on dirait qu’elle est abonnée au forfait "morne existence illimitée". Elle traîne sa vie comme une vieille couette humide. Heureusement, bip bip, voilà qu’une imprimante lui crache un petit message surprise ! Allez, un peu de suspense, un peu de piquant… et qui sait, peut-être qu’au bout du fil, il y a un Apollon au brushing impeccable, les doigts tachés d’encre et le cœur en bandoulière ? Même si je doute que le bel homme aux pulls moches de Noël n'arrive si tôt. A moins que ce soit celui qui se cache derrière les cartons ? Oui je vais le chercher partout !
En tout cas, ce chapitre fait le boulot : entrée en scène efficace, atmosphère bien posée et ce petit frisson de mystère qui donne envie d’enchaîner. Tu viens d’ajouter une étincelle dans le quotidien d’une héroïne qui avait visiblement perdu son briquet.
A très vite !
Nora, c’est une existence sous perf’ de cortisol et de dopamine. Toujours en train de courir après son café, son meeting, sa présentation de 2h du mat… sa vie, quoi. À ce stade, la fameuse couette humide a moisi dans la machine et embaume l’appart d’une odeur de renfermé bien installée. Tu vois l’ambiance.
Et puis, bip bip - la claque existentielle écologique ! L'univers sonne à l'imprimante.
Quant au beau gosse aux pulls moches… il n’est pas très loin. Fais attention où tu poses ton regard, il pourrait déjà être assis dans TON salon. Une petite thérapie du psy cambrioleur ?
Alors oui, c’est parti pour l’étincelle ! Sortez les briquets (sortez les briquets, sortez les briquets, y’a comme un goût de haine quand je marche dans ma ville… 🎶 oups, mauvaise playlist). Merci pour ton retour, Clem, et bienvenue dans cette prise d’otage littéraire 😇
A très vite !
🦊
Bienvenue sur PA 🤗 et merci beaucoup pour ton commentaire.
Je suis contente que tu aies atterri sur mon histoire et que tu aies ressenti l’angoisse du quotidien de Nora !
J’espère que la suite te plaira tout autant.
À très vite
Un début de lecture Top!
merci pour ce partage,
Merci pour ton commentaire ! Ça me touche si j'arrive à t'immerger dans mon univers et à te faire t'évader de ton quotidien :) J'espère continuer à t'embarquer dans l'histoire !
A voir les autres chapitres ! :-)
Je suis aussi nouvelle sur la plateforme et je suis déjà très très fan 🤗
Merci pour ton retour! Hâte d'avoir ton avis sur la suite :)
Oui le quotidien de Nora est rythmé, stressant, sans droit à l'erreur. J'espère que la suite te plaira :)
J'avais d'autres dossiers clients qui m'attendaient avant de découvrir ta plume. Très belle surprise en tout cas !
Comme Nora, t'as pas le temps. La lecture est courte, précise et concise pour offrir une "présentation" incisive. J'ai beaucoup aimé Nora qui n'aura pas eu la promesse de son café pour sa nouvelle journée.
Le contrat qui s'imprime une fois qu'on a bien Nora en tête arrive à point nommé !
Je ne suis pas un grand fan des romances, mais je pense m'attarder dans ton univers qui semble aussi redoutable qu'imprévisible :)
Merci pour ton retour ! Wahouuu sacré compliment si j'ai réussi à t'embarquer dans l'histoire alors que la romance n'est pas ta tasse de thé (ou de café - comme Nora mais qui n'a même plus le temps de le savourer!).
J'espère que la suite va continuer à te plaire 🤗
J'espère que la suite va continuer à te plaire :)
Peut-être que tu pourrais creuser un peu plus le basculement fantastique, pas forcément en expliquant plus mais en ajoutant un mini-détail perturbant dans l'environnement ? (un reflet déformé, un son étrange, quelque chose qui fasse vibrer plus fort l'étrangeté) Ou alors tu préfères ne rien ajouter de plus pour laisser planer le doute. En tout cas sympa le personnage de Nora, glaciale, assez caricatural mais ça marche bien.
« elle avait rêvé d’un PowerPoint qui pleurait » : petit coup de cœur pour cette image
Merci pour ton retour! Tu as très bien perçu Nora (et j’aime bien l’idée du corps qui agit avant l’âme, c'est beau et c’est exactement ça).
Sur le basculement fantastique, c'est vrai que ce serait intéressant d'introduire un petit détail bizarre, un frisson, un grésillement électrique, la lumière d'une ampoule qui vibre... Je vais réfléchir à ça pour la réécriture !
Je suis ravie que tu aies ressenti ce mélange d’humour et de mystère :)
J'espère t'embarquer autant sur les autres chapitres 🤞
L'écriture est fluide, immersive, humoristique. J'ai adoré :
- "Sophie portait un tailleur noir et un regard qui pouvait glacer un volcan.
Le genre de femme qui disait « sororité » comme on dit « réduction budgétaire"
- "Super. Maintenant je reçois des menaces existentielles sur papier recyclé."
Et puis ce contrat à la fin ? Très intrigant. Ah là, chapeau, tu m'as happée, et hop, je m'en vais lire le chapitre suivant. Merci pour ce moment de lecture et hâte de découvrir la suite
J'espère t'embarquer autant sur la suite, hâte d'avoir ton ressenti !
Bon déjà dans ton synopsis tu commences fort : "Nora, 35 ans, gère sa vie comme un dossier client", cette seul phrase a tout dit, c'est très fort, vraiment.
Je suis originaire d'une petite ville perdue dans un département perdu ;p l'Ardèche, donc autant dire que la manière dont tu décris la routine de Nora est à l'image de ta métaphore.
Le rythme est soutenu, dynamique, ça nous emporte dans son sillage.
J'aime beaucoup les répliques, genre, celle où tu dis que le regard de sa boss pourrait geler un volcan, ou celle de la fin, "on ne jette pas un message qui vous appelle par votre prénom.", juste énorme ;)
Bref, un tres bon premier chapitre, qui je ne l'ai pas dit mais intrigue, avec la menace de perdre ses souvenirs, sensations, émotions, pour quoi au final ? Qu'elle redevienne elle-même et plus ce "dossier client" (ouais tu m'as marqué avec ça).
Un grand bravo à toi.
Merci, c'est bien au chaud dans ma pile à lire maintenant.
À plus tard, bon courage pour la suite.
Merci à toi pour ton partage. Ravi si cela a pu te booster, les débuts ne sont jamais simples, souvent accompagnés de doutes.
Et de rien, c'est juste un retour sincère sur ton œuvre :)
À très vite.