"Montrez-moi un homme avec un tatouage et je vous montrerai un homme avec un passé intéressant."
Jack London
INCONNUE...
La voiture s'est arrêtée après une bonne heure de route.
Le taser a suffi à me rendre faible, je ne peux toujours pas bouger mes bras ni mes jambes.
– Occupe-toi d'elle Leone, je vais mettre la caisse au garage.
J'entends un bruit de clés probablement attrapées en plein vol. J'essaie de me redresser sans succès, ce qui me vaut un "chut" de la part d'un des hommes de la voiture. Je fronce légèrement les sourcils, chose que personne ne voit à travers le bandeau.
Une portière s'ouvre.
Puis c'est au tour de la mienne. Ma tête tombe en arrière, j'étais toujours appuyée contre celle-ci.
Je commence à paniquer, je sais que je ne tiens pas debout et qu'ils vont me traîner quelque part. J'entrouvre les lèvres pour dire quelque chose, mais aucun son ne sort. C'est une épreuve d'ouvrir la mâchoire tellement elle est encore engourdie par le taser.
Deux mains se glissent sous mes bras et me tirent hors de la voiture. J'ai envie de hurler, je ne veux pas qu'on me touche. Pire encore, je sens deux bras assez costauds me soulever, alors que mon corps ne répond plus de rien. Je pourrais être morte, ce serait la même chose.
Je me hais de devenir un objet à la merci de ces kidnappeurs.
La personne qui me porte ne me secoue pas dans tous les sens. Ses mains me tiennent fermement. C'est drôle à dire, mais je suis plutôt en sécurité dans ses bras. À son odeur que j'ai déjà eu l'occasion de sentir, je pense savoir de qui il s'agit.
Une porte s'ouvre en grinçant. Une porte en métal sans doute. On m'emmène sûrement dans un entrepôt dégueulasse comme dans les films.
Un soupir passe la barrière de mes lèvres, et je crois qu'il l'entend. Je sens son regard sur moi et je me raidis. Le fait de ne pas les voir me frustre au plus au point. J'ai très peur de ce que je vais découvrir une fois le bandeau enlevé, s'il est possible qu'on me l'enlève un jour.
Je suis doucement posée sur quelque chose de confortable, je dirais un canapé. Je ne suis pas tout à fait allongée, ni vraiment assise. La position est des plus inconfortables et je ne peux pas me redresser. Quelle plaie... Pourquoi diable la vie a-t-elle décidé que je devais vivre cet enfer? Pour l'instant il ne s'est rien passé de si terrible, mais je n'ose imaginer ce qui m'attends...
Le bandeau vole soudainement de mes yeux. Je dois avoir une tête affreuse, parce que je plisse fermement les yeux face à la lumière de la pièce qui m'aveugle. On y voit comme en plein jour ici!
Je laisse lentement mes pupilles s'acclimater à ce milieu avant de papillonner des yeux.
La première chose que je vois, c'est...
Un...
Un chien a posé ses deux pattes avant sur mes cuisses. Je ne sens même pas son poids.
C'est un border collie, et il me dévore des yeux. Mon regard doit sûrement s'adoucir, je ne m'attendais pas à tomber sur cette adorable boule de poils. En plus, j'adore les animaux.
Quelqu'un se racle soudainement la gorge, et je lève les yeux dans sa direction. Cinq paires d'yeux me fixent, toutes plus impressionnantes les unes que les autres.
Disons que je n'ai jamais eu l'habitude d'être la seule femme dans une pièce, et là, je me sens un peu comme une proie.
– Anakin, viens là.
Le chien me quitte rapidement pour aller vers l'un de ces malades. Même lui, c'est un mâle.....
Le premier devant moi est assis sur la table basse qui fait face au canapé. Il porte un masque chirurgical noir qui couvre sa bouche, mais je peux voir ses yeux légèrement bridés. Un autre est debout sur sa droite, il est énorme, et n'a pas l'air très ravi de me voir. Ça tombe bien, moi non plus. Ses bras doivent faire trois fois mes cuisses. Derrière eux, il y en a deux autres. Ils sont moins impressionnants, mais je vois dans leurs yeux qu'ils ne sont pas plus sympathiques. Leurs visages fermés ne renvoient rien de positif. L'un deux a le chien assis à ses pieds. Ce loulou a l'air d'être extrêmement bien dressé.
Pas étonnant avec des maîtres aussi sévères...
Le dernier se trouve en retrait, adossé contre le mur. C'est le type de l'hôpital. Il est un peu plus grand que moi, ses cheveux bruns foncés lui donnent un air de mauvais garçon. Il a un regard dur qui me fait détourner rapidement le mien pour me re concentrer sur le chien. Quand je pense que tout à l'heure devant l'hôpital je...
Je suis sûre que ce sera lui, mon préféré.
Et je parle évidemment de celui qui se déplace sur quatre pattes.
Je n'avais pas vu l'un des hommes s'éloigner, mais il vient poser bruyamment un verre d'eau sur la table, juste devant moi.
– Bois ça pour te requinquer un peu.
J'observe le verre en silence.
– Dépêche-toi.
J'ose un regard vers ce type qui me presse. C'est le grand costaud. Je préfère m'exécuter pour l'instant, mais en prenant tout le temps que je souhaite. L'eau fraîche me brûle la gorge, mais qu'est-ce qu'elle me fait du bien.
– Tu es infirmière?
C'est le garçon masqué assis sur la table qui parle. Sa voix est la plus proche, et aucun des quatre autres n'a ouvert la bouche. Je baisse le regard sur ma blouse que je n'ai pas quitté. Je porte encore mes affaires de sport en dessous. Quand ils m'ont tasé, je sortais tout juste de l'hôpital. Je hoche simplement la tête.
– Ça c'est une bonne chose.
Je ne prête plus attention à qui parle. Au premier abord, ils n'ont pas l'air de me vouloir du mal. Je pense que si ça avait été le cas, je serais déjà soit toute nue, soit morte. Autant me faire toute petite pour le moment.
J'ai à peine le temps de reposer le verre que monsieur gros bras me soulève en m'attrapant le mien.
– Tu vas aller prendre une douche.
Je n'ai pas le temps de protester qu'il m'emmène de force jusqu'à une porte. Leur entrepôt ressemble plutôt à un joli appartement moderne, et il faut avouer que tout est très propre.
Il ouvre cette porte avec fracas et me jette à l'intérieur.
– Eh, doucement, j'ose en fronçant les sourcils.
Je les vois me regarder bizarrement, c'est la première fois qu'ils entendent le son de ma voix. Monsieur gros bras a tellement été brusque que mes paroles sont sorties toutes seules.
– Déshabille-toi.
L'homme très imposant croise les bras sur son torse et me fixe. Il s'attend à ce que je retire mes vêtements devant lui? Ça y est, on va me faire du mal, je le sens.
Je le fixe silencieusement mais je suis persuadée d'avoir l'air d'une petite fille apeurée. Tout ce que je déteste.
Dans son regard, je comprends qu'il est pressé et qu'il ne compte pas m'attendre plus longtemps. Il est hors de question que je retire un seul de mes vêtements devant ses yeux.
– Sors et laisse-moi faire.
C'est l'homme que j'ai vu devant l'hôpital qui parle. Il lui fait signe de sortir de la salle de bain et s'enferme avec moi.
Je suis encore plus cernée. Et doublement troublée. Doucement, je fais un pas en arrière, mon dos se cognant légèrement contre la paroi de la douche.
Le brun ne me regarde même pas, il se tourne simplement dos à moi et glisse nonchalamment ses mains dans ses poches.
– Enlève tes vêtements et douche toi. Je me retournerai pas.
Son ton est moins irritant que le type aux bras énormes qu'il a fait sortir de la pièce. Je le regarde un instant, il ne bouge pas. Je crois qu'ils ne vont pas me laisser seule ici.
Par chance, la salle de bain est immense, mais je ne suis absolument pas à l'aise avec sa présence ici, alors que je dois me mettre nue.
– Je ne peux pas faire ça seule?
J'ose demander tout de même. Je l'entends simplement soupirer et décide de ne rien dire d'autre. Si je coopère sans rechigner, peut-être qu'ils me laisseront partir.
Lentement, et sans quitter mon ravisseur des yeux, je retire ma blouse et la laisse tomber sur le sol. Des petites taches de sang l'ont sali et je me fiche bien qu'elle traîne par terre. Jetant un coup d'œil à la douche, je décide de m'enfermer à l'intérieur pour retirer le reste de mes vêtements, histoire d'être sûre qu'il ne verra pas un seul centimètre de ma peau. La paroi est opaque, par chance, donc il y a peu de chance qu'il voit autre chose que ma tête et mes pieds s'il décide de se retourner. Je jette mes vêtements par-dessus la porte de douche et allume l'eau. J'ai hâte que l'eau chaude coule sur ma peau et me réchauffe. Je ne me rends compte que maintenant, mais j'ai très froid. J'ai toujours eu tendance à être frileuse, mais je crois sincèrement que le coup de taser n'a pas aidé.
Mes yeux ne quittent pas la silhouette de l'homme censé me surveiller. Je l'ai aperçu de près plusieurs fois, et je ne peux me mentir à moi-même, il est sans doute le plus bel homme que j'ai pu rencontrer, selon mes critères.
Il n'est ni trop ni pas assez, ses cheveux foncés sont plus longs sur le dessus et rasés sur les côtés, il a une petite barbe pas extrêmement fournie, et ses bras sont parsemés de tatouages. Un peu comme les miens. En pire. C'est pour cela que je ne pouvais décrocher mon regard du sien en quittant le travail. L'angoisse que j'avais ressentie en me retrouvant seule en présence d'un inconnu dans la rue non éclairée s'était rapidement dissipée en croisant ses yeux. Je ne me suis pas méfiée à cause de son mystérieux charme et je m'en veux extrêmement pour ça. Si j'avais surveillé mes arrières je ne serais pas là ce soir. Mais je ne peux m'empêcher de me souvenir de ce que j'ai ressenti, de ce truc quand on tombe sur quelqu'un qui nous attire cruellement sans comprendre pourquoi.
Je ne sais pas encore pourquoi je suis ici, et honnêtement, même si la question me brûle les lèvres, j'ai bien trop peur de la poser.
Je ne peux me risquer à faire la maligne en présence de tant d'hommes. Surtout vu ma frêle silhouette à côté de la leur.
Je ne peux empêcher un long soupir de sortir de ma bouche quand l'eau devient enfin brûlante comme je l'aime. Mes muscles crispés se détendent un peu, et je profite enfin d'un moment de répit, même si l'environnement est tout sauf propice à la détente.
Ma douche est plutôt rapide, je n'ose pas faire attendre qui que ce soit, même si l'envie est là.
Mon regard se repose sur l'homme et j'arrête l'eau, grelottante. Mes yeux parcourent la salle de bain, et je me rends compte d'une chose, avant d'entrouvrir légèrement la porte de la douche.
– Je n'ai pas de serviette.
J'ose doucement, glissant mes bras autour de mon corps en espérant me réchauffer un peu. Je ne le quitte pas des yeux au cas où il lui prendrait l'envie de se retourner, mais il se décale tout simplement pour ouvrir un placard et en sortir une grande serviette blanche. Il recule ensuite jusqu'à la douche sans me jeter un seul regard et glisse la serviette dans son dos pour que je l'attrape.
– Tiens.
Je le détaille un instant avant d'attraper ce qu'il me tend, murmurant un petit "merci".
Ce n'est qu'à cet instant que je me rappelle n'avoir aucun vêtement de rechange. Je m'apprête à bégayer mais il me coupe brusquement.
– Sèche-toi, je reviens.
Et il sort de la salle de bain sans même se retourner. Je me hâte de me sécher, profitant de son absence pour sortir de la cabine de douche. Mon attention est rivée sur la porte par laquelle l'homme va repasser, et ainsi se pointer devant moi, toute nue sous ma serviette. Rien qu'à cette pensée, j'ai la boule au ventre. De très mauvais souvenirs me reviennent en mémoire, quand bien même je ne les ai jamais oubliés.
Quelques secondes plus tard, la porte s'ouvre de nouveau mais je ne vois qu'un bras s'y glisser pour me jeter un sac de sport à l'intérieur. Mon sac de sport.
Quelle chance j'ai d'avoir pensé à vider mon casier cet après-midi! C'est comme si le destin avait tout prévu.
Je n'ai que des affaires de sport à l'intérieur, mais un short et un sweat chaud devraient faire l'affaire. Vu l'heure, j'espère que l'on me laissera me reposer dans une chambre, je mérite bien de m'allonger et qu'on me foute la paix.
Est-ce que quelqu'un s'inquiète que je ne sois pas rentrée?
Est-ce que quelqu'un me cherche?
Permettez-moi d'avoir de gros doutes là-dessus.
chut faut pas tout dévoiler🤫 j'espère que monsieur tatouage sera assez sympathique ;)