1. Taorenn

Par Neila
Notes de l’auteur : Ceci est le deuxième mouvement (arc/partie) d’une histoire qui en compte plusieurs. Vous pouvez accéder aux autres en allant sur mon profil, ici : https://www.plumedargent.fr/membre/neila
Au programme : une team d’ados mal assortis, des super-pouvoirs et dilemmes moraux, de l’aventure et des voyages, des rebelles et des gouvernements autoritaires, du fight, des drames familiaux, une apocalypse et une bonne grosse dose d’amitié.

DEUXIEME MOUVEMENT

LA CONNAISSANCE

Elle inspira, expira et réveilla le Feu.

Juste un peu, tout doucement. Les chandelles s’illuminèrent l’une après l’autre : gauche, milieu, droite. Assise en tailleur, Hayalee posa ses mains sur les dalles fraîches et se laissa aller en arrière.

Elle avait allumé toutes les bougies qui l’entouraient. Du premier coup, sans effusion de cire. Elle était encore un peu lente à passer d’une chandelle à l’autre, mais les enflammer lui demandait de moins en moins de concentration et de temps. Après presque un mois d’entraînements quotidiens, enfin, elle avait la sensation de commencer à le contrôler. Elle soupira.

Un mois. Cela ferait bientôt un mois qu’Hayalee avait trouvé refuge sur l’île des rebelles ; trente-quatre jours qu’elle avait passés à essayer de maîtriser son brûlant talent. C’était devenu un rituel. Chaque matin et chaque soir, Hayalee venait dans la salle d’entraînement dédiée au feu où elle s’exerçait selon les instructions d’Iltaïr. Ce dernier n’était pas toujours là pour l’encadrer, pris par ses responsabilités au sein de l’Alliance, mais il lui avait fixé des objectifs, des étapes à franchir. La première avait été de réussir à allumer un feu de cheminée sans brûler tout ce qui l’entourait. Ça n’avait pas été une mince affaire. Les traces de brûlure sur le manteau des cheminées jumelles étaient là pour en témoigner et Hayalee ne comptait plus le nombre de vêtements qu’elle avait troués dans l’entreprise.

Quand elle avait finalement été capable d’embraser les bûches contenues dans l’âtre sans aucun dommage collatéral, loin de viser plus grand, Iltaïr lui avait demandé de se concentrer sur de plus petites cibles – en l’occurrence, des bougies. D’après lui, la priorité n’était pas à la recherche de puissance, mais au contraire à la retenue.

— Pour l’instant, tu utilises le feu comme un enfant viderait un encrier sur une toile, avait-il déclaré. C’est redoutable, mais brutal et grossier : dangereux pour les gens qui t’entourent. Ce que j’aimerais, c’est que tu atteignes une maîtrise assez fine pour me transformer ce gribouillage en écriture. Fais-moi une belle calligraphie avec ces flammes.

Se concentrer sur une surface de la taille d’une tête d’épingle et doser sa force s’était révélé plus ardu que d’allumer un simple feu de cheminée. Trop de chaleur et la chandelle se transformait en flaque de cire, pas assez et la mèche échouait à s’enflammer. Quand Hayalee ne tapait pas tout simplement à côté. La frustration avait été si grande, un après-midi, qu’elle avait fait fondre absolument toutes les bougies de la salle dans un accès de fureur. Toutes, simultanément, en une seconde : elle l’aurait voulu qu’elle n’y serait pas arrivée. L’homme qui venait chaque soir nettoyer et réapprovisionner la salle en chandelles et en bois en était devenu livide.

Cette époque était révolue. Hayalee allumait bougies et lampes à tour de bras désormais, et elle en éprouvait une certaine délectation. Maintenant qu’elle savait se contrôler, elle appréhendait ses capacités sous un jour nouveau. L’idée d’être une Descendante continuait à lui donner des sueurs froides – pour cause, c’était la source de tous ses problèmes – et en même temps… ça avait quelque chose de grisant. Elle ne se lassait pas de jouer avec le Feu.

Tendant le bras, Hayalee s’empara d’une bougie qu’elle posa en équilibre sur sa paume. Elle se concentra pour faire grimper la chaleur au creux de sa main et la cire fondit entre ses doigts comme une plaque de beurre dans une poêle, dégoulinant sur les dalles.

Elle avait fait la démonstration de ses progrès à Iltaïr la veille. Osant aller plus loin que ce qu’il lui avait demandé, elle avait déniché une large toile de parchemin qu’elle avait étalée sur le sol. Sous son regard amusé, elle avait alors fait courir le feu à la surface du papier, traçant un sourire sous deux yeux. Iltaïr avait ri de bon cœur. D’accord, ce n’était pas de la calligraphie, mais c’était un bon début et l’exercice s’était révélé instructif. Hayalee avait découvert qu’elle n’était pas seulement capable de faire naître des flammes : elle pouvait aussi diriger le feu à sa guise.

Après ce coup d’éclat, elle avait pensé qu’Iltaïr lui lancerait un nouveau défi, mais… rien. Rien de très excitant, du moins. Il l’avait encouragée à continuer de s’entraîner à allumer les bougies en essayant d’être la plus rapide possible. De continuer jusqu’à ce qu’utiliser le Feu lui soit aussi facile et naturel que de lever le bras. Le regard fixé sur la flamme qui n’allait pas tarder à se noyer dans sa cire, Hayalee fit la moue. Peut-être qu’Iltaïr n’avait plus rien à lui apprendre. Elle avait la force de déclencher des incendies et assez de maîtrise pour embraser une simple mèche… que demander de plus ? Il était peut-être temps qu’elle commence à réfléchir à un moyen de retrouver sa famille. La mèche se coucha dans la cire fondue et la flamme s’éteignit d’un coup tandis que l’appréhension rampait dans les entrailles d’Hayalee.

Elle n’était toujours pas certaine de la marche à suivre. Elle ne pouvait pas simplement retourner à Karakha et reprendre sa vie avec ses grands-parents et sa sœur, les soldats l’exécuteraient. Ils surveillaient sa famille de près, d’après ce que leur avaient rapporté les espions de l’Alliance. Heureusement, aucun d’eux n’avait été arrêté. Un poids énorme avait quitté les épaules d’Hayalee quand Iltaïr le lui avait annoncé. Elle en avait pleuré de soulagement. À présent, la priorité était de leur faire savoir qu’elle était en sécurité. Quant à les retrouver… Hayalee pesait encore les pour et les contres des options qui s’offraient à elle.

Il fallait qu’elle décide du « où » « quand » et « comment » être réunis avec sa famille ; qu’elle décide si elle faisait assez confiance aux rebelles pour leur demander de l’aide, également, ou si elle préférait faire cavalier seul. L’enjeu était grave, mieux valait qu’elle y réfléchisse à deux fois avant d’agir. Quitte à rester ici plus longtemps qu’elle ne l’avait envisagé.

Son statut de fugitive avait beau lui laisser un goût amer sur la langue, Hayalee devait admettre que la vie sur l’île n’était pas si désagréable. Les premiers jours avaient été difficiles, bien sûr. Malgré l’accueil chaleureux des rebelles, elle s’était sentie plus seule et déracinée que jamais. Chaque soir, lorsqu’elle allait se coucher dans la chambre qu’on lui avait attribuée, elle avait cette boule au creux du ventre et le furieux sentiment de ne pas être à sa place. Il fallait attendre le petit matin pour que les idées noires s’estompent et qu’elle retrouve un peu de courage. Depuis quelques jours, les accès de déprime n’étaient plus aussi récurrents. Hayalee ne se perdait presque plus dans les couloirs du souterrain, elle reconnaissait les gens, elle avait trouvé des lieux où elle aimait passer du temps… Elle ne considérait toujours pas cet endroit comme chez elle – elle ne voulait pas le considérer comme chez elle – mais elle ne s’y sentait plus aussi mal à l’aise qu’au début. Elle avait pris ses marques.

Saru y était pour beaucoup.

Hayalee jeta un coup d’œil dépité en direction de la porte. Il avait dit qu’il la rejoindrait, d’ailleurs, et toujours aucun signe de lui. Elle renversa sa main pour laisser la cire qui y refroidissait couler sur le sol.

Ils passaient le plus clair de leur temps ensemble. Non pas que Saru ait eu le choix : Iltaïr lui avait expressément demandé de servir de guide à Hayalee, de rester avec elle le temps qu’elle s’acclimate. Probablement qu’il avait aussi chargé le garçon de la surveiller. Saru avait d’abord montré peu de cœur à l’ouvrage. Il lui avait fait visiter les souterrains – la Taverne, l’infirmerie, l’armurerie, les salles d’entraînement – l’avait conduite à travers les rues de Ryilni – lui montrant l’école, l’hôpital, la bibliothèque, l’église ou encore le port ; le tout sans jamais se départir de sa mine boudeuse et de ses sarcasmes. Et puis, peu à peu, la corvée avait semblé moins pénible. Il s’était mis à proposer de lui-même des endroits où l’emmener : il lui avait fait grimper les étages de la volière pour nourrir les aigles, l’avait entraînée dans les écuries caresser les chevaux, l’avait poussée tout habillée dans une source d’eau chaude… Même après qu’il lui eut montré l’île d’un bout à l’autre, ils avaient continué à se donner rendez-vous.

Ils avaient pris l’habitude de se retrouver le matin pour manger ensemble, puis ils prenaient la direction de la salle d’entraînement où Hayalee pratiquait ses exercices quotidiens sous l’œil moqueur de Saru. Il ne ratait pas une occasion de tourner ses échecs en dérision. Lorsqu’Hayalee avait épuisé son stock de bois, ses forces ou sa motivation, elle lâchait l’affaire et ils s’en allaient vadrouiller. Ils déambulaient dans les rues de Ryilni ou marchaient le long de la plage, dérobaient des pommes en cuisine pour Gaya et partaient se réfugier dans la forêt. Assis sous les feuillus ou les pieds dans les vagues, elle lui posait alors mille questions : sur l'île et ses habitants, sur l'Alliance et les Descendants.

Hayalee ne savait plus dans quelle mesure Saru supportait sa compagnie parce qu’il en avait reçu l’ordre ou parce qu’il le voulait bien. Le garçon pouvait se montrer aussi drôle et gentil qu’amer et silencieux, changeant d’humeur comme de chaussettes. Tous les deux ou trois jours, il lui arrivait de déroger à leur routine et de ne pas se montrer ou peu. Hayalee ne l’en blâmait pas. Elle avait vite cerné sa nature solitaire, et même si passer du temps avec lui se révélait agréable, elle aussi éprouvait parfois le besoin d’être seule. De toute façon, elle n’était pas ici pour se faire des amis : les gens qu’elle aimait étaient à Karakha où ils priaient certainement pour obtenir de ses nouvelles.

Mais aujourd’hui, Hayalee n’avait pas envie de rester seule. Elle avait besoin de partager ses doutes et sa frustration : pourquoi Iltaïr ne l’avait-il pas fait passer à l’étape suivante ? Qu’attendait-il d’elle ? Elle en était là de ses réflexions quand quelqu’un frappa à la porte.

Hayalee tourna la tête, espérant voir débarquer Saru. Mais Saru se donnait rarement la peine de frapper quand il la rejoignait ici, encore moins d’attendre son autorisation pour entrer. Hayalee se frotta la main pour finir de se débarrasser des restes de cire et se campa sur ses jambes.

— Entrez ! lança-t-elle.

Le battant pivota et un jeune homme passa la tête par l’embrasure.

— Euh, excusez-moi… Mademoiselle Hayalee… ?

— Oui, répondit celle-ci en amorçant quelques pas dans sa direction.

Il s’invita pleinement à l’intérieur et Hayalee réalisa qu’elle l’avait déjà rencontré. Grand et mince, les cheveux coupés courts et les yeux légèrement désaxés derrière de grandes lunettes, elle le reconnut surtout grâce au tablier qu’il portait. Si ses souvenirs étaient bons, il travaillait pour la section scientifique.

Hayalee avait été surprise de découvrir que l'Alliance employait des savants. Certains s'efforçaient d'accomplir des progrès techniques pour améliorer différents domaines de la vie courante, d'autres s'attelaient à percer les mystères des Descendants. Hayalee avait eu l'occasion d'aller faire un tour dans leur laboratoire où elle avait fait la démonstration de son don à un groupe de scientifiques enthousiastes qui l'avaient noyée de questions. Saru lui avait présenté le jeune homme à lunettes, mais son nom lui échappait. Il eut la prévenance de le lui rappeler :

— Vous ne vous souvenez peut-être pas de moi… Je m’appelle Taka, euh… de la section scientifique.

Hayalee hocha la tête et sourit poliment.

— Pardon de vous déranger en plein exercice, ajouta-t-il.

Il se promenait avec un carnet, qu’il tenait serré contre lui. Son regard dériva du côté des chandelles qu’Hayalee avait allumées. Loin de paraître intimidé ou embarrassé, il sembla lutter contre une furieuse envie d’aller examiner ça de plus près.

— Il y a un problème ? s’inquiéta-t-elle.

— Oh, euh, non non, absolument pas ! Enfin, je ne sais pas, fit-il en s'empourprant. C'est le commandant Iltaïr qui vous demande.

Les questions se bousculèrent aussitôt dans l’esprit d’Hayalee. Iltaïr voulait la voir… était-ce en rapport avec son entraînement ? Ou avec sa famille ? Peut-être leur était-il arrivé quelque chose ? Ou peut-être voulait-il simplement savoir ce qu’Hayalee projetait de faire maintenant qu’elle savait utiliser le Feu ? Son cœur s’emballa.

— Vous… vous voulez que je vous conduise jusqu’à son bureau ? proposa Taka devant son hésitation.

Hayalee accepta de bonne grâce. Elle n’avait mis les pieds dans le bureau d’Iltaïr qu’une fois, il y avait peu de chance qu’elle retrouve le chemin seule.

Les joues encore un peu rouges, le jeune homme resta d’abord planté sur place avant de réaliser que c’était à lui d’ouvrir la voie. Il pivota en réajustant ses lunettes et Hayalee lui emboîta le pas. Cette dernière était si préoccupée par ce qu’Iltaïr pouvait lui vouloir qu’elle quitta la pièce sans se soucier d’éteindre la petite centaine de bougies qu’elle avait allumées.

— Je crois que je ne m'y ferai jamais, avoua-t-elle tandis qu’ils s’engageaient dans les couloirs.

— Quoi donc ?

— Iltaïr : commandant. Ça sonne un peu comme dans une armée.

— Oh ? fit le jeune homme. C'est vrai que l'organisation de l'Alliance peut rappeler une armée, mais c'est loin d'être aussi hiérarchisé. En dehors des commandants et des commandants en second, tout le monde est sur un pied d'égalité.

— Et Iltaïr commande la section des Descendants, c'est ça ?

— Tout à fait ! confirma-t-il, ravi de pouvoir répondre aux questions d'Hayalee. La section 01 – celle des Descendants. Mais elle est un peu particulière. C'est la seule section dont les membres ne soient pas définis par leur rôle au sein de l'organisation, mais par leur statut.

Constatant à sa mine perplexe qu'Hayalee ne saisissait pas bien où il voulait en venir, il se racla la gorge et expliqua :

— Les membres de la section 01 sont tous des Descendants qui ont décidé de mettre leurs dons au service de l'Alliance, comme Monsieur Saru, voyez-vous ?

« Monsieur Saru »… Hayalee se jura de l’appeler comme ça à la première occasion.

— Mais les tâches auxquelles ils sont assignés dépendent grandement de ce dont ils sont capables, poursuivit Taka, tout en lui faisant signe de tourner à gauche. Certains sont envoyés en mission à l'extérieur, mais d'autres nous sont plus utiles ici, euh, par exemple pour aider dans les communications ou la protection de l'île. Tout dépend de leur talent !

— Je vois.

Hayalee s'imagina un instant travaillant pour les rebelles et elle se demanda à quoi elle pourrait bien être utile. Faire cuire les repas ? Allumer les cheminées et les lampes des souterrains ? Gérer l'éclairage public ? Pas vraiment le rêve de sa vie, mais ce serait toujours mieux que de manger à l'œil. Maintenant qu’elle y songeait, Hayalee en venait à se dire qu’elle profitait peut-être un peu trop de l’hospitalité des rebelles. Et si c’était pour cela qu'Iltaïr souhaitait la voir ?

Ils débouchèrent dans un hall et s'arrêtèrent devant une porte en bois vernis. Le jeune homme frappa quelques coups timides et attendit qu'on les invite à entrer avant de s'exécuter.

La dernière et unique fois où Hayalee avait visité le bureau d’Iltaïr, c’était pour répondre à certaines questions concernant sa famille. Iltaïr avait voulu qu’elle dresse la liste de tous les parents dont elle avait la connaissance : oncles, tantes, cousins, arrière-grands-parents… pleins de gens décédés ou qui vivaient si loin qu’elle ne les avait jamais rencontrés. L’Alliance s’efforçait de retracer les arbres généalogiques des Descendants, lui avait expliqué Iltaïr. Hayalee ne s’en était pas formalisée et lui avait confié le peu qu’elle savait sur tous ces parents éloignés. Tous ceux du côté de sa mère, du moins. L’entretien avait pris une tournure très désagréable au moment où Iltaïr s’était penché sur son père.

Hayalee ne savait toujours pas si c’était le sujet en lui-même qui l’avait tant énervée ou le fait de n’avoir rien eu à en dire. Toujours était-il qu’elle avait fait éclater une lampe à huile. Après ça, Iltaïr avait eu la sagesse de ne pas insister. Hayalee espérait qu’il ne la fasse pas venir pour une deuxième tentative.

En dehors de cette pauvre lampe, le décor n’avait pas changé.

C'était un fouillis sans nom ; une ombre de grenier dans lequel on aurait accumulé les souvenirs de plusieurs vies. Les rayonnages des bibliothèques ployaient sous le poids des ouvrages et des bibelots, les malles et la penderie débordaient de vêtements et tous les tables, guéridons, chaises, fauteuils que pouvait compter la pièce étaient à peine discernables sous les amoncellements de parchemins, les outils et les casse-têtes, les instruments de musique et les œuvres d’art. Tout ce qui n’avait pas trouvé sa place sur un meuble s’empilait à même le sol, dans un équilibre parfois précaire. Des colonnes de livres avaient poussé çà et là ; un éboulis de chaussures empêchait d’ouvrir la porte en grand ; le coin cheminée avait été colonisé par les ustensiles de cuisine – récipients, services à thé, mortiers, bocaux, herbes et plantes séchées. Il y en avait jusqu’au plafond, accroché aux poutres qui soutenaient la mezzanine au-dessus du bureau. C’était à ne plus savoir où mettre les pieds et poser les yeux. Certains objets étaient si vieux ou si exotiques qu’Hayalee n’arrivait même pas à identifier leur fonction. Sans parler des armes.

Épées, dagues, haches, arcs, arbalètes, faucilles... il en traînait un peu partout, posé dans les angles, abandonnés sur les meubles ou exposés aux murs. On ne les remarquait pas toujours au premier coup d’œil, comme le carquois suspendu au dossier d’un fauteuil et qui contenait autant de flèches que de rouleaux de parchemin ; ou encore le bouquet de couteaux enfilé dans une vieille botte. Mais ce qu’Hayalee préférait dans le genre insolite, c’était la lance posée en travers de deux piles de livres et sur laquelle séchaient des chaussettes. Iltaïr avait beau collectionner une large variété d’armes, il n’avait pas l’air de leur accorder une grande valeur. Exception faite de la mystérieuse épée qu’il gardait à portée de main. L’étui était très abîmé, fendu et éclaté par endroits, et l’étoffe qui enveloppait le manche tombait en lambeau, mais Hayalee avait rarement vu le commandant se promener sans elle. Elle ne l’avait jamais vue dégainée non plus.

Assis derrière son bureau, noyé au milieu du fourbi, Iltaïr releva le nez du document qu'il consultait et ses yeux se plissèrent dans un sourire bienveillant.

— Hayalee, salua-t-il. Merci de me l’avoir amenée, Takanitines !

— Je… je vous en prie commandant, bafouilla le jeune homme. C’est toujours un plaisir de vous rendre service !

Iltaïr parut attendre autre chose, mais Taka resta planté là comme une grande asperge. Le commandant prit les devants :

— Ce sont les comptes rendus ? demanda-t-il en désignant le carnet que Taka serrait contre sa poitrine à la manière d’un trésor.

— Oh ! Oui !

Il accourut, manqua de renverser une pile de livres sur son passage et remit le carnet à Iltaïr

— Je te remercie.

— S’il y a quoi que ce soit d’autre que je puisse faire, dit le jeune homme, le sourire extatique.

Son excès de zèle tira une moue amusée à Iltaïr.

— Ça ira. Je m’en voudrais de te détourner davantage de ton travail.

— Très bien. Dans… dans ce cas…

Taka traversa le bureau en sens inverse, les salua d’un hochement de tête guindé, puis pivota pour se retirer, si vite qu'il se prit la tranche de la porte en pleine figure. Son visage vira au cramoisi et il se répandit longuement en excuses avant de parvenir enfin à quitter le bureau.

— Je t’en prie, assieds-toi, fit Iltaïr après que Taka eut refermé la porte derrière lui.

Hayalee traversa la pièce, se faufilant entre les tours de livres en veillant à ne rien renverser sur son passage. Le bureau d’Iltaïr faisait face à une chaise branlante ainsi qu’à un antique fauteuil. Un tas de parchemins ayant élu domicile sur la chaise, Hayalee allait s’installer dans le fauteuil quand elle s’aperçut qu’il était occupé.

Saru était là, affalé au fond du siège, les mains dans les poches et les pieds négligemment posés sur un tambour renversé. Leurs regards se croisèrent et, passé la surprise de le découvrir ici, Hayalee fronça les sourcils. Si Iltaïr les avait convoqués tous les deux, ça ne devait pas être pour parler de sa famille. Saru haussa les épaules, signe qu'il n'en savait pas plus qu'elle sur la question. Leur dernière rafle en cuisine avait peut-être été remarquée ?

— Tu peux tout mettre par terre, dit Iltaïr en désignant la pile de papiers qui envahissaient la chaise.

Encouragée par le sourire du commandant, Hayalee souleva les parchemins et les posa avec précaution au pied du bureau. La chaise émit un grincement inquiétant lorsqu’elle s’assit dessus.

— Pardon, je n’ai pas encore eu le temps de mettre de l’ordre dans tout ça.

— Pas eu le temps ? répéta Saru avec une incrédulité teintée d’ironie. Ça fait quoi, trois cents ans que ça traîne là ?

Quel que soit le degré d’insolence ou de sarcasme dont Saru pouvait faire preuve, Hayalee était toujours étonnée de constater qu’Iltaïr ne prenait jamais la mouche. Il se contentait d’afficher un sourire indulgent, parfois nuancé d’un coup d’œil appuyé.

— Hum… si j’ai bonne mémoire, ta chambre n’a rien à envier à mon bureau.

— P’têt, mais y a pas de rapports top-secret dans ma chambre, rétorqua Saru.

— Il n’y en avait pas sur cette chaise non plus, renvoya Iltaïr. Enfin, pas que je sache.

Saru roula des yeux.

— Bon alors ? s’impatienta-t-il. Pourquoi tu nous as fait venir ? Y se passe quoi à la fin ?

Iltaïr soupira, croisa les mains devant lui et considéra Saru et sa mauvaise humeur avec une patience infinie.

— Il se passe que j'ai une mission à te confier.

Saru cilla, d’abord pris de court, puis fronça le nez.

— Une mission… dans le genre, emmener Hayalee s’acheter une nouvelle paire de chaussettes ?

Hayalee le foudroya du regard et Iltaïr réprima un rire.

— Pas exactement, dit-il. J’avais plutôt en tête de t’envoyer dans l’archipel de Mas, non pas pour rapporter des chaussettes, mais des documents. Il s’agit d’un couple de savants qui…

Les pieds de Saru glissèrent du tambour et il se redressa en catastrophe.

— Attends attends, coupa-t-il, agrippé à l’accoudoir. Tu veux que j'aille à Mas ?

Sa surprise sembla beaucoup amuser Iltaïr.

— Seulement si tu es partant.

— Mais… sous la tutelle de qui ?

— Personne. Puisque tu estimes être apte à te débrouiller sans chaperon, je suis prêt à te laisser faire tes preuves.

Pendant un long moment, Saru n'eut pas l'air d'en croire ses oreilles. Un sourire comme Hayalee ne lui en avait jamais connu se dessina sur ses lèvres et elle le crut à deux doigts de sauter au cou d'Iltaïr pour l'embrasser. Sa joie ne dura qu'une poignée de secondes.

— Tu me laisserais vraiment partir en mission aussi loin, tout seul ? lâcha-t-il, rattrapé par la méfiance.

— Seul, non. À vrai dire, je me demandais si Hayalee aimerait t'accompagner.

Ils furent deux à dévisager Iltaïr sans savoir s'il plaisantait. Apparemment, non.

Saru regarda Hayalee, Hayalee regarda Saru. Elle crut qu’il allait protester, clamer qu’il n’avait pas besoin d’elle, qu’elle ne ferait que le gêner. Au lieu de quoi, il haussa les épaules et s’affala dans le fauteuil.

— Qu'en dis-tu ? fit Iltaïr en se tournant vers Hayalee.

— Euh...

C'était trop soudain pour qu'elle sache quoi répondre. Était-il vraiment en train de lui proposer d'accompagner Saru en mission pour l'Alliance ? À Mas ?

— Ne te sens pas obligée d'accepter. Je ne te mentirai pas : bien que le travail en lui-même ne soit, à priori, pas dangereux, ça n’est pas sans risque. Le voyage jusqu’à Mas est long et éprouvant, et même si nos marins ont l’habitude de se rendre dans l’archipel, il y a une centaine de choses qui peuvent mal tourner sur l’océan. Et une centaine d’autres une fois que vous aurez mis le pied à terre. Ayez bien conscience de cela – tous les deux – avant de prendre une décision.

Hayalee se mordilla la lèvre.

L'archipel de Mas... S'il y avait un pays qu'elle avait toujours rêvé de visiter, c'était celui-là. Mas était une terre riche, pleine d'exotisme et de promesses ; les Psamiens avaient découvert et colonisé l'archipel deux cent et quelques années de ça, puis avaient rendu son indépendance au pays après une période de conflits houleux. Depuis, Mas était devenu le meilleur ami de Psamias et les bénéfices du commerce avec l'archipel se faisaient sentir jusqu'à Karakha. Nombre de Psamiens continuaient à partir pour les îles en quête de réussite. Mais le voyage coûtait cher, et Hayalee n'aurait jamais imaginé avoir un jour l'opportunité de s'y rendre.

— En ce qui me concerne, j’ai déjà signé, dit Saru. Les risques, je les connais. Tant que tu m’envoies pas là-bas pour rester enfermé dans une énième planque pendant que d’autres font le boulot, ça marche pour moi.

Son absence d’hésitation ne sembla pas surprendre le commandant outre mesure. Pas plus que les doutes d’Hayalee.

— Je ne suis pas en train de te demander de rejoindre nos rangs, lui dit-il, mettant très justement le doigt sur ce qui la turlupinait. Sache que tout ceci ne t’engagera à rien. Seulement… je pense que l’expérience pourrait t’être bénéfique.

Qu’entendait-il par là ? Hayalee se trémoussa sur sa chaise. Elle avait la nette impression que cette requête n’était pas aussi innocente qu’elle y paraissait. Et s’il s’agissait d’une sorte de test ? Hayalee avait fanfaronné l’autre jour, déclarant qu’elle savait enfin contrôler ses pouvoirs… Iltaïr la poussait-il hors de l’île pour voir comment elle se débrouillerait dans le monde extérieur ? Ou peut-être pressentait-il qu’elle envisageait de leur tourner le dos pour retrouver sa famille et qu’il essayait de l’en détourner ? De la dissuader ? L’effrayer ?

— Si tu as besoin de plus de temps…

— C’est d’accord, coupa-t-elle. Si vous pensez que je peux le faire, alors je veux bien le faire.

Le commandant plissa les yeux et la jaugea comme s’il s’efforçait de décoder ses véritables intentions :

— Tu en es sûre ?

Elle ne l’était pas, non. Prendre davantage de risques et perdre du temps en allant à l’autre bout du monde pour une affaire qui ne la concernait pas était peut-être la dernière chose à faire dans sa situation. Mais plus elle y réfléchissait, plus elle avait envie de se lancer dans cette expédition. Qu’Iltaïr le lui propose avec ou sans arrière-pensées, Hayalee avait besoin de se prouver qu’elle pouvait s’en sortir loin du cadre sécurisé de l’île. Retourner à Karakha pour retrouver sa famille serait autrement plus dangereux que de monter sur un bateau pour aller récupérer quelques papiers. Si elle n’était pas capable de ça, autant se trouver une bicoque à Ryilni, s’inscrire dans leur petite académie et se terrer là jusqu’à la fin de ses jours.

— Sûre, fit-elle, s’efforçant de paraître aussi convaincue que convaincante.

Et puis Hayalee avait une dette envers les rebelles, en plus du désir insidieux de faire payer le gouvernement de Psamias pour ses mensonges et ses crimes. Aider l'Alliance, leur pire ennemi, serait une douce vengeance.

— Très bien, souffla Iltaïr, dans ce cas… Puisque tout le monde est d'accord, entrons dans le vif du sujet. Comme je le disais, il s'agit d'un couple de savants. Ils vivent sur une petite île, au nord-ouest de l'archipel de Mas. Ces gens sont nos alliés depuis plusieurs générations et ils mènent d'importantes recherches sur les Descendants dans le but de comprendre comment fonctionnent leurs pouvoirs. Ils nous ont contactés il y a peu pour nous annoncer qu'ils étaient prêts à nous faire parvenir les résultats de leurs dernières études et il faut que quelqu'un aille les récupérer.

— Peuvent pas coller tout ça sur un piaf et nous l’envoyer ? demanda Saru.

— Ce sont des documents importants, Saru. On ne peut pas risquer qu’ils soient perdus ou interceptés. Sans parler des joyaux et des comptes rendus.

Iltaïr partit à l'assaut de ses tiroirs, avant de fourrager au milieu du bazar qui s’étalait sur son bureau. Il finit par trouver ce qu’il cherchait, suspendu à la pointe d’une hache : une bourse pleine de joyaux. Il la déposa sur le carnet apporté par Taka.

— Il faut aussi leur donner les derniers financements que nous leur avons promis, dit-il. C’est une somme trop conséquente pour être confiée à un « piaf ». Plus important encore, ce livre contient des rapports détaillés sur les pouvoirs des Descendants de l’Alliance, toutes les nouvelles observations que nos savants ont pu faire au cours des derniers mois. Des informations extrêmement sensibles, il va s’en dire.

— Si je résume, dit Saru, on doit aller à Mas, échanger un tas de papiers contre un autre, payer Monsieur et Madame Savants Fous et revenir ? Ça a l'air simple. Assez ennuyeux même, t'aurais rien d'un peu plus... ?

Iltaïr posa sur lui un regard lourd de sous-entendus.

— Sinon c'est bien aussi, comme mission.

— Ravi de te l'entendre dire.

Il roula le parchemin devant lui et le tendit à Saru :

— Vous trouverez toutes les informations dont vous avez besoin là-dedans – nom, adresse, contact. Inutile de préciser que tous ces documents sont, comme tu le dis, « top-secret », en d’autres termes…

— Je les laisse pas traîner sur une chaise, vu.

L’allusion fit sourire Iltaïr.

— Le bateau en partance pour l'archipel met les voiles demain, à l'aube. Je vous signerai une autorisation d’embarquer. Saru, il te reste des joyaux ?

— Ouaip.

— Parfait.

Prenant son air le plus sérieux, le commandant ajouta :

— Sachez que le gouvernement de Mas est l'allié de Psamias. Le sort qu'ils réservent aux Descendants là-bas n'est pas plus enviable et l'Alliance n'y est pas la bienvenue. Faites donc preuve d'une extrême prudence. Les Mil'Sina vivent sur une petite île de pêcheurs et vous ne devriez pas y rencontrer de représentants des forces de l'ordre, mais gardez bien à l’esprit que ce ne sont pas des amis.

— Noté. On n’ira pas leur demander la route.

Iltaïr acheva de leur donner quelques précieuses recommandations sur quoi dire et faire en cas de problème, qui contacter au besoin. Lorsqu’il eut fini, Saru se leva et Hayalee allait l’imiter, mais le commandant la coupa dans son élan :

— Si cela ne t’ennuie pas, j’ai encore deux trois choses à voir avec toi, Hayalee.

— Ah. Très bien.

Hayalee se rassit. Ravalant son évidente curiosité, Saru consentit à quitter la pièce.

— Je t’attends dehors, lança-t-il avant de refermer le battant derrière lui.

La porte claqua et Hayalee se retrouva seule à seul avec Iltaïr. Elle se tendit sur sa chaise, un brin inquiète.

— Je vais avoir besoin d’un nom, dit-il.

— Un… nom ?

— Saru t’en aura peut-être parlé, mais tous les membres de l’Alliance portent un matricule.

Il plongea la main dans le col de ses vêtements et en extirpa une chaîne, sur laquelle se balançaient deux petites plaques de métal ternies par le temps. De là où elle était, Hayalee ne discernait pas ce qui y était gravé, mais elle devina qu’il s’agissait d’un nom et d’une suite de chiffres – elle avait vu le même genre de collier au cou de Saru.

— Nous nous en servons comme d’un moyen de reconnaissance, et un laissez-passer. Bien que ce ne soit que le temps d’une mission, il serait bien que tu en aies un toi aussi. Cela permettra à nos alliés de savoir que tu travailles pour nous et ils t'aideront au besoin, même s'ils ne te connaissent pas.

Hayalee acquiesça en signe d’assentiment.

— Il va falloir que tu me dises quel nom tu souhaites utiliser, insista Iltaïr. Certains de nos membres – ceux qui ne sont pas encore fichés par les autorités – choisissent un faux nom pour ne pas se compromettre, mais dans ton cas, ce n’est pas vraiment utile. Tu peux utiliser le nom qu’il te plaira.

Une boule se forma dans l’estomac d’Hayalee. Suivant l’exemple de sa sœur, elle n’avait jamais utilisé que le nom de leur mère, celui de leurs grands-parents : Draïs. Elle se présentait rarement par son nom complet – matronyme et patronyme. Peu de Psamiens le faisaient, c’était vieux jeu et long. Mais s’il fallait choisir maintenant – après tout ce qui s’était passé, après tout ce qu’elle avait vu, entendu et découvert – alors…

— Taorenn, dit-elle.

Il y eut un long silence, un silence durant lequel Hayalee elle-même ne fut plus très sûre de ce qui lui passait par la tête. Pourtant, elle s’éclaircit la voix et persista :

— Prenez Taorenn.

Si Iltaïr fut surpris de la voir choisir le nom de son père, lui qui avait constaté l’animosité qu’elle lui portait, il n’en laissa rien paraître. Ses prunelles noires fixées sur Hayalee, il ne laissa absolument rien paraître du tout, d’ailleurs. Elle ne savait pas ce qu’il s’imaginait et ça lui était bien égal. En prenant le temps d’y réfléchir, elle ne voulait pas associer le nom de ses grands-parents à des actes illégaux. Hayalee Draïs avait beau être d’ores et déjà connue des autorités de Psamias, elle n’avait pas le cœur à utiliser ce nom-là ici, dans ce contexte, alors qu’elle s’apprêtait à rendre service à des hors-la-loi.

— Bien, dit simplement Iltaïr. Je vais te faire graver ça. Tu n’auras qu’à me le rendre à votre retour.

Elle acquiesça. Le commandant se laissa aller au fond de son fauteuil.

— Va, Saru et toi devez vous préparer.

Le remerciant, elle se leva et quitta le bureau. Elle sentit le poids de son regard peser sur elle-même après avoir refermé la porte. Décidément, Iltaïr était un homme bien étrange… Et beaucoup trop perspicace.

Hayalee et Saru passèrent le reste de la journée à se préparer. Ils dressèrent ensemble la liste de ce qu’il leur faudrait emmener, puis allèrent faire un tour aux ressources. Hayalee se vit offrir un sac ainsi qu’une épaisse cape de voyage.

Saru s'efforçait de ne pas le montrer, mais il était évident que partir en mission sans adulte sur le dos était une chose qu'il attendait depuis longtemps. Malgré les doutes et la pression qu’elle s’était mise sur les épaules, Hayalee se surprit à bouillonner d'impatience elle aussi. Elle se retrouva plongée dans le même état qu’à son arrivée sur l’île, oscillant entre peur et excitation.

Ils se quittèrent après le dîner pour se coucher de bonne heure, mais Hayalee savait qu’elle n’était pas près de trouver le sommeil. De retour dans sa chambre, elle se laissa tomber dans sa chaise et tira son tout nouveau sac à elle pour passer encore une fois son contenu en revue. Elle allait tout étaler sur le bureau lorsqu’elle remarqua le petit paquet qui y était posé. Elle se figea, puis s’en empara d’un geste fébrile. Elle comprit de quoi il retournait avant d’avoir fini de déplier le tissu.

Hayalee garda longtemps le regard fixé sur les deux plaques de métal au creux de sa main. La lueur que projetait sa lampe de chevet dansait à leur surface, soulignant le nom et le numéro fraîchement gravés sur chacune d’elles :

« Hayalee Taorenn

012366 »

Elle faisait peut-être une très grosse bêtise. Cette pensée eut beau la traverser, la détermination qu’elle ressentait resta inchangée. Demain, elle mettrait cette chaîne à son cou et embarquerait à bord d’un bateau qui l’emmènerait à l’autre bout du monde. Elle ne serait plus Hayalee Draïs, mais Hayalee Taorenn, et elle partait pour son premier voyage.

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