Voilà, une semaine que nous avons renouvelé nos vœux. La réception a été incroyable et nous avons dansé presque toute la nuit. Un week-end magnifique. En revanche, la reprise de service, lundi matin, ne l'a pas été. La fatigue s'est fait sentir dès le réveil et pour couronner le tout, je me suis fait mal au dos en effectuant la toilette d'un patient, mais j'ai pris sur moi pour le reste de la journée. En rentrant à la maison, Henne a dû me faire un massage tant la douleur ne passait pas, et malgré ça et les médicaments, j'ai souffert toute la semaine.
Ce soir, un repas est organisé chez Lydia. Je suis frustrée de ne pas pouvoir profiter de mes repos pour me soulager de mes douleurs. La tentation de laisser Henne y aller seul est grande, mais quel genre de femme cela ferait de moi ? Je me prépare donc pour ce repas qui, je le sens, va être une torture.
Apprêtés, nous prenons la direction de la villa de cette peste de Lydia. Après un quart d'heure de route, nous arrivons. Toutes les lumières sont allumées, si bien que l'on se croirait en plein jour. Un voiturier ouvre la porte de mon mari, afin de pouvoir parquer le véhicule un peu plus loin. Pour ma part, je n'attends pas le portier et descends comme n'importe quelle autre personne du commun des mortels. Henne me rejoint et nous montons les quelques marches qui mènent à l'énorme porte de la villa. Une servante nous accueille et prend nos manteaux, puis elle nous conduit dans l'immense pièce à vivre où se trouvent déjà quelques convives. Je repère Julia et Paul du coin de l'œil, je tire Henne pour les rejoindre. Hélas, une voix criarde vient écorcher mes tympans.
— Henne, enfin te voilà ! s'exclame Lydia en venant se coller comme une sangsue à mon mari pour lui faire la bise.
— Tu exagères Ly, nous sommes à l'heure, badine-t-il.
Je soupire discrètement, la soirée va être longue. Alors qu'elle se détache de Henne, son attention hautaine se porte sur moi.
— Tu n'as déjà pas bonne mine en général, mais ce soir, tu bats des records. Tu pourrais au moins faire l'effort de camoufler tout ça, s'exprime-t-elle en me désignant de la main.
Henne passe son bras autour de mes épaules.
— Ma femme est parfaite, Lydia, répond-il alors qu'elle me lance un regard rempli de haine.
Cette femme n'attend qu'une chose : que mon mari la regarde. Mais ça n'arrivera pas et elle le sait. Alors elle m'attaque sur tous les fronts. Habituellement, je laisse couler, mais ce soir, mon irritation est à son comble.
— Pourquoi ferais-je cet effort ? Ce n'est pas comme si l'on s'appréciait ni comme si tu en valais la peine, rétorqué-je sur un ton peu aimable, en les abandonnant pour rejoindre mes amis.
En cours de route, j'attrape une coupe de champagne qui je l'espère, m'aidera à supporter tous ces gens.
— Bonsoir, vous, déclaré-je en souriant.
— Bonsoir, gente dame, répond Paul en s'inclinant. Tandis que Julia m'offre une révérence parfaite, en se moquant de toute cette mascarade.
Je n'ai pas le temps de rire avec eux, que Henne est à mes côtés, le visage fermé.
— Qu'est-ce qu'il t'a pris de dire ça ? aboie-t-il.
Je lui sers une moue et rétorque :
— Aurais-je froissé Sa Majesté ?
— Arrête ça, Sihane !
Je fronce instantanément les sourcils. Le ton froid qu'il adopte ne me plaît absolument pas.
— Pardon ? Arrêter quoi ? Elle m'attaque de part en part, sur n'importe quel sujet. Elle me dénigre à tout bout de champ et te lorgne, telle une harpie. Et c'est moi qui dois arrêter ? demandé-je fâchée.
Nous disputer ne fait pas partie de nos habitudes, mais j'en ai ras le bol d'être un bouc émissaire.
— Ce n'est pas le moment de parler de ça, grogne-t-il.
— Bien sûr, il ne faudrait pas entacher ton image, claqué-je, en me détournant de lui pour sortir sur la terrasse.
Bon sang, je sens les larmes me monter aux yeux. Pour une fois, une seule petite fois, je me défends et c'est moi qui suis en tort. Qu'ai-je fait de si mal pour m'attirer les foudres de l'homme qui est supposé prendre mon parti envers et contre tout ? Je sens une paire de bras et une tête se coller dans mon dos. Une perle salée glisse sur ma joue. Je l'essuie rapidement. Je ne donnerais pas à « Ly » ce plaisir.
— Ça va ? Je t'ai rarement vu t'emporter, d'ailleurs, je crois que c'est la première fois.
— Je suis comme tout le monde, Julia, réponds-je tristement.
Elle rit et me lâche.
— Ah ! Donc Sihane possède un caractère de cochon ?
Je souris et me tourne vers elle pour lui faire face.
— Je crois bien que oui, dis-je en hochant la tête.
— À la bonne heure ! s'exclame-t-elle enjouée en me tenant à bout de bras.
Je souris à mon amie et elle poursuit plus sérieusement :
— Tu sais comment il est. Il n'aime pas les esclandres et pour lui, la meilleure des réponses, c'est l'indifférence.
— Je sais et généralement, je suis du même avis... soupiré-je.
— Mais pas ce soir ! Que se passe-t-il ? me coupe-t-elle.
— Je pense que je me suis fait une déchirure musculaire au boulot et la douleur ne cesse de croître. Ça me prend même au ventre et niveau appétit, ce n'est pas la joie, non plus.
Elle m'offre une petite moue triste.
— Tu aurais dû rester à la maison pour te reposer, Sihane.
— Je ne me voyais pas laisser Henne venir seul, ça aurait trop fait parler.
Julia s'esclaffe et s'assied sur une chaise longue en m'invitant à la rejoindre.
— Je ne peux te contredire, mais ta santé compte plus que le « qu'en-dira-t-on » de ces vipères. Tu es allée voir le médecin au moins ? m'interroge-t-elle.
— Non, pas encore. Je n'ai pas eu une minute à moi.
— Prends le temps, me gronde-t-elle gentiment.
J'acquiesce et nous continuons à discuter un instant, avant de rentrer. La soirée se déroule tant bien que mal, Henne m'ignore et son attitude m'agace. Au final, j'aurais dû rester chez moi. Heureusement, mes amis me font la conversation, je me serais sentie bien transparente et misérable sans eux.
Alors que nous passons au dessert, Henne prend ma main et la porte à ses lèvres, puis il vient murmurer à mon oreille qu'il est désolé. Un léger sourire apparaît sur mon visage, mais la nausée qui me foudroie l'estomac à ce même instant me fait grimacer de douleur. Je m'excuse et sors de table pour gagner les toilettes. Sur le chemin, une nouvelle nausée m'assaille. Elle est si violente que ma vue se trouble et le vertige s'empare de moi. Je me retiens au mur en attendant que ça passe. Une vague de chaleur m'envahit, tandis que ma peau se couvre d'un film de sueur et de frissons. Puis tout revient à la normale. J'abandonne l'idée de me rendre aux toilettes et rejoins la salle d'eau, afin de me rafraîchir un moment. Le reflet que me renvoie le miroir m'effraie, je suis pâle comme un linge et les cernes qui gagnent mon visage, depuis quelques jours, me paraissent soudain très sombres. Je passe de l'eau fraîche sur mes joues, ça fait du bien, puis je m'installe sur le rebord de la baignoire et pratique un exercice de respiration, afin de reprendre le contrôle de ce corps qui n'en fait qu'à sa tête.
En revenant à table, Henne me regarde inquiet. Je lui fais signe que tout va bien et la soirée se poursuit dans les rires et la bonne humeur pour les amis de Henne. En revanche, pour moi, c'est autre chose. J'ai de fortes bouffées de chaleur, ainsi que des hauts le cœur que j'essaie au mieux de dissimuler. Lorsque la soirée prend fin, c'est avec soulagement que je l'accueille.
Pendant le trajet pour rentrer à la maison, Henne me demande ce qu'il m'est arrivé pendant le dessert. Je lui explique les maux de ventre, la perte d'appétit, les nausées et les vertiges. Son inquiétude revient marquer son visage, puis il me demande avec un demi-sourire :
— Se pourrait-il que tu sois enceinte ?
Focalisée sur mes maux de dos, une éventuelle grossesse ne m'avait même pas traversé l'esprit.
— Je ne sais pas, je n'y ai pas pensé, avoué-je. Je vais prendre rendez-vous avec Dr Mancini, nous le saurons assez tôt, déclaré-je en souriant.
***
Après ma consultation avec mon généraliste, il y a deux jours, je suis rentrée à la maison avec un arrêt de travail et une ordonnance pour une prise de sang. Je l'ai faite hier et j'attends patiemment les résultats qui doivent arriver dans la journée.
Alors que je m'installe confortablement sur le sofa avec « Va où ton cœur te porte » de Susanna Tamaro, la sonnette retentit dans la maison. Je me relève et vais ouvrir la porte.
— Bonjour ! Vous êtes madame Bennett ?
— Bonjour, oui c'est bien moi, réponds-je en souriant.
— J'ai un courrier pour vous et j'ai besoin d'une signature, déclare-t-il, en me tendant son porte-bloc et son stylo.
Je signe sa fiche et reçois ma lettre.
— Au revoir, madame et bonne journée ! s'exclame-t-il en partant avant même que je ne puisse lui répondre.
Je referme la porte et ouvre l'enveloppe, ce sont mes résultats. Je lis attentivement et la déception s'empare de moi, même si au fond, je le savais. Je ne suis pas enceinte.
J'envoie un texto à Henne, il me répond qu'il est déçu aussi, mais que nous avons toute la vie pour enfanter. Un deuxième texto fait son apparition dans lequel, il me dit : « Ça nous donne une bonne raison pour faire l'amour encore plus souvent. »
Je ris à sa plaisanterie et réponds par un smiley avant de retourner à ma lecture.
j'adore sa répartie envers Lydia haha. Je suis aussi déçue qu'elle que Henne ne la soutienne pas.
Triste pour eux qu'elle ne soit pas enceinte, et inquiète pour ces symptômes...
Toujours une aussi belle plume. Bisous
Merci Anouk ;)
Merci Anouk ;)
Merci Anouk ;)
Merci Anouk ;)
Merci Anouk ;)
Merci Anouk ;)
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