1- Premier regard

Par Dédé

Comme chaque mercredi après-midi, César s’engouffre dans le tramway, ligne E, en direction de son cinéma de prédilection. Comme chaque mercredi après-midi, il a l’impression d’y retrouver les mêmes têtes.

César aime laisser libre cours à son imagination, à défaut d’être capable d’aller vers les gens. Il est du genre à s’enfermer dans des univers imaginaires. Cela a l’avantage de limiter la déception que peut causer certaines interactions sociales. Sans parler aux autres passagers du tram, il leur invente toute une vie qui évolue d’une semaine à l’autre. Une vie calme et tranquille ou une pleine de rebondissements digne des meilleurs films.

Il y a ce monsieur plutôt âgé qu’il a surnommé « Pierre-Louis ». Il lui a créé une passion pour la pétanque et les verres de pastis en terrasse de café. Parmi les personnages du tram du mercredi, on retrouve aussi « Oriane », l’étudiante en histoire des arts qui parle plusieurs langues, « Hervé », le professeur d’éducation physique et sportive polyamoureux très mignon qui a remporté le concours du plus beau tatouage de serpents, « Sylviane », la mamie rock-and-roll adepte des émissions de cuisine qui se promène en ville avec ses deux petits-enfants, « Guy » et « Tara ».

Ces petites histoires font passer le temps. César ne voit jamais défiler les six arrêts qui séparent son appartement du cinéma. D’ailleurs, il descend au prochain arrêt.

La porte s’ouvre. Une fois à l’extérieur, il percute accidentellement un futur passager, réajustant un de ses écouteurs sans fil. Les joues rouges, César n’arrive même pas à s’excuser, encore moins à détacher son regard de celui de l’inconnu. Il ne peut plus bouger. Cet inconnu le fascine. Lui aussi se plonge dans le regard de César. Ou, est-ce le fruit de son imagination si fertile ?

Les portes du tram se referment, comme une barrière qui vient de s’imposer entre eux. L’inconnu jette un coup d’œil à sa montre et adresse un dernier sourire en direction de César. Ce dernier sourit maladroitement. Il reste figé, plusieurs minutes après le départ du tram.

Cette rencontre, si l’on peut dire, aussi brève soit-elle, l’a profondément bouleversé. Il n’a pas de mots. Il n’a pas d’histoire à raconter sur cet inconnu. Aucun nom ne lui vient à l’esprit. Aucune passion cachée. Aucune anecdote. Il se sent vide, comme assommé. Il ne sait même plus ce qu’il est venu faire en ville. Une seule pensée l’habite désormais. Un seul regret le hante depuis que les portes du tram se sont refermées : pourquoi a-t-il laissé partir cet inconnu sans même oser lui parler ?

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meelsaa98
Posté le 27/05/2023
Hey,
Vivement la suite, on se pose pas mal de questions sur cette fin de chapitre ! Va-t-il lui inventer une vie… lui parler… tellement de possibilités
Dédé
Posté le 05/10/2023
Hey !
En effet, tu as raison. Il y a tellement de possibilités ! C'est ça qui est stimulant à ce stade de l'écriture. Je peux aller dans TOUTES les directions possibles. Seulement, à un moment, il faudra choisir.

Merci pour ta visite et ton commentaire !
coeurfracassé
Posté le 16/04/2023
Hello !
J'adore le début de cette histoire, celle-ci s'annonce bien ! On sent vraiment que César ne s'ouvre pas du tout aux autres, j'ai hâte de savoir pourquoi... Et pourquoi y a-t-il un grand vide en lui alors que c'est si simple avec les autres passagers ?
Hâte de lire la suite.
Dédé
Posté le 05/10/2023
C'est super que tu aies pu accrocher avec César. J'ai toujours peur de ne pas être capable de créer l'empathie avec le lecteur...

C'est une histoire qui me botte vraiment beaucoup et que je reprendrai un jour. J'ai besoin d'une histoire un peu "tranches de vie" dans mon planning d'écriture.

A bientôt !
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