1 - Un peu de compagnie sous la douche

La bestiole guettait dans l’ombre. Elle attendait son heure en grognant d’impatience. Encore un peu et ils seraient là. Encore un peu. Encore…

Là, sa cible venait d’entrer.

Elle se faufila en silence, évita les obstacles. Elle approchait, elle n’était plus qu’à quelques centimètres.

Elle bondit sur sa proie, entendit un hurlement.

Puis, ce fut le silence.

×

Ian sentait son cœur essayer de lui sortir de la poitrine.

— C’était magnifique, ce cri, commenta Max en s’asseyant sur un sofa.

Il s’effondra à côté d’elle, baissa les yeux sur le nipode qui lui avait bondi dessus et qui ronronnait à présent enroulé autour de son bras. Il secoua un peu la main, mais rien à faire ; le gros mille-pattes s’accrocha encore plus sûrement de toutes ses griffes.

— Tu lui as manqué, c’est tout.

Il se tourna vers Max, vit son sourire moqueur où perçait une pointe de tendresse. Le nipode, lui, ne bougeait plus. On n’entendait que son ronronnement.

Ian inspira encore quelques fois pour calmer son palpitant. Venir chez Max, c’était s’exposer à tout un tas de bestioles plus ou moins violentes. Et si elle, ils la connaissaient, lui, elles pouvaient décider de le croquer quand elle aurait le dos tourné.

— Regarde comme il est heureux.

Ce nipode avait décidé d’adopter Ian pendant une de leurs dernières missions. Et c’était très bizarre d’avoir une bestiole qui ne tentait pas de vous dévorer et qui montrait… ouais, ça ressemblait à de la tendresse.

Il le gratta distraitement derrière ce qui lui tenait lieu d’oreilles.

Ian avait bien essayé de garder le nipode chez lui, mais son proprio n’avait pas été ravi des départs de feu dont le mille-pattes avait été responsable. Ian avait tenté de lui dire que ce n’était pas de sa faute, que c’était un mécanisme d’auto-défense quand il se sentait menacé. Mais rien n’y avait fait et il avait dû mettre le nipode en pension chez Max.

Il se disait que le nipode était sûrement plus heureux ici. Sa maison était un véritable zoo avec beaucoup trop de bestioles et encore plus de dents.

— Prêt ? demanda-t-elle en se levant et en commençant à balancer des trucs dans son sac.

Les trucs étant des bombes au poivre, des tasers et des cordes.

— Je t’expliquerai en chemin, coupa-t-elle en le voyant ouvrir la bouche.

Ian tenta de décrocher le nipode de son bras, il resserra encore plus son étau.

— Bah, tu peux le prendre. Une balade lui fera du bien.

×

La camionnette mit quelques minutes à démarrer, assez pour que Max la traite de tous les noms.

— Faudra la remplacer un jour, commenta Ian.

— Avec quelle thune ? bougonna-t-elle.

— Celle que te doit toujours le zoo. Pour les bestioles qu’on leur a ramenées.

— Ils ont pas de quoi nous payer. Et les bestioles y sont heureuses.

Le tas de ferraille consentit enfin à démarrer. Ian regarda Max ouvrir la boite à gants et en tirer quelque chose de très visqueux. Il se recula aussitôt. Puis, elle balança la chose sur le pare-brise, Ian glapit.

— Qu’est-ce que c’est que ça ?

— Une gépéaisse.

— Pardon ?

Le mollusque tourna ses sept eux vers Ian, l’observa quelques secondes, puis s’en désintéressant complétement.

— Elle m’indique la route à prendre, dit Max avec fierté.

Ian fronça les sourcils, regarda la bestiole dégoulinante, regarda Max.

— Tu te fous de moi ?

— Pas du tout. C’est très utile quand tu connais pas le chemin.

Ian surveilla du coin de l’œil la bestiole du pare-brise comme ils se mettaient en marche. À chaque fois qu’ils arrivaient à une intersection, elle commençait à pouiquer et se déplaçant du côté où elle voulait qu’on tourne. Au bout de quelques minutes, le pare-brise était bon à nettoyer.

— C’est quoi, la mission ? demanda-t-il enfin.

Ça faisait plusieurs années qu’ils bossaient ensemble avec Max ; ils récupéraient les bestioles quand elles décidaient de s’installer là où elles n’auraient pas dû. Puis, ils les relâchaient dans la nature ou au zoo quand elles avaient un intérêt pour les visiteurs. Bon et beaucoup de ces bestioles finissaient dans la maison de Max. Beaucoup trop.

— On va dans un élevage de biglidouches.

— Euh…

Ian essaya de trouver une logique dans ces paroles. Mais non, rien à faire.

— Pourquoi quelqu’un élèverait des biglidouches ?

— Parce que c’est très intelligent et très utile.

— On parle des mêmes biglidouches ?

Max ne prit pas la peine de lui répondre. Ian décida donc de poursuivre.

— Parce que la seule utilité que j’ai vu à une biglidouche, c’est de t’observer sans relâche pendant que t’essaies de prendre une douche. C’est totalement intrusif.

— Dis-toi que pour elle, tu dois aussi paraitre très bizarre.

— Ouais, donc le mieux c’est de ne pas cohabiter.

Max prit un virage un peu serré. La gépéaisse réagit au dernier moment.

— C’est très utile, une biglidouche. T’as tort de partir dans les préjugés, Ian.

— Utile au point d’en faire un élevage ?

— Utile à ce point, oui. Par exemple, quand tu les lâches dans les piscines municipales, elles te rendent les murs nickels.

Ian prit un moment pour réfléchir à cette utilité. Et maintenant que Max en parlait, il dut se rendre à l’évidence que pendant la période où une biglidouche avait habité sa salle de bain, son carrelage n’avait jamais été aussi propre.

— Mettons, dit-il. Ce gars les élève pour les refiler aux piscines municipales.

— Ou en bestioles de compagnie. Certains se sentent parfois très seuls.

— Seuls au point de vouloir d’une bestiole qui t’observe du plafond quand tu te laves ?

— Seuls à ce point. Tout se passait bien dans son élevage jusqu’à il y a quelques jours.

— Les biglidouches ont décidé de l’attaquer ?

— Une biglidouche n’attaque pas. Non, elles ont commencé à disparaitre.

— Disparaitre… Genre, pouf-disparaitre ?

— Genre, quand il les a recomptées, il a vu qu’il lui en manquait cinq. Puis, huit le jour d’après. Et depuis, ça a continué.

Ian baissa un regard pensif au nipode qui s’était endormi enroulé autour de son bras.

— Il paie bien au moins ?

×

Max gara le van devant une maison un peu à l’écart. Ils étaient à la sortie de la ville. On pouvait voir d’ici le grillage électrifié qui empêchait les bestioles plus grosses de rentrer et de venir semer la pagaille dans la population.

Ils descendirent, s’approchèrent de la porte d’entrée, Max frappa.

Tout était calme ici. Si Ian avait été parano, il aurait dit que c’était trop calme.

Max frappa encore et encore.

— On dirait qu’il n’est pas là, commenta Ian, mais un grondement lui répondit soudain de la maison.

Un grondement qui n’avait clairement rien d’humain. Max se tourna vers lui, elle semblait hésiter.

Le choix a été fait !

Choix 1 : On devrait entrer dans la maison. Peut-être qu’il faut aider !

Choix 2 : Faisons le tour par derrière. Quelque chose ne tourne pas rond ici…