1. Les amis d'enfance sont une plaie qui ne cicatrise jamais

Par Sorryf
Notes de l’auteur : Trop triste que le site ferme ;_; mais je me suis dit que c'était le bon moment pour poster sans pression une histoire pas finie

1. Les amis d'enfance sont une plaie qui ne cicatrise jamais

 

J'ai ce souvenir de Silvestras ce jour là, il vidait l'armoire, je le regardais faire depuis le lit superposé du haut.

–C'est fini, il disait, je me barre de là.

Plein des affaires qu'il mettait dans son sac étaient à moi, ça m'énervait.

–Laisse tomber, Silou. T'as nulle part où aller dehors, puis dans quelques années on sera majeurs, tu pourras faire ce que tu veux.

Il a arrêté de s'agiter pour me regarder bien en face depuis le sol :

– Dans 5 ans, Marko ! Si tu veux attendre aussi longtemps tant mieux pour toi. Moi je m'en vais. Je suis maitre de mon destin.

– Con comme t'es, ils vont te retrouver en même pas une heure.

– Tu verras.

Il s'est replongé dans l'armoire. Quand il a une idée dans la tête, il y a plus rien à faire. On partage une chambre dans ce foyer depuis des années, et Silou a le même rêve que tout le monde ici : se faire adopter. Avoir une maman qui l'aime. Une famille. Les petits partent, mais lui et moi on est trop vieux, qui voudrait nous adopter ? On est moches, on a de l'acné, la voix qui mue, on pue les hormones d'ado. Je me suis fait une raison depuis longtemps. Pas Silou.

– Qu'est-ce que tu vas manger, dehors ? Tu vas dormir où ?

– Pour que tu le répètes à la police ? Je ne te dirai rien du tout.

– T'es vraiment débile. T'auras pas plus de famille dehors qu'ici. Ce sera même pire.

Il a ouvert la fenêtre et fait basculer l'échelle de draps qu'il avait fabriqué (en partie avec MES draps ! Je vais dormir comment moi, hein ?). Puis il a mis son sac sur l'épaule et a commencé à enjamber. A la dernière minute il s'est tourné vers moi, m'a regardé d'un air apitoyé :

– Et bien adieu, Marko. Je garderai un bon souvenir de toi, même si je suis quelque peu déçu que tu aies préféré rester là comme un boulet alors que tu avais la chance inespérée de t'enfuir avec moi.

Silou m'insupporte au plus haut point, mais je veille sur lui depuis qu'on se connait. On a qu'un mois d'écart, il est comme mon petit frère. Tout seul, il a toujours tendance à faire n'importe quoi, prendre des décisions bizarres. Il va faire de la merde, dehors, c'est sûr. Si au moins je suis là pour superviser... On se ferait choper vite, de toute façon, et on se ferait renvoyer ici. Je serais plus rassuré si je pouvais le garder en vie jusque là. Je me ferais pas moins engueuler d'avoir fugué que d'avoir laissé Silou filer. J'ai glissé du lit superposé en râlant :

– Vas-y tu saoules. Laisse-moi faire mon sac au moins.

C'est comme ça que j'ai fugué de mon foyer à 13 ans, en compagnie de Silvestras Dirzai. Notre escapade a duré deux jours, pendant lesquels on a marché et marché et marché je sais pas combien de centaines de kilomètres, Silou s'était mis en tête de partir à la montagne s'installer dans un chalet et adopter des chiens de traineau (j'ai découvert plus tard qu'on avait été retrouvés à même pas 15km du foyer, mais c'est pas possible qu'on ait marché si peu, on avait dû tourner en rond, malins comme on était. J'entends encore Silou : "Bien sûr que je sais que c'est par là ! Tu ne sens donc pas l'air de la montagne ?" J'vous jure). On avait emmené des provisions mais on en est vite venus à bout, ça a été le premier problème :

– Zut, a dit Silou en roulant en boule le dernier paquet de chips. Nous voilà contraints de braquer une bijouterie.

– Mais qu'est-ce que tu délires encore ?

– T'y connais vraiment rien, mon pauvre Marko. Avec l'argent des bijoux, on sera assez riches pour s'acheter non seulement des vivres mais aussi un billet de train pour la montagne, un traineau et au moins quatre chiens.

– Tu vas les vendre à qui tes bijoux, crétin ? Et l'alarme ? Et les caméras ? C'est toi qui y connais rien c'est pas possible !

– Hmm, tu as raison. Tu es plus intelligent que t'en as l'air.

Il était tout le temps condescendant comme ça, ça me rendait fou. En classe et au foyer il était toujours très poli, très appliqué, c'était le chouchou des profs et des éducateurs, qui le complimentaient toujours en dépit de ses résultats plus que moyens. Résultat, il avait une opinion de lui-même bien différente de la réalité. J'aurais jamais du entrer dans son débat sur la bijouterie : à cause de mes conseils avisés, il a décidé de se rabattre sur une épicerie. A ce stade, j'avais renoncé à le raisonner : j'avais la dalle et des ampoules aux pieds, plus vite on faisait de la merde, plus vite quelqu'un appellerait la police et on se ferait rapatrier à la case départ, ou je pourrais demander à changer de chambre et plus trainer avec ce taré. Au moins, dans une épicerie, j'aurais peut-être le temps de gratter une barre de céréales.

Hélas, quand Silou s'est approché de la caisse en gueulant le truc le plus ringard que j'ai jamais entendu ("La bourse ou la vie"... mais pitié...) et que je mourrais de honte, il y a un truc que j'avais pas vu venir. Ce malade à dégainé un cran d'arrêt aussi grand que mon avant-bras. La caissière a flippé, j'ai flippé, et ma peur a fait flipper la caissière encore plus. Elle nous a ouvert la caisse et on a pris tout les billets. Bien évidemment, elle a aussi appelé la police à la seconde où on est sortis du magasin, Silou n'avait pas envisagé cette éventualité. Cinq minutes après on était encerclés. C'était mon plan, au détail près que ce qui aurait du être deux ados fugueurs crétins mais inoffensifs est devenu un vol à main armée. Silou et moi on avait qu'un mois d'écart, mais cette histoire s'est passée pile entre nos deux anniversaire, lui il était trop jeune pour être jugé mais moi non, à deux semaines près.

 

Je n'ai jamais revu Silvestras, autant vous dire que je m'en porte pas plus mal. Il a probablement été renvoyé au foyer, pendant que je partais en établissement pénitentiaire pour mineurs puis que j'enchainais les familles d'accueil et les TIG. Le métier que je voulais faire plus tard, depuis tout petit, je l'ai jamais dit à personne, c'était de devenir policier. C'était le métier de mes parents, je me rappelle de leurs uniformes. Mais grâce à l'autre boulet, je me suis retrouvé avec un casier judiciaire pour braquage à main armée. Heureusement, en leur mémoire, j'ai quand même été autorisé à passer le concours de gardien de la paix. ça va maintenant faire huit ans que je suis flic, treize ans depuis cette histoire lamentable, et tous mes collègues sont au courant et me considèrent comme un délinquant. Je dois toujours faire mes preuves, toujours prouver que je mérite ma place, même avec bientôt dix ans d'ancienneté. C'est comme ça depuis que je suis orphelin, mais je pensais qu'une fois adulte ça changerait. Le bon côté c'est que devoir toujours se battre, jamais baisser sa garde, ça paye. J'ai récemment été promu à la brigade anti-kidnapping, et grâce à mon travail, on a pu localiser un échange de rançon contre otage, et intervenir sitôt l'otage sécurisé.

Actuellement, je suis en train de poursuivre un kidnappeur qui s'enfuit dans une banlieue pavillonnaire avec le sac de cash. Moi que la brigade appelle encore "le bleu", je vais être le premier à passer les menottes à un des kidnappeurs de la Chaine. Ma cible s'essouffle, avec son gros sac qu'elle lâchera pas. Quand je m'estime assez proche, je plonge, et voilà l'ennemi plaqué au sol. La dopamine me monte au cerveau quand je lui récite ses droits tout en essayant de choper mes menottes sans le laisser décoller du sol :

– Vous avez le droit de garder le silence, tout ce que vous dites pourra être retenu contre vous, blablabla, avocat... arrête de te débattre ducon, fais voir ta gueule.

Je lui ai arraché sa cagoule. J'aurais jamais dû.

–... Silou ?

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Tac
Posté le 02/09/2025
Yo !
Quel plaisir de pouvoir enfin lire l'oeuvre que tu m'avais pitchée !
Par contre je suis hyper déçu - nan je plaisante, j'ai passé un très bon moment, ça se lit tout seul et je regrette que le chapitre ne soit pas plus long.
ça me fait trop de la peine que bichou se soit mangé un procès, en plus son plan était bien parti pour rentrer tranquille au foyer ! J'aurais pas cru que tu puisses être gendarme avec un casier, après j'y connais rien aux professions auxquelles tu dois accéder avec un casier vierge.
Plein de bisous !
Sorryf
Posté le 03/09/2025
Gendarme avec un casier : il a été autorisé a passer le concours à titre excptionnel malgré son casier, en mémoire à ses parents qui sont décédés dans l'exercice de leurs fonctions (ou un de ses parents, j'ai pas creusé ça me rendait trop triste :-( ) Est-ce que c'est possible ? J'en sais rien :D
Bienvenue ici <3 Merci pour tes coms !
Dentipes
Posté le 31/08/2025
Salut ! Félicitation pour le chapitre.
La voix de Marko est super convaincante, ça se lit tout seul. Les dialogues sont vifs et drôles, surtout leurs échanges absurdes pendant la fugue. Et même si perso, j'avais deviné, le twist final marche bien et donne vraiment envie de lire la suite.
Sorryf
Posté le 03/09/2025
Oui c'est pas le twist le plus renversant du monde, c'est sur xDD mais bon c'est que le chapitre 1. Merci de ta lecture <3<3
Eryn
Posté le 18/08/2025
Trop contente de voir une nouvelle histoire de toi Sorryf !!
J'ai bien aimé ce chapitre !

Je m'interroge sur le fait que Marko dise qu'il doit encore faire ses preuves : à priori s'il a plus de plomb dans la cervelle qu'avant, ses collègues flics devraient plutôt l'avoir accueilli, contents de voir qu'un jeune ancien délinquant a fini par retrouver le droit chemin, non ?
J'ai bien ri, aussi, au "la bourse ou la vie - mais pitié" ! on sent un peu de l'humour de Kiwi ex Machina, c'est cool de retrouver la même vibe (en moins trash j'ai l'impression ? )
Bon en tout cas hâte de voir où ça va les mener ces deux personnages !
Même si PA ferme :-(
Sorryf
Posté le 19/08/2025
Coucou Eryn <3
Merci pour ta lecture et ton com ! Ouii enfin une nouvelle histoire, mais j'ai que le début pour l'instant xD! Poster un peu me motive à écrire, au moins jusqu'à la fermeture de PA !

Marko qui doit faire ses preuves : c'est dans le sens où il a été pistonné, ça fait des jaloux, mais c'est vrai que j'ai pas trop développé ça ni réfléchi d'ailleurs >.< Aussi, là c'est comme il perçoit les choses, c'est pas forcément ce que ses collègues pensent en vrai (aaaaah, inventer des justifications au fur et à mesure que je réponds au com, ça m'avait manqué XDDD)
Oui cette histoire est bien moins trash que KEM, pas trash du tout, même
Encore merci \*v*/
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