2- Lune de miel

Par Dédé

En se levant ce matin, Léo s’est senti un peu bizarre. Une sorte de coup de blues. Sans doute parce que c’est la reprise du travail. Reprendre après toute la folie de ces dernières semaines, c’est moralement compliqué.

Le mariage, la lune de miel… Il aurait voulu que cela dure toute la vie. Il ne s’est jamais senti aussi heureux. Des souvenirs de voyage et d’intimité en pagaille qu’il a envie de conserver bien précieusement. Pour ne jamais les oublier. Jamais.

Ce matin, il faut reprendre le travail. Après tout, il faut bien y retourner un jour ou l’autre. Ses élèves de CM2 lui manquent un peu. Il l’aime, son métier. Mais, il aime encore plus sa vie de jeune marié.

Léo sait qu’il doit revenir à la raison : la vie ne peut pas être une lune de miel infinie. Si les bonnes choses ont une fin, c’est qu’il y a une raison. La chose en question, sans fin aucune, perdrait de sa saveur, autrement.

La cafetière finit de gronder dans le silence assourdissant de la cuisine de l’appartement. Il se dirige vers elle, encore vêtu d’une robe de chambre. Il rajoute un sucre à son café, comme d’habitude. Il remue avec une petite cuillère, comme d’habitude. Une playlist « Café et croissant » se met en marche, comme d’habitude. Ces petits rituels, il devrait être content de les retrouver. Il l’aime, sa routine matinale. Pas aujourd’hui. Aujourd’hui, il a envie de prendre son mari dans les bras. Il a envie de retourner dans cette bulle d’amour et ne plus jamais la quitter. Qu’aucune obligation de la vie réelle ne vienne entraver leur bonheur.

Léo ressent une petite douleur à l’idée d’être séparé de son mari, quelques heures certes, pour la première fois depuis le mariage. D’ailleurs, il regrette de s’être couché tard, hier soir. Il dormait profondément quand le réveil de son mari a sonné en pleine nuit. Il n’a pas pu échanger un dernier regard avec lui, un dernier mot, un dernier baiser avant qu’il ne parte pour son jogging matinal. Une habitude qu’il a perdue depuis le mariage. Ils habitent ensemble depuis cinq ans maintenant, Léo est habitué de le voir partir à l’aurore pour se défouler dans un pas de course élancé. Cela lui est déjà arriver de ne pas se réveiller lorsque son mari se lève. Aujourd’hui, néanmoins, il avait besoin de ce contact. De sentir que leur connexion privilégiée n’est pas rompue à cause du retour du train-train quotidien.

La vie normale reprend son cours. Cela attriste Léo. Pourtant, une vie normale avec un mari tel que le sien, c’est tout ce dont il a toujours rêvé. Il se dit que c’est normal de ressentir ce coup de mou aujourd’hui. C’est un peu une journée de transition. Et, ce n’est guère différent de la petite déprime du dimanche soir ou du blues du retour de vacances. Le mariage, la lune de miel, ce n’est pas rien comme expérience, comme souvenir. C’est très fort en émotions !

Alors qu’il s’apprête à aller se doucher, il se ravise et enfile à la va-vite sa robe de chambre quand il entend un bruit de porte claquée :

– Oh ! Mais tu m’as fait peur ! Qu’est-ce que tu fais là ?

Son mari se tient devant lui :

– J’ai fini mon petit jogging et j’avais envie d’une petite douche à domicile. Puis…

César s’arrête pour promener son regard sur le corps de Léo. Impossible de dire s’il aime la vision de son mari dans la robe de chambre ou s’il imagine le corps qui s’y cache dessous.

– J’allais prendre la mienne aussi, avoue bêtement Léo.

César le regarde avec un petit sourire en coin :

– Je crois qu’on peut la prendre à deux. On n’en serait pas à notre premier coup d’essai.

Léo laisse s’échapper un petit rire. Il adore quand César flirte de cette manière. Sa petite déprime s’est complètement envolée. Il n’a même plus envie d’aller travailler.

– Je crois même que la douche nous préfère ensemble, pas séparés.

– Oui, la douche à deux, c’est économique de toute façon, s’amuse César.

– Alors, il n’y a plus qu’à y aller, conclut Léo, impatient.

Il entraîne César à le suivre puis referme la porte de la salle de bains derrière eux. Le travail reprend peut-être aujourd’hui, mais la lune de miel n’est apparemment pas encore terminée.

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