Dix ans de mariage.
Pour l'occasion, Henne a proposé de renouveler nos vœux, même si ça inclut de le faire avec des personnes qui me dénigrent depuis des années, j'ai accueilli son idée avec grand plaisir. Il est tellement heureux de pouvoir donner une cérémonie laïque dans notre jardin, qu'il s'est chargé de tout. Cette semaine, mon mari m'a fait penser à un enfant qui attend impatiemment le jour de Noël et j'en suis tombée encore plus amoureuse.
Le grand jour est arrivé. Assise devant ma coiffeuse, j'observe mes cheveux mi-longs former une boule châtaine à la base de ma nuque. Puis, je m'attarde sur mon visage, les années ont passées, mais l'éclat de mes grands yeux verts est toujours le même, celui d'une femme comblée. Quelques rides ont fait leur place notamment les plissés du soleil, soit les plus belles rides qu'une femme peut avoir. Elles témoignent de ma chance d'avoir trouvé l'homme le plus merveilleux qu'il soit.
Quelques coups donnés à ma porte de chambre me sortent de ma rêverie et je réponds :
— C'est ouvert !
J'attends que le nouvel arrivant se montre et j'aperçois le joli minois de Julia dans l'embrasure de la porte. Je souris et lui fais signe d'entrer. Elle referme aussitôt derrière elle et s'avance vers moi en se baissant à ma hauteur pour passer ses bras autour de moi.
— Mon Dieu, Sihane ! Que tu es belle !
Je sens mes joues chauffer et je la remercie. Julia est la seule amie de Henne à m'avoir acceptée, moi, l'insipide auxiliaire de vie, fille d'un petit artisan de quartier. Ce ne sont pas mes mots, mais ceux de l'entourage de mon époux. Pour ma part, je suis et vis très bien comme je suis. Leurs attaques ne m'atteignent pas parce que je sais ce que je vaux...
— Tu es attendue, poursuit Julia.
— J'ai une impression de déjà vu, réponds-je à mon amie en me levant.
Elle rit doucement en prenant mes mains dans les siennes.
— Je ressens les mêmes émotions qu'il y a une décennie. C'est fou comme votre amour est fort et communicatif.
Un sourire aux lèvres, je rétorque :
— Va dire ça à la bande de charognards qui rôde dans mon jardin.
Elle s'esclaffe en m'invitant à la suivre. Nous descendons au rez-de-chaussée, mon père m'attend, droit et fier. Le premier homme que j'ai aimé me confie pour la deuxième fois à l'homme qui partage ma vie.
Le lieu de réception est somptueux. Des arches et des voilages entourent nos invités. Une multitude d'amaryllis « Apple blossom » et blanche décorent le tout avec un romantisme qui me ressemble. Mon époux me connaît si bien, c'est simple et élégant, comme je l'imaginais.
Alors que je remonte l'allée, je sens les regards de mes proches remplis d'amour, à l'inverse de ceux des proches de Henne qui sont remplis de dédain. Lorsque je pose les yeux sur mon époux, le reste du monde s'efface. Il est si beau dans son costume noir et sa chemise blanche. Son attitude détendue, ses mains dans les poches, ses cheveux coiffés en brosse et son bouc de quatre jours m'attirent et m'éblouissent autant que son sourire. Quant au flamboiement de ses yeux, il fait écho à ce que je ressens au fond de moi.
Je presse légèrement le pas, tandis que mon père me freine tant bien que mal.
— Doucement, Sihane. Il est déjà tien, me réprimande-t-il en souriant.
Je ralentis.
— Je sais papa, mais que veux-tu ? Je l'aime, réponds-je malicieusement.
En arrivant devant Henne, mon père dépose un baiser sur mon front me témoignant ainsi tout son respect. Ça m'émeut et je sens un léger picotement dans mes yeux. Henne sourit en me voyant fermer les paupières un instant.
Paul, le mari de Julia, officie la cérémonie et commence par quelques anecdotes concernant notre couple.
— Je me souviens d'une soirée où, ma chère et tendre a fait boire Sihane, elles étaient rondes comme des queues de pelles. Sihane ne tenait plus debout et Henne en homme dévoué a dû la porter pour rentrer chez eux. Pendant tout le trajet pour rejoindre la voiture, notre sublime mariée, riait à gorge déployée. Pour quelle raison ? Cela demeure un mystère.
Il finit son récit en attrapant mes doigts pour un baise-main et ajoute :
— Pardonne-moi, Sihane, mais cette nuit-là, ton rire était tellement communicatif que je m'en souviens comme si c'était hier.
Il poursuit son discours, certains invités s'esclaffent, d'autres sourient faussement, quant à Henne et moi, je crois que le ciel pourrait nous tomber sur la tête qu'on y verrait que du feu.
— Henne ! s'exclame Paul après un long moment.
Mon mari tourne la tête vers lui, le sourcil arqué en guise de questionnement.
— Tes vœux, chuchote notre ami en souriant.
Nous éclatons de rire, accompagnés de nos invités. Henne se racle la gorge et commence :
— Tu me regardes et me lis comme personne d'autre. Je te regarde et te devine. Chaque jour, je suis tes pas dans la lumière, dans ta lumière. Je veux être présent pour toi quand tu ris et quand tu pleures, quand tu fais une blague pourrie et quand tu doutes. Je veux éclairer tes nuits et tes rêves. Faire de toi la femme la plus heureuse que la Terre ait portée. Et je te fais la promesse de ne jamais effacer de ton visage, ce sourire éblouissant que tu m'offres, à cet instant. Je fais le serment d'être ta force, d'être l'amour, d'être celui que tu veux que je sois. Je te promets pour le meilleur et pour le pire de toujours t'aimer et d'unir nos vies de la plus belle façon qu'il soit. Sihane, je t'aime plus que la vie elle-même.
Mes larmes coulent depuis qu'il a pris la parole. Le bonheur qui m'envahit en prenant conscience de sa demande dissimulée est sans nom. L'envie de sauter et crier de joie est immense, mais je me retiens et tente de laisser mes larmes se tarirent, afin de pouvoir dire mes vœux à mon tour. Henne essuie mes joues de ses mains chaudes et c'est comme s'il me touchait pour la première fois. Une envolée de papillon éclate dans mon ventre.
Je fais un signe de tête pour lui signaler que je suis prête et je prends la parole d'une voix tremblante et émue :
— Tu es l'être le plus doux, le plus beau, le plus attentif que le monde ait connu. Et si tu n'existais pas, je serais obligée de t'inventer parce que sans toi ma vie n'aurait aucun sens. Tu es mon soleil, celui en qui je crois continuellement. Dans tes yeux, je vois l'amour que j'ai toujours espérer trouver. Dans tes bras, je sais où est ma place. Dans ton cœur, j'ai trouvé mon équilibre. Henne, tu es ma force et mon calme, ma joie et ma liberté, ma vie et mon âme. Tu es l'homme que je suivrai jusqu'au bout du chemin et je t'aimerai jusqu'à mon dernier souffle.
Mon mari attrape mes doigts et les serre avec la force de son amour tandis que je grimace sous son assaut, en le faisant doucement rire.
— Excuse-moi, mon cœur. Je ne voulais pas te faire mal.
Je lui souris tendrement. Paul reprend son rôle de maître de cérémonie en nous demandant de nous donner la main, puis il vient les entourer d'un ruban de soie blanc, en nous souhaitant tout le bonheur que nous méritons. Puis il invite nos proches à venir nous poser des questions sur notre amour et pour chaque « oui » que nous répondons, un ruban supplémentaire s'enroule autour de nos mains liées.
Ma mère s'approche de nous et demande :
— Ai-je bien compris ? Je vais devenir mamie ?
La réponse de mon mari ne se fait pas attendre.
— Oui, Annabelle, vous avez bien compris.
Les mains chaudes de cette dernière déposent le ruban sur celui de Paul et elle nous embrasse tendrement.
— Je vous aime tellement mes petits, déclare-t-elle, les yeux brillants et la voix cassée.
Nous acquiesçons en lui offrant un sourire chaleureux.
Ma famille et mes amis jouent le jeu, les bandes de soie se multiplient. Quant aux proches de Henne, ils ne posent pas de questions et effectuent le rituel de manière forcée. Tous, sauf Lydia et sa question m'est adressée directement.
— Son compte en banque compte-t-il plus que son amour ? demande-t-elle, en me regardant froidement.
Henne grogne à l'attention de son amie qui lui offre un sourire.
— Détends-toi, Henne. C'était juste une blague, lance-t-elle en se retournant.
Mon mari plonge son regard dans le mien. J'y décèle de l'inquiétude et de l'agacement alors je lui offre mon plus beau sourire. C'est notre jour et rien de ce que Lydia ni personne d'autre, dira ne pourra gâcher cela.
Julia est la dernière à venir déposer son ruban.
— Lyly est une pétasse ? demande-t-elle.
Henne répond « oui » sans hésitation, ce qui me vaut un éclat de rire, parce qu'il n'est vraiment pas du genre à réagir de la sorte lorsque l'on m'attaque. Au contraire, d'habitude, il est passif et ne s'attarde pas dessus, puisque pour lui, l'opinion des autres ne compte pas. C'est quelque chose que j'approuve totalement, en général, toutefois sa réaction, me fait plaisir. Ce n'est pas grand-chose, mais cette fois, il prend mon parti.
Nous nous dirigeons ensuite vers le lieu de réception qui se trouve également dans notre jardin, sous une grande tente blanche, pour le vin d'honneur. Je découvre le lieu avec des étoiles dans les yeux. Henne a choisi pour thème le « bucolique romantique » et comme pour la cérémonie, c'est simple et élégant. Les luminaires, sous forme de guirlande et lampions, diffusent une lumière douce et chaleureuse. De nouveau, des amaryllis viennent décorer l'endroit, notamment sur les tables et je vois qu'un parquet a été installé pour pouvoir danser au rythme des mélodies douces et sans paroles de l'orchestre.
Après le repas, Henne m'invite à danser, il me fait tournoyer encore et encore. Nos regards ne se quittent pas et nous revoilà seuls au monde. Nos sourires se répondent, nos caresses transmettent notre amour, Henne m'embrasse avec toute la tendresse dont il est capable et je me sens comme la femme la plus heureuse et la plus chanceuse du monde. Cette journée est magnifique et j'en grave chaque instant dans ma tête.
Ah...Lydia... Je sens qu'elle va faire chi** celle-ci.
Merci ma belle 😃